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28/11/2022 | FRANCE | N°21/02515

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 28 novembre 2022, 21/02515


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 28 novembre 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02515 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCNN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/05843





APPELANTS



Monsieur [U] [E]

Domicilié [Adresse 2]
>[Localité 6]

né le 02 Juillet 1971 à [Localité 10]



Représenté par Me Anne-sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391



Madame [Y] [M]

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 6...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 28 novembre 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02515 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCNN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/05843

APPELANTS

Monsieur [U] [E]

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 6]

né le 02 Juillet 1971 à [Localité 10]

Représenté par Me Anne-sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391

Madame [Y] [M]

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 6]

née le 31 Octobre 1974 à [Localité 9]

Représentée par Me Anne-sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391

INTIMEES

SAS EDELIS

Ayant son siège social

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]

N° SIRET : 338 434 152

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

S.A.S. IFB FRANCE

Ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

N° SIRET : 429 912 249

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Claire LITAUDON de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 7]

N° SIRET : 542 029 848

Représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport et Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] se sont rapprochés de la société par actions simplifiée IFB France en vue d'un investissement de fonds.

Par acte du 18 février 2010, Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] ont conclu un contrat préliminaire de réservation d'un appartement sur plan de 2 pièces et d'un emplacement de stationnement dans la résidence « les jardins d'Hector II » à [Localité 11] édifiée par la société Akerys Promotion, devenue la société anonyme Edelis, au prix de 153 300 euros, qu'ils ont acquis en l'état futur d'achèvement par acte authentique du 8 novembre 2010, au moyen d'un crédit immobilier de 153 300 euros au taux de 4,35% l'an, consenti par la société anonyme Crédit Foncier de France aux termes d'une offre du 13 septembre 2010 acceptée le 28 septembre suivant.

Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] se sont plaints des conditions financières décevantes au regard de la documentation et de la simulation qui leur avaient été remises au préalable.

Par acte d'huissier de justice en date des 31 mars, 3 et 4 avril 2017, Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] ont fait assigner le promoteur, qui aurait établi l'argumentaire de vente, le conseil en gestion de patrimoine qui l'aurait repris après les avoir démarchés et la banque, qui leur aurait été imposée et qui a finançé le projet dans des termes qu'ils n'auraient pas pu négocier, pour voir engager leur responsabilité et se voir indemniser de leur préjudice matériel dérivant de manquements aux devoirs d'information et de conseil.

* * *

Vu le jugement prononcé le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit:

- Déclare irrecevable l'action de monsieur [U] [E] et de madame [Y] [M] à raison de la prescription, s'agissant des demandes d'indemnisation au titre de l'impossibilité de revente du bien immobilier au montant investi ;

- La déclare recevable pour le surplus ;

- Déboute monsieur [U] [E] et madame [Y] [M] de leurs demandes de dommages-intérêts ;

- Les condamne à payer à la société anonyme Edelis et à la société anonyme Crédit Foncier de France 2 000 euros chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamne in solidum à payer à la société par actions simplifiée IFB France 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamne aux dépens ;

- Autorise maître [J] [O] et maître [H] [W] à recouvrer directement contre eux les frais compris dans les dépens dont elles auraient fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu l 'appel déclaré le 5 février 2021 par , Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M],

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 octobre 2021, par M. [U] [E] et Madame [Y] [M],

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 juillet 2022 par la société Edelis,

Vu les dernières conclusions signifiées le 31 août 2022 par la société IFB France,

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 juillet 2021 par la société Crédit Foncier de France

Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] demandent à la cour de statuer comme suit :

Vu l'article 1382 du code civil dans sa version applicable,

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 5 novembre 2020 sauf en ce qu'il a déclaré l'action recevable pour le surplus ;

En statuant à nouveau :

- Recevoir Monsieur [E] et Madame [M] en leur demandes et les dire bien fondées.

- Dire et juger que les sociétés IFB France et Edelis ont manqué à leur devoir d'information et de conseil.

- Débouter la société Edelis de son appel incident ;

En conséquence,

- Condamner solidairement les sociétés IFB France et Edelis à payer Monsieur [E] et Madame [M] la somme de 13 602,00 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du surcout de l'opération ;

- Condamner solidairement les sociétés Crédit Foncier, IFB France et Edelis à payer Monsieur [E] et Madame [M] la somme de 48 531,00 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'impossibilité de revendre pour le montant investi ;

En tout état de cause,

- Condamner solidairement les sociétés Crédit Foncier, IFB France et Edelis à payer à Monsieur [E] et Madame [M] la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Edelis demande à la cour de statuer comme suit :

Vu l'article 122 du code de procédure civile, les articles 1683 et 2224 du code civil, les articles 1202, 1338 et 1382 du code civil dans leur version applicable,

- Déclarer recevables et bien fondées les demandes, fins et conclusions d'Edelis ;

A titre principal,

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Monsieur [E] et Madame [M] sur le fondement de la prescription s'agissant des demandes formulées au titre de l'impossibilité de revente du bien immobilier,

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Monsieur [E] et Madame [M] pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

- Déclarer irrecevable l'action de Monsieur [E] et Madame [M] s'agissant des demandes formulées pour le surplus,

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Monsieur [E] et Madame [M] à payer à la société Edelis la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

A titre très subsidiaire, si l'action de Monsieur [E] et Madame [M] était déclarée recevable :

- Constater qu'Edelis n'a commis aucune faute ;

- Débouter Monsieur [E] et Madame [M] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre d'Edelis.

A titre très très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour de céans estimerait que la responsabilité d'Edelis est tout de même engagée,

- Constater que la réalité des préjudices allégués par Monsieur [E] et Madame [M] n'est pas démontrée ;

- Constater qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les préjudices allégués et les agissements d'Edelis ;

- Débouter Monsieur [E] et Madame [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre d'Edelis.

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour de céans estimerait que les préjudices des appelants sont fondés,

- Ramener à de plus justes proportions les demandes formées par Monsieur [E] et Madame [M].

En tout état de cause,

- Rejeter la solidarité invoquée par Monsieur [E] et Madame [M] ;

- Condamner la société IFB France à relever et garantir Edelis de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

- Condamner Monsieur [E] et Madame [M] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [E] et Madame [M] aux entiers dépens.

La société IFB France demande à la cour de statuer comme suit :

A titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Monsieur [E] et Madame [M] pour cause de prescription s'agissant des demandes d'indemnisation au titre de l'impossibilité de revente du bien immobilier au montant investi,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [E] et Madame [M] in solidum à payer à la société IFB France une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- L'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, déclaré également irrecevable, car prescrite, l'action des appelants s'agissant des demandes au titre du surcoût de l'opération lié à la vacance locative,

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En toute hypothèse,

- Dire et juger que la société IFB France n'a nullement manqué à ses obligations à l'égard des consorts [E] - [M],

- Dire et juger que les consorts [E] - [M] ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils revendiquent,

- Débouter en conséquence les consorts [E] - [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la concluante,

- Débouter la société Edelis de sa demande de garantie à l'encontre de la concluante,

En tout état de cause,

- Condamner in solidum Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] à payer à la société IFB France la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La société Crédit Foncier de France demande à la cour de statuer comme suit :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 05/11/2020 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des consorts [E]-[M] s'agissant des demandes d'indemnisation au titre de l'impossibilité de revente du bien immobilier au montant investi ;

- L'infirmer en ce qu'il a considéré le reproche des consorts [E]-[M] fondé sur la discontinuité des baux et aux vacances en résultant recevable car non prescrit ;

En conséquence :

- Déclarer les consorts [B] irrecevables en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions car prescrites ;

- A défaut, les en déclarer mal fondés et les en débouter intégralement ;

- Condamner tous succombants à payer au Crédit Foncier la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Béatrice Leopold-Couturier, avocat, sur son affirmation de droit.

SUR CE, LA COUR

a) Sur la prescription de l'action de Monsieur [E] et Madame [M],

Monsieur [E] et Madame [M] font valoir, sur le fondement des articles 2224 et 2232 du code civil, que le point de départ de la prescription civile dépend de la date à laquelle le titulaire du droit a eu connaissance des faits lui permettant d'agir et qu'en tout état de cause, le délai butoir du droit d'agir de 20 ans court à compter de la signature du contrat, soit en l'espèce, à partir du 8 novembre 2010. Dans le cadre d'une opération d'investissement locatif sur un bien en état futur d'achèvement, ils soutiennent que le point de départ de la prescription court à compter de la révélation du dommage à la victime, soit postérieurement à la date de conclusion du contrat de vente et non au jour du contrat puisqu'ils ont été en mesure de jauger la réelle valeur du bien acquis et de constater la surévaluation du bien qu'à compter du 28 février 2017, date à laquelle ils ont fait estimer leur bien dans le cadre d'une revente. C'est ainsi qu'ils estiment que l'action n'est pas prescrite.

La société Edelis anciennement Akerys Promotion fait valoir que le manquement à une obligation de conseil et d'information ne peut reporter le délai de prescription prévue à l'article 2224 du code civil au-delà de la date de signature de l'acte authentique de vente. Elle souligne que les appelants ont signé le contrat de réservation le 1er mars 2010 et que la vente a été réitérée par acte authentique le 8 novembre 2010, et que la prescription était acquise dès le 9 novembre 2015. C'est ainsi qu'elle sollicite la confirmation du jugement déclarant irrecevable les appelants au titre du potentiel revente du bien, et en ce que l'action engagée serait prescrite.

La société IFB France estime que la prescription quinquennale a commencé à courir au plus tard le 10 août 2011 et qu'elle était acquise au 10 août 2016. Ainsi, l'action du 31 mars 2017 est prescrite, en application de l'article 112 du code de procédure civile.

L'établissement de crédit soutient au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce que l'action des appelants du 3 avril 2017 visant à engager sa responsabilité pour un manquement au devoir de conseil et d'information est irrecevable en ce qu'elle est prescrite depuis le 13 septembre 2015, le délai prévu étant de 5 ans en la matière. Il fait valoir que les appelants étaient en mesure d'appréhender les conséquences induites par la discontinuité des contrats de bail, du potentiel locatif de l'investissement réalisé ou des avantages escomptés dès que la carence locative a été caractérisée, soit dès le mois de septembre 2011.

Ceci étant exposé, l'article 2224 du code civil est ainsi rédigé :

'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

Cet article est applicable au manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil puisque les faits dénoncés sont postérieurs à son entrée en vigueur résultant de la loi du 17 juin 2008. Les appelants sont infondés à se prévaloir de la prescription de 20 années mentionnée à l'article 2232 du code civil applicable dans l'hypothèse de report du point de départ de la prescription.

La prescription quinquennale est également applicable à la demande fondée sur le dol sauf à prèciser que, en application de l'article 1144 du code civil, le point de départ de l'action se situe au jour de la découverte du dol.

Concernant la surévaluation du bien immobilier au jour de son acquisition, il appartenait aux appelants de se renseigner sur l'estimation du bien immobilier au jour de son acquisition le 8 novembre 2010. Sagissant du défaut d'information et de conseil et d'un préjudice fondé sur la perte de chance de ne pas contracter, le point de départ de la prescription se situe au jour de la conclusion du contrat soit le 8 novembre 2010. Les assignations ayant été délivrées les 31 mars 2017, 3 et 4 avril 2017, les demandes se trouvent ainsi prescrites sur ce fondement .

Concernant le grief relatif à la carence locative, le point de départ de la prescription peut être différé au jour de la connaissance de son dommage par l'investisseur.

M. [E] et Mme [M] exposent que le bien a été vacant pendant 14 mois de septembre 2011 à 2016. Ainsi qu'exposé par les premiers juges, la première vacance se situe entre janvier et juin 2014. En raison de ce point de départ différé de la prescription, l'action engagée par assignations des 31 mars 2017, 3 et 4 avril 2017 n'est pas prescrite.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a dit prescrite l'action fondée sur la surévaluation du bien au jour de son acquisition et non prescrite l'action fondée sur le préjudice consécutif à des impayés locatifs.

b) Sur le fond

Monsieur [E] et Madame [M] soutiennent que les sociétés intimées n'ont pas respecté l'obligation légale et jurisprudentielle d'information et de conseil engageant ainsi leur responsabilité précontractuelle délictuelle. Ils estiment que les sociétés intimées ont communiqué des informations erronées et complètes sur la valeur vénale de l'appartement, son potentiel locatif, sur l'évaluation des loyers, la rentabilité de l'opération et les possibilités de défiscalisation.

Concernant la société Edelis, les appelants font valoir que la société Edelis engage sa responsabilité en ce qu'elle a fourni les informations constituant la base de la simulation financière mensongère à la société IFB France chargée de la commercialisation de la résidence.

Concernant la société IFB France, M. [E] et Mme [M] font valoir qu'un investissement de défiscalisation leur a été proposé par cette société qui s'est présentée en tant que conseiller en gestion de patrimoine, et qui a présenté des informations inexactes sans les mettre en garde des éventuels risques engageant ainsi sa responsabilité.

Concernant l'établissement de crédit Crédit Foncier de France, les appelants soutiennent avoir été dans l'obligation de souscrire l'emprunt auprès de cet établissement et que ce dernier a également incité à investir sans informer des risques et de la surévaluation du bien, de sorte qu'ils ne seraient pas en mesure de le revendre pour le montant investi et dans l'incapacité de rembourser le capital emprunté.

La société Edelis réplique être intervenue qu'en qualité de promoteur immobilier puisqu'elle n'a pas entretenu de relation avec les appelants avant la signature du contrat, et qu'ainsi elle n'a pu manquer à un devoir de conseil et d'information précontractuel. De plus, elle fait valoir qu'aucune pièce du dossier ne permet de considérer qu'elle a favorisé les simulations financières avantageuses émises par la société IFB France, ou qu'elle s'est immiscée dans la commercialisation du bien immobilier. Ainsi, elle estime que l'action en responsabilité délictuelle engagée à son encontre porte sur une opération sur laquelle elle est étrangère.

La société IFB France fait valoir d'une part, que son lien contractuel avec la société Edelis et le mandat confié n'a jamais été dissimulé, et que les appelants ne peuvent prétendre ignorer les liens entre les différents intervenants à l'opération de défiscalisation, et d'autre part, qu'elle est intervenue en qualité de mandataire immobilier de la société Edelis et non en qualité de conseiller en investissement financier. Elle ajoute avoir fait souscrire aux consorts [E]-[M] une garantie loyers impayés, absence de locataire, et une garantie protection investissement garantissant la perte financière lors de la revente, et qu'ainsi, le risque de carence locative a été exposé aux appelants, à défaut de quoi ils n'auraient pas souscrit cette assurance. Par conséquent, les appelants n'ont pas été trompés sur la nature de l'investissement réalisé.

L'établissement de crédit soutient que son intervention s'est limitée à la mise à disposition des fonds prêtés par une offre faite le 13 septembre 2010 et non dans le cadre du projet immobilier de défiscalisation auquel les appelants avaient déjà signé depuis le 18 février 2020 le contrat de réservation avec la société Edelis. Il n'appartenait nullement à l'établissement d'interférer dans la décision quant au lieu d'acquisition du bien immobilier ou d'apporter une appréciation sur l'opportunité de l'opération, en raison du principe de non-immixtion.

Ceci étant exposé, les griefs concernant la société Crédit Foncier de France au titre du manquement au devoir de conseil et d'information portent exclusivement sur la surévalution du bien. Cette partie du litige ayant été déclarée prescrite, il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les demandes ainsi développées par les appelants .

Concernant les griefs formés à l'encontre de la société Edelis et de la société IFB France, conseil en gestion de patimoine et mandataire de la société Edelis, cette dernière ayant vendu le bien immobilier en état futur d'achèvement à M. [E] et à Mme [M], il est constant que la vente s'est inscrite dans le dispositif de réduction fiscale proposée par la loi 'Scellier' . Une projection financière a été remise aux investisseurs en février 2010 (pièce n° 2 des appelants) et un mandat de gérance a été conclu entre ces derniers et la société Akerys devenue Enedis le 20 décembre 2010.

Si la projection financière prend en compte des loyers perçus pendant 10 années devant permettre l'optimisation fiscale intégralement prévue par la la loi Scellier ( 9 années avec faculté de prolongation) ce document mentionne qu'il constitue une simulation , n'a pas de valeur contractuelle et que 'les performances passées ne préjugent pas des performances futures'.

Il ne peut pas être déduit de cette présentation que la société Edelis et son mandataire IFB France auraient présenté comme une certitude que le loyer serait celui chiffré dans la projection et que sa perception serait constante sans aucune interruption ni suspension .

L'aléa locatif était connu des investisseurs puisque le mandat de gérance qu'ils ont conclu le 13 décembre 2010 avec la société Akerys devenue Edelis a comporté une assurance loyers impayés .

Par ailleurs le bien qui a été donné en location du 3 septembre 2011 n'a pas connu de vacance locative avant janvier 2014 ( vacances locatives de 5 mois en 2014 et de 5 mois en 2015) .

Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il constaté l'absence de comportement fautif des sociétés Edelis et IBF France et a débouté les appelants de leur demande de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 1 500 euros à la société IFB France, 1 500 euros au Crédit Foncier de France et 1 500 euros à la société Edelis

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [E] et Madame [Y] [M] aux dépens et accorde à maître Béatrice Leopold-Couturier le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/02515
Date de la décision : 28/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-28;21.02515 ?
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