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24/11/2022 | FRANCE | N°22/09532

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 24 novembre 2022, 22/09532


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09532 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2LO



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Avril 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/58456





APPELANT



M. [F] [K]



[Adresse 1]

[Localité 4]





Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté à l'audience par Me Christophe AYELA, avocat au bar...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09532 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2LO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Avril 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/58456

APPELANT

M. [F] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté à l'audience par Me Christophe AYELA, avocat au barreau de PARIS, toque : R049

INTIMES

M. [C] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]

G.I.E. PARI MUTUEL URBAIN (PMU), agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

RCS de PARIS n°775 671 258

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistés à l'audience par Me Cyril BONAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller ayant donné lecture du rapport et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Le groupement d'intérêt économique Pari mutuel urbain (GIE PMU) regroupe soixante-six sociétés de courses, dont les deux sociétés-mères, France galop et le SECF (Le Trot).

Le GIE PMU est dirigé par un conseil d'administration, un président du conseil d'administration et un directeur général.

Au terme d'une assemblée générale des membres du GIE PMU s'étant tenue le 21 octobre 2021, M. [K] a été révoqué de ses fonctions de directeur général du GIE PMU par un vote à l'unanimité.

Se plaignant d'avoir été irrégulièrement révoqué en raison de l'opposition qu'il a exprimée dans l'intérêt du PMU au projet du conseil d'administration du GIE PMU de rassembler au sein d'un immeuble commun les sociétés mères France Galop et Le Trot et le GIE PMU (projet Thémis), et exposant vouloir vérifier la légalité du vote de cette assemblée générale, les pièces qui lui ont été transmises confirmant que de très nombreux membres du GIE PMU n'étaient pas présents mais seulement représentés en vertu de mandats qui auraient été adressés par courriels aux représentants des sociétés mères, par exploit délivré les 5 et 9 novembre 2021, M. [K] a fait assigner en référé M. [O] (président du conseil d'administration du GIE PMU) et le GIE PMU devant le tribunal judiciaire de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions il a demandé au juge des référés de :

- ordonner aux défendeurs sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, la communication :

' de l'ensemble des pouvoirs originaux donnés par les membres du GIE PMU en vue de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ;

' de l'ensemble des courriels en version électronique d'envoi (ou des télécopies ou de toute autre preuve d'envoi le cas échéant) par les membres du PMU de leurs pouvoirs en vue de cette assemblée, ainsi que leur pièce jointe ;

- ordonner la suspensions des effets de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ;

- condamner les défendeurs à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. [O] et le GIE PMU ont conclu au rejet des demandes et sollicité la condamnation de M. [K] à leur payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 10.000 euros à titre d'amende civile, ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 20 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté la demande de communication de pièces ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à la suspension des effets de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ;

- condamné M. [K] à verser à M. [O] et au GIE PMU la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné M. [K] aux entiers dépens ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 13 mai 2022, M. [K] a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de la décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 octobre 2010, il demande à la cour, au visa des articles 835, 145, 11 et 138 et suivants du code de procédure civile et de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de communication de pièces,

' dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à la suspension des effets de l'assemblée générale du 21 octobre 2021,

' condamné celui-ci à verser à M. [O] et au GIE PMU la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

' rejeté le surplus des demandes,

' condamné celui-ci aux entiers dépens,

' rappelé que la présente décision est exécutoire par provision,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- ordonner au GIE PMU et à M. [O], sous astreinte de 500 euros par jours de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la communication :

' de l'ensemble des pouvoirs originaux donnés par les membres du GIE PMU en vue de l'assemblée générale des membres du GIE PMU du 21 octobre 2021,

' de l'ensemble des courriels en version électroniques d'envoi (ou des télécopies ou de toute autre preuve d'envoi le cas échéant) par les membres du PMU de leurs pouvoirs en vue de l'assemblée générale du PMU du 21 octobre 2021 ainsi que leur pièce jointe,

' du rapport établi par la mission d'expertise immobilière de l'Etat sur le projet Thémis et à tout le moins des recommandations émises par ladite mission d'expertise,

' du procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnel du PMU du 30 novembre 2021,

En tout état de cause,

- débouter M. [O] et le PMU de l'ensemble de leurs demandes, appels, incident, fins et conclusions contraires ;

- condamner M. [O] et le PMU à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 4 octobre 2022, M. [O] et le GIE PMU demandent à la cour, au visa des articles 11, 138, 145, 835, 559 et suivants, 910-4 du code de procédure civile, de :

Sur les demandes de communication du « rapport établi par la mission d'expertise immobilière de l'Etat sur le projet Thémis et à tout le moins des recommandations émises par ladite mission expertise » et « du procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du Pmu du 30 novembre 2021 »,

A titre principal,

- déclarer M. [K] irrecevable en sa demande de communication du « rapport établi par la mission d'expertise immobilière de l'Etat sur le projet Thémis et à tout le moins des recommandations émises par ladite mission expertise » et « du procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021 » ;

A titre subsidiaire,

- débouter M. [K] de cette demande ;

Sur l'appel formé par M. [K],

- confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Paris du 20 avril 2022 en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de communication de pièces,

' dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à la suspension des effets de l'assemblée générale du 21 octobre 2021,

' condamné M. [K] à verser à leur verser la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' rejeté le surplus des demandes,

' condamné M. [K] aux entiers dépens,

' rappelé que la présente décision est exécutoire par provision,

En tout état de cause et y ajoutant,

- débouter M. [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [K] à payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacun d'eux ;

- condamner M. [K] à leur payer la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts au titre de l'article 559 du code de procédure civile ;

- condamner M. [K] aux entiers dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu de relever que M. [K] ne réitère pas en appel sa demande tendant à voir suspendre les effets de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ayant voté sa révocation. Son appel ne porte que sur la demande de communication de pièces, rejetée par le premier juge.

Sur la fin de non-recevoir

Les intimés soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité d'une partie des demandes de l'appelant en ce qu'elles sont formées pour la première fois en cause d'appel, se fondant, d'une part sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, d'autre part sur celles de l'article 910-4 du même code.

Il est constant qu'en cause d'appel M. [K] a élargi sa demande de communication de pièces, ajoutant aux pièces sollicitées en première instance (les originaux des procurations qui ont été données par les membres du GIE PMU en vue du vote de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ainsi que les courriers d'envoi de ces pouvoirs avec leurs pièces jointes), le rapport établi par la mission d'expertise immobilière de l'Etat sur le projet Thémis et à tout le moins des recommandations émises par ladite mission d'expertise, outre le procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021.

A l'appui de sa demande de communication de ces deux nouvelles pièces, M. [K] expose vouloir connaître les recommandations émises par l'Etat sur le projet Thémis, afin de prouver que les objections que lui-même avait émis sur ce projet et qui lui sont reprochées étaient fondées, en sorte que la faute ayant motivé sa révocation n'est pas caractérisée.

Il apparaît ainsi que la demande de communication complémentaire tend aux mêmes fins que la demande initiale : invalider la décision de révocation de son poste de directeur général dont M. [K] a fait l'objet, que ce soit sur la forme s'agissant de la demande de communication des originaux des procurations des votes et des courriers d'envoi de ces procuration (irrégularité du vote unanime de l'assemblée générale litigieuse), que sur le fond s'agissant des pièces complémentaires (caractère injustifié de la faute ayant motivé la décision de révocation).

Or, si aux termes de l'article 564 du code de procédure civile les parties, à peine d'irrecevabilité, ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation ou faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait, l'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, l'article 566 ajoutant que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, outre que la demande de communication complémentaire tend aux mêmes fins que la demande initiale, les pièces nouvellement requises constituent l'accessoire des premières pièces.

La fin de non-recevoir n'est donc pas fondée au visa de l'article 564 du code de procédure civile.

Au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, qui impose à l'appelant de concentrer l'ensemble de ses demandes dans ses premières conclusions d'appel, il est soutenu l'irrecevabilité de la demande de communication "des recommandations émises par ladite commission expertise" et "du procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021", au motif que ces pièces n'ont été sollicitées que dans les dernières conclusions d'appel et pas dans les premières.

Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité les parties doivent présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, demeurent recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, il est certain qu'aux termes des premières conclusions d'appel, la demande de communication ne portait que sur "le rapport établi par la mission d'expertise immobilière de l'Etat sur le projet Thémis", la demande de communication "à tout le moins des recommandations émises par ladite commission expertise" et "du procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021" n'ayant été formée que dans les dernières conclusions de l'appelant.

Toutefois, la demande de communication "à tout le moins des recommandations émises par ladite commission expertise" n'est pas dissociable de la demande "du rapport établi par la mission d'expertise immobilière de l'Etat sur le projet Thémis", s'agissant d'une simple requalification de la pièce requise après que les intimés ont soutenu qu'aucun rapport de mission d'expertise n'avait été établi mais de simples recommandations.

En revanche, "le procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021" correspond à une nouvelle pièce qui n'avait pas été requise dans les premières conclusions d'appel, alors pourtant que comme le soulignent les intimés, cette pièce était connue de M [K] dès ses premières conclusions d'appel puisque celui-ci avait communiqué (en pièce 51) le procès-verbal du conseil d'administration du PMU du 7 décembre 2021 qui faisait état de la pièce en question.

La demande de communication "du procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021" est donc irrecevable au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Sur le fond

M. [K] fonde sa demande de communication de pièces, à titre principal sur l'article 145 du code de procédure civile, à titre subsidiaire sur les articles 835, 11 et 138 du code de procédure civile.

Sur le fondement principal

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime c'est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

En l'espèce, suspectant que pour les besoins de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ayant voté dans l'urgence sa révocation, des pouvoirs ont été créés de toutes pièces par le GIE PMU et les sociétés-mères pour se débarrasser de lui à la hâte, M. [K] entend obtenir les originaux de ces pouvoirs et les courriers de transmission de ces pouvoirs, étayant sa suspicion par les éléments suivants :

- de très nombreux membres du GIE PMU n'étaient pas présents mais seulement représentés à cette assemblée générale ;

- les mandats qui lui ont été communiqués ont permis de constater de nombreuses irrégularités telles que :

des pouvoirs contenant des signatures et/ou mentions manuscrites qui ne sont à l'évidence pas de la même main que celle ayant rédigé les autres mentions du document ;

des pouvoirs non signés par les mandants mais faisant apparaître des mentions "pour ordre" qui ont pu être rajoutées par les mandataires ;

des pouvoirs donnés non pas aux membres du GIE mais à des personnes physiques sans précision de leur qualité, notamment à M. [W] qui a voté avec ces pouvoirs ;

un pouvoir comportant en en-tête la mention manuscrite "annule et remplace le précédent du 18 10 2021", sans que l'on puisse déterminer ce que contenait ce pouvoir ;

et même un pouvoir sur lequel la date n'a pas été précisée (celui de M. [R]) ;

- commise par M. [K], Mme [D], expert judiciaire en écriture, a pu confirmer que sur les cinq pouvoirs qu'elle a analysés trois semblaient contenir plusieurs écritures différentes et donc avoir été rédigés par plusieurs personnes, alors qu'un pouvoir ne devrait contenir que l'écriture de son auteur ; deux pouvoirs pourraient avoir été rédigés par la même personne ; l'expert a indiqué que si les pouvoirs lui sont envoyés par mail elle ne peut pas vérifier si des mentions manuscrites ont été ajoutées, et que pour approfondir son examen l'original de ces documents est nécessaire ainsi que des pièces de comparaison en écriture et en signature de la main des auteurs ;

- le GIE PMU a refusé de communiquer les originaux des pouvoirs et les courriels d'envoi demandés.

M. [K] précise qu'il envisage d'engager une action civile en contestation de la validité de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ayant voté sa révocation et/ou en indemnisation du préjudice subi du fait de sa révocation, et une action pénale pour faux et usage de faux.

Il doit être observé sur ce point que ces actions envisagées sont bien distinctes de celle engagée par M. [K] devant le conseil de prud'hommes, pour voir requalifier son mandat de directeur général du GIE PMU en contrat de travail et obtenir les indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l'appui de sa demande de communication de pièces complémentaires, M. [K] soutient qu'au regard des fautes qui lui sont reprochées, dans le cadre de sa révocation et de la campagne médiatique calomnieuse dont il a fait l'objet, il bénéficie d'un intérêt légitime à pouvoir démontrer que sa révocation était injustifiée, qu'il n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses fonctions et que ses interrogations sur le projet Thémis étaient parfaitement légitimes et ont été formulées dans l'intérêt du PMU. Il rappelle qu'à ce titre les administrateurs de l'Etat également inquiets du contenu du projet Thémis tel que proposé par les sociétés-mères, ont cru bon d'ordonner sa vérification et ont diligenté une expertise ayant abouti à l'établissement d'un rapport (à tout le moins de recommandations) par la mission d'expertise immobilière de l'Etat; qu'il apparaît d'ailleurs clairement à la lecture des PV du conseil d'administration du PMU postérieurs à sa révocation que de très nombreuses recommandations ont été formulées par les services de l'Etat sur ce projet et que de nombreuses modifications y ont été apportées.

Les intimés opposent en substance :

- que les suspicions alléguées sont infondées comme l'a dit le premier juge aux termes de motifs très complets qu'ils reprennent à leur compte ; ces suspicions ne reposent que sur des hypothèses comme le démontrent les éléments produits par les intimés, alors pourtant que ceux-ci n'ont pas la charge de la preuve ;

- que la nature et le fondement des actions envisagées sont imprécis ;

- que les demandes ne sont pas formées avant tout procès puisque M. [K] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 21 décembre 2021 d'une action visant notamment à obtenir des indemnités à raison des conditions de son départ, les actions envisagées ayant le même objet ;

- que s'agissant de la demande de communication des recommandations de l'expert de l'Etat ou du procès-verbal du comité d'audit du 30 novembre 2021, on ne voit pas en quoi ces pièces pourraient nourrir une action ultérieure de M. [K], ce dernier ayant d'ailleurs été révoqué pour de multiples fautes déconnectées du résultat d'une mission d'expertise de l'Etat ou de discussions que des administrateurs du PMU auraient pu avoir postérieurement au comité d'audit.

Sur la demande de production des originaux des pouvoirs, il doit être relevé :

- que compte tenu du bref délai dans lequel l'assemblée générale a été convoquée (quatre jours), l'existence de nombreux votes par procuration n'est guère surprenante et ne constitue pas un indice pertinent de la fraude alléguée ;

- que le fait que certains pouvoirs n'ont pas été remplis et signés par la même main ne suffit pas à suspecter leur irrégularité, les intimés opposant à juste titre l'usage pour les présidents de groupe de déléguer la rédaction de ce type de documents à leur assistant, le premier juge relevant pour sa part, à raison, qu'aucun élément ne permet de laisser penser que les signatures apposées sur les pouvoirs ne seraient pas celles des présidents de groupe, ou qu'elles auraient été imitées ou falsifiées ;

- que M. [K] dispose en effet des copies de tous les pouvoirs qui lui ont été remis par le GIE PMU pour pouvoir avancer que les signatures qu'elles comportent ne correspondraient pas à celles des différents représentants des sociétés du GIE PMU, sans qu'il soit nécessaire pour cela d'obtenir la production des originaux ; or il n'allègue pas cela et ne produit aucune pièce de comparaison qui permettrait de suspecter que des pouvoirs n'ont pas été signés par les mandants mais par les mandataires ;

- que la mention PO (pour ordre), qui apparaît de manière très lisible sur la copie de certains pouvoirs, correspond manifestement à une délégation de signature comme le soulignent les intimés. ; sa mention parfaitement apparente ne va pas dans le sens de l'hypothèse d'une falsification de la signature du mandant ; en outre, comme le souligne le premier juge, cette mention est très lisible sur les copies et dans la mesure où c'est le principe même de cette mention que M. [K] met en cause, la production de l'original apparaît dès lors inutile ;

- de la même manière, le premier juge a pertinemment relevé que la mention "annule et remplace le précédent du 18 10 2021" ne constitue pas un élément rendant plausible le fait que la copie produite serait un faux ni ne justifie la communication du pouvoir initial, alors que son auteur a manifestement souhaité l'annuler pour une raison qui lui est propre et dont il n'est pas prétendu qu'elle serait au contraire propre aux sociétés mères ;

- que le fait que des pouvoirs ont été donnés à une personne physique sans indication de sa qualité n'est pas non plus de nature à accréditer l'hypothèse d'une fraude, alors que le nom de ces personnes permet de vérifier s'il correspond ou non au représentant de la société du groupe ayant donné pouvoir, ce que ne prétend pas M. [K] ;

- que s'agissant des deux pouvoirs qui auraient été rédigés par la même personne (pouvoirs de MM. [R] et [B]), le premier juge a pertinemment relevé que si l'expert a suggéré que ces pouvoirs avaient été rédigés par la même personne, elle a conclu qu'à priori ils semblent avoir été rédigés par deux mains différentes ; qu'au demeurant, il n'est pas précisé par l'expert si la possible similitude d'écriture porte également sur la signature, laissant ainsi supposer que les deux pouvoirs ont été établis a posteriori par le même mandataire.

C'est donc à juste titre que le premier juge a conclu que dès lors que M. [K] n'apporte aucun élément de nature à créer un doute sur le fait que ceux qui ont apposé leur signature sur les pouvoirs ne seraient pas les présidents de groupe ni ceux désignés par les soussignés sous la mention "PO", il ne justifie pas d'un motif légitime à la communication des pouvoirs originaux.

Sur la demande de production des courriers d'envoi des pouvoirs, le premier juge a pertinemment relevé :

- que la brièveté du délai entre la convocation à l'assemblée générale (par courrier du 15 octobre 2021) et la tenue de l'assemblée générale (le 21 octobre suivant) est insuffisant à rendre plausible le fait que les pouvoirs auraient été adressés postérieurement à la tenue de l'assemblée générale, compte tenu de la modernisation des échanges qui s'effectuent désormais et pour la plupart par la voie électronique, comme tel a été le cas en l'espèce ainsi qu'il résulte des courriers électroniques communiqués par les parties ;

- que si le pouvoir établi au nom de M. [R] ne porte pas le jour du mois d'octobre 2021 où il a été établi, les intimés justifient par la production d'un procès-verbal de constat établi le 21 mars 2022 par Me [J], huissier de justice, que son pouvoir a été adressé par courrier électronique le 18 octobre ;

- que deux autres présidents de sociétés du GIE ont communiqué à M. [K] le courrier d'envoi de leurs pouvoirs, qui permet de constater que ces pouvoirs ont également été adressés avant le 21 octobre 2021 ;

- qu'il résulte aussi du procès-verbal de constat du 21 mars 2022 produit par le GIE, réalisé sur un échantillon de neuf pouvoirs, que tous ces pouvoirs ont été adressés avant l'assemblée générale et que les pouvoirs transmis par la voie électroniques correspondent à ceux produits en copie par le GIE ;

- que comme souligné par le premier juge, la seule assertion de M. [K] selon laquelle les sociétés de course du GIE seraient inféodées aux sociétés mères ainsi que la réticence des défendeurs à communiquer ces pièces, ne suffisent pas non plus à étayer ses allégations ; le premier argument procède en effet d'une simple opinion et la réticence du GIE peut s'expliquer par son refus d'alimenter d'autres actions judiciaires alors que M. [K] en a déjà engagées plusieurs à son encontre ;

- que la cour observe en outre qu'alors que cinquante six pouvoirs ont été adressés en vue de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 ayant voté à l'unanimité la révocation de M. [K], et que celui-ci suspecte que ce vote a été obtenu au moyen de faux pouvoirs, il ne fait état d'aucune réaction de votants à l'annonce d'une décision unanime à laquelle ils n'auraient pas participé.

C'est donc aussi à raison que le premier juge a conclu au rejet de la demande de communication des courriers d'envoi des pouvoirs, faute d'intérêt légitime du requérant.

Sur la demande de communication des recommandations émises par la commission-expertise de l'Etat sur le projet Thémis de déménagement des sociétés du GIE PMU dans un immeuble commun, il convient de rappeler que M. [K] entend par la production de cette pièce pouvoir contester les motifs de sa révocation par l'assemblée générale du 21 octobre 2021.

Toutefois cette pièce, comme d'ailleurs le procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021 dont la demande a été jugée irrecevable, n'apparaissent pas utiles à la solution du litige relatif au motif de la révocation de M. [K], s'agissant de pièces portant sur l'analyse technique du projet immobilier alors que M. [K] n'a pas été révoqué pour avoir critiqué ce projet mais pour son comportement fautif à l'occasion de la discussion qui a porté sur ce projet au sein du GIE PMU.

Il ressort en effet du procès-verbal de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 que M. [K] a été révoqué pour les motifs suivants :

- "M. [K] a pris des positions contradictoires dans la gestion du projet Thémis, changeant publiquement d'avis sans la moindre concertation préalable avec le Conseil d'administration, tout en envoyant des lettres accusatoires à l'encontre des administrateurs et des sociétés mères" ;

- "Ce faisant, il a outrepassé les attributions du Directeur général fixées par les statuts et créé des conditions de défiance à l'égard des membres du GIE et des sociétés mères et a manqué à son devoir de loyauté envers le GIE et le Conseil d'administration" ;

- "Par ailleurs, M. [K] a créé des conditions ne permettant pas au Conseil d'administration de prendre des décisions essentielles pour le GIE en agissant de manière dilatoire et a également créé un climat social conflictuel avec l'ensemble des parties prenantes, en ce compris le personnel et les représentants du personnel [...]" ;

- "De plus, M. [K] a été tantôt en faveur du projet, tantôt agissant en opposant au projet. [...]. La question du bail et plus généralement du projet Thémis relève pourtant des attributions du conseil d'administration qui détermine les orientations de la société, contrairement à ce que pense M. [K]." ;

- "Le revirement de position sur le projet Thémis de M. [K] est d'autant moins acceptable qu'il est intervenu subitement, sans concertation, en présence de représentants du personnel avec une brutalité sans précédent, mettant le Conseil d'administration et son président devant le fait accompli." ;

- "M. [O] estime que M. [K] a violé ses obligations de loyauté et de discrétion à l'égard du GIE PMU en rapportant des échanges confidentiels tenus lors de ce conseil d'administration dans une vidéo adressée aux salariés et à des journalistes de Médiapart" ;

- "M. [K] a de plus écrit à de multiples reprises, y compris aux membres du GIE, laissant entendre l'existence de conflits d'intérêt, de favoritisme, en mettant en cause la probité des sociétés mères et de leurs représentants légaux, ce qui n'est pas tolérable" ;

- "Contrairement à ce qu'affirme M. [K], les motifs de sa révocation ne sont pas liés aux questions que M.[K] a posées ces derniers jours sur le projet Thémis, dont il connaissait pertinemment les réponses, mais au comportement fautif précédemment décrit." (souligné par la cour)

La demande de communication des recommandations émises par la commission-expertise

de l'Etat sera donc également rejetée.

Sur le fondement subsidiaire

M. [K] ne saurait fonder sa demande de communication de pièces sur l'article 835 du code de procédure civile au motif que le défaut de production des pièces requises constituerait un trouble manifestement illicite, alors qu'il est jugé à titre principal que la demande de communication de pièces ne repose pas sur un motif légitime, ce qui exclut l'existence d'un trouble manifestement illicite, lequel suppose une violation évidente de la règle de droit.

La demande de communication de pièces n'est pas plus fondée sur les dispositions des articles 11 et 138 du code de procédure civile qui n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce, en l'absence d'instance en cours autre que celle qui tend au prononcé d'une mesure d'instruction in futurum, étant relevé que M. [K] a renoncé en appel à sa demande, distincte de la mesure d'instruction, de suspension des effets de l'assemblée générale du 21 octobre 2021.

Au demeurant, le premier juge a justement considéré que la demande en suspension des effets de l'assemblée générale du 21 octobre 2021 repose sur le fait que les pouvoirs ont été confiés à des personnes physiques et que la révocation de M. [K] a eu lieu dans des conditions vexatoires, et non sur le fait que certains pouvoirs seraient irréguliers ou qu'ils auraient été envoyés postérieurement à l'assemblée générale, en sorte que la demande de communication de pièces n'apparaît ni utile ni pertinente à la solution du litige et ne vient au soutien d'aucun des moyens soulevés aux fins de voir suspendre les effets de l'assemblée générale.

La demande de communication subsidiaire sera donc également rejetée, l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour appel abusif

En relevant appel d'une décision lui ayant refusé la communication des pièces qu'il est en droit de considérer comme étant nécessaires à la démonstration qu'il entend faire du caractère injustifié de la révocation prononcée contre lui, il n'apparaît pas, comme l'a déjà souligné le premier juge, que M. [K] suive un autre dessein que la défense de son intérêt personnel en adoptant une simple posture procédurale dans l'intention de nuire aux intimés.

La demande de dommages et intérêts sera rejetée et la décision de première instance confirmée de ce chef.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance entreprise sera également confirmée sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dont elle a fait une juste appréciation.

Perdant en appel, M [K] sera condamné aux entiers dépens de cette instance et à payer aux intimés la somme de 10.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Déclare irrecevable la demande de communication de pièces de M. [K] portant sur le "procès-verbal du comité d'audit et des risques exceptionnels du PMU du 30 novembre 2021",

Déboute M. [O] et le GIE PMU du surplus de leur fin de non-recevoir,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Déboute M. [O] et le GIE PMU de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne M. [K] aux entiers dépens de l'instance d'appel,

Le condamne à payer à M. [O] et au GIE PMU la somme de 10.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/09532
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;22.09532 ?
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