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24/11/2022 | FRANCE | N°22/09311

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 24 novembre 2022, 22/09311


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09311 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZ2Q



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Mai 2022 -Président du TJ d'Evry - RG n° 21/01096





APPELANTE



S.C.I. EPIM 9, agissant poursuites et diligences en la personn

e de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Adresse 2]

RCS de NANTERRE n°837494285



Représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au b...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09311 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZ2Q

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Mai 2022 -Président du TJ d'Evry - RG n° 21/01096

APPELANTE

S.C.I. EPIM 9, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

RCS de NANTERRE n°837494285

Représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

Assisté à l'audience par Me Gabriel NEU-JANICKI, avocat au barreau de PARIS, toque : A894

INTIMEES

S.A.S. ASSISTANCE MAINTENANCE VEHICULES INDUSTRIELS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

RCS d'EVRY n°539 657 759

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Ayant pour avocat plaidant Me Laurent VERDIER, substitué à l'audience par Me Pauline AVENAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P135

URSSAF ILE DE FRANCE (pour dénonciation)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Défaillante, signifiée le 22.06.2022 à personne morale

BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS (pour dénonciation)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Défaillante, signifiée le 20.06.2022 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller et Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport dont elle a donné lecture.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 24 mai 2016, la société Le Miroir a donné à bail commercial à la société Assistance Maintenance Véhicules Industriels (ci-après AMVI) un local à usage d'entrepôt (lot 10A) situé [Adresse 4], pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel en principal de 27.300 euros, taxes et charges en sus, payables mensuellement et à terme échoir.

Par acte authentique en date du 14 décembre 2018, la société EPIM 9 a acquis de la société Le Miroir l'ensemble immobilier dans lequel se trouvent les locaux loués par la société AMVI.

Le 26 février 2020, la société EPIM 9 a fait délivrer un premier commandement de payer visant la clause résolutoire à la société AMVI pour un montant de 13.009,86 euros au titre des loyers et charges impayés.

Le 29 octobre 2021, la société EPIM 9 a fait délivrer un second commandement de payer visant la clause résolutoire à la société AMVI pour un montant de 60.170,00 euros dont 59.830,31 euros, au titre des loyers et charges impayés au 4 octobre 2021.

Par actes d'huissier de justice en date du 22 novembre 2021, la société EPIM 9 a fait assigner en référé la société AMVI et la Banque Populaire Rives de Paris devant le tribunal judiciaire d'Evry aux fins de voir :

' constater l'acquisition de la clause résolutoire et que par son jeu, le bail commercial portant le lot 10A de l'immeuble situé [Adresse 4] est résilié à compter du 29 novembre 2021 au profit de la société EPIM 9 ;

' constater que la société AMVI occupe sans droit ni titre les locaux objets dudit bail depuis le 30 novembre 2021 ;

' condamner la société AMVI à lui payer la somme de 58.598,28 euros TTC au titre des loyers et charges échus, frais d'acte inclus (392,70 euros) arrêtés au 29 novembre 2021 ;

' condamner la société AMVI à lui verser la somme de 2.432,55 euros HT à titre d'indemnité d'occupation mensuelle, charges, TVA, impôts, taxes et redevances en sus, à compter du 30 novembre 2021 ;

' condamner la société AMVI à lui verser le montant de la taxe foncière et de la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères dues en sus de l'indemnité d'occupation ;

' condamner la société AMVI à lui payer la somme de 4.612,50 euros faisant compensation avec le dépôt de garantie à titre de premiers dommages et intérêts ;

' ordonner à la société AMVI et tous occupants de son chef de quitter les lieux, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de trois mois à l'expiration duquel il sera de nouveau statué si besoin et se réserve compétence pour liquider l'astreinte ;

' autoriser la société EPIM 9 à procéder à l'expulsion de la société AMVI et tous les occupants de son chef des lieux, si besoin est le concours avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

' assortir toutes les condamnations à intervenir de l'intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir, avec anatocisme ;

' condamner la société AMVI à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par acte en date du 7 décembre 2021, la société EPIM 9 a fait assigner en référé la société AMVI et l'URSSAF Ile-de-France devant la même juridiction avec les mêmes demandes.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 03 mai 2022, le président du tribunal de judiciaire d'Evry a :

- ordonné la jonction des deux instances,

- débouté la société EPIM 9 de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société AMVI,

- condamné la société EPIM 9 aux dépens de la présente instance,

- condamné la société EPIM 9 à payer à la société AMVI la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société EPIM 9 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire de droit par provision,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Le premier juge a considéré que si l'obligation de paiement des loyers et charges de la société AMVI n'est pas sérieusement contestable, le décompte et les pièces produites par la société bailleresse ne permettent pas de déterminer le montant non contestable de la somme due par la société locataire.

Par déclaration du 10 mai 2022, la société EPIM 9 a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 septembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1103 du code civil et L. 145-41 du code de commerce, de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel formé à l'encontre de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société AMVI, condamnée aux dépens et à payer à la société AMVI la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y faisant droit et statuant à nouveau :

- la déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter la société AMVI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- constater l'acquisition de la clause résolutoire, et que par son jeu le bail commercial portant sur le lot 10A de l'immeuble situé [Adresse 4] est résilié à compter du 29 novembre 2021 à son profit ;

- constater que la société AMVI occupe sans droit ni titre le lot 10A de l'immeuble situé [Adresse 4] ;

- condamner la société AMVI à lui payer par provision la somme de 58.598,28 euros TTC au titre des loyers et charges échus, frais d'acte inclus (393,70 euros) arrêtés au 29 novembre 2021 ;

- condamner la société AMVI à lui verser, à titre de provision, la somme de 2.432,55 euros HT à titre d'indemnité d'occupation mensuelle, charges, TVA, impôts, taxes, redevances et frais en sus, à compter du 30 novembre 2021 ;

- condamner la société AMVI à lui verser chaque mois, à titre de provision, le montant de la taxe foncière, des provisions de charges, charges frais, impôts, taxes et redevances qui lui étaient facturés au titre du bail ;

- condamner la société AMVI à lui verser, à titre de provision, la somme de 59.983,76 euros TTC (118.582,04 euros TTC- 58.598,28 euros TTC) au titre des indemnités d'occupation mensuelles, charges, frais, impôts, taxes et redevances dus du 30 novembre 2021 au 1er août 2022 ;

- condamner la société AMVI à lui payer, à titre de provision, la somme de 4.612,50 euros faisant compensation avec le dépôt de garantie à titre de premiers dommages-intérêts ;

- ordonner à la société AMVI et de tous les occupants de son chef ou non de quitter le lot 10A de l'immeuble situé [Adresse 4] objet du bail signé avec elle, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard passé un délai de 1 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et pendant un délai de 3 mois à l'expiration duquel il sera de nouveau statué si besoin et se réserve compétence pour liquider l'astreinte ;

- l'autoriser à procéder à l'expulsion de la société AMVI et de tous les occupants de son chef ou non du lot 10A de l'immeuble situé [Adresse 4] objet du bail signé avec elle, avec si besoin est le concours de la force publique et d'un serrurier ;

- assortir tous les condamnations à intervenir de l'intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir, avec anatocisme ;

- condamner la société (AMVI ) à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 septembre 2022, la société AMVI demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, L.145-40-2 et R.145-36 du code du commerce, 700 du code de procédure civile et 1343-5 du code civil, de :

A titre principal,

- déclarer mal fondé l'appel principal interjeté par la société EPIM 9 ;

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

' débouté la société EPIM 9 l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société AMVI,

' condamné la société EPIM 9 aux dépens de la présente instance ;

' condamné la société EPIM 9 à payer à la société AMVI la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' débouté la société EPIM 9 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la déclarer recevable en son appel incident et la déclarer bien fondée ;

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de remboursement de la somme de 40.028,36 euros qu'elle a formulée ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société EPIM 9 à lui verser la somme de 40.028,36 euros au titre des charges, de la taxe foncière et des provisions pour fluides payée par la concluante sans justificatifs du bailleur, arrêtés provisoirement au 31 décembre 2020 ;

A titre subsidiaire,

- suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire ;

- l'autoriser à s'acquitter de sa dette à l'égard de la société EPIM 9 dans un délai de 24 mensualités, la première mensualité intervenant quinze jours après la signification de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause,

- débouter la société EPIM 9 de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société EPIM 9 à lui verser en cause d'appel la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article

699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La société EPIM 9 a fait signifier sa déclaration d'appel à l'URSSAF Ile-de-France et à la Banque Populaire Rives de Paris par actes séparés d'huissier de justice du 22 juin 2022 tous deux délivrés à personne habilitée, ainsi que ses conclusions d'appelante, aux mêmes parties, par actes séparés d'huissier de justice du 22 juillet 2022 tous deux délivrés à personne habilitée.

L'URSSAF Ile-de-France et la Banque Populaire Rives de Paris (créanciers inscrits) n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due.

En outre, aux termes des dispositions de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le bail commercial conclu entre les parties contient une clause résolutoire et que la société bailleresse poursuit la résiliation de ce bail sur le fondement d'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 29 octobre 2021 pour un montant de 59.830, 31 euros au titre des loyers, charges et taxes impayés.

Sur la base d'un décompte détaillé arrêté au mois d'août 2022 inclus (pièces n°8), outre la résiliation du bail par l'acquisition de la clause résolutoire, la société EPIM 9 sollicite le paiement d'une provision de 58.598,28 euros TTC au titre des loyers, charges et taxes impayés au 29 novembre 2021, date de résiliation du bail, et celle de 59.983,76 euros TTC arrêtée au mois d'août 2022 inclus au titre des indemnités d'occupation échues après la résiliation du bail, égales au montant des loyers, charges et taxes exigibles en vertu du bail.

La société locataire oppose plusieurs contestations sérieuses tenant à :

- une augmentation excessive des charges à partir de mai 2020,

- le caractère manifestement fictif des factures de charges d'entretien de l'immeuble émanant de la société Clean & Tools, dont le gérant est le même que celui de la société bailleresse, se prévalant de deux constats d'huissier de justice qui attesteraient d'un mauvais entretien des locaux loués et de l'ensemble immobilier,

- un défaut de justification de la taxe foncière afférente au lot de la société locataire et en tout état de cause le montant erroné de la somme réclamée à ce titre,

- un défaut de facturation du poste Fluides (eau, gaz, électricité) avant mai 2020 et l'inexigibilté de ces charges alors que le locataire ne dispose pas du gaz dans ses locaux, dispose de son propre compteur EDF, l'eau devant pour sa part être incluse dans les provisions sur charges,

- la variation du montant des charges réclamées dans les divers décomptes qui ont été produits au cours de la procédure de première instance et d'appel,

- le non respect par le bailleur des dispositions des articles L 145-40-2 et R 145-36 du code de commerce, n'ayant jamais été destinataire dans les délais légaux de l'envoi annuel de l'état récapitulatif des charges du syndic ou du bailleur et même ignorer si l'immeuble est ou non en copropriété.

La société EPIM 9 précise être l'unique propriétaire de l'immeuble dont les charges, impôts, taxes et redevances sont réparties entre les locataires en fonction de la surface des locaux occupés.

Selon l'article L 145-40-2 du code de commerce ,"Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liées à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux [...]".

Selon l'article R 145-36), " [...] Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupants cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée [...]".

En l'espèce, le bail conclu entre les parties répond bien à ces exigences légales en stipulant :

- à l'article 5 - conditions générales : "le preneur accepte expressément de payer ses impôts personnels et mobiliers, la taxe professionnelle et tout nouvel impôt ou taxe relatif aux lieux loués (...). De payer les consommations d'eau et d'électricité suivant les indications des compteurs s'il en existe. De rembouser au bailleur la quote-part récupérable des charges de copropriété afférente aux locaux loués. De rembourser au bailleur la quote-part des impôts et taxes relatifs aux biens loués, en particulier la quote-part de l'impôt foncier y afférent. "

- à l'article 11 - charges : "Le preneur s'engage à assumer l'intégralité de la consommation d'eau, d'électricité et autres services afférents aux locaux et, plus généralement, à assurer en plus des travaux d'entretien et réparation, l'intégralité des charges dites locatives concernant l'immeuble loué qui ne seraient pas incluses dans l'énumération qui précède (chauffage, électricité, espaces verts, locaux communs. [...] Les charges calculées correspondront à 150,90°/°° de la SCI . Les charges feront l'objet d'un appel de provision mensuel, hors taxe foncière, et taxe sur les bureaux s'il y a lieu. Ces taxes seront facturées séparément après réception de l'avis d'imposition."

Il n'apparaît donc pas discutable qu'en sus des charges afférentes à ses propres locaux, le preneur est redevable des charges afférentes aux parties communes de l'immeuble, telles que les charges d'entretien, la consommation de gaz, d'électricité et d'eau relatives aux parties communes. La contestation tenant au fait que la société locataire possède son propre compteur EDF et que ses locaux ne sont pas alimentés en gaz n'est donc donc pas sérieuse, ces charges étant également dues au titre des parties communes, de même que les charges d'eau.

Si l'augmentation subite des charges est avérée à la lecture du décompte détaillé de la dette locative (pièce 8), les provisions sur charges étant passées de 403,30 euros à 840 euros en mai 2020 puis à 1671,33 euros en décembre 2021, des montants de charges dites Fluides (eau gaz électricité) apparaissant en outre en mai 2020, ces augmentations sont clairement expliquées par le bailleur qui expose avoir acquis l'immeuble le 14 décembre 2018 ; que durant l'année 2019, n'ayant pas encore une connaissance fine du fonctionnement de l'immeuble et de son budget annuel, il a continué à facturer la provision sur charges mensuelle qui était facturée par l'ancien propriétaire, soit 403,30 euros ; qu'au cours du premier trimestre 2020, il a procédé à la régularisation 2019 et a constaté que la provision réclamée aux locataires de l'immeuble était très inférieure aux dépenses réelles engagées, découvrant que le propriétaire précédent, la SCI Miroir, n'avait jamais en réalité actualisé les provisions de charges facturées au regard du budget réel de l'immeuble et ne facturait pas au preneur les fuides (eau, gaz et électricité) des parties communes.

La société EPIM 9 justifie précisément des catégories de charges locatives et du montant de ces charges qu'elle impute au compte de son locataire par les documents suivants :

- des "budgets de charges SCI EPIM 9" (pièce 11) au titre des années 2019 et 2020 détaillant chacun des postes de charges avec leurs montants totaux (entretien, fluides, assurance, caméra de sécurité, taxes),

- toutes les factures de charges acquittées par la SCI EPIM 9 au titre de ces budgets,

- un audit de son expert comptable qui a vérifié toutes ces factures et arrêté le montant du budget pour chaque année (pièce 53), annexant un état des factures détaillé poste par poste,

- l'avis d'imposition à la taxe foncière qui lui a été adressé par l'administration fiscale au titre des années 2019 et 2020, ces avis suffisant à établir que le bailleur a bien réclamé dans le décompte de la dette locative la quote-part due par son locataire prévue au bail.

Le fait que tous ces documents justificatifs n'ont pas été adressés dans le délai prévu à l'article R 145-36 du code de commerce ne constitue pas une contestation sérieuse alors que le texte ne prévoit pas de sanction particulière, notamment que la créance tardivement justifiée ne serait pas exigible.

La société locataire dispose ainsi de toutes les pièces justificatives des charges qui lui sont réclamées mais ne soulève pas de contestation précise sur l'exigibilité et le quantum de ces charges.

Le fait que la société qui facture les prestations d'entretien de l'immeuble soit gérée par le représentant de la société bailleresse ne suffit pas à accréditer le caractère prétendument fictif des prestations facturées, pas plus que les deux procès-verbaux de constat d'huissier produits par la locataire mettant en exergue des défauts d'entretien, de tels défauts au moment des constatations oprées n'étant pas de nature à établir que les prestations qui ont été facturées ne correspondent pas à des travaux réellement exécutés.

Il n'apparait donc pas sérieusement contestable, à l'examen du décompte détaillé de la dette locative et de l'ensemble des pièces justifcatives fournies par le bailleur, que la société AMVI était bien redevable au titre des loyers, charges et taxes à la date du 29 novembre 2021, soit un mois après la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, d'une somme de 58.598,28 euros TTC, laquelle n'a donc pas été régularisée dans le délai d'un mois mais s'est au contraire accrue puisqu'au mois d'août 2022 inclus la société AMVI était débitrice d'une somme de 118.582,04 euros TTC.

Il y a donc lieu de constater la résiliation du bail à la date du 29 novembre 2021, d'ordonner l'expulsion de la société AMVI et de tous occupants de son chef, sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire, et de la condamner à payer par provision, outre la somme de 58.598,28 euros au titre de l'arriéré locatif, une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers, charges et taxes exigibles jusqu'à la libération effective des lieux, soit la somme de 59.983,76 euros TTC provisoirement arrêtée au 1er août 2022 (terme d'août 2022 inclu).

Ces sommes produiront des intérêts de retard au taux légal à compter du présent arrêt et seront capitalisables dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil (pour les intérêts dus au moins pour une année entière).

Par suite, la société AMVI sera déboutée de sa demande reconventionnelle en remboursement des charges indues.

Il sera fait droit à la demande de l'appelante en paiement du dépôt de garantie (4612,50 euros) au titre de la clause pénale expressément prévue au bail, dont le montant n'apparaît pas procurer un avantage manifestement excessif au bailleur au regard de l'importance de la dette locative.

L'intimée sera déboutée de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire, faute d'exposer et justifier sa situation financière ainsi que sa capacité d'apurement de la dette locative dans le délai sollicité, se bornant à soutenir que ses difficultés financières résultent des saisies conservatoires qui ont été pratiquées par le bailleur sur son compte bancaire.

L'ordonnance entreprise sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions.

Partie perdante, l'intimée sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à l'appelante la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate, à la date du 29 novembre 2021, l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial signé entre la société EPIM 9 et la société AMVI, portant sur le local à usage d'entrepôt (lot 10A) situé [Adresse 4],

Ordonne l'expulsion de la société AMVI et de tout occupant de son chef dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, si besoin est avec le concours de la force publique et d'un serrurier, des locaux sis [Adresse 4],

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Dit que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Dit qu'une indemnité d'occupation provisionnelle, égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges et taxes qui auraient été réglés si le bail s'était poursuivi, est mise à la charge de la société AMVI, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération effective des locaux,

Condamne la société AMVI à verser à la société EPIM 9, à titre de provisions :

- la somme de 58.598,28 euros TTC au titre des loyers, charges et taxes impayés à la date du 29 novembre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation de ces intérêts dus au moins pour une année entière,

- la somme de 59.983,76 euros TTC au titre des indemnités d'occupation échues au mois d'août 2022 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation de ces intérêts dus au moins pour une année entière,

- la somme de 4.612,50 euros au titre de la clause pénale (dépôt de garantie), avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation de ces intérêts dus au moins pour une année entière,

Déboute la société AMVI de toutes ses demandes reconventionnelles,

Condamne la société AMVI à payer à la société EPIM 9 la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la société AMVI aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/09311
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;22.09311 ?
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