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24/11/2022 | FRANCE | N°21/22361

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 24 novembre 2022, 21/22361


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/22361 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4B3



Décision déférée à la cour :

Jugement du 01 décembre 2021-Juge de l'exécution de BOBIGNY-RG n° 21/08208



APPELANTE



S.C.I. DAYAEL

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Frédéric INGOLD de la

SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Plaidant par Me Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173



INTIME
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/22361 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4B3

Décision déférée à la cour :

Jugement du 01 décembre 2021-Juge de l'exécution de BOBIGNY-RG n° 21/08208

APPELANTE

S.C.I. DAYAEL

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Plaidant par Me Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIME

Monsieur [W] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Philippe DE LAGREVOL de la SCP DE LAGREVOL - PAIRON, avocat au barreau de PARIS, toque : 188

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 4 mars 2009, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné M. [W] [M], solidairement avec d'autres personnes, à payer à la SCI Dayaël les sommes suivantes :

- 33.955,78 euros au titre d'un arriéré de loyers et de charges,

- 1.697,79 euros à titre de majoration,

- 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le 3 mai 2018, la SCI Dayaël a fait délivrer à M. [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour recouvrer la somme totale de 37.140,41 euros.

Le 13 juillet 2020, la SCI Dayaël a fait délivrer à M. [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour recouvrer la somme totale de 69.760,35 euros.

Par acte d'huissier en date du 28 mai 2021, M. [M] a fait assigner la SCI Dayaël devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d'annulation de ces commandements.

Par jugement en date du 1er décembre 2021, le juge de l'exécution a :

prononcé la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié à M. [M] le 3 mai 2018,

prononcé la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié à M. [M] le 13 juillet 2020,

rejeté la demande indemnitaire de M. [M],

condamné la SCI Dayaël au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Le juge de l'exécution a annulé le commandement de 2018 sur le fondement de l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution en ce qu'il ne comporte pas le décompte des sommes réclamées en principal, intérêts et frais, ni l'indication du taux des intérêts et que ces vices de forme ont causé un grief à M. [M] qui n'était pas en mesure de connaître l'assiette exacte des sommes dues et les modalités de calcul des intérêts. Il a ensuite annulé le commandement de 2020 en raison de la prescription décennale, le commandement nul de 2018 n'ayant pu interrompre la prescription, et l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive du 25 mai 2010, qui ne constitue ni une mesure conservatoire ni une mesure d'exécution forcée, n'ayant pas pour effet d'interrompre la prescription.

Par déclaration du 17 décembre 2021, la SCI Dayaël a fait appel de ce jugement.

Par conclusions du 26 septembre 2022, la SCI Dayaël demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité des commandements et l'a condamnée au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau,

- juger que les commandements de payer aux fins de saisie-vente délivrés le 3 mai 2018, le 13 juillet 2020 et le 22 juin 2022 sont réguliers, qu'ils ne sont pas nuls, qu'ils ont interrompu la prescription du jugement du 4 mars 2009, lequel peut donc être exécuté à l'encontre de M. [M],

- juger que la dénonciation de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive du 3 mai 2018 a interrompu la prescription du jugement précité, lequel peut donc être exécuté à l'encontre de M. [M],

Par conséquent,

- juger qu'elle est bien fondée à solliciter le règlement des condamnations prononcées à l'encontre de M. [M] au titre du jugement du 4 mars 2009 assorties du taux d'intérêt légal majoré,

A titre subsidiaire, si la cour devait retenir la prescription quinquennale des intérêts,

- juger qu'elle est bien fondée à solliciter le règlement des condamnations prononcées à l'encontre de M. [M] au titre du jugement du 4 mars 2009, assorties du taux d'intérêt légal majoré sur les sommes dues depuis le 3 mai 2013, en raison de l'interruption de la prescription intervenue à la suite du commandement de payer aux fins de saisie vente du 3 mai 2018 puis celui du 13 juillet 2020 ainsi que de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive dénoncée le 3 mai 2018,

En tout état de cause,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- n'accorder aucun délai de paiement à M. [M],

- condamner M. [M] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [M] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, avec distraction.

Sur l'absence de prescription, elle fait valoir que le commandement du 3 mai 2018 a été délivré avant l'expiration du délai de prescription courant à compter du 18 juin 2008 en application de la loi du 17 juin 2008 ; que la Cour de cassation a jugé qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente interrompait la prescription, de sorte que le commandement du 3 mai 2018 a incontestablement interrompu la prescription ; que ce commandement est régulier en ce que d'une part, il a été valablement signifié à étude conformément aux dispositions de l'article 658 du code de procédure civile, l'huissier ayant accompli toutes les diligences, d'autre part, l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution n'exige pas la mention de la date de signification du titre exécutoire et le commandement mentionne bien le jugement du 4 mars 2009, enfin, le commandement indique bien expressément le délai de huit jours dans lequel le débiteur doit payer sa dette et comporte bien un décompte des sommes réclamées en principal et frais ; que la mention « mémoire » s'agissant des intérêts ne rend pas le commandement irrégulier, étant rappelé qu'une erreur sur le montant de la créance n'affecte pas la validité de l'acte, de sorte que le juge peut cantonner les effets du commandement au montant de la dette sans les intérêts, ce qui ne lui fait pas perdre son caractère interruptif. Elle conclut que les commandements de 2018 et 2020 sont réguliers et ont valablement interrompu la prescription, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement.

Elle ajoute qu'elle a pris le 25 mai 2010 une hypothèque judiciaire définitive, qu'elle a dénoncée au débiteur le 3 mai 2018, ce qui interrompt la prescription selon la Cour de cassation s'agissant d'une sûreté judiciaire, qui constitue une mesure conservatoire.

Par conclusions en date du 27 septembre 2022, M. [M] demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer la SCI Dayaël irrecevable en ses demandes en raison de la prescription du jugement du tribunal de grande instance de 2009 et ce en application des dispositions de l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer de 2018 n'ayant pas le caractère d'une mesure d'exécution forcée pouvant seule par application de l'article 2044 du code civil interrompre la prescription,

A titre subsidiaire, confirmant partiellement le jugement déféré,

- prononcer la nullité du commandement de payer délivré le 3 mai 2018 pour non-respect des prescriptions mentionnées à l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution relatives au taux d'intérêt et aux intérêts échus,

- prononcer la nullité du commandement de payer délivré le 3 mai 2018 pour non-respect des prescriptions mentionnées à l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution relatives au délai de paiement de huit jours non mentionné dans l'acte de commandement et réformer la décision dont appel sur ce point,

- rejeter l'argumentation de la SCI Dayaël relative au prétendu caractère interruptif de la dénonciation de l'hypothèque légale,

- prononcer la nullité du commandement de payer délivré le 13 juillet 2020 en raison de la prescription du jugement de 2009 et ce en application des dispositions de l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution,

- prononcer la nullité du commandement de payer délivré le 22 juin 2022 en raison de la prescription du jugement de 2009 et ce en application des dispositions de l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution,

- déclarer la SCI Dayaël irrecevable en toutes ses demandes en paiement en raison de la prescription du jugement de 2009,

- débouter en conséquence la SCI Dayaël de toutes ses demandes et notamment de sa demande de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur l'appel incident,

- condamner la SCI Dayaël au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral pour délivrance intempestive de plusieurs commandements de payer,

- condamner la SCI Dayaël au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel, et aux dépens de première instance et d'appel,

- débouter la SCI Dayaël de toute autre demande,

À titre subsidiaire si la Cour ne prononçait pas la nullité du commandement de 2018,

- exonérer ou à tout le moins, réduire le taux d'intérêt réclamé,

- lui accorder les plus larges délais de paiement,

- débouter la SCI Dayaël de sa réclamation d'intérêts antérieurs au 3 mai 2013.

A titre principal, il soutient que le commandement n'est pas une mesure d'exécution forcée qui interrompt le délai de prescription en application de l'article 2244 du code civil, de sorte que le titre est prescrit en application des dispositions de l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

A titre subsidiaire, sur la nullité du commandement de 2018, il invoque en premier lieu le non-respect des prescriptions générales des actes d'huissier, en ce que l'huissier n'a pas démontré l'impossibilité d'une signification à personne, en violation des dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. En second lieu, il invoque le non-respect des dispositions spécifiques relatives au commandement de payer résultant de l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution, en raison d'une part, de l'absence de mention du délai de paiement de huit jours, l'acte reçu ne comprenant que deux feuilles, contrairement à celui qui est communiqué par la partie adverse, ce qui lui fait grief, d'autre part, de l'absence de mention des intérêts échus et du taux d'intérêt puisque le décompte mentionne seulement les intérêts pour mémoire alors que le montant des intérêts est exigé à peine de nullité de l'acte, et enfin de la mention d'une date erronée de signification du jugement, ce qui a des conséquences sur le calcul des intérêts.

S'agissant de l'inscription d'hypothèque, il fait valoir que la SCI Dayël confond l'hypothèque judiciaire provisoire, qui est une mesure conservatoire, avec l'hypothèque légale judiciaire prise en vertu d'un titre exécutoire, visée à l'article 2412 du code civil, non soumise aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution, et qui n'a donc pas le caractère d'une mesure conservatoire, et conclut que l'inscription d'hypothèque litigieuse est une sûreté judiciaire et non une mesure conservatoire. Il en déduit qu'elle n'interrompt pas la prescription, puisqu'en application de l'article 2244 du code civil, seule la mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution interrompt la prescription. Il ajoute que l'acte de dénonciation est irrégulier, car l'huissier n'a pas démontré l'impossibilité de remise à personne.

Sur la prescription, il explique que le commandement de 2018 étant nul et la dénonciation de l'inscription d'hypothèque n'étant pas interruptive de prescription, le jugement de 2009 est prescrit en application de l'article L.114-1 du code des procédures civiles d'exécution, de sorte que le commandement de 2020 est également nul.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur le délai de prescription et le caractère interruptif du commandement de payer aux fins de saisie-vente

Il résulte de l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution que l'exécution des décisions de justice ne peut être poursuivie que pendant dix ans.

Le délai de prescription court à compter de la date du jugement, soit en l'espèce, le 4 mars 2009. Le délai expire donc normalement le 4 mars 2019.

Aux termes de l'article 2244 du code civil, le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que le commandement de payer aux fins de saisie-vente, qui, sans être un acte d'exécution forcée, engage la mesure d'exécution forcée, interrompt la prescription de la créance qu'il tend à recouvrer.

C'est donc à tort que M. [M] soutient à titre principal que le titre exécutoire est prescrit en ce qu'un commandement n'interrompt pas la prescription. Il convient donc d'examiner la question de la validité du commandement de 2018.

II. Sur la nullité du commandement de 2018

1) Sur la validité de l'acte au regard de l'article 655 du code de procédure civile

L'article 655 du code de procédure civile dispose :

« Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. »

Il résulte de la feuille de signification du commandement que l'huissier s'est rendu au domicile de M. [M] qui était absent. L'acte mentionne : « N'ayant pu, lors de mon passage, avoir aucune indication sur le lieu où rencontrer le destinataire de l'acte, ces circonstances rendant impossible la remise à personne ou à une personne présente acceptant de recevoir la copie de l'acte, pour les motifs ci-après : Le Destinataire est absent

et vérifications faites que le destinataire est domicilié à l'adresse indiquée suivants les éléments ci-après : Le domicile a été confirmé par un voisin.»

Ces circonstances suffisent à caractériser l'impossibilité de signifier l'acte à personne, étant précisé que contrairement à ce que soutient M. [M], l'huissier n'a nullement l'obligation de retourner au domicile du destinataire pour effectuer une seconde tentative de signification à personne.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté à juste titre ce moyen de nullité.

2) Sur la validité de l'acte au regard de l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution

Aux termes de l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution, 'le commandement de payer prévu à l'article L.221-1 contient à peine de nullité :

1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercée, avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;

2° Commandement d'avoir à payer la dette dans un délai de huit jours faute de quoi il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles'.

L'article 114 du code de procédure civile dispose :

'Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.'

En l'espèce, le commandement de payer du 3 mai 2018 comporte un décompte mentionnant :

Principal : 35.653,77

intérêts : mémoire

dépens : mémoire

article 700 : 1.200,00

actes en cours de signification : 265,49,

émolument proportionnel a.A444-3 : 21,15

Totaux généraux : 37.140,41

Solde débiteur : 37.140,41.

Par ailleurs, le commandement n'indique pas le taux des intérêts.

La mention « mémoire » pour les intérêts et les dépens n'est pas en soi une cause de nullité de l'acte, et peut être interprétée comme signifiant que le créancier ne réclame rien, en tout cas au jour de ce commandement, au titre des intérêts échus et au titre des dépens, ce qu'il est libre de faire, mais que c'est seulement si le débiteur ne s'acquitte pas des sommes mentionnées que les intérêts et les dépens pourront lui être réclamés par la suite.

Cependant, dans la mesure où la mention « mémoire » sous-entend que les intérêts, notamment ceux à échoir, pourront être réclamés ultérieurement, la SCI Dayaël ne pouvait se dispenser d'indiquer le taux des intérêts comme exigé par l'article R.221-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Dans la mesure où dans son commandement de 2020, la SCI Dayaël réclame au débiteur, non seulement les dépens, mais également les intérêts calculés depuis le 4 mai 2009 pour un montant total de 28.734,87 euros, l'absence de mention du taux des intérêts dans le commandement de 2018 cause à M. [M] un grief en ce qu'il n'a pas été informé de ce taux ni des modalités de calcul des intérêts. En outre, le fait de réclamer les intérêts échus avant le premier commandement pour un montant aussi élevé cause également un grief à M. [M] qui n'en avait pas été informé du fait de la seule mention « mémoire ».

Par ailleurs, c'est en vain que la SCI Dayaël soutient que selon la jurisprudence, l'erreur sur le montant de la créance n'affecte pas la validité de l'acte qui reste valable pour la partie non contestable de la dette. En effet, il ne s'agit pas en l'espèce d'une erreur sur le montant de la créance, mais bien d'informations omises causant grief.

C'est donc à juste titre que le premier juge a annulé le commandement du 3 mai 2018. Dès lors, il convient de confirmer le jugement sur ce point, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité.

III. Sur la prescription du titre exécutoire

Il résulte de l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution que l'exécution des décisions de justice ne peut être poursuivie que pendant dix ans.

Le délai de prescription, qui court à compter de la date du jugement du 4 mars 2009, expire normalement le 4 mars 2019.

Selon l'article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

Il n'est pas contesté que le commandement déclaré nul n'interrompt pas la prescription du titre exécutoire. Le commandement de 2018 n'a donc pas interrompu la prescription du jugement du 4 mars 2009.

En outre, il est constant que l'inscription d'une hypothèque judiciaire définitive n'est pas un acte d'exécution forcée susceptible d'interrompre la prescription (ni sa dénonciation).

Par ailleurs, les mesures conservatoires, régies par le code des procédures civiles d'exécution, comprennent les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires.

Contrairement à ce soutient la SCI Dayaël, l'hypothèque judiciaire prise le 4 juin 2010 en vertu du jugement du 4 mars 2009, donc en vertu d'un titre exécutoire, et dénoncée à M. [M] le 3 mai 2018 ne constitue pas une mesure conservatoire, seule l'hypothèque judiciaire provisoire, prise à titre conservatoire, ayant le caractère d'une sûreté judiciaire. Dès lors, la dénonciation de l'inscription d'hypothèque en date du 3 mai 2018 n'a pas interrompu la prescription.

Il en résulte que lors de la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 13 juillet 2020, la prescription décennale du titre exécutoire était acquise.

Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a annulé le commandement du 13 juillet 2020. Il doit être jugé de même s'agissant du commandement de payer délivré le 22 juin 2022.

IV. Sur la demande de dommages-intérêts

M. [M], qui n'a jamais payé sa dette depuis 2009, ne peut prétendre subir un préjudice. En outre, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution a estimé que la faute alléguée, consistant en un abus de saisie, de la SCI Dayaël n'était pas caractérisée.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de dommages-intérêts.

V. Sur les demandes accessoires

L'issue du litige justifie de confirmer les condamnations accessoires de la SCI Dayaël, qui succombe en ses prétentions, et de la condamner aux entiers dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [M] et de condamner à ce titre la SCI Dayaël à lui payer la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er décembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny,

Y ajoutant,

ANNULE le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 22 juin 2022,

CONDAMNE la SCI Dayaël à payer à M. [W] [M] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI Dayaël aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/22361
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.22361 ?
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