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23/11/2022 | FRANCE | N°20/05572

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 23 novembre 2022, 20/05572


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05572 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIZY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/09121



APPELANTE



S.A.S. BSL [Localité 3] ENTREPRISE PRIVEE DE GARDIENNAGE ET DE SECURITE



[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327



INTIME



Monsieur [N] [X]

[Adresse 4]

[L...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05572 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIZY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/09121

APPELANTE

S.A.S. BSL [Localité 3] ENTREPRISE PRIVEE DE GARDIENNAGE ET DE SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327

INTIME

Monsieur [N] [X]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Jérémie GINIAUX-KATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2405

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat de travail à durée déterminée du 30 janvier 2014, M. [N] [X] a été engagé par la SAS BSL [Localité 3] entreprise privée de gardiennage et de sécurité en qualité d'agent de sécurité.

Le 15 février 2019, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 suivant, avec mise à pied.

Par lettre du 14 mars 2019, le salarié a été licencié pour faute grave en raison d'une altercation avec son supérieur hiérarchique dans la nuit du 14 au 15 février précédent, altercation ayant engendré pour ce dernier une incapacité totale de travail de deux jours.

Le 14 octobre suivant, contestant son licenciement et réclamant la condamnation de son employeur au paiement des sommes subséquentes, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 3], qui, par jugement du 26 juin 2020, a requalifié la faute grave en cause réelle et sérieuse et condamné la société BSL [Localité 3] entreprise privée de gardiennage et de sécurité à payer 10.149,02 euros d'indemnité légale de licenciement, 535,48 euros brut de rappel de salaire sur mise à pied, 53,55 euros de congés payés afférents, 4.175,60 euros brut d'indemnité de préavis et 417,56 euros de congés payés afférents.

Par déclaration du 18 août 2020, la société BSL [Localité 3] entreprise privée de gardiennage et de sécurité a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 31 juillet précédent.

Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2021, la société BSL [Localité 3] entreprise privée de gardiennage et de sécurité demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il juge le licenciement fondé sur une faute simple et non grave et la condamne au paiement des sommes subséquentes, lui ordonne de remettre les documents de fin de contrat conformes et la déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de l'infirmer sur ces différents points et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- juger que le licenciement de M. [X] repose sur une faute grave ;

- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [X] à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 février 2021, M. [X] demande à la cour de'confirmer le jugement sauf en ce qu'il rejette ses demandes de voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de l'infirmer sur ces points et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société BSL [Localité 3] entreprise privée de gardiennage et de sécurité à lui payer 29.229,13 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- assortir les condamnations des intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de saisine de la juridiction prud'homale avec capitalisation des intérêts échus,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes ;

- condamner la société BSL entreprise privée de gardiennage et de sécurité à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juillet 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 octobre 2022.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur le licenciement

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 14 mars 2019, qui, en l'absence de précisions ultérieures, fixe les limites du litige, M. [X] a été licencié pour faute grave en raison d'une altercation violente qu'il aurait eue avec son supérieur hiérarchique dans la nuit du 14 au 15 février précédent, altercation ayant engendré une incapacité totale de travail de deux jours chez ce dernier.

1.1 : Sur l'épuisement du pouvoir disciplinaire

L'employeur qui a déjà sanctionné des faits considérés comme fautifs ne peut fonder un licenciement sur ceux-ci car il a épuisé son pouvoir disciplinaire.

Ainsi, si les faits reprochés ont déjà fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire, qui est une sanction, ils ne peuvent pas donner lieu à un licenciement pour faute. En revanche lorsque le salarié a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire qui n'a pas la nature d'une sanction, le salarié peut être licencié malgré cette mesure.

Il est par ailleurs constant que le fait pour l'employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire en demandant au salarié de reprendre le travail n'a pas pour effet de requalifier en mise à pied disciplinaire la mise à pied prononcée par l'employeur dans l'attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps (Soc., 18 mai 2022, n°20-18717).

Au cas présent, contrairement à ce que soutient le salarié, malgré une simple erreur matérielle dans la dénomination de la mise à pied dont il a fait l'objet qualifiée de disciplinaire sur le planning ou sur le rapport d'accident, il est suffisamment établi par la convocation à l'entretien préalable, qui précise 'nous vous mettons à pied à titre conservatoire et vous demandons de ne plus vous présenter sur votre site d'affectation jusqu'à la date de votre entretien' que la mesure de mise à pied prise concomitamment à l'engagement de la procédure de licenciement, présentait un caractère conservatoire.

Par ailleurs, il ressort de ce qui précède qu'il ne saurait être déduit du seul fait que le salarié a repris le travail après une période de mise à pied que celle-ci présentait la nature d'une sanction disciplinaire et n'était pas de nature conservatoire.

La mise à pied étant conservatoire et non disciplinaire, le moyen tiré de l'épuisement par l'employeur de son pouvoir disciplinaire devra dès lors être écarté.

1.2 : Sur la faute grave

Il incombe exclusivement à l'employeur, qui se prévaut d'une faute grave, d'apporter la preuve de la matérialité des faits reprochés et d'établir que leur gravité rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Au cas présent, M. [X] ne conteste pas la matérialité de l'altercation mais fait valoir qu'elle a été déclenchée par le comportement de son supérieur et que la responsabilité de ses conséquences ne saurait dès lors lui être attribuée.

Cependant, outre un compte-rendu d'entretien préalable aux termes duquel le salarié reconnaît avoir 'bousculé son supérieur' sans toutefois 'l'attraper à la gorge' et le certificat médical décrivant les blessures du supérieur concerné, l'employeur produit un mail comportant un extrait des observations des 'personnels des opérations' de la société cliente ayant visionné l'altercation en temps réel grâce à la vidéo surveillance. Aux termes de ce mail, rédigé par des personnes extérieures à l'entreprise et neutres dans le conflit, il est fait état d'une dispute mais aucunement de violences réciproques. En outre, les rédacteurs indiquent que : 'l'un attaque l'autre, d'abord en le saisissant à la gorge puis à nouveau par la gorge il le pousse dans la cage d'escalier' en distinguant bien une victime et un auteur.

La société appelante communique également une attestation du supérieur concerné et le dépôt de plainte de ce dernier qui confirment ce déroulement.

Elle verse enfin aux débats la page du cahier d'information du jour de l'incident sur laquelle il est écrit de la main du salarié '[T] (prénom de son supérieur) fait (sic) attention', mention à propos de laquelle le salarié se contente d'indiquer qu'elle ne constituait pas des menaces sans l'expliquer davantage alors que son destinataire expose qu'elle traduisait l'agressivité de M. [X] consécutive à une consigne de sa part qu'il contestait.

Au regard de ce qui précède, il convient d'exclure toutes violences réciproques entre le salarié et son supérieur et de considérer que le salarié est le seul auteur de violences.

Compte tenu des menaces écrites antérieures, il est par ailleurs peu vraisemblable que le supérieur de M. [X] soit à l'origine de la dispute. Surtout, même à la supposer avérée, une simple provocation verbale ne peut justifier d'attraper à deux reprises son supérieur hiérarchique à la gorge puis de le pousser dans les escaliers en l'y faisant chuter.

Dès lors, la matérialité des faits et leur imputabilité sont suffisamment établies. Compte de leur

gravité intrinsèque, s'agissant de violences physiques, précédées de propos menaçants, dirigées contre un supérieur, ayant entraîné des conséquences physiques pour ce dernier, dans une entreprise spécialisée dans la sécurité, ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et ce, malgré son ancienneté.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il requalifie la faute grave en cause réelle et sérieuse ainsi qu'en ce qu'il fait droit aux demandes subséquentes au titre de l'indemnité légale de licenciement, de rappel de salaire sur mise à pied, de congés payés afférents, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents.

Le licenciement n'étant pas abusif, la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera également rejetée.

2 : Sur les autres demandes

Compte tenu du sens du présent arrêt, la demande au titre des intérêts et de la remise des documents de fin de contrat rectifiés est sans objet. Le jugement sera infirmé en ce qu'il y fait droit.

Par ailleurs, M. [X], partie perdante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. Le jugement qui n'a pas statué sur la charge des dépens sera complété en ce sens.

L'équité commande en revanche de ne pas faire droit à la demande de l'employeur au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 26 juin 2020 en toutes ces dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Juge le licenciement pour faute grave fondé ;

- Rejette la demande d'indemnité de licenciement ;

- Rejette la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période de mise à pied conservatoire ;

- Rejette la demande d'indemnité de préavis et de congés payés afférents ;

- Rejette la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- Dit sans objet la demande de communication des documents de fin de contrat ;

- Dit sans objet la demande au titre des intérêts légaux ;

- Rejette la demande de la SAS BSL [Localité 3] entreprise privée de gardiennage et de sécurité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [N] [X] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05572
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;20.05572 ?
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