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23/11/2022 | FRANCE | N°20/01617

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 23 novembre 2022, 20/01617


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01617 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQDL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/05334





APPELANT



Monsieur [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]
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INTIMEE



S.A.S. EVERNEX CAPITAL SOLUTIONS

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Lucienne BOTBOL, avocat a...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01617 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQDL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/05334

APPELANT

Monsieur [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe CHEMLA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. EVERNEX CAPITAL SOLUTIONS

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Lucienne BOTBOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1574

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DECHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 21 octobre 2013, M. [T] [S], né le 30 octobre 1973, a été engagé par la société ADITIA Lease aux droits de laquelle vient désormais la SAS Evernex capital solutions, en qualité d'administrateur systèmes, statut cadre.

La société Evernex capital solutions est une société de service spécialisée dans la traçabilité et la gestion du cycle de vie des équipements informatiques. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970. La société Evernex emploie habituellement plus de dix salariés.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [S] s'élevait à la somme de 3.296,28 euros.

Par lettre datée du 12 mars 2018, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 mars 2018 avec mise à pied conservatoire.

Par lettre du 28 suivant, il a été licencié pour faute grave au motif qu'il aurait eu une altercation avec une collègue, tenu des propos injurieux et sexistes à son égard et eu un comportement agressif vis-à-vis de ses collègues malgré des rappels à l'ordre et sans se remettre en cause ou s'excuser par la suite. Les motifs de la rupture ont été précisés par courrier du 20 avril suivant.

Le 16 juillet 2018, contestant son licenciement et réclamant des dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité ainsi que le paiement de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.

La société Evernex formait une demande reconventionnelle d'indemnité pour violation de la clause de non-concurrence.

Par jugement du 20 janvier 2020, le conseil a écarté la faute grave au profit de la cause réelle et sérieuse et condamné la société Evernex capital solutions à payer 3.296 euros d'indemnité légale de licenciement, 9.888 euros d'indemnité compensatrice de préavis, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ainsi que 10.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, outre 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, le conseil rejetait les demandes d'annulation du licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement nul, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement vexatoire ainsi que les prétentions au titre de la clause de non-concurrence et la demande reconventionnelle à ce titre de l'employeur.

Par déclaration du 21 février 2020, M. [S] a fait appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 24 janvier précédent. Aux termes de sa déclaration d'appel, il critiquait expressément uniquement les chefs du jugement relatifs au rejet des demandes au titre de la clause de non-concurrence.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 septembre 2020, M. [S] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il rejette sa demande relative à la clause de non-concurrence et sur les dépens qu'elle laisserait à sa charge, de l'infirmer sur ces points et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- à titre principal, condamner la société Evernex capital solutions à lui payer 15.822 euros au titre du paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

- à titre subsidiaire, déclarer la clause de non-concurrence de M. [S] nulle et non avenue

et condamner la société Evernex capital solutions à lui payer 15.822 euros à titre de dommages et intérêts en raison de cette nullité ;

- condamner la société Evernex capital solutions à lui payer 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Evernex capital solutions aux intérêts au taux légal sur ces sommes, à compter de l'acte introductif d'instance et ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- condamner la société Evernex capital solutions aux entiers dépens ;

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 avril 2022, la société Evernex capital solutions demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur le rejet de sa demande reconventionnelle, la requalification de la faute grave en cause réelle et sérieuse et sa condamnation au paiement d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, de 10.000 euros de dommage et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de l'infirmer sur ces différents points et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner M. [S] à lui payer 39.198,10 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 10 du contrat de travail du 13 septembre 2013 ;

- débouter M. [S] de ses demandes ;

- condamner M. [S] à lui payer 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [S] aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'exécution éventuels de l'arrêt à intervenir.

En réponse à cet appel incident, M. [S] dans ses conclusions susvisées demandait à la cour de confirmer le jugement et de rejeter les demandes de la société Evernex capital solutions.

Sans demander l'infirmation de la décision de première instance en ce qu'elle rejette ses demandes d'annulation du licenciement ou de voir celui-ci jugé sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, il demandait néanmoins à la cour, statuant de nouveau, de :

- prononcer la nullité de son licenciement ou juger celui-ci sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Evernex capital solutions à lui payer la somme de 19.777 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, de condamner la société Evernex capital solutions à lui payer 16.481 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Evernex capital solutions à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- condamner la société Evernex capital solutions à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 septembre 2022 à 9h.

Les observations des parties ont été sollicitées sur l'étendue de la saisine de la cour au regard de l'absence de demande d'infirmation du jugement de certains chefs. Par note en délibéré du 28 octobre, l'appelant n'a pas contesté l'absence de demande d'infirmation préalable à ses demandes en réponse à l'appel incident de l'intimé mais a souligné que la cour était parfaitement saisie des termes de son appel principal.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur l'étendue de la saisine de la cour

Le salarié ayant fait appel principal uniquement sur le rejet de ses demandes au titre de la clause de non-concurrence et ne formant pas dans ses conclusions de demande préalable d'infirmation des chefs du jugement relatifs au licenciement, la cour n'est pas saisie de ses demandes dites reconventionnelles d'annulation du licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou sans cause réelle et sérieuse, pour harcèlement moral et pour licenciement vexatoire.

2 : Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1234-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de rupture du 28 mars 2018, précisée par le courrier du 20 avril suivant, fixe les limites du litige.

Selon ce premier courrier, M. [S] a été licencié dans les termes suivants : 'Le 6 mars dernier vous deviez former votre nouvelle collègue à son nouvel environnement de travail. Vous avez eu une altercation avec elle. Vous avez tenu des propos injurieux et sexistes à son égard et eu un comportement agressif vis-à-vis de vos collègues. Alerté par cette altercation, votre supérieur hiérarchique a dû organiser une réunion de service, pour rassurer l'équipe.Lors de notre entretien, vous minimisez les faits et ne vous remettez pas en cause. Vous avez seulement relevé que votre collègue semblait agacée en attendant la fin de votre conversation téléphonique. Vous n'avez pas voulu revenir sur vos propos et votre comportement. Vous avez réfuté le caractère grave de votre comportement à aucun moment eu des remords ou envisagé de vous excuser auprès de cette collègue et/ou de votre hiérarchie. Depuis plusieurs semaines, nous avons constaté une escalade dans les propos tenus verbalement ou par écrit et dans votre comportement. La direction vous a déjà alerté sur votre comportement agressif et la communication avec vos collègues. En particulier lors de votre entretien annuel, votre supérieur vous a demandé d'améliorer rapidement ce point. Votre comportement dégrade les relations de travail dans le service et dans l'entreprise. A travers ces faits indiscutables votre conduite met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés votre maintien même temporaire dans l'entreprise s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement'.

Il est en outre ajouté par le courrier du 20 avril suivant qui, à la demande du salarié, précise les motifs de la rupture que, concernant l'escalade dans les propos, il lui est notamment reproché d'avoir le 12 février 2018 envoyé un courriel à un collègue comprenant les mots : 'Fou ma la paix !'.

Le salarié fait valoir que le courrier est insuffisamment précis quant au motif de la rupture en ce que le nom de la victime des faits du 6 mars 2018 n'est pas cité. Cependant, il apparaît que cette absence de mention ne fait pas obstacle à l'identification claire des faits reprochés en sorte que ce moyen doit être écarté.

Il ajoute que l'altercation invoquée est justifiée par l'insuffisance professionnelle de la collègue concernée qui ne supportait pas ses remarques pourtant justifiées et souhaitait le voir écarter de l'entreprise ce que démontrerait la main courante déposée après l'incident. Il produit une attestation d'un témoin qui indique n'avoir entendu aucun propos sexistes et de nombreuses attestations de collègues sur son attitude habituellement exemplaire.

Cependant alors que le témoin cité par l'appelant est lui-même mis en cause pour des propos sexistes ainsi qu'il ressort d'une attestation versée aux débats, qu'il ne résulte pas du compte-rendu de l'entretien préalable établi par son conseiller que le salarié ait alors contesté la matérialité de l'altercation et sa responsabilité dans sa survenue, que la collègue victime a déposé une main courante détaillant des faits conformes à ceux reprochés, que l'employeur communique une attestation qui confirme ses propos et que le lendemain des faits le salarié a tenté de joindre l'ancien employeur de la victime pour obtenir des informations sur elle, la matérialité du premier grief est suffisamment établie.

Concernant le second grief à savoir l'escalade dans les propos tenus verbalement ou par écrit qui fait référence à un courriel de M. [S] à l'un de ses collègues où il écrit : 'Fou ma la paix !', celui-ci est établi par la production de l'échange de messages litigieux ainsi que par les autres courriels communiqués qui démontrent des propos régulièrement agressifs de M. [S] à l'endroit de ses collègues voire de clients.

Les deux faits reprochés sont donc avérés. Compte tenu de leur gravité intrinsèque, de la réitération de l'agressivité verbale du salarié à l'encontre de plusieurs personnes et ce alors que son attention avait été appelée lors de l'entretien préalable du 15 février 2018 sur la nécessaire amélioration de son attitude vis-à-vis des tiers qualifiée alors d'insuffisante, ces faits rendaient impossible, malgré son ancienneté et ses compétences techniques, son maintien dans les effectifs de l'entreprise en sorte que la faute grave est caractérisée.

Le jugement devra donc être infirmé en ce qu'il écarte celle-ci au profit de la cause réelle et sérieuse et en ce qu'il fait droit aux demandes du salarié au titre de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal.

3 : Sur la clause de non concurrence

Il est constant que la charge de la preuve de la violation d'une clause de non concurrence incombe à l'employeur qui s'en prévaut.

Au cas présent, l'article 10.1 du contrat de travail stipule que, pendant une période de douze mois à compter de la date de cessation de ses fonctions et en cas de licenciement pour quelque cause que ce soit ou de démission, le salarié s'interdira d'exercer toute activité salariée ou mandat social dans toute société qui exercera une activité concurrente. Compte tenu des fonctions du salarié, des spécificités techniques mises en oeuvre dans la société, du marché très concurrentiel sur lequel intervient la société, il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit, directement ou indirectement, à toute activité concurrente relevant du même secteur d'activité que la société. Cette interdiction est limitée à la durée de 12 mois à compter de la date de rupture effective du contrat et au territoire confié les deux années précédant son départ. En contrepartie de cette obligation de non concurrence, le salarié percevra à compter de la date de rupture effective du contrat de travail et pendant la durée d'application de la clause une indemnité brute mensuelle d'un montant correspondant à 40% de la moyenne brute du salaire mensuel soumis à charges sociales des trois derniers mois. La société se réserve le droit de libérer le salarié de son obligation de non-concurrence sans que celui-ci puisse prétendre au paiement d'une quelconque indemnité, notification sera alors faite par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la rupture quel qu'en soit l'auteur. En cas de violation de cette interdiction, le salarié s'exposera au paiement par infraction constatée d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération

Alors que la clause de non-concurrence n'a pas été levée lors de la rupture du contrat, il est soutenu par l'employeur qu'elle aurait été violée par le salarié qui ne pourrait dès lors prétendre au paiement de sa contrepartie financière.

Au soutien de ses allégations, l'employeur fait valoir la transmission en cours de contrat de documents et d'informations confidentiels à des tiers par le salarié

Cependant, ces faits, s'ils peuvent révéler un éventuel comportement déloyal en cours d'exécution, ne sont pas de nature à caractériser une violation de l'obligation contractuelle de non-concurrence qui concerne exclusivement la période de douze mois à compter de rupture de celui-ci.

Or, pour la période postérieure à la rupture, l'employeur se prévaut uniquement d'un courriel du 5 septembre 2018 qu'il aurait reçu par erreur et aux termes duquel il aurait découvert qu'un de ses salariés transmettait directement à un client des documents qu'il se procurait auprès de M. [S], lequel insistait sur le fait qu'il disposait également des 'installes'. Cependant, ce seul message ne permet pas de caractériser que l'appelant exerçait une activité salariée ou un mandat social dans une société exerçant une activité concurrente.

Dès lors, l'employeur n'apportant pas la preuve qui lui incombe de la violation de la clause de non-concurrence qu'il invoque, la contrepartie financière de celle-ci est due.

Par conséquent, la société devra nécessairement être condamnée au paiement de 15.822 euros correspondant à la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande de ce chef.

Il sera en revanche nécessairement confirmé en ce qu'il rejette la demande reconventionnelle de l'employeur au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 10 du contrat.

4 : Sur la demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des

circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Au cas présent, le salarié fait valoir que son employeur aurait manqué à son obligation de sécurité en ne prévenant pas le harcèlement moral dont il aurait fait l'objet malgré ses dénonciations ainsi qu'en ne lui permettant pas de prendre ses congés payés.

Cependant, le jugement qui a rejeté sa demande à ce titre est irrévocable faute de demande d'infirmation de ce chef, de sorte que M. [S] ne peut se prévaloir utilement d'un harcèlement moral. Il n'établit pas davantage avoir dénoncé le harcèlement moral auprès de son employeur en amont de l'introduction de la présente procédure. Il s'ensuit qu'il ne saurait être fait grief à ce dernier d'avoir manqué à son obligation de prévention sur ce point.

En revanche, il ressort des fiches de paie du salarié que ce dernier disposait de jours de congés payés non pris lors de la rupture pour la période antérieure à la période de référence.

Or, l'employeur doit prouver qu'il a accompli les diligences nécessaires pour que son salarié puisse prendre ses congés payés et que, malgré les mesures prises, le travailleur a renoncé délibérément et de façon éclairée à exercer son droit de prendre ses congés payés annuels.

Au cas présent, cette preuve n'étant pas apportée, le salarié, qui s'est vu payer une indemnité compensatrice de congés payés de 10.814,30 euros lors de la rupture, mais qui a subi un préjudice en termes de dégradation de sa santé du fait de cette absence de repos régulier, se verra allouer une somme de 500 euros de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement sera ainsi confirmé sur le principe des dommages et intérêts alloués pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité mais infirmé sur leur montant.

5 : Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler que les intérêts au taux légal courent à compter du jugement du 20 janvier 2020 sur les condamnations indemnitaires confirmées et du présent arrêt pour le surplus. Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière

Le jugement sera par ailleurs infirmé sur les dépens.

Au regard du sens de la présente décision, chacune des parties, qui succombe partiellement, conservera la charge de ses dépens d'appel comme de première instance.

L'équité commande par ailleurs de rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Se déclare non saisie des demandes d'annulation du licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, pour harcèlement moral et pour licenciement vexatoire ;

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 20 janvier 2020 sauf en ce qu'il rejette la demande reconventionnelle de l'employeur au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 10 du contrat et sur le principe des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Juge le licenciement pour faute grave fondé ;

- Rejette la demande au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- Rejette la demande d'indemnité compensatrice de préavis ;

- Condamne la SAS Evernex capital solutions à payer à M. [T] [S] 15.822 euros correspondant à la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence ;

- Condamne la SAS Evernex capital solutions à payer à M. [T] [S] la somme de 500 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent à compter du 20 janvier 2020 sur les condamnations indemnitaires confirmées et du présent arrêt pour le surplus ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laisse à chacune des parties la charge de ses éventuels dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01617
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;20.01617 ?
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