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23/11/2022 | FRANCE | N°19/10821

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 23 novembre 2022, 19/10821


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10821 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3QA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/00921



APPELANTE



Madame [L] [N]

Chez M.[N] [Adresse 2]

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INTIMEE



SA SFD devenue SAS SFR DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de s...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10821 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3QA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/00921

APPELANTE

Madame [L] [N]

Chez M.[N] [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Barbara BOAMAH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 289

INTIMEE

SA SFD devenue SAS SFR DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de son Président y domicilié en cette qualité.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société SFR DISTRIBUTION est le distributeur de l'opérateur SFR au grand public via l'exploitation de points de vente à l'enseigne « espace SFR » sur le territoire français métropolitain.

Mme [L] [N] a été engagée par la société SFR DISTRIBUTION selon contrat de travail à durée déterminée à compter du 15 novembre 2010 jusqu'au 23 janvier 2011 en qualité de vendeuse en raison d'un surcroît temporaire d'activité. La relations de travail s'est poursuivie par un contrat à durée indéterminée.

Elles étaient soumises à la convention collective nationale des commerces et services, de l'électronique, de l'audiovisuel et de l'équipement ménager.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [N] s'élevait à la somme de 2 840 euros.

A l'occasion d'un concours au sein de l'entreprise, Mme [N] a gagné, avec ses collègues, une croisière en Floride du 26 au 31 mars 2015.

Celle-ci s'est vu notifier son licenciement par lettre datée du 29 avril 2015 dans les termes suivants :

« Nous avons été amenés à constater un comportement totalement inadapté de votre part lors d'un voyage professionnel organisé par l'entreprise, qui a préjudicié à son bon déroulement et porté atteinte à l'image de SFR DISTRIBUTION .

En effet, du 26 au 31 mars dernier, vous avez participé à un voyage en Floride, organisé par SFR DISTRIBUTION , en compagnie d'autres salariés de l'entreprise (autour de 130 participants) et durant votre temps de travail. Lors de ce voyage, une croisière de trois jours (du 27 au 30 mars 2015) était organisée afin de se rendre de [Localité 5] à [Localité 6] (Bahamas). Lors de cette croisière vous partagiez votre cabine avec Madame [W] [E], également conseillère de vente au sein de l'entreprise.

Or, le samedi 28 mars dans la matinée, l'équipe chargée du nettoyage des cabines a découvert que le détecteur de fumée de la cabine que vous et Madame [E] occupiez avait été volontairement obstrué. Vous-même et votre collègue Madame [W] [E] avez été interrogées par le commandant de bord à ce sujet.

Lors de cet entretien, vous avez reconnu avoir fumé un narguilé dans votre cabine, et avoir volontairement obstrué le détecteur de fumée, qui est ensuite resté obstrué une partie de la matinée, empêchant ainsi la détection en cas d'incendie et portant ainsi atteinte à la sécurité de tous les passagers.

Pourtant, lors de la réunion d'information qui a eu lieu après l'embarquement le vendredi 27 mars, le Directeur Commercial de l'entreprise, Monsieur [H] [F], ainsi que l'équipe chargée de l'encadrement lors de ce voyage, ont insisté sur la nécessité absolue de respecter les consignes de sécurité à bord, afin de garantir votre sécurité et celle des plus de deux mille voyageurs présents pour cette croisière.

Force est de constater que, malgré :

- l'affichage des consignes dans les cabines,

- l'existence des zones « fumeurs » sur le pont du bateau,

- le rappel lors de cette réunion du 27 mars,

- l'indication du respect des zones « fumeurs » dans le dépliant qui vous a été remis, vous avez délibérément enfreint les consignes et avez tenté de masquer votre comportement en obstruant le détecteur de fumée, faisant ainsi courir des risques inconsidérés et injustifiés pour la sécurité de tous les passagers et de votre collègue en premier lieu.

Au-delà du non-respect des consignes de sécurité, votre attitude montre également un manque de respect total envers votre collègue, Madame [E], alors enceinte, à laquelle vous avez non seulement imposé la fumée de votre narguilé, et l'avez également exposée au risque lié à la sécurité en cas d'incendie.

Cette situation contraire aux règles élémentaires de bienséance a troublé le bon déroulement de ce voyage professionnel.

Suite à vos agissements, le commandant de bord a pris la décision, lors de l'arrivée à [Localité 6] ce samedi 28 mars au soir, de ne pas vous autoriser à poursuivre cette croisière. Cette décision de débarquement anticipé a encore troublé le bon déroulement de ce voyage professionnel, en ce qu'elle a mis en évidence auprès des autres salariés participant à cette croisière votre inconduite et vos agissements répréhensibles.

Nous avons par ailleurs été dans l'obligation de faire face à une telle situation, en réservant une nuit d'hôtel à [Localité 6], un vol [Localité 6]-[Localité 5] pour le dimanche 29 mars, ainsi qu'une nuit d'hôtel à [Localité 5] pour la nuit du 29 au 30 mars, afin que vous puissiez prendre le vol [Localité 5]-[Localité 7] prévu le lundi 30 mars au soir.

Une telle attitude de votre part et un tel manque de respect, d'une part envers votre collègue de travail et d'autre part face aux consignes clairement données dans le cadre de ce déplacement professionnel, ne sont pas compatibles avec la poursuite de notre relation de travail.

Vos agissements délibérés sont totalement contraires aux principes qui régissent le cadre professionnel. Un tel comportement est inacceptable et trouble gravement le bon fonctionnement de l'entreprise en diffusant une image déplorable de la société SFR DISTRIBUTION auprès de nos salariés et de l'équipage de cette croisière.

A ce titre, la définition de fonction que vous ne pouvez ignorer au vu de sa mise à disposition sur l'intranet, est sur ce point explicite :

Partie « Savoir- Etre » sous le point 1 ' « Exemplarité »

- « la fiabilité et la constance dans l'action et dans le comportement au sein de

l'équipe, l'entreprise et l'extérieur,

- la maîtrise de soi en toute circonstance »

A la date du licenciement, la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [N] a, par une requête enregistrée le 30 mars 2018, saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 15 avril 2019, l'a intégralement déboutée de ses demandes.

Par déclaration du 23 octobre 2019, Mme [N] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 janvier 2020, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu le 15 avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny.

- de constater que le licenciement intervenu le 29 avril 2015 est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- de condamner la société SFD à verser à Mme [N] la somme de 34 080 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- d'ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi et bulletins de salaire conformes à la décision sollicitée sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la saisine du conseil (sic) ;

- de condamner la société à verser à Mme [N] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- de condamner la même aux entiers dépens ;

- d'ordonner l'exécution provision de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 février 2020, la société SFR DISTRIBUTION demande à la cour :

' de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny du 15 avril 2019 en toutes ses dispositions,

' de débouter Mme [N] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

' de condamner Mme [N] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

' de la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022 .

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le licenciement

L'employeur fait valoir que les faits reprochés ont certes eu lieu en dehors du temps de travail, mais qu'ils se rattachent à la vie de l'entreprise, que l'employeur est tenu de faire respecter les règles de sécurité, que la salariée doit les respecter selon les termes du contrat de travail d'autant plus qu'elle avait été informée sur le paquebot des règles applicables et qu'elle a mis en danger la santé de la femme enceinte qui partageait sa cabine. Elle souligne que son attitude a dégradé l'image de l'entreprise à bord du bateau.

Mme [L] [N] soutient que la sanction ne pouvait être prononcée s'agissant d'une faute commise en dehors du temps et du lieu de travail qui n'a pas perturbé la vie de l'entreprise. Elle ajoute qu'elle ne connaissait pas les règles de sécurité en vigueur à bord du paquebot.

Sur ce

Il est constant que nonobstant les termes utilisés par le conseil des prud'hommes, le licenciement n'a pas été prononcé pour faute grave, mais seulement pour faute.

Aux termes de l'article L. 3121-1 du Code du travail dans sa version applicable à l'époque des faits, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Ainsi, en l'espèce s'agissant d'un voyage touristique quoique payé par l'entreprise à titre de récompense, la salariée ne se trouvait pas au temps du travail lorsqu'elle a commis les agissements dont elle ne conteste d'ailleurs pas la réalité et ne se trouvait donc soumise à aucun lien de subordination.

Elle ne se trouvait même pas soumise aux règles en vigueur au sein de l'entreprise, puisque les faits ont eu lieu en dehors du lieu de travail.

Si, en principe, il ne peut être procédé au licenciement d'un salarié pour une cause tirée de sa vie personnelle, il en est autrement lorsque le comportement de l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière.

La société SFR DISTRIBUTION ne démontre pas un trouble caractérisé causé à l'entreprise, dont le fonctionnement est peu influencé par l'opinion des membres de l'équipage qui ont pu être informé de l'incident, ni par les commentaires qu'ont pu en faire les passagers. Aucune explication n'est donnée sur les éventuels effets de l'usage du narghile sur la santé de la personne qui partageait sa cabine, ni même sur une éventuelle opposition de celle-ci à un tel usage.

Le sérieux des fautes commises au regard de la sécurité qui a donné lieu au débarquement immédiat de l'intéressé ne permet pas pour autant de justifier le licenciement.

Dans ces conditions le licenciement sera déclaré dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

La salariée demande l'équivalent de douze mois de salaire en réparation de la rupture en faisant valoir qu'elle a fait l'objet d'une procédure de surendettement dont les conséquences ont été amplifiées par le licenciement et qu'elle a été expulsée de son logement faute de paiement du loyer.

La société SFR DISTRIBUTION objecte que la procédure de surendettement est antérieure à la rupture et que les causes de l'expulsion la précédaient également. Elle fait valoir également l'employabilité de l'intéressée qui a retrouvé en emploi.

Sur ce

La salariée justifie d'une situation obérée, même si la cause n'en réside pas initialement dans le licenciement. En effet une ordonnance de référé rapporte l'acquisition de la clause résolutoire de son logement le 30 novembre 2014, la signification d'une décision d'expulsion du 7 septembre 2014, une décision du 14 juin 2016 rendue par la commission de surendettement des particuliers orientant son dossier vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Elle a obtenu différents contrats à durée déterminée se succédant entre le 8 janvier 2016 et le 12 août 2016 avant la conclusion d'un contrat à durée indéterminée le 13 août 2017.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [L] [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des indemnités de chômage par Pôle-Emploi

En application de l'article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

La présente décision ne justifie par la délivrance d'une nouvelle attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de paie.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la société SFR DISTRIBUTION , qui succombe, à payer à Mme [L] [N] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société verra des prétentions au titre des frais irrépétibles rejetées et supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré uniquement sur la demande de Mme [L] [N] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

Condamne la société SFR DISTRIBUTION à payer à Mme [L] [N] la somme de 18 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Condamne la société SFR DISTRIBUTION aux dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Ordonne le remboursement par la société SFR DISTRIBUTION à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [L] [N] à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois ;

Condamne la société SFR DISTRIBUTION à payer à Mme [L] [N] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande de la société SFR DISTRIBUTION au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société SFR DISTRIBUTION aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/10821
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;19.10821 ?
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