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23/11/2022 | FRANCE | N°19/08339

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 23 novembre 2022, 19/08339


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08339 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAM7H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRÉTEIL - RG n° 14/00290



APPELANTE



Madame [M] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Repr

ésentée par Me Ludivine DE LEENHEER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238



INTIMEE



SARL BL CLEAN ETAPE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marjorie BAC...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08339 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAM7H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRÉTEIL - RG n° 14/00290

APPELANTE

Madame [M] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Ludivine DE LEENHEER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238

INTIMEE

SARL BL CLEAN ETAPE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marjorie BACONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [M] [Y] a été engagée le 10 septembre 2012 par la société Clean Étape en qualité de repasseuse sous contrat à durée déterminée jusqu'au 9 novembre 2012. La relation de travail s'est poursuivie selon un contrat à durée indéterminée du 10 novembre 2012.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de la blanchisserie inter-régionale.

le 24 octobre 2013, Mme [Y] et sa collègue Mme [R] ont eu une altercation physique et la société BL Clean Étape a notifié à la première un avertissement le même jour.

La CPAM a reconnu à ces faits la qualification d'accident du travail. Mme [Y] a été en arrêt de travail entre le 24 octobre et le 24 novembre 2013.

Le 2 décembre 2013, une nouvelle altercation est survenue et la salariée a de nouveau été placée en arrêt de travail jusqu'au 22 avril 2014.

A la suite de ces faits, par lettre datée du 2 décembre 2013, la société a notifié à Mme [Y] un second avertissement.

Mme [Y] a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 29 janvier 2014 en contestation de l'avertissement prononcé du 24 octobre 2013.

Le 4 mars 2014, à l'issue d'une première visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme [Y] «inapte provisoire» avec la précision 'pas de contacts avec les autres salariés'.

Par avis du 18 mars 2014, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive à son poste en précisant «pas de contacts avec les autres salariés. Possibilité d'horaires aménagés».

Une nouvelle altercation impliquant Mme [M] [Y] a eu lieu le 9 décembre 2014 au sein de l'établissement.

Par lettre datée du 10 décembre 2014, la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 2 janvier 2015 en vue d'un éventuel licenciement et lui a notifié en même temps sa mise à pied conservatoire.

Le licenciement pour faute grave a été notifié par lettre du 30 janvier 2015.

La société occupait habituellement moins de 11 salariés.

Dans le dernier état de ses prétentions, la demanderesse entendait voir reconnaître nul le licenciement, annuler l'avertissement du 24 octobre 2013 et condamner la défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

- 17 734,56 euros de dommages-intérêts pour nullité du licenciement ;

- 2 955,76 euros d'indemnité de préavis ;

- 295,55 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 689,66 euros d'indemnité de licenciement ;

- 6 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 3 000 euros à raison du défaut de visite médicale de reprise et d'embauche ;

- 1 500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle sollicitait également la condamnation de l'employeur à lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie conformes au jugement attendu sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision.

Par décision du 20 juin 2019, le juge départiteur a débouté Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes, la société de la sienne et condamné cette dernière aux dépens.

Par déclaration du 18 juillet 2019, Mme [Y] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 13 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par l'intimée le 16 janvier 2020 ainsi que les pièces communiquées en soutien.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 avril 2022, Mme [Y] demande à la cour l'infirmation du jugement et reprend ses prétentions de première instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

L'intimé qui ne conclut pas ou dont les conclusions sont irrecevables est réputé adopter les motifs de la décision de première instance, sans pouvoir se référer à ses conclusions ou pièces déposées devant la juridiction de première instance. Ainsi, la cour qui n'est pas saisie de conclusions de l'intimé doit uniquement examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

Sur l'annulation de l'avertissement du 24 octobre 2013

Mme [T] [N] soutient qu'elle a été agressée le 24 octobre 2013 par sa collègue Mme [R] qui l'aurait giflée, griffée et lui a donné des coups, et qu'elle n'est pas à l'origine de cette altercation.

L'avertissement du 24 octobre 2013 est rédigé en ces termes :

'Vous avez quitté votre poste de travail ce jour, à 10 h 55 suite à une altercation avec une de vos collègues. Cet incident regrettable a contribué de perturber le travail de la journée. Par ailleurs depuis un certain temps, votre attitude et vos propos créent une mauvaise ambiance dans l'atelier.

La qualité de votre travail s'en ressent et votre individualisme fait que vous refusez de travailler en bonne intelligence et avec un esprit d'équipe, avec vos collègues. Je vous ai fait la remarque à plusieurs reprises sur le sujet.

Je vous demande donc de vous ressaisir. J'ai le regret de vous adresser par cette lettre un avertissement'.

Le jugement déféré rapporte les termes de l'attestation de Mme [U], responsable du magasin, qui a vu que la salariée se battait avec une de ses collègues, tandis que, par lettre de du 18 novembre 2013, Mme [T] [N] a reconnu une altercation sans avancer qu'elle n'en aurait été que la victime.

Dés lors c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement et la demande de dommages-intérêts subséquente pour préjudice moral.

Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale de reprise et d'embauche

Mme [T] [N] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts à raison de l'absence de visite médicale d'embauche et de reprise après l'arrêt de travail du 24 octobre 2013 au 24 novembre 2013 pour accident du travail, ni même après l'arrêt de travail du 31 octobre 2014 au 8 décembre 2014. La salariée souligne qu'elle a été privée de la possibilité de consulter le médecin du travail en raison de la résiliation par l'employeur de son adhésion à un service de médecine du travail et que cette visite aurait pu fixer des restrictions pour éviter de nouvelles rencontres avec sa collègue par laquelle elle a dit avoir été agressée le 10 décembre 2014, à l'issue de son arrêt de travail.

L'intéressé ne justifie pas d'un préjudice né de l'absence de visite médicale d'embauche prévue par l'article R 4624-10 du code du travail.

Aux termes de l'article R 4624-22 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Une plainte de Mme [M] [Y] combinée à un certificat médical du 10 décembre 2014 démontre qu'une altercation est intervenue entre elle et la même salariée avec laquelle avait déjà eu lieu un précédent heurt ayant donné lieu au premier avertissement et qu'il en est résulté pour Mme [Y] une dermabrasion sur la face dorsale de la main gauche et un érythème au pouce droit.

Compte tenu de l'ambiance délétère régnant au sein de l'entreprise et notamment de l'opposition persistante entre la salariée et Mme [R], une visite de reprise aurait permis d'anticiper les difficultés rencontrées à l'issue du congé maladie qui a pris fin le 9 mars 2014. En effet, les précédentes inimitiés au sein de l'entreprise avaient déjà amené le médecin du travail à préconiser dans ses avis d'inaptitude provisoire et définitive l'absence de contact avec les autres salariés.

Ce préjudice sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 800 euros.

Sur le licenciement

Mme [Y] demande la condamnation de l'employeur à réparer le licenciement qu'elle estime nul pour avoir été notifié pendant une période d'arrêt maladie pour accident du travail, sans démonstration d'une faute grave. Elle objecte qu'il lui est reproché une agression de M. [J] dirigeant de la société le 9 décembre, alors qu'elle était en arrêt maladie à cette date et que la prétendue victime ne justifie d'aucune lésion. Elle conteste le grief tiré d'une agression au cours de laquelle elle aurait agressé et blessé Mme [R] en la brûlant avec un fer à repasser, alors que celle-ci qui travaille avec cet appareil a pu se brûler elle-même en lui arrachant des mains lesdit fers. Elle critique le troisième grief qui tient dans son travail soi-disant trop lent et ajoute qu'il ne s'agit pas d'une faute grave. Enfin elle prétend qu'on lui reproche indûment de travailler avec des horaires décalés par rapport à ses collègues, alors qu'il s'agit d'une préconisation du médecin du travail.

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

«(...) A la suite des faits particulièrement graves constatés le 9 décembre 2014, nous vous avons convoquée à un entretien préalable par lettre en date du 10 décembre 2014.

Vous vous êtes présentée à cet entretien le 2 janvier 2015 au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous avaient amenés à prononcer votre mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de vos explications. Force est de constater que vous n'avez apporté aucune explication permettant votre maintien au sein de notre établissement.

En effet, vous avez fait preuve d'une violence particulièrement grave à mon encontre.

Ainsi le 9 décembre 2014, vous m'avez agressé physiquement en me donnant un coup de poing dans le ventre, et ce devant les salariés du pressing.

Il s'agit d'une violence volontaire particulièrement grave et inquiétante.

Il convient de préciser qu'en raison de votre geste, j'ai fait l'objet d'une incapacité totale temporaire de dix jours.

Cette agression physique s'est accompagnée d'un comportement hystérique au sein du magasin, puis devant la boutique ce qui n'est pas davantage acceptable.

L'ensemble des salariées a été particulièrement choqué par votre geste à mon égard et par votre comportement. Une véritable crainte s'est installée au sein de la boutique ce que nous pouvons davantage tolérer.

Votre comportement ci-dessus rappelé justifie à lui seul votre licenciement pour faute grave. Comme si cela ne suffisait pas, le 9 décembre 2014, vous avez également agressé physiquement l'une de vos collègues de travail, Madame [R].

Ainsi, vous avez sciemment brûlé l'une de ses mains avec un fer à repasser et ce en présence une fois encore des salariés de la boutique.

Les faits du 9 décembre 2014 sont d'autant plus graves qu'il vous avait déjà été reproché par le passé des faits de violences physiques.

En effet, le 24 octobre 2013, vous avez eu une altercation physique avec Madame [R]. Alertés par des cris provenant de la cuisine, nous avons été témoins d'une scène particulièrement violente puisque vous teniez dans vos mains les cheveux de Madame [R] que vous tiriez violemment et vous vous donniez mutuellement des coups''.

Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié d'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Le jugement rapporte, en transcrivant leur contenu, des attestations qui établissent les violences exercées par la salariée sur M. [J], gérant de la SARL, le 10 décembre 2014, alors qu'elle avait déjà fait l'objet d'un avertissement pour des faits similaires en 2013.

Les certificats médicaux et déclaration d'accident du travail concernant Mme [R] victimes de faits du même jour confortent cette date du 10 décembre de manière certaine.

Il importe peu que la lettre de licenciement porte une mauvaise date à un jour près, la salariée ne pouvant se méprendre sur les agissements qui lui sont reprochés comme le démontre sa défense.

Sans qu'il soit utile d'étudier les circonstances dans lesquelles Mme [R] a elle-même été blessée au cours d'une altercation le même jour avec ladite salariée, la violence exercée par la première contre son supérieur hiérarchique dans un contexte de répétition de tels faits rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et le licenciement pour faute grave est fondé.

Par suite c'est à juste titre que Mme [Y] a été déboutée de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, l'indemnité de congés payés y afférents, l'indemnité de préavis, l'indemnité de congés payés y afférents, l'indemnité de licenciement.

Sur l'application de l'article 700 et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes de l'une et l'autre des parties et de condamner la salariée qui succombe sur l'essentiel aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré sur la demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SARL BL Clean Étape à payer à Mme [M] [Y] la somme de 800 euros à ce titre ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Mme [M] [Y] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/08339
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;19.08339 ?
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