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23/11/2022 | FRANCE | N°19/08199

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 23 novembre 2022, 19/08199


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08199 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMHX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F18/00836



APPELANTE



SAS ENERGY DYNAMICS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marta BUKULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0486



INTIME



Monsieur [D] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Claire DES BOSCS, avocat a...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08199 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMHX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F18/00836

APPELANTE

SAS ENERGY DYNAMICS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marta BUKULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0486

INTIME

Monsieur [D] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Claire DES BOSCS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0642

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Energy Dynamics est spécialisée dans les travaux d'installation électrique. Elle est prestataire de services pour le compte de la société Enedis qui lui sous-traite l'installation d'une partie des compteurs électriques Linky.

M. [D] [U] a été engagé par la société Energy Dynamics par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 octobre 2016 en qualité de technicien poseur «Linky».

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment.

Le 19 juin 2018, la société a trouvé dans le PDA de M. [U] une photographie de l'un de ses collègues en train de faire un doigt d'honneur.

L'employeur a intimé à M. [U] l'ordre de ne pas se présenter à son poste à compter du 21 juin 2018.

Le 5 juillet 2018, l'employeur lui a enjoint de reprendre le travail le lendemain, ce qu'il a fait.

Le 19 juillet 2018, M. [U] s'est vu notifier un avertissement motivé comme suit : «  Le 19 juin 2018, alors que vous étiez en intervention ('), vous avez photographié, à l'aide de votre PDA, un de vos collègues, en train de faire un doigt d'honneur ».

M. [U] a saisi, par requête enregistrée le 12 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Lonjumeau aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 369,22 euros de rappel de salaire sur congés payés ;

- 1 500 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

- 500 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis à raison du retard de paiement de ses congés payés ;

- 1 400 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques ;

- 1 500 euros de dommages-intérêts pour sanction abusive ;

- 1 500 euros pour non-respect de la durée de travail et des temps de pause ;

- 1 000 euros de rappel de primes contractuelles ;

- 372,73 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 37,27 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 12 078,78 euros d'indemnité de travail dissimulé ;

- 100 euros de dommages-intérêts pour discrimination salariale ;

- 2 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ces sommes portant intérêts au taux légal avec capitalisation de ceux-ci.

Le salarié entendait également voir condamner la société à régulariser un avenant portant son salaire contractuel mensuel brut à la somme de 1 700 euros, c'est-à-dire au montant servi selon lui aux autres salariés de l'entreprise.

Par jugement du 21 mai 2019, la défenderesse a été condamnée à lui payer les sommes suivantes :

- 1 000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- 372,73 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 37,27 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 000 euros de rappel de prime contractuelle ;

- 1 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques ;

- 369,22 euros de rappel de salaire sur congés payés au titre de la période échue entre le 25 et le 31 mai 2018 ;

- 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral né du retard dans le paiement des congés payés ;

- 500 euros de dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause ;

- avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et capitalisation des intérêts ;

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le demandeur était débouté du surplus de ses prétentions.

Par déclaration du 19 juillet 2019, la société Energy Dynamics a interjeté appel de cette décision, notifiée à sa personne le 20 juin 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mars 2020, la société Energy Dynamics demande à la cour de :

- reformer le jugement rendu entre les parties le 21 mai 2019 par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau,

statuant à nouveau :

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses prétentions,

A titre subsidiaire :

- limiter à la somme de 382,08 euros de salaire le montant de la condamnation de la société Energy Dynamics, relativement au non-versement d'une prime contractuelle ;

- débouter M. [U] du surplus de ses demandes ;

En tout état de cause :

-condamner M. [U] au paiement de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que chaque partie supportera ses propres dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 novembre 2020, le salarié demande à la cour de :

- Infirmer partiellement le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau le 21 mai 2019,

- Débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- Annuler l'avertissement prononce par la société à l'encontre de M. [U] le 19 juillet 2018 ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale, à parfaire ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 372,73 euros de rappel d'heures supplémentaires ainsi que la somme de 37,27 euros à titre de congés payes afférents ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 12.078,78 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 1.000 euros de rappel de prime contractuelle ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 1.400 euros de dommages et intérêts de prévention des risques ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 369,22 euros à titre de rappel de salaire sur congés payes pour la période du 25 au 31 mai 2018 ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 500 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis à raison du retard de paiement de ses congés payés ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 1.500 euros d'indemnité pour non-respect de la durée de travail et des temps de pause ;

- Condamner la société à remettre à M. [U] ses bulletins de salaires depuis octobre 2016 conformes et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- Assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes pour les créances salariales, à compter du jugement pour les créances indemnitaires ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code civil ;

- Condamner la société à verser à M. [U] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur l'annulation de l'avertissement du 19 juillet 2018

M. [D] [U] soutient avoir été sanctionné deux fois pour les mêmes faits à savoir avoir pris en photographie un collègue sur son PDA en train de faire un 'doigt d'honneur'. En effet, l'employeur lui aurait infligé une mise à pied disciplinaire en lui disant à la suite de ces faits de rester chez lui, puis ensuite un avertissement, qui, correspondant à une seconde sanction pour les mêmes faits, est nul. De plus il conteste avoir pris la photographie et soulève l'incohérence de n'avoir pas sanctionné celui qui a fait le 'doigt d'honneur'. Il sollicite en réparation l'allocation d la somme de 5 000 euros en réparation.

La société Enedis répond que la dispense de travail ne constitue pas une mise à pied, que le salarié a bien été rémunéré entre le 2 juillet 2018 et le 5 juillet 2018, que M. [D] [U] a reconnu sa faute justement sanctionnée par un avertissement, de sorte la demande de dommages-intérêts doit être rejetée.

Sur ce

Tout salarié peut faire l'objet d'une mise à pied, sanction disciplinaire qui entraîne la suspension du contrat de travail et une retenue du salaire à due concurrence de sa durée.

Le droit à rémunération de la période de mise à pied conservatoire telle que définie par l'article L. 1332-3 du Code du travail dépend de la sanction finalement retenue contre le salarié.

En pratique, dès lors que la sanction finale consiste en un licenciement pour faute grave ou lourde ou en une mise à pied disciplinaire, la période de mise à pied conservatoire n'a pas à être rémunérée.

L'intéressé a cessé de travailler sur instructions de l'employeur entre le 21 juin 2018 et le 6 juillet 2018, sans que l'employeur ne prouve lui avoir payé sa rémunération pendant cette période.

Adoptant les motifs pertinents du premier juge, la cour qualifie la suspension d'activité de mise à pied disciplinaire. L'employeur ne saurait se prévaloir pour en contester la nature de sa propre faute qui est de n'avoir pas respecté la procédure disciplinaire et notamment de ne pas avoir convoqué le salarié à un entretien préalable.

Toujours en se référant aux motifs de la décision déférée, la cour confirme la nullité de l'avertissement prononcé pour les mêmes faits et les dommages-intérêts accordés en réparation.

2 : Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination salariale

M. [D] [U] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 300 euros en réparation de son augmentation tardive de salaire, en mai 2019 seulement, alors que ses collègues l'ont obtenue dès le 1er février 2019 précédent.

La société Enedis objecte que la photographie de l'avenant présentée par le salarié, comme soi-disant preuve de l'augmentation accordée aux autres salariés est inopérant car anonyme.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucune salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

M. [D] [U] ne se réfère à aucune catégorie à laquelle il appartiendrait et qui fonderait son action en discrimination.

Il semble plutôt se fonder sur la notion de l'atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal', puisqu'il argue de ce que ce serait sans motif que d'autres salariés de l'entreprise aurait bénéficier d'une augmentation.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles'L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le fait que le salarié qui prétend être victime d'une différence de traitement et le salarié de référence soient classés dans la même catégorie professionnelle prévue par la convention collective applicable à leur emploi n'est pas, à lui seul, suffisant pour conclure que les deux travailleurs concernés accomplissent un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des textes et principes précités'; cette circonstance ne constitue qu'un indice parmi d'autres.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221 - 4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique nerveuse.

Le contrat de travail fourni sans aucun élément sur le bénéficiaire de celui-ci ne permet pas de caractériser une inégalité de rémunération.

En conséquence la demande de dommages-intérêts en cause sera rejetée.

3 : Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

3.1 : Sur les heures supplémentaires

M. [D] [U] sollicite un rappel de salaire de 372,73 euros outre 37,27 euros d'indemnité de congés payés y afférents, en se prévalant d'un travail qui débordait les plages horaires prévues par le contrat de travail, et que cette situation résultait de la pression imposée par l'employeur qui rendait nécessaire une telle quantité de travail et de l'ignorance manifestée par ses supérieurs à l'égard des réclamations formulées à ce titre par l'intéressé.

La société Enedis oppose que le salarié a établi un tableau de ses heures supplémentaires pour les besoins de la cause et que les pièces qu'il produit à l'appui sont incohérentes ou contradictoires et en tout état de cause ne permettent pas de retenir que le salarié était autorisé à effectuer de telles heures.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il est en outre constant qu'un tableau établi par le salarié durant la procédure prud'homale ou après celle-ci peut constituer un élément suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Les heures supplémentaires doivent être rémunérées, dès lors qu'elles ont été effectuées avec l'accord exprès ou tacite de l'employeur ou que le travail confié impose l'accomplissement d'heures supplémentaires.

La combinaison des textos échangés entre le salarié et son supérieur pendant l'exécution du contrat de travail, les relevés d'heures remplis par le salarié lui-même au cours de l'exécution du contrat et le tableau des heures supplémentaires, semaine après semaine, établi par le salarié constituent des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

Sont inopérantes les objections de l'employeur qui tendent à faire grief au salarié de ne pas rapporter les preuves des heures effectuées, ce qui n'est pas l'objet du débat.

Les échanges de textos précités révèlent que la société exerçait une pression pour obtenir la pause d'un grand nombre d'appareils, sans égard pour le respect des horaires et des pauses déjeuner, de sorte que les heures supplémentaires étaient rendues indispensables.

Il sera donc alloué à M. [D] [U] la somme qu'il demande à titre de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés y afférents.

3.2 : Sur le travail dissimulé

L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'absence de rupture du contrat de travail cette demande devrait être rejetée. Cependant la cour n'a pas à se prononcer sur ce point, dès lors qu'elle ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions.

4 : Sur le rappel de prime contractuelle

M. [D] [U] sollicite le paiement d'un rappel de prime de 1 000 euros qui aurait été supprimée à la suite de la perte de son PDA le 20 juin 2018. Il soutient que la société Enedis ne pourrait contester ce quantum, dès lors qu'il n'a pas communiqué les conditions de son attribution comme le prévoyait le contrat de travail et alors qu'il était notoire que cette prime était subordonnée au nombre de compteurs posés.

La société Enedis reconnaît que l'employeur n'avait pas le droit de retenir le montant de la prime à raison de la perte du PDA d'une valeur de 1 000 euros, car il s'agirait d'une sanction pécuniaire correspondant au prix de l'objet perdu et d'une indemnisation non due en l'absence de faute lourde. Elle objecte cependant que la prime n'est pas pour autant du montant demandé et que celle-ci est 'optionnelle' comme en témoigne son absence de versement en novembre 2016, décembre 2016, août 2017, juillet 2018, septembre 2018 et octobre 2018. Elle admet qu'au vu de la moyenne des douze derniers versements effectués, elle ne doit que la somme de 382,08 euros.

Sur ce

Aux termes du contrat de travail liant les parties, le salarié devait percevoir une somme mensuelle variable, dont les conditions devaient être fixées en annexe au contrat de travail.

Il est constant que cette annexe n'a pas été fournie au salarié.

Au vu du montant de la prime servie antérieurement au salarié, la cour fixe la somme due à la somme maximale obtenue par M. [D] [U] soit la somme de 474 euros versée en juillet 2017.

5 : Sur les indemnités de congés payés

2.1 : Sur le versement tardif de l'indemnité de congés payés du 25 mai au 8juin 2028

M. [D] [U] demande la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 500 euros en réparation du retard mis dans le paiement des congés payés pris du 25 mai au 8 juin 2018, soit la somme de 466,03 euros rémunérés avec quatre mois de retard par la caisse de Congés Intempéries BTP, désignée sous le sigle CIBTP. En effet, le salarié relève que ce contretemps résulte du retard mis par l'employeur pur transmettre à cet organisme la déclaration nominative annuelle de 2018. Il souligne que cela l'a placé en grande difficulté avec ses créanciers.

La société Enedis répond que si la somme a effectivement été payée avec retard, M. [D] [U] a obtenu une somme de 120 euros accordée à titre d'avance, pour pallier cette défaillance, que ce retard a été causé par des difficultés rencontrées par l'employeur avec la caisse des congés payés, que la situation a été régularisée dans les semaines qui ont suivi et que l'intéressé n'en a pas souffert.

Sur ce

Aux termes de l'article 1231-6 du code du travail, les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de sommes d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Le créancier, auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt dilatoire.

En l'espèce, le retard de l'employeur pour se libérer d'une obligation élémentaire à l'égard des salariés caractérise sa mauvaise foi. La difficulté à laquelle s'est trouvé confrontée le salarié pour faire face à une facture est démontrée. S'ajoutent les perturbations nées de l'impossibilité de percevoir une rémunération nécessaire à la vie quotidienne. La somme de 500 euros réparera exactement le préjudice subi.

5.2 : Sur le double retrait de la rémunération des congés payés pris pour la période du 25 au 31 mai 2018

M. [D] [U] sollicite le paiement de la somme de 369,22 euros correspondant au salaire de la période de congés payés échue du 25 au 31 mai, dont la rémunération payée par la caisse de congés payés lui a été retirée deux fois par l'employeur en juin 2018 et en septembre 2018.

La société Enedis répond que cette erreur a été régularisée dès le mois d'octobre 2018.

Les bulletins de paie du mois de septembre 2018 et octobre 2018 portent trace du crédit d'une somme de 369,22 le second mois à titre d'absence pour congés payés, ce qui ne peut s'expliquer que par le prélèvement erroné du même montant le mois précédent.

Le salarié sera donc débouté de cette demande manifestement infondée.

6 : Sur le non-respect des temps de travail et de pause

M. [D] [U] demande la condamnation de la société Enedis à lui payer la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause obligatoire de 20 minutes toutes les six heures.

L'employeur oppose que les charges de travail alléguées par le salarié ne prouvent pas qu'il ne pouvait prendre les temps de repos prescrits par la loi, d'autant qu'il était libre d'organiser son travail à sa guise.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 3121-16 du Code du travail dès que le temps de travail quotidien atteint six heures le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes consécutives.

Il revient à l'employeur de démontrer qu'il a bien accordé la pause de 20 minutes et qu'il a, par là même, respecté les dispositions légales applicables en matière de sécurité.

Alors que des textos laissent penser que le salarié ne prenait pas ses temps de pause, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe.

Au vu des pièces invoquées par le salarié et des conséquences pour la santé du salarié du non-respect de cette obligation, il sera alloué à M. [D] [U] la somme de 500 euros en réparation.

7 : Sur le harcèlement moral

M. [D] [U] prétend qu'en raison de son rôle de meneur joué dans des grèves, il a été victime d'un harcèlement moral traduit par des sanctions injustifiées, un double retrait du salaire correspondant à ses congés payés rémunérés par la caisse des congés payés, la suppression de sa prime contractuelle courant 2018 à la suite de la perte de son PDA, une représaille à travers un retard dans l'octroi d'une augmentation accordée à d'autres. Il sollicite l'allocation de la somme de 1 500 euros en réparation.

La société oppose que les agissements invoqués soit ne sont pas établis, soit ne sont pas susceptibles, au regard de leur caractère bénin, de caractériser un harcèlement moral.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il n'appartient à la cour de n'examiner que les griefs expressément rattachés par le salarié au harcèlement moral et non d'autres griefs figurant à d'autres titres dans les écritures de l'intéressé.

Il doit être relevé au vu des développements qui précèdent que le droit à une augmentation revendiquée par M. [D] [U] est injustifié, que le double retrait de la rémunération correspondant à des congés payés est le fruit d'une erreur qui a été très rapidement réparée, que le retard dans l'accomplissement par la société de ses obligations auprès de la Caisse des congés payés pour permettre à M. [D] [U] de percevoir la rémunération de ses congés payés n'est que le fruit d'une négligence.

Le refus de payer la prime, au motif que le salarié avait perdu son PPDA, est un manquement de l'employeur.

Ces éléments pris dans leur ensemble ne permettent pas de caractériser un harcèlement moral tel que défini ci-dessus.

Par suite M. [D] [U] sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 1 500 euros en réparation.

8 : Sur le manquement à l'obligation de prévention des risques

Le salarié soutient que la société a manqué à son obligation de prévention des risques en matière de santé en ce qu'il n'a pas fait procéder à une visite médicale d'embauche, ni à aucune visite périodique postérieure, en ce qu'il n'a pas tenu à la disposition du salarié, ni porté à sa connaissance, un document. d'évaluation des risques, notamment psychosociaux.

La partie adverse objecte qu'il avait bien sollicité une examen préalable à l'embauche, que M. [D] [U] n'allègue aucun préjudice né de ce supposé manquement et que s'agissant du document unique d'évaluation des risques, elle a rempli la seule obligation qui s'imposait à elle à savoir de le tenir à la disposition du salarié.

En l'absence d'allégation et a fortiori de démonstration d'un préjudice né des manquements prétendus, le salarié doit être débouté de sa demande.

9 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les sommes allouées de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes. Les autres sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées. Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière ainsi qu'il l'est demandé, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Il sera ordonné la remise par M. [D] [U] d'un bulletin de paie conforme au présent arrêt dans le mois de la signification du présent arrêt sans qu'il soit besoin de fixer une astreinte.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la société Enedis à verser à M. [D] [U] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour le même motif la société supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré uniquement sur les demandes en paiement de la prime contractuelle et de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques et sur les intérêts des sommes allouées ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société Enedis à payer à M. [D] [U] la somme de 474 euros de prime contractuelle avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la convocation de la société Enedis devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes le 13 novembre 2018 ;

Rejette la demande de M. [D] [U] en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques ;

Les sommes allouées en première instance, porteront intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2018 lorsqu'elles sont de nature contractuelle et à compter du jugement lorsqu'elles sont de nature indemnitaire ;

Ordonne la capitalisation des intérêts courus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Confirme le jugement déféré pour le suplus ;

Y ajoutant ;

Ordonne la délivrance par la société Enedis dans le mois de la signification du présent arrêt d'un bulletin de paie conforme au présent arrêt sans qu'il soit fixé d'astreinte ;

Condamne la société Enedis à payer à M. [D] [U] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande de la société Enedis de ce chef ;

Condamne la société Enedis aux dépens

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/08199
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;19.08199 ?
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