Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10245 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYSN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MELUN - RG n° 17/00182
APPELANTE
Association TRAVAIL ENTRAIDE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier LAURENT, avocat au barreau de MELUN
INTIMEE
Madame [M] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Khéops LARA, avocat au barreau de MELUN, toque : M07
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [M] [Y], née en 1969, a été engagée le 26 janvier 2004 par contrat écrit à durée déterminée (remplacement d'un salarié) puis à durée indéterminée par contrat écrit le 31 mai 2004 à plein temps par l'association Travail Entraide en qualité de chargée d'insertion du 24 avril 2004 au 06 juin 2005, conseillère en insertion professionnelle du 07 mars 2005 au 31 décembre 2012 puis assistante ressources humaines du 1er janvier 2013 au 03 septembre 2016.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial.
Par courrier en date du 8 juin 2016, Mme [Y] était convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 juin 2016 mais tenu en réalité le 26 juin 2016.
Par courrier en date du 1er juillet 2016, Mme [Y] a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
A la date du licenciement, Mme [Y] avait une ancienneté de 12 ans et l'association Travail Entraide occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun qui, par jugement du 27 septembre 2019 rendu en formation de départage, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
-Dit que le licenciement de Mme [M] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-Condamne l'association Travail Entraide à payer à Mme [M] [Y] la somme de 20.607, 93 euros ;
-Ordonne le remboursement par l'association Travail Entraide à POLE EMPLOI des indemnités de chômage versées à Mme [M] [Y] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé à concurrence d'un mois dans les conditions prévues à l'article L1235-4 du code du travail ;
-Dit que le greffe en application de l'article R1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci fait l'objet ou non d'un appel ;
-Condamne l'association Travail Entraide à payer à Mme [M] [Y] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne l'association Travail Entraide aux dépens ;
-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
-Précise que la moyenne des trois derniers mois de salaire perçus par Mme [M] [Y] s'élève à la somme de 2.289, 77 euros.
Par déclaration du 14 octobre 2019, l'association Travail Entraide a interjeté appel de cette décision notifiée par LRAR le 30 septembre 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 octobre 2021, l'association Travail Entraide demande à la cour de :
Constater que le licenciement de Mme [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Melun et débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes;
Condamner Mme [Y] au paiement d'une somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 juillet 2020, Mme [M] [Y] demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit que le licenciement de Mme [M] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Ordonné le remboursement par 1'association Travail Entraide à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [M] [Y] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé à concurrence d'un mois dans les conditions prévues à l'article L. 123 5-4 du code du travail,
Condamné 1'association Travail Entraide à Pôle Emploi à verser à Mme [M] [Y] la somme de 700 € au titre de l'article 700 du CPC,
L'INFIRMER pour le surplus,
En conséquence, statuant à nouveau,
CONDAMNER l'association Travail Entraide à payer à Mme [M] [Y] la somme de 71.240,40 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En toute hypothèse,
CONDAMNER l'association Travail Entraide à payer à Mme [M] [Y] la somme
de 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER l'association Travail Entraide aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur le bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi libellée :
« Nous faisons suite à notre entretien préalable du 23 juin 2016 et sommes au regret de vous notifier votre licenciement au motif qu'au regard des nombreuses erreurs constatées dans l'exécution des tâches qui vous sont confiées, notamment la saisie des tableaux de paye, et malgré les mesures d'accompagnement mises en place pour vous aider à corriger ces erreurs et progresser dans vos tâches, nous avons été amenés à constater une réelle insuffisance professionnelle. (...) ».
En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour cause personnelle doit être motivé par une cause réelle et sérieuse, l'employeur devant invoquer des faits précis et matériellement vérifiables.
En vertu de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge auquel il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.
Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci.
Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables, imputables au salarié et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
Il est constant que l'insuffisance professionnelle procède, non pas d'une faute du salarié, mais d'une exécution défaillante de sa prestation de travail.
Il est de droit que l'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement matériellement vérifiable qui peut être discuté et précisé devant les juges du fond.
A cet égard, la cour retient que contrairement à ce que soutient Mme [Y] la lettre de licenciement est suffisamment motivée en ce qu'elle vise des erreurs de saisie matériellement vérifiables.
Au soutien de l'insuffisance professionnelle invoquée, l'association s'appuie sur les listes des nombreuses erreurs de saisies commises (erreurs de calculs, oublis de primes, jours fériés mal comptabilisés...) en novembre 2015(10 erreurs) et de janvier 2016 (11 erreurs) février 2016 (2 erreurs) mars 2016 (18 erreurs) dans les tableaux transmis à la comptable pour l'établissement des bulletins de salaire ayant justifié une mise en garde de la salariée en décembre 2015, (pièces 13 à 16 et 5, association) malgré une formation dispensée le 14 avril 2016 (pièce 20) et l'accompagnement de sa supérieure hiérarchique et de la comptable (selon les témoignages produits au dossier, pièces 21 et 23). La responsable administrative et financière confirme avoir été informée des erreurs récurrentes commises par Mme [Y] dans son travail de saisies et que malgré les réunions organisées pour apporter des solutions à cette dernière, celles-ci perduraient. Ainsi selon les mémos du 21 avril 2016 et du 19 mai 2016, le travail de Mme [Y] présentait encore 17 erreurs et 13 erreurs, l'intéressée reconnaissant elle-même des erreurs d'inattention voire de déconcentration (erreurs de calculs notamment).
C'est en vain dès lors que Mme [Y] soutient qu'elle n'a jamais bénéficié de l'accompagnement allégué par l'association Travail Entraide, qu'elle a pâti d'un manque d'information et de soutien de sa responsable, la comptable, laquelle n'était au demeurant pas sa supérieure hiérarchique. En outre la cour relève qu'il n'est pas reproché à la salariée des erreurs dans la manipulation du nouveau logiciel de paye, dont la formation tardive d'avril 2016 ne peut être mise en cause mais dans les travaux préparatoires de saisie des tableaux transmis à la comptable pour les fiches de paye. Ensuite, s'il n'est pas établi que Mme [Y] a bien reçu la note de l'employeur adressée aux assistantes des ressources humaines datée du 16 décembre 2015 et dénonçant les trop nombreuses erreurs dans les tableaux de saisie des pays, il ressort de l'entretien d'évaluation de l'intéressé que dès le 4 décembre 2015, il lui était fixé comme objectif à l'échéance de février 2016 une très nette diminution voire une disparition des erreurs dans la maîtrise de la saisie des tableaux de paie. (pièce 35).
Enfin, il importe peu que Mme [Y] n'ait en 12 années d'ancienneté fait l'objet d'aucun reproche ni de sanction disciplinaire puisqu'il est acquis aux débats que son licenciement n'est pas disciplinaire et ne repose pas sur un comportement fautif qui lui serait reproché.
Il s'en déduit que le licenciement de Mme [Y] pour insuffisance professionnelle, par infirmation du jugement déféré, est justifié. Mme [Y] est par conséquent déboutée de l'ensemble de ses demandes de ce chef.
Sur les autres dispositions
Partie perdante, Mme [Y] est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant infirmé sur ce point
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau :
JUGE que le licenciement de Mme [M] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse.
DEBOUTE Mme [M] [Y] de l'ensemble de ses demandes.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Mme [M] [Y] aux dépens d'instance et d'appel.
La greffière, La présidente.