RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 18 Novembre 2022
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11675 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SSN
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 18-00249
APPELANTE
LA CAISSE DE PRÉVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Cécile POITVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0048
INTIME
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
comparant en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (la caisse) d'un jugement rendu le 02 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à M. [O] [Y].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. [O] [Y], gestionnaire de résidence à la SNCF, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail survenu le 23 février 2017, la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 9 mars 2017 faisant mention des circonstances suivantes : 'Alors que je saluais mes collègues l'un d'entre eux a attenté à mon intégrité physique en se permettant de me caresser les fesses.'
Le certificat médical initial établi le 23 février 2017 fait état d'un 'stress post agression' et prescrit un arrêt de travail.
Le 21 mars 2017, la caisse a rejeté la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident au motif que : 'il ressort de l'ensemble des éléments en notre possession que les faits que vous évoquez ne constituent pas un fait accidentel au sens de la législation sur les accidents sur travail'.
Le 16 juin 2017, la caisse a maintenu sa décision de refus de prise en charge.
M. [Y] a saisi la commission spéciale des accidents du travail d'un recours, laquelle en sa séance du 14 décembre 2017 n'a pu émettre un avis, en raison d'un partage des voix.
Le 28 février 2018, M. [O] [Y] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry aux fins de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 23 février 2017 et de condamnation de la caisse au paiement de la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 02 octobre 2018, le tribunal a :
- déclaré le recours formé par M. [O] [Y] recevable et bien fondé ;
- dit que M. [O] [Y] a bien été victime d'un accident de travail le 23 février 2017 avec toutes conséquences de droit ;
- condamné la caisse de retraite et de prévoyance de la SNCF à verser à M. [O] [Y] la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que la réalité de l'accident du travail est établie ; que le requérant a été 'sans doute victime de la part de la défenderesse d'une certaine discrimination, d'une certaine désinvolture dans le traitement de son affaire, laquelle n'aurait pas été de mise, vraisemblablement, si la victime avait été de sexe (ou de genre féminin)'.
La caisse a le 17 octobre 2018 interjeté appel de ce jugement, l'appel portant sur les chefs de condamnation à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, de :
- infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné la caisse à verser 300 euros à M. [Y] à titre de dommages et intérêts et 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
y faisant droit,
- dire n'y avoir lieu à condamnation de la caisse à verser des dommages et intérêts à M. [Y] ;
- dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 en première instance et en cause d'appel.
La caisse fait valoir en substance que :
- la faute de l'article 1240 du code civil ne se présume pas ; si elle est alléguée par une partie, elle doit être prouvée et démontrée ;
- le tribunal s'est contenté de tenir pour vraies les allégations de M. [Y] sans vérifier si elles étaient corroborées par des éléments probants ;
- de même le tribunal a fixé un montant au titre de l'article 700 du code de procédure civile sans tenir compte des éléments présentés ou non par M. [Y].
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience M. [O] [Y] demande à la cour, de :
- débouter la caisse de toutes ses demandes 'd'annulation' de condamnation concernant les dédommagements qu'il s'agisse des dommages et intérêts ou des frais exposés ;
- confirmer le jugement en date du 02 octobre 2018 en toutes ses dispositions.
M. [Y] réplique en substance que :
- le tribunal dont il s'approprie les motifs, en s'appuyant sur des éléments probants constitués par les pièces du dossier, a retenu le caractère discriminatoire dans le traitement du dossier et lui a accordé des dommages et intérêts, en application des textes en vigueur ;
- le tribunal n'a pas fait état de présomption mais de certitude, n'ayant eu aucun doute sur son statut de victime de discrimination ; la caisse ne conteste pas la reconnaissance de l'accident du travail et par suite implicitement, ne conteste pas les griefs retenus à savoir la discrimination et la désinvolture voire la malveillance dans le traitement du dossier ;
- pour établir ses conclusions il lui a été nécessaire de se rendre disponible pour consulter des professionnels et effectuer des recherches ; le tribunal a estimé au titre de l'équité justifié de lui accorder une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sans qu'il soit nécessaire de produire des justificatifs en application de l'article susvisé.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 21 septembre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE :
Le caractère professionnel de l'accident survenu le 23 février 2017 à M. [O] [Y] n'est pas contesté en cause d'appel.
L'article 1240 du code civil dispose que : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
La responsabilité d'un organisme de sécurité sociale peut être engagée que la faute soit grossière ou non et que le préjudice soit anormal ou non. Celui qui entend voir engager la responsabilité de la caisse doit démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
En l'espèce, M. [Y] soutient qu'il a été victime d'un traitement discriminatoire de son dossier par la caisse, outre d'un traitement désinvolte, voire malveillant à son endroit.
Force est de relever que M. [Y] n'établit pas la faute de la caisse dans le traitement de son dossier, étant observé qu'il invoque sans l'établir que la caisse aurait adopté une décision différente s'il avait été de genre féminin, ne produisant aucune pièce accréditant cette allégation, le fait que M. [M] ait présenté ses excuses à M. [Y] lors d'une réunion de médiation (pièce n° 5 des productions de M. [Y]) n'étant pas de nature à permettre de retenir l'existence d'une discrimination.
Il apparaît que la caisse a pu se méprendre sur le bien fondé de sa décision de rejet du caractère professionnel de l'accident, qui a été ultérieurement reconnu par le tribunal et qui n'est plus contesté en cause d'appel, sans que cette circonstance ne permette de reconnaître que la caisse ait été désinvolte ou malveillante à l'endroit de M. [Y] dans le traitement de son dossier.
Par suite à défaut de preuve de la faute de la caisse dans le traitement de son dossier, M. [Y] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, le jugement devant être infirmé de ce chef.
En revanche, l'équité commande de faire droit à la demande de M. [Y] au titre des frais qu'il a dû engager pour préparer sa défense. La condamnation de la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile telle que prononcée par le tribunal sera confirmée.
Succombant partiellement en son appel, la caisse sera tenue aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME le jugement déféré en ses dispositions relatives à la condamnation à des dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef,
DÉBOUTE M. [O] [Y] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ;
CONFIRME les autres dispositions du jugement ;
CONDAMNE la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente,