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18/11/2022 | FRANCE | N°18/11057

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 18 novembre 2022, 18/11057


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 18 Novembre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11057 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6PPZ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 17/01125





APPELANTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté

e par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIMEE

Société [4] ([4])

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Anne-Laure DENIZE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 18 Novembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11057 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6PPZ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 17/01125

APPELANTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société [4] ([4])

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Anne-Laure DENIZE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0276 substituée par Me Pauline CUNHA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0276

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Charente (la caisse) d'un jugement rendu le 3 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à la société [4].

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 22 mars 2017, M. [E] [U], salarié de la société en qualité de magasinier-cariste a établi une déclaration de maladie professionnelle pour « canal carpien bilatéral », en joignant un certificat médical initial daté du 20 février 2017, faisant mention d'un " canal carpien bilatéral".

La caisse a instruit deux dossiers : canal carpien gauche (MP n° 172220873) et canal carpien droit (MP n° 170220875).

Par lettres du 26 mai 2017, la caisse a notifié à la société sa décision de prise en charge des affections du canal carpien gauche et droit au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles: affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

Le 18 septembre 2017, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry d'un recours contre la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse du 28 août 2017, portant sur l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre du canal carpien gauche par M. [E] [U].

Par jugement en date du 3 juillet 2018 le tribunal a :

- déclaré le recours formé par la société [4], venant aux droits de la société [3] recevable et bien fondé,

- déclaré inopposable à la société [4], venant aux droits de la société [3], la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'affection de M. [U], et constatée le 20 février 2017, et ce, avec toutes les conséquences de droit.

Pour se déterminer ainsi le tribunal a retenu que la caisse n'a adressé aucun questionnaire à l'employeur relatif au syndrome du canal carpien gauche, constituant un manquement à l'article R.411-11 du code de la sécurité sociale et entrainant l'inopposabilité à l'égard de la société.

La caisse a le 2 octobre 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 3 septembre 2018.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :

- déclarer son appel recevable,

- juger que la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [U] est opposable à l'employeur (canal carpien gauche),

- débouter l'employeur des fins de son recours.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- elle a adressé à l'employeur un questionnaire, en date du 30 mars 2017, dans le cadre du dossier référencé 170220875 (canal carpien droit) ; le questionnaire dûment complété par la société porte sur les gestes accomplis dans le cadre de ses fonctions ; ce questionnaire permet de renseigner la caisse sur la sollicitation des mains, des doigts et du poignet, tant pour le côté gauche que pour le côté droit ;

- les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction du canal carpien droit étaient parfaitement exploitables pour l'instruction du canal carpien gauche ;

- il ressort des tâches décrites par l'employeur et le salarié dans les questionnaires que la main droite et la main gauche du salarié sont sollicitées, tel que prévu au tableau n°57 ; dans son activité de conduite d'un charriot élévateur, M. [U] effectue quotidiennement des mouvements de préhension avec ses deux mains ; il en est de même pour l'activité de massicotage ; s'agissant de l'enregistrement des préparations à l'informatique, l'assuré utilise un clavier d'ordinateur, ce qui engendre un appui carpien des deux mains ;

- la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, démontre que les conditions du tableau 57 sont remplies ;

- le questionnaire valait pour les deux affections ; la décision de prise en charge, relative au canal carpien gauche, ne peut qu'être déclarée opposable à l'employeur ;

- la jurisprudence citée par la société ne s'applique pas au cas d'espèce ; en effet, elle porte sur l'obligation d'interroger l'employeur sur l'exposition au risque, dès lors que l'assuré a été questionné sur ce point ; tel n'est pas le cas d'espèce.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement, déposées et précisées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry en ce qu'il lui a déclaré inopposable la décision de prise en charge de la maladie du 20 février 2017 déclarée par M. [U] et relative à un syndrome du canal carpien gauche,

- mettre les dépens à la charge de la caisse.

La société a expressément indiqué à l'audience par son avocat renoncer à soutenir son moyen d'irrecevabilité de l'appel tiré du défaut de pouvoir spécial de l'auteur de l'appel.

Elle fait valoir en substance que :

- dans le cadre de la déclaration d'une maladie professionnelle, la caisse est tenue de recueillir des éléments de nature à lui permettre de vérifier que les conditions du tableau de maladies professionnelles sont satisfaites, raison pour laquelle l'instruction est systématique en présence de déclaration de maladie professionnelle ;

- M. [U] a formé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle visant deux pathologies, s'agissant d'un canal carpien bilatéral ; la caisse a mis en oeuvre deux instructions à l'issue desquelles elle a pris en charge les deux pathologies déclarées ;

- dans le cadre des instructions, la caisse a recueilli les observations de l'assuré et de la société exclusivement sur l'exposition au risque du canal carpien droit ; en s'abstenant d'adresser un questionnaire pour recueillir les observations de l'assuré et de l'employeur sur les mouvements pathogènes du membre supérieur gauche, la caisse n'a pas recueilli les éléments nécessaires à lui permettre de vérifier que les conditions relatives au délai de prise en charge et à l'exposition au risque se trouvaient remplies pour la pathologie du syndrome du canal carpien gauche ;

- ainsi l'instruction n'a pas été contradictoire à son égard ; la caisse n'a pas recueilli les éléments objectifs pour apprécier l'exposition au risque du syndrome du canal carpien gauche et ne rapporte pas la preuve du bien fondé de sa décision d'appliquer la présomption d'origine professionnelle ;

- la caisse n'est pas fondée à procéder par déduction et à alléguer une sollicitation identique de la main droite et de la main gauche ; elle était tenue de receuillir les observations spécifiques de M. [U] et de la société sur les gestes accomplis de la main gauche dans le cadre du poste de travail occupé par l'assuré ; M. [U] et la société ont exclusivement coché la case " droite" ce qui signifie qu'il n'ont décrit l'exposition au risque exclusivement afférente au membre supérieur droit ;

- la caisse n'est pas en mesure de justifier du respect des conditions du tableau pour le syndrome du canal carpien gauche et en admettant le caractère professionnel de la maladie sans avoir préalablement recueilli les observations de la société sur cette pathologie, elle n'a pas assuré le caractère contradictoire de son instruction à son égard.

SUR CE :

Il convient de constater que la société ne maintient pas son moyen relatif à la recevabilité de l'appel, lequel est recevable.

L'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n °2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, disposait en son alinéa 2 : « En cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse, envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès. »

En l'espèce, la caisse a été destinataire d'un certificat médical initial concernant M. [E] [U] établi le 20 février 2017 faisant état d'un « canal carpien bilatéral » et d'une déclaration de maladie professionnelle complétée le 22 mars 2017.

En conséquence de la déclaration de maladie professionnelle, la caisse a procédé à une instruction sous le numéro de dossier 170220875 qui concerne « le syndrome du canal carpien droit ».

Elle a adressé des questionnaires à l'employeur et à la victime dans le cadre de l'instruction (pièce n°6 de la caisse) visant le dossier 170220875, dans lesquels tant l'assuré que la société ont explicitement identifié le côté droit en cochant la case « droite » du « poignet » et de « main et doigts ».

La caisse verse les colloques médico administratifs du 4 mai 2017 du canal carpien gauche (pièce n°3 de ses productions) et du canal carpien droit (pièce n°5 de ses productions).

La caisse a notifié à la société par lettres du 26 mai 2017 sa décision de prise en charge des affections du canal carpien gauche (dossier 170220873) et droit (dossier 170220875) au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail. 

Force est de constater que la caisse n'établit pas avoir adressé de questionnaire à l'employeur et à l'assuré relatif au canal carpien gauche. La caisse n'établit pas plus avoir procédé à une enquête auprès de la société. La caisse ne justifie donc pas avoir recueilli effectivement les observations de la société dans le cadre d'une instruction contradictoire s'agissant de la prise en charge du canal carpien gauche. La caisse ne justifie pas que les conditions relatives à l'exposition au risque s'agissant du canal carpien gauche étaient bien remplies.

La caisse ne peut valablement soutenir que les questionnaires employeur et assuré adressés dans le cadre de l'instruction du canal carpien droit étaient exploitables pour l'instruction du canal carpien gauche alors que le questionnaire adressé au salarié portait uniquement la référence du dossier relatif au canal carpien droit (170220875) et que le salarié ainsi que la société ont indiqué explicitement que leurs réponses concernaient le canal carpien droit en cochant la case du poignet droit, ainsi que celle de la main droite ainsi qu'il résulte des pièces n° 6 des productions de la caisse.

Par suite, le non-respect du contradictoire par la caisse à l'égard de l'employeur, et l'absence de preuve de l'exposition au risque s'agissant du canal carpien gauche, entraînent l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, le jugement devant être confirmé de ce chef et la décision de prise en charge de la maladie du 20 février 2017 de M. [U] relative au syndrome du canal carpien gauche devant ainsi être déclarée inopposable à l'égard de la société .

Succombant en son appel, la caisse sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DECLARE inopposable à la société [4] la décision de prise en charge de la maladie de M. [U] du 20 février 2017 du canal carpien gauche ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Charente aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/11057
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;18.11057 ?
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