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18/11/2022 | FRANCE | N°18/07000

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 18 novembre 2022, 18/07000


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 18 novembre 2022



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07000 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5N3N



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°





APPELANTE



Société [Localité 4] VOLAILLE PLUS société coo

pérative à forme anonyme représentée par son président

[Adresse 1]

[Localité 4]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 490 400 348



Représentée par M...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 18 novembre 2022

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07000 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5N3N

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°

APPELANTE

Société [Localité 4] VOLAILLE PLUS société coopérative à forme anonyme représentée par son président

[Adresse 1]

[Localité 4]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 490 400 348

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Hassan BEN HAMADI, de CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau des Hauts-de-Seine

INTIMEE

SAS STEF INFORMATIQUE ET TECHNOLOGIES Anciennement AGROSTRAR ,agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 313 609 133

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Olivier ITEANU de la SELAS ITEANU, avocat au barreau de Paris, toque D1380

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, devant

Madame Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargée du rapport, en vertu des articles 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré de la Cour, composée de :

M.Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M.Denis ARDISSON, Président de chambre et par M.Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que le pavillon de la volaille et du gibier du marché d'intérêt national de [Localité 4], qui regroupe les grossistes de ce secteur, a lancé en 2004 un programme de rénovation et d'optimisation de son organisation et de ses outils, destiné à étendre l'activité du Pavillon dans un nouveau bâtiment, impliquant un nouveau système informatique commun, le projet « [Localité 4] Volaille Informatique » (RVI), ayant pour objet notamment de mettre à la disposition des acteurs de la filière une solution informatique intégrée, pérenne et évolutive, d'améliorer l'information et la performance des entreprises et d'anticiper les exigences réglementaires.

Créée en 1978, reprise et contrôlée à 100% par le groupe Stef, spécialisé dans les prestations de logistique et transport sous température dirigée.en 1999, Agrostar est un éditeur de logiciels et une société de services et d'ingénierie en informatique spécialisée dans la logistique et le transport dans le domaine agro-alimentaire.

Dans le cadre du projet RVI, un appel à candidature a été lancé en mai 2005 auprès d'éditeurs de progiciels. Dès octobre 2005, Agrostar a présenté une offre, retenue le 2 juin 2006. La sas [Localité 4] Volaille Plus (RVP), a été créée le 8 juin 2006, avec pour mission, notamment, d'assurer la maîtrise d'ouvrage du projet RVI. RVP avait pour assistant à maître d'ouvrage la société Dectis Consultant,. Cette dernière et son assureur Axa France Iard étaient parties à la première instance, ainsi qu'aux opérations d'expertise, mais n'ont pas été attraites à l'instance pendante devant la cour.

Des lettres d'intention ont été signées entre les parties les 6 décembre 2006 et 1er mars 2007. Un contrat a ensuite été signé entre RVP et Agrostar le 13 décembre 2007.

A la suite de difficultés entre les parties se rejetant la responsabilité de l'arrêt du projet, une première suspension des travaux ayant été initiée dès juillet 2008, une médiation a été tentée en novembre 2008, dont l'échec a été constaté le 19 mai 2009.

Par jugement du 22 mars 2011, le tribunal de commerce de Paris, saisi en première instance, a désigné M. [G] [S] en qualité d'expert, ce dernier ayant déposé son rapport le 18 juillet 2014.

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 février 2018 qui a :

- prononcé la nullité du contrat du 13 décembre 2007,

- condamné la société Stef IT à restituer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.649.335€ HT avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009,

- condamné la société Stef IT à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 133.254€ avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2019,

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- condamné la société Stef IT à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 70.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Stef IT à payer à la sa Axa France Iard la somme de 40.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes autres, plus amples et contraires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Stef IT aux dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 81;90€ dont 13,43€ de TVA.

Vu l'appel interjeté par la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus (RVP) le 4 avril 2018,

Vu l'appel interjeté par la sas Stef Informatique et Technologies (Stef IT) le 7 mai 2018 ;

Vu l'ordonnance de jonction des deux procédures du 30 septembre 2021,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-11, du 19 mars 2021, rejetant le déféré à l'encontre de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 novembre 2020 ayant rejeté la demande d'irrecevabilité de l'appel soulevée par la société [Localité 4] Volaille plus, et déclaré recevable l'appel interjeté le 7 mai 2018 par la société Stef IT intimant la société [Localité 4] Volaille Plus,

***

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 juin 2022 pour la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus (RVP), par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1116, 1134, 1147, 1149, 1150, 1153-1, 1154, 1184, 1378, 1382 et 1383 anciens du Code civil ;

Vu les articles 246, 276, 699 et 700 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces versées aux débats et les moyens qui précèdent ;

' Dire et juger la société [Localité 4] Volaille Plus recevable en son appel et bien fondée en ses moyens et prétentions ;

' Dire et juger mal fondé l'appel incident interjeté par la société Stef Information et Technologies ;

' Débouter la société Stef Information et Technologies de l'intégralité de ses prétentions, moyens et conclusions ;

A TITRE PRINCIPAL :

' INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

' 1 er chef : condamné la société Stef Information et Technologies à restituer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.649.335 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

' 2 ème chef : condamné la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 133.254 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

' 3 ème chef : condamné la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 70.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

' prononcé la nullité du contrat du 13 décembre 2007 pour dol, aux torts de Stef Information et Technologies ;

' condamné Stef Information et Technologies aux dépens, dont les frais d'expertise judiciaire ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

' Prononcer la nullité du contrat du 13 décembre 2007 pour défaut de cause, aux torts de

Stef Information et Technologies ;

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE :

' Dire et juger que la société Stef Information et Technologies a commis des manquements graves caractérisant au surplus une faute lourde équipollente au dol.

' Dire et juger que le contrat du 13 décembre 2007 prévoit des prestations et des cessions constituant un tout indivisible et interdépendant dans le cadre du Projet RVI.

' Dire et juger que les conditions et formalités de résiliation de plein droit, notamment celles tenant à la notification prévue à l'article 8.2.3 §2 du contrat, sont réunies.

' Constater la résiliation de plein droit avec effet rétroactif au 13 décembre 2007, ou autrement dit sa résolution de plein droit par application notamment de l'article 8.2.3 §2 du contrat conclu à cette date et à défaut, prononcer la résiliation judiciaire avec effet rétroactif à la même date, ou sa résolution judiciaire, le tout aux torts exclusifs de la société Stef Information et Technologies.

' Dire et juger qu'aucune clause exonératoire et/ou limitative de responsabilité et/ou d'indemnisation ne peut être appliquée.

STATUANT A NOUVEAU :

' Sur la restitution des sommes payées :

' Juger que la nullité du contrat, emportant la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement, implique la restitution de toutes les sommes versées, y compris de la taxe sur la valeur ajoutée, peu important la restitution de cet impôt par le Trésor public ;

' Juger que toutes les sommes à restituer porteront intérêts à compter du jour de chacun des paiements réalisés et non à compter de la date de l'assignation ;

' Condamner, par conséquent, la société Stef Information et Technologies à restituer à la société [Localité 4] Volaille Plus le montant total de 1.972.605 € TTC,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de chaque paiement ;

' Sur les dommages et intérêts :

A titre principal :

' Juger que, conformément au principe de réparation intégrale en matière extracontractuelle, la partie victime du dol est fondée à obtenir réparation de tous les préjudices subsistant après les restitutions et découlant du dol et de l'annulation du contrat du 13 décembre 2007 ;

' Juger que la nullité du contrat du fait du dol commis par la société Stef Information et Technologies exclut toute responsabilité de la société [Localité 4] Volaille Plus, victime du dol, dans l'anéantissement du contrat du 13 décembre 2007 et dans l'échec du projet RVI ;

' Juger que la partie victime du dol peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer les préjudices qu'elle a subis en raison de la conclusion du contrat annulé, de sorte que le Tribunal ne pouvait retenir un quelconque préjudice au profit de la société Stef Information et Technologies ;

' Juger que la perte des redevances par la société [Localité 4] Volaille Plus, pendant la durée de vie de la solution informatique qui aurait dû être exploitée, telle qu'estimée par l'expert à 10 ans, a pour cause certaine et directe l'anéantissement du contrat annulé du fait du dol commis par la société Stef Information et Technologies ;

et

à titre subsidiaire sur ce chef : Juger, en cas de doute sur la cause de la perte des redevances de 2009 à 2019, que la société [Localité 4] Volaille Plus doit être indemnisée au titre de la perte de chance, c'est-à-dire de la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable ;

En conséquence, sur les condamnations :

' à titre principal, condamner la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.702.507 € au titre des dépenses engagées par la société [Localité 4] Volaille Plus pendant la période de développement du projet RVI, dont le lien direct est démontré, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

' à titre principal, condamner la société Stef Information et Technologies à

payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 236.739 € au titre du coût de l'arrêt de ce projet, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

' à titre principal, condamner la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 6.631.000 € au titre des redevances perdues par la société [Localité 4] Volaille Plus, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

et

à titre subsidiaire sur ce chef, en cas de doute sur la cause de la perte des redevances de 2009 à 2019, condamner la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 4.384.000 €, telle qu'arrêtée par l'expert, au titre de la perte de chance, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

' à titre principal, condamner la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.021.988 € au titre de l'atteinte à l'image de la société [Localité 4] Volaille Plus et à la réputation de celle-ci, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

A titre subsidiaire : Dans le cas où la Cour confirmerait, au-delà et sans préjudice des restitutions, le jugement sur le principe d'un examen des responsabilités et les postes de préjudice retenus par le Tribunal :

- Concernant le partage de responsabilités :

' à titre principal sur ce chef, Juger que la société [Localité 4] Volaille Plus n'a commis aucune faute ;

et

' à titre subsidiaire sur ce chef, Juger que le taux d'imputabilité de l'échec du projet affecté à la société [Localité 4] Volaille Plus ne dépasse pas 13% et que celui imputable à la société Stef Information et Technologies s'élève donc à 87% ;

' Juger que la société Stef Information et Technologies ne peut se prévaloir d'un préjudice lié à l'échec du projet causé par son dol et que, dans tous les cas, le Tribunal ne pouvait retenir des préjudices exclusivement liés à l'exécution du contrat, puisqu'il est annulé ;

En conséquence :

' à titre principal, condamner la société Stef Information et Technologies à payer, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009, à la société [Localité 4] Volaille Plus, outre la restitution des sommes TTC payées à la société Stef Information et Technologies, les sommes suivantes :

- 1.702.507 € au titre des dépenses engagées pendant la période de développement du projet RVI,

- 236.739 € au titre du coût de l'arrêt de ce projet ;

- 6.631.000 € au titre des redevances perdues ou à défaut 4.384.000 € au titre de la perte de chance ;

- 1.021.988 € au titre de l'atteinte à l'image de la société [Localité 4] Volaille Plus et à la réputation de celle-ci.

' à titre subsidiaire, condamner la société Stef Information et Technologies à payer, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009, à la société [Localité 4] Volaille Plus, outre la restitution des sommes TTC payées à la société Stef Information et Technologies, 87 % des sommes précitées, soit :

- 1.481.181 € au titre des dépenses engagées pendant la période de développement du projet RVI,

- 205.963 € au titre du coût de l'arrêt de ce projet ;

- 5.768.970 € au titre des redevances perdues ou à défaut 3.814.080 € au titre de la perte de chance ;

- 889.130 € au titre de l'atteinte à l'image de la société [Localité 4] Volaille Plus et à la réputation de celle-ci.

A titre très subsidiaire : Dans le cas où la Cour confirmerait, au-delà et sans préjudice des restitutions, le jugement sur les taux de partage de responsabilités et les postes de préjudice retenus par le Tribunal :

' Juger que le Tribunal a commis une erreur de calcul de 544.660 € HT en déduisant l'intégralité des sommes payées à la société Stef Information et Technologies (1.649.335 € HT) du montant de préjudice global évalué par l'expert à la somme de 2.147.615 €, alors que ce montant global n'intégrait qu'une partie des sommes payées à la société Stef Information et Technologies (1.104.676 € HT) et excluait donc 544.660 €HT, de sorte que le préjudice de la société [Localité 4] Volaille Plus au titre desdites dépenses s'élève, au-delà des restitutions, à 1.042.939 €.

' Juger que Tribunal a également commis une erreur de 40.000 € dans le montant concernant la seconde partie du poste relatif aux coûts de fonctionnements engagés pendant la période de développement, en retenant la somme erronée de 448.897 indiqué par l'expert au lieu de 488.897 €.

' Juger que le préjudice de la société [Localité 4] Volaille Plus, au-delà des restitutions, s'élève, après corrections de ces erreurs de calcul, à la somme de 1.082.939€ HT (1.042.939 + 40.000).

' Condamner, dans ce cas et compte tenu d'un taux d'imputabilité de l'échec du projet à 25% pour la société [Localité 4] Volaille Plus et 75% pour la société Stef Information et Technologies, après compensation des réparations de part et d'autre dans la limite des pourcentages précités, la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 571.748 € HT à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

DANS TOUS LES CAS :

' Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 70.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.000.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

' Condamner la société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus, compte tenu des frais engagés pour assurer la défense de ses droits et au titre de la présente instance d'appel, la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Condamner la société Stef Information et Technologies aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 août 2022 pour la sas Stef Informatiques et Technologies (Stef IT), par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et subsidiairement 1382 du Code Civil, dans leur rédaction antérieure à l'Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations,

Vu le rapport de l'Expert judiciaire [G] [S] clos et déposé le 16 Juillet 2014,

- infirmer le Jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 6 février 2018, en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du « contrat du 13 décembre 2007 » pour dol, aux torts de la Société Stef Information et Technologies, (ou pour réticence dolosive) et en conséquence, en ce qu'il a condamné la Société Stef Information et Technologies à rembourser à la Société [Localité 4] Volaille Plus, la somme de 1.649.335 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

- imputé le préjudice de l'échec du projet à 75 % à la Société Stef Information et Technologies et limité le préjudice de cette dernière à la somme de 961.825 euros, et en conséquence a débouté la Société Stef Information et Technologies de ses demandes de paiement de :

- la somme de 683.209,67 euros HT au titre des factures impayées, avec intérêts légaux à compter du 18 Novembre 2009, date de la première mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an par application des dispositions des 1153-1 et 1154 du Code Civil.,

- la somme de 352.282 euros au titre des licences SAP achetées par la Société Stef Information et Technologies à la demande de RVP et non payées,

- la somme de 1.005.529 euros de dommages et intérêts, au titre du temps passé et perdu,

- la somme de 1.588.000,30 euros de dommages et intérêts, au titre du manque à gagner,

- la somme de 2.500.000 euros de dommages et intérêts, au titre du préjudice d'image,

- la somme de 500.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance.

- débouté la Société Stef Information et Technologies de sa demande à titre subsidiaire qui tend à voir que la clause limitative de responsabilité insérée au contrat du 13 Décembre 2007 à l'article 5.1.1. trouve application et que le montant maximal d'indemnisation ne saurait en tout état de cause dépasser deux millions d'euros,

- fait partiellement droit aux demandes de la Société [Localité 4] Volaille Plus en lui imputant le préjudice de l'échec du projet à seulement 25% et en fixant le préjudice de cette dernière à la somme de 2.147.615 euros et après compensation en ce qu'il a condamné la Société Stef Information et Technologies à payer à la Société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 133.254 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 19 mai 2009, et ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- et condamné la Société Stef Information et Technologies à payer à la société [Localité 4] Volaille Plus la somme de 70.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

ET STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL,

- débouter la Société [Localité 4] Volaille Plus de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- prononcer la résiliation du contrat en litige aux torts exclusifs de la Société [Localité 4] Volaille Plus, pour violation de son devoir de collaboration,

- condamner la Société [Localité 4] Volaille Plus à payer à la Société Stef Information et Technologies,

- la somme de 571.245,54 euros HT, soit 683.209,67 euros TTC au titre des factures impayées, avec intérêts légaux à compter du 18 Novembre 2009, date de la première mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an par application des dispositions des 1153-1 et 1154 du Code Civil,

- la somme de 294.550 Euros HT, soit 352.282 euros TTC au titre des licences SAP achetées par la Société Stef Information et Technologies à la demande de la Société [Localité 4] Volaille Plus et non payées,

- la somme de 1.005.529 euros de dommages et intérêts, au titre du temps passé et perdu par la Société Stef Information et Technologies du fait des manquements de la Société [Localité 4] Volaille Plus,

- la somme de 3.153.658,29 euros de dommages et intérêts, au titre du manque à gagner,

- la somme de 2.500.000 euros de dommages et intérêts, au titre du préjudice d'image,

- la somme de 2.200.963,97 euros au titre du remboursement des sommes versées par la Société Stef Information et Technologies à la Société [Localité 4] Volaille Plus en exécution du Jugement de première instance,

A TITRE SUBSIDIAIRE, dans l'hypothèse où la responsabilité de la Société Stef Information et Technologies serait retenue par la Cour,

- limiter l'indemnisation de la Société [Localité 4] Volaille Plus par la Société Stef Information et Technologies à la somme maximale de 2.000.000 euros prévue par la clause limitative de responsabilité et faire application des taux d'imputabilité technique de la Société Stef Information et Technologies dans l'échec du projet RVI retenus par l'expert judiciaire :

- si le taux retenu est de 67%, le préjudice de la Société [Localité 4] Volaille Plus s'élève à la somme de 1.340.000 euros,

- si le taux retenu est de 75%, le préjudice de la Société [Localité 4] Volaille Plus s'élève à la somme de 1.500.000 euros.

A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, même dans l'hypothèse où la Cour écarterait la clause limitative de responsabilité et considérerait justifié le préjudice invoqué par la Société [Localité 4] Volaille Plus,

- minorer très substantiellement le quantum de l'éventuelle condamnation de la Société Stef Information et Technologies au titre du préjudice de la Société [Localité 4] Volaille Plus la somme maximale de 1.042.939 euros (les restitutions n'étant pas comprises dans cette somme) correspondant à l'hypothèse n°3 d'évaluation de son préjudice retenue par l'expert judiciaire et faire application des taux d'imputabilité technique de la Société Stef Information et Technologies dans l'échec du projet RVI retenus par l'expert judiciaire :

- si le taux retenu est de 67%, le préjudice de la Société [Localité 4] Volaille Plus s'élève à la somme de 698.769 euros,

- si le taux retenu est de 75%, le préjudice de la Société [Localité 4] Volaille Plus s'élève à la somme de 782.204 euros.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE (I), et dans l'hypothèse où la Cour condamnerait la Société Stef Information et Technologies à restituer à la Société [Localité 4] Volaille Plus les sommes acquittées par cette dernière et que cette dernière évalue à la somme de 1.104.676 euros HT,

- juger que la Société Stef Information et Technologies émettra comptablement un avoir net de taxe sur la valeur ajoutée au bénéfice de la Société [Localité 4] Volaille Plus en cas de décision judiciaire définitive lui ordonnant de restituer à la Société [Localité 4] Volaille Plus les sommes acquittées par cette dernière, par application du Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts ' TVA - DEDE-40-10-10-20 n° 80,

- condamner la Société [Localité 4] Volaille Plus à payer à la Société Stef Information et Technologies une indemnité compensatrice d'un montant total de 1.104.676 euros, compte tenu des prestations effectivement réalisées par cette dernière,

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE (II), s'agissant de la demande de nullité du contrat pour défaut de cause formulée par la Société [Localité 4] Volaille Plus,

A titre principal,

- declarer irrecevable et ecarter la demande de nullité du contrat pour défaut de cause formulée par la Société [Localité 4] Volaille Plus dans ses quatre jeux de conclusions en date des 12 Juin et 7 Décembre 2018, 10 Novembre 2020, 10 Février et 29 Juin 2022 s'agissant d'une prétention nouvelle en cause d'appel,

A titre subsidiaire,

- débouter la Société [Localité 4] Volaille Plus de sa demande de nullité du contrat pour défaut de cause,

ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE (III),

- ordonner la compensation judiciaire entre les sommes dues à la Société Stef Information et Technologies et celles auxquelles elle pourrait par extraordinaire être condamnée,

- condamner la Société [Localité 4] Volaille Plus à payer à la Société Stef Information et Technologies la somme de 500.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

- ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître François TEYTAUD, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 1er septembre 2022,

***

SUR CE, LA COUR,

1. Sur les relations contractuelles entre les parties

Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. En l'espèce il y a lieu de rappeler à titre liminaire que l'ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises statuant dans la présente affaire, en date du 16 novembre 2015, n'a aucune autorité de la chose jugée sur le fond, d'autant plus s'agissant de seuls motifs, par lesquels le juge rappelle en outre au sujet de l'appréciation du dol par l'expert, qu'il s'agit d'une « question qui relève en tout état de cause de la juridiction statuant au fond ».

En vertu de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. En l'espèce, les contrats litigieux ont été conclus entre 2006 et 2007, de sorte qu'ils sont ainsi soumis au code civil tel qu'antérieur à cette réforme.

Aux termes de l'article 1101 du code civil, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.

En l'espèce, un premier document de trois pages et demie, signé entre RVP et Agrostar le 6 décembre 2006 et intitulé « lettre d'intention », stipule que « RVP et Agrostar ont décidé de négocier de bonne foi un contrat ayant pour objet la fourniture d'un système d'information (...) » et ajoute : « en attendant la rédaction et la signature d'un contrat en bonne et due forme, RVP et Agrostar ont entendu matérialiser leur volonté de contracter par la présente lettre d'intention » ; il est encore précisé que « dans le cadre de la présente (sous-entendu : lettre d'intention) et du contrat qui doit être finalisé entre les parties, Agrostar s'engage à réaliser le projet RVI au forfait pour un montant de 1.949.830€ HT conformément à sa proposition de services ; Agrostar fournira à RVP les licences, droits d'utilisation ou de souscription des logiciels (') ; dans un premier temps et selon les conditions financières et de planning jointes en annexe, la solution sera hébergée, administrée et exploitée par les moyens techniques appropriés de la société Agrostar dans un environnement sécurisé » (pièce 9-1 Stef IT). Enfin, la lettre d'intention précise que les éléments joints en annexe « qui ont fait l'objet d'échanges entre les parties pendant la phase de consultation », « serviront de référence à la rédaction du contrat de mise en 'uvre dans l'ordre décroissant de prévalence », démontrant ainsi que ces éléments ne manifestent pas un accord ferme sur les annexes mais une base de négociation pour le contrat, et que le renvoi à la signature ultérieure d'un contrat ne consistait pas en une simple formalité.

Il résulte de cette rédaction claire que le contrat n'est alors pas finalisé entre les parties, qui matérialisent seulement ici leur volonté de mettre par écrit les points importants de la négociation en cours, et fixent des délais, en l'espèce 45 jours renouvelables une fois, pour parvenir à un contrat, les différents éléments de ce contrat étant encore à déterminer entre les parties. Si un prix au forfait est retenu à hauteur de 1.949.830€ HT, la détermination des prestations dues en contrepartie n'est pas fixée, aucun accord sur la chose ne pouvant être relevé. Ce document prévoit d'ailleurs la réalisation d' « une phase d'études fonctionnelles et techniques détaillées ». Seul un « premier lot » correspondant à « la traçabilité physique amont devait être mis en 'uvre pour un fonctionnement en mode opérationnel de production au sein de la Somavog [sas regroupant les grossistes du Pavillon et chargée de la logistique du bâtiment, de l'entretien, la surveillance et la maintenance des équipements électriques et de production du froid] et d'un site identifié du Pavillon de la Volaille et du Gibier 4 mois après la signature de la présente, dont le périmètre en terme de fonctions et en nombre de pilotes seront dimensionnés durant la phase d'étude » (dont factures produites en pièces 15 Stef IT pour un total d'environ 200.000€ HT). Ainsi, faute de détermination de la chose due, ce document intitulé « lettre d'intention » ne peut être requalifié en contrat.

Le document signé le 6 mars 2007 renouvelle la « lettre d'intention dans des termes strictement identiques » (pièce 9-2 Stef IT), tout comme la « lettre d'engagement » du 16 novembre 2007 comme l'indique Stef IT dans ses conclusions (page 30).

Ainsi contrairement à ce qu'indique Stef IT, aucun engagement ferme ne peut être constaté avant le 13 décembre 2007 sauf celui de négocier de bonne foi.

La lettre du 16 novembre 2007 (pièce 9-3 Stef IT) rapportait d'ailleurs: « réaffirmant la volonté de nos sociétés, conformément aux principes convenus dans la lettre d'intention précitée, de conclure dans les meilleurs délais l'accord cadre, dont les termes sont actuellement en cours de négociation, et par la suite, les différents contrats d'application relatifs à la mise en 'uvre du projet RVI (').

Le contrat signé le 13 décembre 2007 confirme encore la volonté des parties consistant en l'absence de contrat avant cette date lorsqu'il indique, en son paragraphe 6 reprenant le contexte de négociation : « Par lettre d'intention en date du 6 décembre 2006, dont les termes ont été renouvelés le 1er mars 2007, les parties ont déclaré respectivement leur intention de contracter à l'issue des négociations en cours relatives aux conditions, modalités et rédaction des contrats matérialisant les opérations rappelées ci-avant. Durant cette phase pré-contractuelle, Agrostar a débuté les travaux relatifs aux analyses fonctionnelles, générales et détaillées, ces travaux étant préparatoires à la mise en 'uvre du projet ».

Cette rédaction claire, signée par les deux parties, et qui définit précisément ce que les parties ont entendu exprimer par le terme « lettre d'intention », ne permet à aucun moment de constater un accord sur la détermination de la chose et notamment les modalités d'exécution des prestations dès les lettres d'intention, lesquelles, si le contrat avait été formé par la seule acceptation de l'offre, seraient vidées de toute substance.

Ainsi, avant le 13 décembre 2007, les documents signés avaient une valeur pré-contractuelles. Seul le contrat du 13 décembre 2007, que les parties dénomment elle-même « contrat cadre » (article 3.4 et 3.5) devant être suivis de « contrats d'application » (article 3.5), constitue un engagement ferme de commande par RVP et de prestation par Agrostar.

2. Sur la nullité du contrat pour dol

Aux termes de l'article 1116 du code civil applicable, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie qui dissimule à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

Il ressort de la première lettre d'intention, qu'était entré dans la négociation comme élément déterminant du consentement à venir de RVP sur le fond, le fait que « Agrostar s'engage à réaliser le projet RVI au forfait pour un montant de 1.949.830€ HT, hors frais de séjours et de déplacements conformément à sa proposition de service », renvoyant ici à la réponse à l'appel d'offre.

Cet élément déterminant faisait ainsi partie des termes de la négociation.

Or il n'est pas contesté et il résulte des constats de l'expert qu'Agrostar n'a jamais, avant ou lors de la signature du contrat le 13 décembre 2007, affiché le dépassement du nombre de jours initialement prévus pour la réalisation du projet alors qu'elle a reconnu lors de la réunion n°8 du 22 mars 2012, que le jour de la signature du contrat, elle avait pratiquement consommé tout le budget, indiquant qu'il s'agissait pour elle, comme pour tout éditeur de progiciel, d'un investissement lui permettant d'améliorer son produit et d'élargir sa clientèle. Toutefois, cette présentation d'Agrostar est démentie par les faits puisqu'il résulte également des constats de l'expert qu'elle a ensuite conditionné la poursuite du contrat à la prise en charge par RVP d'importantes sommes complémentaires.

Ainsi, alors que le prix au forfait était l'un des seuls éléments fixés depuis le début des négociations, son comportement dans la phase précontractuelle, y compris quelques jours avant la signature du contrat et le jour-même de cette signature, a consisté à ne pas attirer l'attention de RVP sur la consommation quasi totale du forfait prévu avant même la signature du contrat, alors que comme le constate l'expert, la demande d'Agrostar dès juillet 2008 conditionnant la poursuite des travaux, correspondra à un quadruplement du nombre de jours de travail du prestataire par rapport au forfait initialement prévu (expertise page 195) ; Or si dès avant la signature du contrat, RVP recevait les factures d'Agrostar lui permettant de suivre la consommation du budget (pièce 132 Stef IT), les éléments et la connaissance dont disposait RVP de l'avancement du projet ne lui permettaient cependant pas d'évaluer la charge de travail restant à accomplir dès lors que :

- RVP n'est pas un professionnel des solutions informatiques intégrées,

- Agrostar, en tant qu'éditeur de logiciel, s'inscrivait, comme l'a relevé l'expert, dans une démarche de type « plan produit » laissant à sa propre charge certains développements spécifiques qu'elle pourrait rentabiliser en développant de nouveaux produits pour l'ensemble de sa clientèle, ce qu'elle soutient d'ailleurs encore, élément qui ne pouvait que rendre plus difficile encore l'appréciation de RVP sur la consommation du budget au moment de la signature du contrat,

- Agrostar, sans reprendre les difficultés qu'elle avait soulevées dans les comités de pilotages des 26 janvier, 24 avril 2007 et 21 septembre 2007 évoquant « des difficultés à atteindre l'objectif de l'étude fonctionnelle » et un « dérapage de la mission » avec la « découverte de nouveaux besoins » et la « non stabilité du besoin notamment sur des fondamentaux compromettant aujourd'hui la production d'un livrable d'AFG stable élément indispensable pour la suite du projet » (pièces 54bis, 27 et 28 Stef IT), a au contraire affirmé à RVP juste avant la signature du contrat, dans les tableaux de bord des comités de pilotage des 21 novembre 2007 et 13 décembre 2007 (jour même de la signature ' pièce 63 RVP) que les indicateurs étaient à niveau « soleil » ou « éclaircie » ce qui signifiait entre les parties l'absence de toute alerte, et même un propos se voulant rassurant, sans soulever au moment de la signature du contrat aucune difficulté, y compris à la charge de RVP, pour attirer l'attention de son cocontractant sur le dérapage du projet, pour quelque raison que ce fut qu'elle aurait étayée. Si Stef IT fait valoir que ces indicateurs à référence météorologique ne portaient ni sur les budgets ni sur les charges du projet, il résulte de la présentation du 13 décembre 2007 (pièce 63) que celle-ci portait sur l'ensemble du projet « système d'information de la supply chain alimentaire » tel que l'indique son titre, évoquait l' « état d'avancement des principaux travaux » en référence au contrat à signer le jour-même (diapositive n°3) et comprenait donc nécessairement les éléments déterminants du contrat que sont son coût et sa faisabilité, n'évoquait plus aucun dérapage du projet, et indiquait même qu'une réponse avait été apportée aux 8 remarques de RVP restantes et que partant, concernant « l'état d'avancement » : « plus rien n'empêche la validation document par RVP ».

Ce revirement d'Agrostar, professionnel des solutions informatiques intégrées tenu à ce titre à une obligation d'information et de conseils dans l'appréciation du besoin du maître de l'ouvrage non spécialiste, entre une première période de janvier à septembre 2007 alertant sur les dérapages, puis une seconde période en novembre et décembre 2007 ne faisant plus état d'alertes au moment de la signature du contrat et adressant des messages évoquant l'absence de difficultés (« soleil ») et la résolution des difficultés précédentes (« éclaircie »), alors même que dès le comité de pilotage du 25 janvier 2008, soit juste après cette signature, Agrostar évoquera de nouveau la « dérive régulière du planning » avec un « nouveau recul à prévoir dû notamment à la nécessité de mesurer les écarts et revoir le périmètre fonctionnel », ne permettent pas de retenir comme Agrostar le soutient, qu'il s'est simplement agi d'une méprise de sa part, qui en décembre 2007, aurait considéré qu'elle maîtrisait le risque et que l'investissement pouvait être rentable, alors qu'en 2008 la situation avait changé.

Le comportement ainsi relevé d'Agrostar constitue des man'uvres consistant en la dissimulation à RVP d'informations manifestant les risques d'échec du projet au regard du coût initialement projeté et des premières études sur sa faisabilité dans ce périmètre, dont il se déduit que ces informations, si RVP les avait connues, étaient de nature à l'empêcher de contracter.

Ainsi, en retenant que « la décision qu'a prise Stef IT de ne pas informer RVP au moment de signer le contrat, de la consommation quasi totale à cette date du nombre de jours budgétés alors que sa stratégie d'investissement n'intégrait pas les surcoûts nécessaires à la finalisation du projet, Stef IT connaissant par conséquent avant de signer le contrat la nécessité de la sortie future du cadre forfaitaire contractuel, ne relevait pas seulement d'un manquement à l'obligation de conseil et d'alerte du prestataire informatique vis-à-vis de son client mais était constitutif d'une réticence dolosive », le tribunal, prononçant la nullité pour dol aux torts de Stef IT, a justement apprécié la situation.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point et en ce qu'il a débouté Stef IT de ses demandes au titre des factures impayées et du paiement du prix des licences SAP, et a condamné Stef IT à rembourser à RVP la totalité des paiements effectués au titre du contrat annulé.

3. Sur le montant des restitutions

S'agissant du montant de la restitution, l'appelante demande l'infirmation du jugement pour intégrer à la restitution le montant de la TVA payée à Agrostar, quand cette dernière demande également l'infirmation sur ce point invoquant une « erreur manifeste d'appréciation » du tribunal et la limitation des restitutions à 1.104.676€ HT telles qu'évaluées par l'expert.

Le tribunal a retenu la somme de 1.649.335€ HT correspondant à l'addition (à un euro près) des deux sommes visées par le sapiteur (pièce 418bis Stef It, page 238) au titre des versements effectués à Agrostar par RVP dans le cadre du projet RVI à savoir :

- la facturation des matériels, logiciels, et études par Agrostar pour un total de 1.142.318€,

- et la facturation des prestations d'infogérance et de maintenance, pour un total de 507.018€ HT.

Effectivement, en page 150 de l'expertise, l'expert indique que le montant revendiqué par RVP devrait être ramené à 1.104.676€ HT dès lors que certains dossiers de spécifications détaillées étaient réutilisables partiellement, la charge de travail correspondante ayant été évaluée par l'expert à 59 jours pour un prix journalier de 638€ HT, représentant au total 37.642€. Toutefois, si l'expert indique que deux documents établis dans le cadre de la prestation d'Agrostar étaient réutilisables par RVP pour réinstaller l'EDI (Echange des Données Informatisé) et faire évoluer son référentiel, il rappelle également qu'il avait, dans une précédente synthèse, retenu le contraire en indiquant qu'une telle récupération « ne ferait que compliquer la tâche du nouveau prestataire » (réponse aux dires, n°24, page 187 de l'expertise). Or l'expert indique que l'évolution de sa position de ce chef est fondée par le fait que deux documents ont été « vraisemblablement réutilisés par RVP pour remettre en place l'EDI » dès lors qu'ils étaient « réutilisables ». Ainsi l'évolution de l'appréciation de l'expert ne se fonde sur aucun document nouveau et le caractère certain de ce bénéfice n'est pas rapporté. Partant, une telle déduction de la somme de 37.642€ n'est pas justifiée. L'expert n'ayant relevé aucun autre travaux réalisé par Agrostar ayant bénéficié à RVP, les demandes présentées par Stef IT au titre d'une « indemnité compensatrice » doivent être rejetées.

En revanche, la restitution d'une somme d'argent incluant les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue, la restitution doit s'élever à la somme de 1.649.336€ HT augmentée de la TVA alors fixée à 19,6 % soit 1.972.605€ TTC, le jugement étant infirmé sur ce point et les intérêts au taux légal étant dus, en application de l'article 1378 du code civil, à compter du jour de chacun des paiements tels que repris à l'annexe 1 du rapport du sapiteur.

En conséquence également, Stef IT sera déboutée de sa demande de voir juger qu'elle émettra comptablement un avoir net de taxe ajoutée au bénéfice de RVP.

4. Sur les préjudices invoqués

La nullité du contrat judiciairement prononcée n'empêche pas la victime des man'uvres dolosives d'exercer une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de son auteur la réparation du préjudice subi, lorsque que le prononcé de la nullité ne suffit pas à faire disparaître celui-ci.

Aux termes de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En raison du caractère d'ordre public de cette responsabilité délictuelle, celle-ci ne peut être neutralisée conventionnellement par une clause limitative ou exonératoire de responsabilité.

De même, l'auteur du dol ne peut exercer cette action, qui est réservée à la partie de bonne foi. Ainsi, les demandes de Stef IT au titre du surcoût des temps passés, du manque à gagner et de la perte d'image, doivent être rejetées. Il n'est par ailleurs pas rapporté par Stef IT, au titre des restitutions auxquelles elle pouvait prétendre dans le cadre de l'annulation, que RVP ait bénéficié de ce temps passé notamment pour une reprise du projet par un autre prestataire ; au contraire, l'expert a constaté l'absence de toute reprise et l'impossibilité même, pour un éventuel nouveau prestataire, de repartir des travaux faits, non à cause d'éventuelles dissensions entre les grossistes ou de demandes supplémentaires de RVP, mais en raison de la sous-estimation du coût demandé initialement par Stef IT par rapport au coût total finalement nécessaire pour reprendre ces travaux, évalué à plus de 5 millions d'euros, soit le double de ce qui était prévu au contrat, coût « inenvisageable compte tenu de la trésorerie de RVP » (page 123 expertise).

Le jugement, qui a pourtant retenu le dol aux torts de Stef IT, sera donc infirmé en ce qu'il a retenu un préjudice subi par Stef IT et un partage dans l'évaluation des préjudices.

Quant au préjudice réparable pour la victime du dol il varie selon qu'elle a choisi ou non de demander la nullité du contrat. Si tel est le cas comme en l'espèce, son préjudice réparable couvre :

- les frais de conclusion du contrat,

- la perte de chance de conclure un contrat avec un tiers, si cette chance était sérieuse.

Ainsi en l'espèce, les demandes de RVP au titre du remboursement des sommes investies et du coût d'arrêt du projet constituent des préjudices réparables qu'il convient d'examiner. En revanche, la demande de nullité du contrat empêche l'appelante de demander réparation de la perte de chance d'obtenir des gains du contrat dont elle a elle-même demandé la nullité pour dol, cette annulation la privant sans conteste des gains attendus de celui-ci, et étant la cause de la perte des gains espérés.

RVP sera donc déboutée de sa demande au titre du gain manqué constitué selon elle par la perte des redevances d'utilisation du système ou d'une chance de les percevoir, qu'elle formule à hauteur de 6.631.000€ et à titre subsidiaire à 4.384.000€, et à titre infiniment subsidiaire à 1.021.988€.

S'agissant des autres postes de préjudices qu'invoque RVP :

Sur le remboursement des sommes investies et le coût de l'arrêt du projet

Il ressort des constats de l'expert analysant les factures produites et les livres de comptes, ainsi que des calculs du sapiteur que RVP a investi en pure perte les sommes suivantes, le préjudice étant directement causé par l'anéantissement du contrat :

- 43.803€ au titre des frais financiers payés à Arius, RVP ayant eu recours à un financement externe,

- 66.331€ au titre des coûts de fonctionnement engagés autour de l'appel d'offre, engagés en pure perte,

- 287.975€ au titre des frais de l'assistance à maîtrise d'ouvrage par Dectis, jusqu'en mai 2009,

- 195.933€ au titre de la refacturation par la Somavog du responsable informatique, correspondant à un poste à 80 % pour l'employé concerné, dont la mission était plus large que la seule gestion du projet RVI lors de son recrutement,

- 488.897€ au titre des coûts de fonctionnement engagés pendant la période de développement (notamment salaires) tels que justifiés par RVP, la demande au-delà n'étant pas établie par les pièces.

- au titre du « coût de l'arrêt du projet », invoqué au titre du licenciement du responsable informatique embauché le 4 avril 2005 par le Syndicat des concessionnaires grossistes de la volaille et du gibier avec une mission complémentaire d'assistant à la Maîtrise d'ouvrage, dont le contrat de travail a été transféré à RVP le 12 juin 2008 et qui a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 1er septembre 2010, la cour retient qu'au jour de la signature du contrat annulé, celui-ci ne travaillait pas pour RVP. La refacturation de ses salaires par le Syndicat à RVP au titre de sa participation à RVI a déjà été prise en compte au titre de la refacturation par Somavog du salaire du responsable informatique à 80 %. Par ailleurs il n'est pas rapporté de lien direct entre la rupture du contrat de cet employé fin 2010 alors que toute collaboration avec Agrostar avait cessé depuis plus d'un an. Aucune somme ne peut donc être retenue de ce chef.

Au total, au titre d préjudice subi du fait des frais de conclusion du contrat, Stef IT sera condamné à payer à RVP la somme de 1.082.939€.

Sur l'atteinte à l'image

De ce chef, RVP ne présente aucune pièce justifiant d'une atteinte à son image ou à sa réputation et notamment ne cite à cet égard aucune attestation ni aucun courrier des fournisseurs dont elle indique qu'ils étaient près d'une centaine a avoir été référencés par RVP au titre de RVI.

Sa demande qu'elle évalue à 10 % du montant total des préjudices réclamés, et qu'elle formule à hauteur de 1.021.988€, sera donc rejetée .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement, qui est confirmé sur le principe de l'annulation pour dol, sera également confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de la première instance, la demande de réforme de la condamnation pour les frais irrépétibles, à hauteur de 1.000.000€ formée par RVP en appel au titre de la première instance, n'ayant pas été faite à cette hauteur devant le juge de première instance.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, Stef IT, qui succombe sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Stef IT, sera en conséquence condamnée à payer à RVP la somme de 50.000€ au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat du 13 décembre 2007 conclu entre les parties, pour dol, aux torts de la sas Stef IT,

- ordonné la restitution des sommes versées

- débouté Stef IT de ses demandes au titre des factures impayées et du coût des licences SAP,

- condamné la sas Stef IT aux dépens, comprenant les frais de l'expertise,

- condamné la société Stef IT à payer à la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus la somme de 70.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la sas Stef IT :

- à restituer à la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.649.335€ HT avec intérêt au taux légal à compter du 19 mai 2009,

- à payer à la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus la somme de 133.254€ avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009,

STATUANT À NOUVEAU :

Condamne la sas Stef IT à payer à la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.972 .605€ TTC (un million neuf cent soixante douze mille six cent cinq euros), avec intérêt au taux légal à compter de chaque paiement, au titre des restitutions dues, le contrat étant annulé pour dol de sa part,

Condamne la sas Stef IT à payer à la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus la somme de 1.082.939€ (un million quatre vingt deux mille neuf cent trente neuf euros) au titre du préjudice subi du fait de l'annulation du contrat, avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus de ses demandes :

* au titre du gain manqué constitué selon elle par la perte des redevances d'utilisation du système ou d'une chance de les percevoir, qu'elle formule à hauteur de 6.631.000€ et à titre subsidiaire à 4.384.000€, et à titre infiniment subsidiaire à 1.021.988€,

* au titre de l'atteinte à son image, formulée à hauteur de 1.021.988€,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la sas Stef IT aux dépens de l'appel,

Condamne la sas Stef IT à payer à la société coopérative à forme anonyme [Localité 4] Volaille Plus la somme de 50.000€ au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/07000
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;18.07000 ?
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