RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 18 Novembre 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/14535 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4SN4
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRÉTEIL RG n° 14-00262
APPELANTE
SARL [5] anciennement dénommé [4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
non comparante, non représentée
INTIMES
URSSAF [Localité 7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Mme [T] [X] en vertu d'un pouvoir général
Me [P] [H] (SELARL VILLA) - Mandataire liquidateur de S.E.L.A.R.L. VILLA FLOREK
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparant, non représenté
S.E.L.A.R.L. VILLA FLOREK
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4] d'un jugement rendu le 28 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à l'URSSAF de l'[Localité 7].
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que les services de l'URSSAF ont procédé à un contrôle au sein de la société portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. L'inspecteur du recouvrement a notifié à la société un redressement par lettre d'observations du 5 novembre 2013 faisant état d'un rappel de cotisations de 362'742 euros. L'inspecteur a notamment considéré que la société ne pouvait bénéficier de l'exonération jeune entreprise innovante et a réclamé des cotisations pour lesquelles la société estimait devoir être exonéré au titre de ces années. À l'issue de la phase contradictoire, l'inspecteur a informé la société qu'il entendait maintenir le redressement pour son entier montant par courrier du 16 décembre 2013. Il s'en est suivi d'une mise en demeure délivrée le 24 décembre 2013 invitant la société à régler le montant des cotisations précité augmenté de la somme de 53'317 euros au titre des majorations de retard provisoires. À la suite de ce contrôle, la SARL [4] a saisi la commission de recours amiable d'un recours sur les chefs de redressement 1 et 9. Elle a saisi le tribunal de la décision implicite de rejet puis de la décision explicite du 3 mars 2014. L'URSSAF a décerné une contrainte le 30 janvier 2014 et signifiée le 13 février 2014 ; que le 24 février 2014, la SARL [4] en relevait opposition.
Par jugement en date du 28 juin 2017, faisant suite à un jugement avant dire-droit du 18 mai 2016, le tribunal a :
- dit que la SARL [4] ne peut se prévaloir du silence de trois mois de l'administration fiscale pour le déclarer valoir accord tacite ;
- dit que la SARL [4] ne peut se prévaloir du statut de Jeune Entreprise Innovante et de l'exonération de charges afférentes à ce statut ;
- maintenu en conséquence chef de redressement numéro un pour 347'534 euros ;
- annulé le chef de redressement numéro neuf concernant des frais professionnels non justifiés, pour un montant de 11'689 euros ;
- rejeté la demande formulée par l'URSSAF [Localité 7] de validation de la contrainte du 30 janvier 2014 ;
- débouté la SARL [4] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour motiver ainsi, le tribunal a considéré que les pièces produites par la société ne permettaient pas de connaître la nature du dossier adressé à l'administration fiscale pour bénéficier du statut de Jeune Entreprise Innovante et que le fisc avait répondu que le dossier était incomplet, le 21 septembre 2011, faute qu'y figure le questionnaire indispensable pour lui permettre de se prononcer. Au fond, le tribunal a indiqué que l'article 44 sexies 0A du code général des impôts précisait que, s'agissant de la notion d'activité réellement nouvelle, l'extension d'activité préexistence était caractérisée par la réunion de deux conditions : l'existence d'une communauté d'intérêts entre l'entreprise créée est une entreprise préexistante, pouvant résulter de liens personnels, financiers, commerciaux, caractérisant une dépendance et la prolongation de l'activité de l'entreprise par l'activité nouvelle. Or, en l'espèce, le tribunal a considéré que la société ne démontrait pas l'indépendance de la SARL [4] par rapport à la société [6] et à la SARL [4]. En effet ces deux sociétés sont des clientes de la SARL [4] et mettaient à sa disposition des moyens matériels ainsi que tous les éléments techniques nécessaires à la réalisation des travaux de recherche, la condition tenant au caractère réellement nouveau de la société n'étant pas remplie. S'agissant des frais professionnels non justifiés, le tribunal a considéré que l'activité de la société consistait en la réalisation par les consultants d'études d'implantation de logiciels, les missions des salariés envoyés en déplacement chez les clients étant de durée variable. Dès lors il était contraint d'engager des frais de repas supplémentaire. L'indemnité de cinq euros par jour en paiement des frais de repas devait donc être exonérée de charges sociales. Faute de pouvoir calculer les sommes restant dues au titre du redressement, le tribunal a considéré qu'il ne pouvait pas valider la contrainte.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 31 août 2017 à l'URSSAF de l'[Localité 7] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 27 septembre 2017.
Suite à la liquidation judiciaire de la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4], l'URSSAF de l'[Localité 7] a assigné Me [H] [P], pris en sa qualité de liquidateur de la société pour l'audience du 6 octobre 2022 à 13 h30, date à laquelle le dossier a été plaidé, en lui signifiant ses conclusions.
Par conclusions écrites conjointes aux recours enrôles sous les numéros 17/11944, 17/11946 17/14535, visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF de l'[Localité 7] demande à la cour de :
- déclarer recevable son appel ainsi que bien fondé ;
- confirmer le jugement du 28 juin 2017 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil
- fixer sa créance au passif de la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4] à la somme de 351 053 euros ;
- débouter la société de toutes ses demandes ;
- condamner la société à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au fond, elle indique que la société ne pouvait plus prétendre appliquer l'exonération jeune entreprise innovante sur l'ensemble des bordereaux mensuels de cotisations pour les années 2012 et 2013. Elle a donc réclamé des cotisations et à ce titre par la mise en demeure du 24 décembre 2013.
L'URSSAF de l'[Localité 7] a justifié de sa déclaration de créance réalisée le 10 décembre 2021.
Me [H] [P], pris en sa qualité de liquidateur de la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4] a écrit pour indiquer ne pas avoir de fonds pour présenter sa défense et n'a pas comparu à l'audience.
SUR CE,
Sur le fond du droit
L'article 131 de la loi de finances pour 2004, n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, énonce que :
' I. - Les gains et rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741-10 du code rural, versés au cours d'un mois civil aux personnes mentionnées au II appartenant aux jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et de développement définies à l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts sont exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales, des accidents du travail et des maladies professionnelles.
II. - Les cotisations exonérées sont celles qui sont dues au titre, d'une part, des salariés énumérés au III et au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 351-4 du code du travail et, d'autre part, des mandataires sociaux qui participent, à titre principal, au projet de recherche et de développement de l'entreprise.
III. - Les salariés mentionnés au II sont les chercheurs, les techniciens, les gestionnaires de projets de recherche et de développement, les juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet et les personnels chargés des tests préconcurrentiels.
IV. - L'avis exprès ou tacite délivré par l'administration fiscale, saisie par une entreprise dans les conditions prévues au 4° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, est opposable à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale compétent.
V. - L'exonération prévue au I est applicable au plus jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'entreprise. Toutefois, si au cours d'une année l'entreprise ne satisfait plus à l'une des conditions requises pour bénéficier du statut de jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement et fixées par l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts, elle perd définitivement le bénéfice de l'exonération prévue au I.
VI. - Le bénéfice des dispositions du présent article ne peut être cumulé, pour l'emploi d'un même salarié, ni avec une aide d'Etat à l'emploi, ni avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales, ni avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations.
VII. - Le droit à l'exonération est subordonné à la condition que l'entreprise ait rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
VIII. - Un décret détermine les modalités d'application du présent article.'
Il est constant, comme cela résulte de la lettre d'observations du 5 novembre 2013, que la société n'a pas bénéficié du rescrit fiscal suite à sa demande du 15 novembre 2009. Le 12 août 2013, la Direction Départementale des Finances Publiques du [Localité 8] a indiqué que la société ne pouvait bénéficier du statut de jeune entreprise innovante, la condition tenant au caractère réellement nouveau de l'entreprise n'étant pas remplie. La société ne peut donc s'abriter derrière un avis exprès délivré par l'administration fiscale au sens du paragraphe IV de l'article précité. Elle ne démontre pas avoir rempli les conditions permettant d'exciper d'un accord tacite.
La SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4] ne dépose aucune pièce justifiant de son droit à bénéficier de la réduction jeune entreprise innovante.
Dès lors, l'URSSAF de l'[Localité 7] a, à bon droit, procédé au rappel des cotisations rappelées dans un tableau récapitulatif par type de cotisations et par années pour les années 2010, 2011 et 2012 pour respectivement 134 364 euros, 119 468 euros et 93 702 euros en rappelant les bases rectifiées de calcul.
Il convient en conséquence de fixer la créance de l'URSSAF de l'[Localité 7] au passif de la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4] représenté par Me [H] [P], pris en sa qualité de liquidateur, à la somme de 351 053 euros de cotisations, les majorations de retard étant annulées du fait de la liquidation judiciaire, le jugement étant infirmé techniquement sur ce point.
Le chef de redressement numéro neuf n'est pas concerné par le recours de la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4], l'URSSAF de l'[Localité 7] n'ayant pas relevé appel incident du jugement.
La SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, la demande formée au titre des frais irrépétibles étant rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de l'URSSAF de l'[Localité 7] ;
CONFIRME le jugement rendu le 28 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil en ce qu'il a :
- dit que la SARL [4] ne peut se prévaloir du silence de trois mois de l'administration fiscale pour le déclarer valoir accord tacite ;
- dit que la SARL [4] ne peut se prévaloir du statut de Jeune Entreprise Innovante et de l'exonération de charges afférentes à ce statut ;
- maintenu en conséquence chef de redressement numéro un pour 347'534 euros ;
- annulé le chef de redressement numéro neuf concernant des frais professionnels non justifiés, pour un montant de 11'689 euros ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4] représentée par Me [H] [P], pris en sa qualité de liquidateur, la somme de 351 053 euros ;
DÉBOUTE l'URSSAF de l'[Localité 7] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL [5] exerçant sous l'enseigne [4] aux dépens d 'appel.
La greffière Le président