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17/11/2022 | FRANCE | N°22/08868

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 17 novembre 2022, 22/08868


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08868 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYSJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/55940





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Lo

calité 6], Mme [P] [U], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08868 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYSJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/55940

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [P] [U], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

INTIMEE

S.A.S. KERDAM, (RCS de PARIS n°423 322 338)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, et Thomas RONDEAU, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation en date du 18 juin 2021, la Ville de [Localité 6] a fait assigner la société Kerdam devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme concernant un appartement situé [Adresse 1] et demandait de voir :

' constater que la société Kerdam a enfreint les dispositions de l'article L 324-1-1 du code du tourisme ;

' condamner la société Kerdam à lui payer une amende civile de 5.000 euros ;

' condamner la société Kerdam à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 7 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la Ville de [Localité 6] de sa demande à l'encontre de la société Kerdam au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme ;

- condamné la Ville de [Localité 6] à payer à la société Kerdam la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 6] aux entiers dépens ;

- autorisé les avocats qui ont fait la demande à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- rappelé que cette décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 2 mai 2022, la Ville de [Localité 6] a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 septembre 2022, la Ville de [Localité 6] demande à la cour de :

- juger la Ville de [Localité 6] recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

' l'a déboutée de sa demande à l'encontre de la société Kerdam au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme ;

' l'a condamnée à payer à la société Kerdam la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' l'a condamnée aux entiers dépens ;

- juger que la société Kerdam a enfreint les dispositions de l'article L.324-1-1 du code de tourisme en offrant à la location un meublé de tourisme et en publiant une annonce sans se conformer à l'obligation d'enregistrement de déclaration préalable ;

- condamner la société Kerdam à une amende civile de 5.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 6] conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme ;

- la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 6] ainsi qu'aux entiers dépens.

La Ville de [Localité 6] soutient en substance que :

- la société Kerdam a enfreint les dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme en offrant à la location de meublé de tourisme et en publiant une annonce sans respecter l'obligation d'enregistrement ;

- elle propose son bien sur le site airbnb sans numéro d'enregistrement de la déclaration préalable,

- le local visé dans le constat est bien le lot n° 15, qui appartient à la société Kerdam ;

- ledit local a été déclaré le 19 mai 2022 par M [D] gérant de la société Kerdam, le numéro d'enregistrement renvoyant à une nouvelle annonce sur le site airbnb qui met en ligne le même local.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives et d'appel incident remises et notifiées le 14 septembre 2022, la société Kerdam demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris selon la procédure accélérée au fond en date du 7 mars 2022 ;

En conséquence,

- juger que le lot n°15 sis [Adresse 1] dont la société Kerdam est propriétaire est affecté à un usage de bureaux et commercial et n'est pas à usage d'habitation ;

- juger que la société Kerdam n'était soumise à aucune obligation d'enregistrement préalable au regard de son usage administratif et commercial ;

- en conséquence, juger que la Ville de [Localité 6] est mal fondée en son appel, et en ses demandes, fins et conclusions d'appelante à l'encontre de la société Kerdam et l'en débouter ;

A titre reconventionnel et en tout état de cause,

- condamner la Ville de [Localité 6] à verser à la société Kerdam la somme de 2.000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 6] à verser à la société Kerdam la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en appel ;

- condamner la Ville de [Localité 6] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Blumenthal Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Kerdam soutient en substance que :

- elle ne conteste pas être propriétaire du lot n°15 de l'immeuble sis [Adresse 1] mais conteste les allégations produites dans le constat d'infraction, celui-ci contenant des captures d'écran d'une annonce de location temporaire dans le 15ème arrondissement ;

- elle n'est devenue propriétaire qu'à compter de la fin de l'année de 2018 et son président se prénommant « [V] » ;

- la Ville de [Localité 6] tente de se préconstituer des preuves à elle-même en produisant un signalement de nuisances sonores, sans signature, qui daterait du 19 janvier 2022 et un courrier non daté et dont la signature est contestable du président du conseil syndical, la validité de ces documents étant contestable ;

-en l'espèce, la Ville de [Localité 6], sur laquelle pèse la charge de la preuve tant de l'usage du bien que de son changement d'usage échoue à rapporter cette preuve ;

- en l'absence de démonstration du lien entre l'annonce airbnb et le local litigieux, la mauvaise foi (voire l'intention malveillante) et la volonté de prolonger la présente procédure entraîne un préjudice, lequel doit entraîner la condamnation de la Ville de [Localité 6] à la somme de 2.000 euros à titre de procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

L'article L 324-2 du même code prévoit que toute offre de location mentionnée au II de l'article L. 324-1-1 contient le numéro de déclaration mentionné à cet article et indique, dans des conditions définies par décret, si l'offre émane d'un particulier ou d'un professionnel au sens de l'article 155 du code général des impôts.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que :

- par constat du 30 mars 2021, l'agent assermenté de la Ville de [Localité 6] a relevé la mise en location d'un bien immobilier situé [Adresse 1]), lots 15 et 39, bâtiment A, escalier 1, rez-de-chaussée, porte 01003,

- la société Kerdam indique qu'elle est bien propriétaire du lot n° 15 mais qu'il se situe à l'entresol, de sorte que les locaux visés par le constat d'infraction ne seraient pas ceux qui lui appartiennent,

- il n'est pas contesté que la société Kerdam est propriétaire des lots n°15 et 39, ce dernier étant un parking,

- par constat du 23 mars 2022, l'agent assermenté de la Ville de [Localité 6] a noté que la parcelle concernée comprend trois locaux en rez-de-chaussée, dont un de 135 m2 occupé par la société Kerdam et deux locaux au 1er étage,

- au vu du relevé de propriété et de l'atelier fiscal, le local est situé bâtiment A, escalier 1, niveau 00, porte 01003, lot n°15,

- le registre cadastral comporte lui-aussi la mention "00", soit rez-de-chaussée,

- l'extrait d'acte de vente du 31 octobre 2018 mentionne un local "comprenant la totalité de l'entresol",

- il s'en déduit que le niveau intermédiaire de l'entresol n'est pas signalé sur les registres cadastraux et documents fiscaux produits qui les classent au rez-de-chaussée ("00"), sans toutefois qu'aucune ambiguïté ne puisse être notée quant à l'identification du local concerné, soit le lot n° 15, dont la superficie est de 135 m2 sur l'ensemble des documents produits,

- dès lors, le local visé par le constat d'infraction du 14 avril 2021 est bien le lot n°15 appartenant à la société Kerdam.

Il est constant que le local en cause à été loué à une clientèle de passage de manière répétée pour de courtes durées.

Aucun numéro d'enregistrement ne figure sur les annonces airbnb produites et aucun enregistrement du local n'a été trouvé, avant le 19 mai 2022, date à laquelle le local a été déclaré par M. [D], gérant de la société Kerdam, sous le n° 7511506565978.

Force est d'ailleurs de constater que l'annonce sur le site airbnb, postérieurement au 19 mai 2022, est similaire à celles reproduites dans le constat d'infraction du 14 avril 2021,et comporte les mêmes photos de l'appartement loué. L'hôte, sur les annonces postées avant le 19 mai 2022 se nomme"[I]", alors que le local a été déclaré depuis l'adresse mail suivante : [Courriel 7].

L'infraction poursuivie de défaut d'enregistrement du meublé de tourisme est donc caractérisée.

Prenant en compte la durée des manquements, soit depuis l'année 2018, et l'importance du nombre de locations, il convient de condamner la société Kerdam à régler une amende civile de 4.000 euros, ce qui commande d'infirmer la décision rendue en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Le jugement rendu sera infirmé quant au sort des dépens et frais de première instance.

La société Kerdam, partie perdante sera condamnée aux dépens d'appel et à indemniser la Ville de [Localité 6] pour ses frais non répétibles exposés en première instance et à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Kerdam à régler à la Ville de [Localité 6] une amende civile de 4.000 euros ;

Condamne la société Kerdam à verser à la Ville de [Localité 6] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à hauteur d'appel ;

Condamne la société Kerdam aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/08868
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;22.08868 ?
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