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17/11/2022 | FRANCE | N°22/08211

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 17 novembre 2022, 22/08211


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08211 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWUT



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/58046





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [

Localité 7], Mme [N] [O], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, av...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08211 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWUT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/58046

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], Mme [N] [O], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIMEE

S.C.I. LA SOCIETE GRANDE MURAILLE (RCS de PARIS n°353 538 499)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit délivré le 19 juillet 2019, la Ville de [Localité 7] a fait assigner la société La Grande Muraille devant le président du tribunal de grande instance de Paris - devenu tribunal judiciaire de Paris - saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 5] (2ème étage, sur cour).

Par ordonnance du 18 octobre 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 7] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le 22 septembre 2020 la Cour de justice de 1'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18). Le 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d'usage était conforme à la réglementation européenne.

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 14 février 2022.

La Ville de [Localité 7] a demandé au tribunal de :

' condamner la société La Grande Muraille à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;

' ordonner le retour à l'habitation de l'appartement situé [Adresse 1] transformé sans autorisation, sous astreinte de 218 euros par jour de retard a compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

' se réserver l'astreinte ;

' condamner la société La Grande Muraille à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' condamner la société La Grande Muraille aux entiers dépens.

La société La grande muraille a conclu au débouté, contestant l'infraction, et à titre subsidiaire à la réduction de l'amende civile, arguant de sa bonne foi.

Par ordonnance contradictoire du 21 mars 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en la forme des référés, a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.63 1-7 et L.651-2 du code de la code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux ;

- rejeté la demande formulée par la Ville de [Localité 7] au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 7] à payer à la société La Grande Muraille la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 7] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Le premier juge a notamment considéré que la Ville de [Localité 7] échouait à établir l'usage d'habitation du bien au 1er janvier 1970, condition première de l'infraction.

Par déclaration du 22 avril 2022, la Ville de [Localité 7] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 10 juin 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

' rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux ;

' rejeté la demande formulée par la Ville de [Localité 7] au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la Ville de [Localité 7] à payer à la société La Grande Muraille la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la Ville de [Localité 7] aux dépens.

Statuant de nouveau,

- juger que la société La Grande Muraille a enfreint les dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation en changeant illicitement l'usage de l'appartement situé au 2ème étage sur cour dans l'immeuble du [Adresse 4] et en le louant pour de courte durée à une clientèle de passage ;

- et condamner la société La Grande Muraille à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement

situé au 2ème étage sur cour dans l'immeuble du [Adresse 4], sous astreinte de 208 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira à la Cour de fixer ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

En tout état de cause,

-débouter la société La Grande Muraille de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société La Grande Muraille à verser à la Ville de [Localité 7] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société La Grande Muraille aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 6 juillet 2022, la société La Grande Muraille demande à la cour de :

A titre principal

- confirmer l'ordonnance rendu le 21 mars 2022, RG n° 19/58046, en ce que la Ville de [Localité 7] est mal fondée dans sa demande de condamnation reposant les articles L.637-1 et L.651-2 du code de la construction en raison de l'absence de force probante des déclarations H2 constituant la base légale de l'assignation ;

- juger que la société La Grande Muraille n'est pas responsable des locations litigieuses ;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions en ce qu'elle a débouté la Ville de [Localité 7] de toutes ses demandes de condamnations ;

A titre subsidiaire si, par extraordinaire, l'infraction au changement d'usage devait être caractérisée,

-juger que, compte tenu de la bonne foi, des diligences et de la coopération, la société La Grande Muraille est fondée à n'être condamnée qu'à une amende symbolique d'1 euro ;

- juger la cessation totale de la supposée infraction avant toute procédure contentieuse ;

En conséquence,

- condamner la société La Grande Muraille à une amende symbolique de 1 euro au de regard l'absence de profit tiré des locations litigieuses, de sa bonne foi, de ses diligences pour la cessation de l'infraction présumée et de sa coopération avec la Ville de [Localité 7] ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel de Paris ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme symbolique de 1 euro,

- juger que le montant de 50.000 euros au titre de l'amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;

- condamner la société La Grande Muraille à une somme qui ne pourrait excéder 500 euros ou toute somme que l'équité commandera, si la Cour d'appel de Paris devait entrer en voie de condamnation ;

En toutes hypothèses,

- condamner la Ville de [Localité 7] à payer à la société La Grande Muraille la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif, la cour rappelant simplement qu'en application des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation et conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la ville de [Localité 7] d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

En l'espèce, les parties s'opposent d'abord sur la preuve à apporter par la Ville de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 7], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

Précisant qu'en 1970 il y avait deux locaux au 2ème étage de l'immeuble, un sur rue et un autre sur cour, la Ville de [Localité 7] produit, comme en première instance, deux fiches de révision foncière type H2, chacune ayant été établie le 22 octobre 1970.

L'une décrit un logement de 25 m² composé d'une salle à manger et d'une cuisine, raccordé à l'eau courante, au gaz et à l'électricité. Elle porte la mention de son propriétaire, Mme [Z] [H], et précise que celle-ci occupe le bien.

L'autre fiche décrit un logement de 15m², composé d'une chambre et d'un WC particulier, lui aussi raccordé à l'eau courante, au gaz et à l'électricité. Elle mentionne également le nom de sa propriétaire, Mme [Z] [H], et précise que celle-ci occupe le bien.

Si ces mentions, qui ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, permettent de présumer que les locaux étaient déjà affectés à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, elles ne suffisent cependant pas à l'établir, étant observé :

- qu'aux termes de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le local doit être affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d'affectation à un usage d'habitation,

- qu'en l'espèce, la mention de l'occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l'hypothèse de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l'occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant effective dès le 1er janvier 1970,

- qu'au demeurant, comme le souligne d'ailleurs habituellement la Ville de [Localité 7], la preuve à apporter n'est pas celle de l'occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l'affectation du bien à un usage d'habitation à cette date de référence,

- que de même, si les locaux sont décrits sur les fiches comme étant à usage exclusif d'habitation, cette description ne vaut qu'à la date à laquelle les fiches ont été renseignées, soit le 22 octobre 1970 ;

- qu'il en est de même s'agissant de la fiche modèle R, descriptive de l'immeuble, qui certes confirme l'usage d'habitation des locaux mais à la date à laquelle elle a été renseignée, soit le le 19 octobre 1970.

Si la Ville de [Localité 7] soutient que l'établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).

La présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970 telle qu'alléguée ne résulte ainsi ni de ces textes ni, par ailleurs, d'aucun autre texte.

Aucun autre élément probant n'est versé aux débats s'agissant de la preuve de l'usage d'habitation, qui n'apparaît donc pas établi au 1er janvier 1970.

L'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a jugé que la Ville de [Localité 7] échouait à démontrer l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 et que, par suite, l'infraction de changement d'usage n'était pas caractérisée, déboutant ainsi la Ville de [Localité 7] de ses demandes.

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dont elle a fait une juste appréciation.

Perdant en appel, la Ville de [Localité 7] sera condamnée aux entiers dépens de cette instance, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre à la société intimée la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens de l'instance d'appel,

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à ce titre à la société La grande muraille la somme de 1.500 euros.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/08211
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;22.08211 ?
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