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17/11/2022 | FRANCE | N°21/15603

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 17 novembre 2022, 21/15603


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15603 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJAR



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021011655





APPELANTES



S.A.S. UGC CINE CITE



[Adresse 2]

[Localit

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UGC CINE CITE ILE DE FRANCE



[Adresse 2]

[Localité 5]



S.A.S. SOCIETE DES CINEMAS DE L'OUEST



[Adresse 2]

[Localité 5]



S.A.S. LES ECRANS DE ROUBAIX



[Adresse 2]

[Locali...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15603 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJAR

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021011655

APPELANTES

S.A.S. UGC CINE CITE

[Adresse 2]

[Localité 5]

UGC CINE CITE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A.S. SOCIETE DES CINEMAS DE L'OUEST

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A.S. LES ECRANS DE ROUBAIX

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A.S. C2L POISSY

[Adresse 2]

[Localité 5]

U.G.C. BELGIUM, société anonyme de droit belge représentée par ses administrateurs domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 6]

[Localité 1]-BELGIQUE

FONCIERE IMAGE BELGIQUE, société anonyme de droit belge représentée par ses administrateurs domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 6]

[Localité 1]-BELGIQUE

UGC VLAANDEREN, société anonyme de droit belge représentée par ses administrateurs domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 6]

[Localité 1]-BELGIQUE

Représentées par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistées à l'audience par Me Jérémy BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0241

INTIMEE

S.A.S. EASYFRONT CONSULTING

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Assistée à l'audience par Me Béatrice BILLIARD, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport et Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

UGC Ciné Cité a pour activité la projection de films cinématographiques, les autres sociétés appelantes étant ses filiales.

La société UGC Ciné Cité a lancé un projet relatif à la gestion de ses abonnés, dit "One.2018", décomposé en deux lots : lot 1 gestion de la relation client hors abonnés et marketing relationnel et lot 2 gestion des abonnements.

Pour la conception et la mise en 'uvre du lot 2, il a été recouru à plusieurs prestataires, à savoir les sociétés Bearingpoint (cabinet de conseil en transformation digitale), Easyfront Consulting (intégrateur), Zuora, Salesforce et Slimpay (éditeurs).

Parmi les consultants figurait dans l'équipe, M. [T], de la société Easyfront Consulting.

Le lot n°2 n'a pas abouti en raison de différends.

Par acte du 4 mars 2021, les sociétés UGC Ciné Cité, UGC Ciné Cité Ile de France, Société des Cinémas de L'Ouest, les Ecrans de Roubaix, C2L Poissy, UGC Belgium, Foncière Image Belgique et UGC Vlaanderen ont assigné en référé les sociétés Bearingpoint France, Easyfront Consulting, Salesforce.com France, Zuora Inc, Salesforce Uk Limited Salesforce.com France devant le tribunal de commerce de Paris et demandaient à la juridiction saisie d'ordonner une mesure d'expertise en application de l'article 145 du code de procédure civile, pour donner notamment toutes informations sur les manquements éventuels des sociétés prestataires à leurs obligations d'information, de conseil et de mise en garde générales et spécifiques à l'informatique et pour se prononcer sur l'adéquation de la solution par rapport aux engagements pris et aux besoins exprimés par UGC Ciné Cité.

La société Easyfront Consulting sollicitait elle, notamment, la condamnation provisionnelle de la société UGC Ciné Cité à lui régler la somme de 65.000 euros, au motif que M. [T] était par la suite entré au service d'UGC Ciné Cité alors que le contrat signé entre UGC Ciné Cité et Easyfront Consulting le 23 avril 2018 comprenait une clause de non-sollicitation du personnel.

Par ordonnance de référé contradictoire du 21 juin 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré la société Axa France Iard recevable en son intervention ;

- déclaré les sociétés UGC Ciné Cité Ile de France, des Cinémas de L'ouest, les Ecrans de Roubaix, C2L Poissy, UGC Belgium, Foncière Image Belgique, UGC Vlaanderen recevables en leurs demandes ;

- donné acte à Bearingpoint France, Salesforces.com France et Salesforce UK et Simplay de ce qu'elles déclarent former toutes protestations et réserves ;

- désigné M. [X] [B] en qualité d'expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la cour renvoyant à l'ordonnance de première instance pour le détail et les modalités de la mission ;

- condamné la société UGC Ciné Cité à payer à Easyfront Consulting la somme de 60.000 euros à titre de provision ;

- rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires des parties ;

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre les sociétés UGC Ciné Cité, UGC Ciné Cité Ile de France, Société des Cinémas de L'Ouest, les Ecrans de Roubaix, C2L Poissy, UGC Belgium, Foncière Image Belgique et UGC Vlaanderen aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 262,83 euros TTC dont 43,59 euros de TVA.

Par déclaration du 13 août 2021 2022, les sociétés UGC Ciné Cité, UGC Ciné Cité Ile de France, Société des Cinémas de L'Ouest, les Ecrans de Roubaix, C2L Poissy, UGC Belgium, Foncière Image Belgique et UGC Vlaanderen (ci-après les appelantes) ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle a condamné UGC Ciné Cité à payer à Easyfront Consulting la somme de 60.000 euros à titre de provision au titre de l'article 873 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions remises le 25 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les appelantes demandent à la cour de :

- déclarer recevables et bien fondées en leur appel et en l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions, les sociétés UGC Ciné Cité, UGC Ciné Cité Ile de France, la Société des Cinémas de l'Ouest, les Ecrans de Roubaix, la C2L Poissy, UGC Belgium, la Foncière Image Belgique et UGC Vlaanderen, y faire droit et en conséquence ;

- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 21 juin 2021 RG n° 2021/011655 en ce qu'elle a :

condamné la société UGC Ciné Cité à payer à la société Easyfront Consulting la somme de 60.000 euros à titre de provision ;

rejeté toutes demandes plus amples et contraires, à savoir la fin de non-recevoir, soulevée par les sociétés UGC Ciné Cité, UGC Ciné Cité Ile de France, la Société des Cinémas de l'Ouest, les Ecrans de Roubaix, la C2L Poissy, UGC Belgium, la Foncière Image Belgique et UGC Vlaanderen, pour défaut de lien suffisant entre la demande originaire en première instance tendant au prononcé d'une expertise in futurum formée par ces dernières et la demande reconventionnelle de la société Easyfront Consulting de condamnation à 65.000 euros correspondant à 12 mois de rémunération brute de M. [Y] [T] ;

statuant à nouveau,

- juger irrecevable la demande reconventionnelle en première instance de la société Easyfront Consulting de condamnation à 65.000 euros correspondant à 12 mois de rémunération brute de M. [Y] [T] ;

pour défaut de lien suffisant avec la demande originaire des sociétés UGC Ciné Cité, UGC Ciné Cité Ile de France, la Société des Cinémas de l'Ouest, les Ecrans de Roubaix, la C2L Poissy, UGC Belgium, la Foncière Image Belgique et UGC Vlaanderen tendant au prononcé d'une expertise in futurum ;

pour violation, par la société Easyfront Consulting, de l'obligation contractuelle de conciliation préalable stipulée à l'article 15.4. (a) du contrat de service ;

- en tout état de cause, juger n'y avoir lieu à référé en raison des contestations sérieuses opposées à la demande de la société Easyfront Consulting de condamnation à 65.000 euros correspondant à 12 mois de rémunération brute de M. [Y] [T] ;

- ordonner la restitution par la société Easyfront Consulting à la société UGC Ciné Cité de la somme de 60.000 euros ;

- condamner la société Easyfront Consulting à verser à la société UGC Ciné Cité la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Easyfront Consulting aux dépens de la présente instance dont distraction au profit de la société Teytaud ' Saleh en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Les appelantes soutiennent en substance :

- que la demande reconventionnelle et indemnitaire d'Easyfront, fondée sur la clause de non-sollicitation stipulée à l'article 10.3 du contrat de service, est irrecevable pour défaut de lien suffisant avec la demande d'expertise in futurum en application des dispositions des articles 4 et 70 du code de procédure civile ;

- que la société intimée n'a pas précisé le fondement de sa demande reconventionnelle, que la nature de la demande d'expertise est purement probatoire alors que la demande reconventionnelle était indemnitaire ;

- que la société Easyfront Consulting a en outre violé la clause de conciliation préalable obligatoire stipulée à l'article 15.4 (a) de son contrat, traduisant la volonté des parties de donner la priorité au règlement amiable et négocié de leur litige ;

- que l'irrecevabilité est fondée sur les articles 122 et 124 du code de procédure civile, cette irrecevabilité étant opposable à un référé provision comme l'a reconnu la jurisprudence, qu'elle est invocable pour la première fois en cause d'appel et n'est pas régularisable en cours d'instance ;

- que la demande de la société d'Easyfront Consulting relève de plus du régime de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile nécessitant une évidence, caractérisée tant dans le principe de la provision sollicitée que dans son quantum ; que les contestations sérieuses peuvent procéder de la nécessité d'interpréter la clause litigieuse, du fait de son imprécision ou de son ambiguïté mais également au regard du comportement des parties et des autres stipulations ;

- qu'elles mettent en exergue plusieurs éléments factuels et contractuels qui sont des contestations sérieuses à la demande de l'intimée et notamment la circonstance que l'intimée a accepté de continuer à travailler en toute connaissance de cause avec M. [T] ;

- que la société intimée est en réalité responsable de la situation dont elle se plaint judiciairement, ce qui illustre sa contradiction ;

- que, sur la dissimulation fautive par Easyfront Consulting de la démission de M. [T], celui-ci avait été présenté comme une ressource clé, tant dans la proposition commerciale, au titre de sa compétence et de son expérience, qu'en phase d'exécution ; qu'il représentait à lui seul plus de 20 % du temps consommé par l'équipe Easyfront Consulting deux mois après la date à laquelle il a informé Easyfront Consulting de sa démission ;

- que cette dissimulation doit être appréhendée à l'aune du contrat d'Easyfront et en particulier de son obligation d'informer son client de tout événement indésirable sous 24 heures stipulée dans les clauses contractuelles ;

- que la démission de M. [T] constitue un événement indésirable, que la société intimée en était informée depuis le mois de février et lui a délibérément dissimulé, accentuant le risque sur la stabilité et la pérennité du projet, dissimulation d'autant plus fautive au regard des stipulations contractuelles.

Les conclusions d'intimée de la société Easyfront Consulting conclusions ont été déclarées irrecevables par ordonnance du président de la chambre du 18 janvier 2022, confirmée par arrêt de déféré de la cour du 18 mai 2022.

Dans ses conclusions d'incident remises le 16 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Easyfront demande à la cour, au visa des articles 15, 16, 132, 135, 472, 906 et 954 alinéa 6, du code de procédure civile, de :

- la juger recevable et bien fondée en ses conclusions d'incident et en l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions ;

y faisant droit,

- dire et juger que la cour d'appel doit statuer sur les prétentions de première instance de l'intimé qui n'a pas conclu en appel, ou dont les conclusions sont déclarées irrecevables, lorsque ces prétentions ont été accueillies par les premiers juges, puisqu'elle en est saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en son présent incident d'adjudication de ses conclusions et pièces de première instance ;

- adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses conclusions et pièces de première instance numérotées de 1 à 104 selon bordereau annexé ;

- adjuger au surplus à la concluante l'entier bénéfice des motifs de l'ordonnance du 21 juin 2021.

La société Easyfront soutient en substance :

- que la cour doit statuer sur les prétentions de première instance de l'intimée, la cour devant examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance, puisqu'elle en est saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;

- qu'il est de jurisprudence constante que si l'intimée ne conclut pas, la cour d'appel statue néanmoins sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estimes réguliers, recevables et bien fondés ;

- que la cour d'appel ne peut pas déduire de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé qu'il ne sollicite pas la confirmation du jugement, l'effet dévolutif l'obligeant à statuer sur l'entier litige en prenant en compte l'ensemble des données ;

- que, conformément aux nouvelles dispositions de l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, elle s'approprie les motifs du jugement de première instance, d'autant qu'ils ont fait totalement droit à sa demande reconventionnelle et sont parfaitement justifiés en droit et en fait ;

- que, sur l'adjudication en appel des pièces communiquées en première instance, celle-ci est fondée sur les articles 15, 16, 132 et 135 du code de procédure civile ;

- que l'effet dévolutif de l'appel s'applique tant aux conclusions qu'aux pièces produites en première instance ;

- que conformément à l'article 132 du code de procédure civile elle demande à pouvoir communiquer spontanément ses pièces de première instances, le juge appréciant souverainement de ce que les pièces ont été communiquées en temps utiles ;

- que les pièces avaient été communiquées simultanément à ses conclusions d'intimée, conformément à l'article 906 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la recevabilité des conclusions et pièces de la SAS Easyfront Consulting

A titre liminaire, force est de rappeler que les conclusions d'appel de la SAS Easyfront Consulting ont été déclarées irrecevables par le président de la chambre, ce qui a été confirmé par arrêt de déféré du 18 mai 2022.

La SAS Easyfront Consulting prétend pouvoir déposer de nouvelles écritures devant la cour, remises au greffe par voie électronique le 16 septembre 2022, qui viseraient en substance à lui permettre de produire ses écritures et pièces de première instance.

Il sera d'abord observé que, nonobstant l'intitulé de "conclusions d'incident", il s'agit bien de conclusions sur le fond du référé, visant à produire des écritures et pièces malgré une décision d'irrecevabilité.

Or, si l'article 954 du code de procédure civile dispose en son dernier alinéa que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs, ces dispositions n'autorisent pas l'intimée, dont les conclusions sont irrecevables et dont la situation est assimilée à celle de l'intimée qui n'a pas conclu, à présenter ses arguments, pièces et moyens de droit et de fait, tels qu'ils ont été accueillis par le premier juge.

Il sera précisé en particulier que, contrairement à ce qu'invoque la société intimée, aucune disposition n'impose que la cour déclare recevables les pièces produites en première instance par une partie dont les écritures ont été déclarées irrecevables à hauteur d'appel, peu important que lesdites pièces aient été communiquées en temps utile aux autres parties.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions du 16 septembre 2022 ainsi que les pièces remises par l'intimée, la cour rappelant qu'en application de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, elle ne fera droit à la demande de la partie appelante que si elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il sera constaté que, saisie du seul appel des sociétés appelantes et au regard des termes de la déclaration d'appel et de leurs écritures, la cour ne statuera que sur la demande d'infirmation relative à la condamnation provisionnelle de la SAS UGC Ciné Cité à hauteur de 60.000 euros, l'intimée étant donc réputée s'approprier les motifs du premier juge.

Sur la recevabilité de la demande de condamnation provisionnelle formée par la SAS Easyfront Consulting

Les appelantes font valoir, en premier lieu, que la demande de condamnation provisionnelle de la SAS Easyfront Consulting devrait être déclarée irrecevable, en application de l'article 70 du code de procédure civile, selon lequel les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Les sociétés appelantes ont pour rappel saisi le premier juge sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, se fondant sur de possibles manquements contractuels pour solliciter la désignation d'un expert, avec mission notamment de "décrire les diligences et les prestations [effectuées]", "donner toutes informations [...] sur les manquements éventuels des sociétés [...] aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde générales et spécifiques à l'informatique", "donner son avis sur la conduite du projet par la société Easyfront Consulting [...] au regard tant des stipulations contractuelles que des règles de l'art et du caractère stratégique du projet", "examiner et évaluer l'impact sur le projet de l'éventuelle inadéquation des ressources humaines mobilisées par la société Easyfront Consulting", "préciser tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre ultérieurement à la juridiction de déterminer et de chiffrer le préjudice subi".

Dès lors, la demande d'expertise visait notamment à établir l'éventuel préjudice subi à la suite de manquements contractuels.

Dans ces conditions, une demande de condamnation provisionnelle, formée reconventionnellement par la société Easyfront Consulting, fondée sur un supposé manquement contractuel de la société UGC Ciné Cité à propos d'une clause de non-sollicitation du personnel, se rattache avec un lien suffisant aux prétentions originaires, la demande d'Easyfront Consulting, même si elle présente un caractère indemnitaire et non probatoire, ayant toujours pour objet la réparation des supposés manquements contractuels des parties.

La demande reconventionnelle apparaît ainsi recevable.

En second lieu, les sociétés appelantes soulèvent à hauteur d'appel une fin de non-recevoir, tirée de l'absence de respect de la clause de conciliation préalable obligatoire par la société Easyfront Consulting.

L'article 15.4 (a) du contrat de service est rédigé de la manière suivante :

"Avant d'engager un contentieux ou toute procédure formelle de résolution d'un litige, les parties chercheront à régler les litiges nés du contrat par la voie de négociation. Nonobstant leur différend, les parties continueront à exécuter leurs obligations au titre du contrat. La présente clause n'interdit nullement à aucune partie de demander des mesures conservatoires d'urgence auprès d'une juridiction".

Il sera observé que, outre le fait qu'une demande provisionnelle devant le juge des référés peut s'analyser comme une mesure conservatoire d'urgence, en toute hypothèse, cette clause ne met en place aucune obligation de conciliation préalable, se limitant à préconiser une recherche de "négociation", ce sans prévoir de sanctions particulières en l'absence d'une telle négociation.

Ainsi, la demande de condamnation provisionnelle est également à cet égard recevable, les sociétés appelantes soulevant en vain le caractère irrecevable de cette demande.

Sur le fond du référé

L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, le contrat stipule, en son article 10 :

- que chacune des parties s'engage à renoncer, sauf accord écrit préalable de l'autre partie, à faire directement ou indirectement des offres d'engagement à un salarié de l'autre partie, affecté à l'exécution des prestations, objet du contrat, ou à la prendre à son service, sous quelque statut que ce soit ;

- que cette renonciation est valable pendant une période de douze mois à compter de la fin du contrat ;

- que, dans le cas où l'une des parties ne respecterait pas cet engagement, elle s'engage à dédommager l'autre partie en lui versant une indemnité de douze mois de rémunération brute du collaborateur.

Le premier juge a estimé qu'il était suffisamment établi que M. [T] était le salarié de la société Easyfront Consulting, affecté à l'exécution des prestations objet du contrat du 11 avril 2018, et qu'UGC Ciné Cité, en juin 2019, l'a pourtant embauché.

Il a relevé que si UGC Ciné Cité a exposé avoir dû rechercher la meilleure façon d'assurer la pérennité du projet, à la suite de la démission de M. [T] de la société Easyfront Consulting, l'embauche de ce dernier n'était pas contestée, justifiant la condamnation provisionnelle d'UGC Ciné Cité à verser la somme de 60.000 euros correspondant à douze mois d'une rémunération mensuelle brute de 5.000 euros.

A hauteur d'appel, les sociétés appelantes font valoir :

- que M. [T] était une ressource-clé du dispositif d'Easyfront ;

- que la société Easyfront Consulting a dissimulé de manière fautive que M. [T] avait démissionné, faisant sciemment état de manière inexacte, en avril 2019, d'un arrêt-maladie (pièce 23), ce alors que le contrat avec Easyfront Consulting prévoyait une obligation d'information de tout événement indésirable dans les 24 heures (article 1.1) et une obligation de mettre en place un remplacement approprié pour les membres essentiels du personnel (article 12) ;

- que la société Easyfront Consulting a eu ensuite parfaitement connaissance de l'embauche de M. [T] par UGC Ciné Cité, ce dernier étant intervenu pour gérer divers sujets fonctionnels et techniques avec Easyfront (notamment en juillet et août 2019, pièces 27 et 28) ;

- qu'enfin, la clause litigieuse supposerait d'être interprétée, ce qui excède les pouvoirs du juge des référés, s'agissant notamment du mode de calcul imprécis.

La cour observera pourtant à cet égard :

- qu'est inopérante la circonstance d'un défaut d'information quant à la démission de M. [T], étant exposé que ce dernier jouait un rôle majeur dans la prestation, alors que la clause de non-sollicitation du contrat ne prévoit aucune réserve quant à son application, n'étant pas contesté par UGC Ciné Cité qu'elle a bien embauché M. [T], dans le délai de douze mois prévu par l'article 10 du contrat, violant ainsi son obligation de ne pas le prendre à son service sous quelque statut que ce soit ;

- qu'il est constant que, contrairement à ce qui était prévu, la société Easyfront Consulting n'a jamais donné son accord écrit à l'embauche de M. [T], alors que cet accord écrit était indispensable aux termes de l'article 10 du contrat ;

- qu'une supposée absence d'information sur une démission ne saurait constituer un tel accord écrit ; que, pas plus, le fait pour la société intimée de travailler avec M. [T] postérieurement à son embauche par UGC Ciné Cité n'établit un quelconque accord écrit pour cette embauche ;

- que l'application de cette clause ne suppose non plus aucune interprétation, l'indemnité alors due étant forfaitairement fixée à la somme de douze mois de rémunération brute mensuelle du salarié embauché ;

- que les appelantes reconnaissent elles-mêmes que le montant brut de la rémunération de M. [T], entre juin 2018 et mai 2019, juste avant l'embauche par UGC Ciné Cité, soit la période qu'il convient à l'évidence de prendre en compte, était de 63.325,44 euros (page 34 des conclusions) ;

- que, dès lors, la condamnation provisionnelle de 60.000 euros, inférieure à ce montant, correspond bien à une obligation de paiement non sérieusement contestable de la société UGC Ciné Cité.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée, en l'absence de toute contestation sérieuse, alors que l'embauche de M. [T] a été effectuée à l'évidence en violation d'une clause claire du contrat signé entre les parties, clause prévoyant également de manière très claire le montant du dédommagement.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, les sociétés appelantes succombant en leurs prétentions.

Les appelantes seront in solidum condamnées aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions remises par la SAS Easyfront Consulting le 16 septembre 2022 ;

Déclare irrecevables les pièces remises à hauteur d'appel par la SAS Easyfront Consulting ;

Sur le fond du référé,

Déclare recevable la demande de condamnation provisionnelle formée par la SAS Easyfront Consulting ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne in solidum les sociétés UGC Ciné Cité, UGC Ciné Cité Ile de France, Société des Cinémas de L'Ouest, les Ecrans de Roubaix, C2L Poissy, UGC Belgium, Foncière Image Belgique et UGC Vlaanderen aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/15603
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.15603 ?
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