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16/11/2022 | FRANCE | N°21/13797

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 16 novembre 2022, 21/13797


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022



(n° 180/2022, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/13797 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDVT



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021000050



APPELANTE



S.A.S. BSI PM ENGINEERING

Société au capital de 100 000 euros

Immatriculée au Registre

du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro 538 449 380

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° 180/2022, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/13797 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDVT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021000050

APPELANTE

S.A.S. BSI PM ENGINEERING

Société au capital de 100 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro 538 449 380

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Fabien GIRAULT de la SELARL GFG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0697

Assistée de Me Fabien GIRAULT et Me Juliette LEVI-BOUQUET de la SELARL GFG AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : D0697

INTIMES

Monsieur [O], [G], [L], [Y] [V]

Né le 24 septembre 1964 à [Localité 7]

De nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Assisté de Me Isabelle PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1417

S.A.S. INNOVATION CONCEPT PROCESS

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 882 608 417

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me Abed BENDJADOR de la SELARL Abed BENDJADOR, avocat au barreau de TOURS

S.A.R.L. DEMOUSSIS ENTREPRISES

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 822 879 722

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me Abed BENDJADOR de la SELARL Abed BENDJADOR, avocat au barreau de TOURS

S.A.R.L. DEMOUSSIS INDUSTRIE

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 604 714 634

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me Abed BENDJADOR de la SELARL Abed BENDJADOR, avocat au barreau de TOURS

S.A.R.L. DEMOUSSIS LASER

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 440 705 788

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me Abed BENDJADOR de la SELARL Abed BENDJADOR, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

La société BSI PM Engineering, dont M. [H] [X] est le président, a été créée en novembre 2011. Elle appartient au groupe Holding LMI, composé de 4 PME représentant un effectif de 40 salariés. Elle exerce une activité d' 'ingénierie, études, conception et réalisation d'équipements et de projets d'ouvrages'.

Elle expose avoir repris, au sein du groupe LMI, l'activité d'une précédente société BSI, créée en 1991, dont le Président était aussi M. [H] [X] et qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 25 novembre 2011, les opérations de liquidation ayant été clôturées par jugement du 18 avril 2018.

M. [O] [V] a été salarié de la société BSI depuis sa création en 1991, d'abord comme dessinateur projet, puis comme technico-commercial. Suite à la liquidation judiciaire de la société BSI, M. [O] [V] a été embauché au sein de la société BSI PM Engineering en janvier 2012 en qualité de directeur commercial et technique. M. [V] a été licencié pour motif économique de la société BSI PM Engineering en janvier 2018. En 2018 et 2019, il s'est vu confier des missions, en tant qu'auto-entrepreneur, par différentes entités du groupe LMI et notamment la société BSI PM Engineering.

En 2020, M. [V] a rejoint la société Innovation Concept Process.

La société Innovation Concept Process (ICP), créée le 24 mars 2020, présidée par M. [K] [D], a pour activité « la conception, l'engineering, la fabrication, la commercialisation et l'installation d'ensemble industriel et tous conseils, études et prestations liés' ».

Elle partage ses locaux avec trois sociétés dont M. [D] est le gérant : la société Demoussis Industries, créée le 6 septembre 1973, qui a pour activité « serrurerie (entreprise), mécanique, soudures, autogène, électrique, montage de charpente en fer, construction et vente au détail de matériel tubulaire de manutention » ; la société Demoussis Laser, immatriculée le 31 janvier 2002, qui a pour activité « la découpe, la soudure, la gravure par rayon laser et tous travaux d'assemblage en matière synthétique' ; la société Demoussis Entreprises, créée le 3 octobre 2016, qui a pour activité « Holding, conseils et assistance en matière administrative et financière ».

La société BSI PM Engineering, exposant avoir découvert que M. [O] [V] avait adressé en mai 2020 un email à l'ensemble de ses contacts clients leur annonçant avoir rejoint la société Innovation Concept Process (ICP), présentant cette société et les invitant à le contacter, avoir constaté une baisse brutale de son chiffre d'affaires, et considérant que ces agissements relèvent d'actes de concurrence déloyale, a sollicité du président du tribunal de commerce de Paris, par requête en date du 13 novembre 2020, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, d'ordonner une mesure d'instruction in futurum dans les locaux de M. [V], auto-entrepreneur, et dans ceux des sociétés ICP et Demoussis.

Par ordonnance en date du 24 novembre 2020, il a été fait droit à sa requête, les opérations de constat, réalisées par la SAS [E] [T], huissiers de justice, s'étant déroulées le 7 décembre 2020 dans les locaux de M. [O] [V], auto-entrepreneur, ainsi que dans ceux des sociétés ICP et Demoussis.

Par acte du 6 janvier 2021, M. [V] a assigné la société BSI PM Engineering aux fins de rétractation de l'ordonnance. Les sociétés ICP et Demoussis sont intervenues à la procédure.

Par ordonnance en date du 24 juin 2021, le président délégataire du tribunal de commerce de Paris a :

- Rétracté l'ordonnance du 24 novembre 2020 ;

- Dit que la SAS [E] [T], Huissiers de Justice à [Localité 8], prise en la personne de Maître [E] [T], ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la destruction des pièces appréhendées, qu'après que tous les délais d'appel soient expirés, que dans cette attente la SAS [E] [T], Huissiers de Justice à [Localité 8], prise en la personne de Maître [E] [T] en qualité de Mandataire de Justice, ès qualités, conservera sous séquestre l'ensemble des pièces ;

- Condamné la SAS BSI PM Engineering à payer à M. [V] la somme de 5.000 €, et aux sociétés Innovation Concept Process, Demoussis Entreprises, Demoussis Industries et Demoussis Laser prises ensemble la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS BSI PM Engineering aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 109,90 € TTC dont 18,10 E de TVA ;

- Débouté la société BSI PM Engineering de l'ensemble de ses demandes, notamment celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Le 15 juillet 2021, la société BSI PM Engineering a interjeté appel de l'ordonnance.

Dans ses conclusions d'appel n°1 notifiées par RPVA le 26 novembre 2021, la société BSI PM Engineering demande à la cour de :

Vu l'article 145 du Code de procédure civile,

Vu l'article 875 du même code,

Vu la requête de la société BSI PM Engineering et les pièces qui y étaient jointes,

Vu les pièces complémentaires versées au débat,

- DIRE ET JUGER que la société BSI PM Engineering justifie bien d'un motif légitime à la mesure ordonnée par ordonnance du 24 novembre 2020 ;

- DIRE ET JUGER que les circonstances et la nature des preuves recherchées justifiaient le recours à une mesure non contradictoire ;

En conséquence,

- DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance du 24 novembre 2020 ;

- INFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance du 24 juin 2021 ayant rétracté l'ordonnance du 24 novembre 2020 ;

- ORDONNER la levée du séquestre provisoire et AUTORISER l'huissier mandaté à remettre à la société BSI PM Engineering la copie des éléments saisis le 07 décembre 2020 en exécution de l'ordonnance du 24 novembre 2020 ;

- DEBOUTER M. [O] [V], la société Innovation Concept Process-ICP, la société Demoussis Entreprises, la société Demoussis Industries et la société Demoussis Laser de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER in solidum M. [O] [V], la société Innovation Concept Process-ICP, la société Demoussis Entreprises, la société Demoussis Industries et la société Demoussis Laser à verser à la société BSI PM Engineering une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER M. [O] [V], la société Innovation Concept Process-ICP, la société Demoussis Entreprises, la société Demoussis Industries et la société Demoussis Laser aux dépens.

Dans ses conclusions d'intimé n° 1 notifiées par RPVA le 22 décembre 2021, M. [O] [V] demande à la Cour :

- JUGER les présentes conclusions recevables et bien fondées

- RECEVOIR les demandes de M. [V]

- DEBOUTER la société BSI PM Engineering de l'intégralité de ses demandes

- CONFIRMER l'ordonnance de référé rendu par M. le Président près le Tribunal de Commerce de PARIS en date du 24 juin 2021 avec toutes les conséquences de droit et de fait

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER la société BSI PM Engineering à la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ORDONNER la transmission de la décision à intervenir au Parquet financier du TJ de PARIS

- CONDAMNER la société BSI PM Engineering aux dépens

Dans leurs conclusions d'intimées notifiées par RPVA le 27 décembre 2021, les sociétés Innovation Concept Process, Demoussis Entreprises, Demoussis Industries et Demoussis Laser demandent à la Cour de :

Les dire recevables et bien fondées en leurs écritures.

Dire et juger que la société BSI PM Engineering n'a ni intérêt ni qualité pour agir.

Dire et juger qu'elle est mal fondée en ses demandes.

En conséquence,

Confirmer l'ordonnance rendue par M. le Président du tribunal de commerce de Paris le 24 juin 2021,

En tout état de cause,

Débouter la société BSI PM Engineering de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment celles relatives à l'infirmation de l'ordonnance dont appel, à la levée du séquestre provisoire, à l'autorisation à l'huissier mandaté de lui remettre la copie des éléments saisis le 7 décembre 2020, à sa demande de condamnation d'une somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Condamner la société BSI PM Engineering à payer aux sociétés concluantes la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'existence d'un motif légitime

La société BSI PM Engineering fait valoir que M. [V] qu'elle a embauché comme directeur technique et commercial après la liquidation de la société BSI avait une obligation de loyauté ; qu'il a cessé toute collaboration avec elle pour se mettre au service de la société ICP et vendre les mêmes produits à la même clientèle ainsi que cela résulte du mail du 7 mai 2020.

Elle reproche à M. [V] un détournement de son fichier clients, de ses commandes, des propos dénigrants, ainsi que le détournement des données techniques, et notamment des plans de fabrication estampillés BSI PM ou BSI sur lesquels elle a investi dans la recherche et le développement, ainsi que des démarches fautives auprès de fournisseurs et prestataires.

Elle ajoute que l'évolution de son chiffre d'affaires mensuel depuis le début de l'année 2020 fait ressortir un effondrement de ses ventes ; qu'en profitant de ses données techniques et commerciales détournées par M. [V], la société ICP est en mesure de commettre à son encontre une concurrence déloyale.

Concernant la propriété des plans et des fichiers clients, elle ne conteste pas qu'il n'y a pas eu de cession d'actifs de la société BSI à son profit. Elle soutient que la société BSI en liquidation n'a fait l'objet d'aucune proposition de reprise ; qu'en autorisant le groupe Holding LMI à prendre possession des différents serveurs informatiques de la société BSI, par courrier du 7 février 2012, Maître [F] ès qualités de mandataire liquidateur, permettait de finaliser la fabrication des produits commandés à la société BSI avant sa liquidation ; que la création de la société BSI PM Engineering et le transfert des données ont donc permis à la liquidation judiciaire de la société BSI de facturer une partie des commandes qui auraient été perdues ; que M. [O] [V], qui a été immédiatement embauché par la société BSI PM Engineering, a activement participé à cette situation qu'il prétend dénoncer aujourd'hui.

Elle fait valoir qu'aucune action n'a jamais été engagée à l'encontre de la société BSI PM Engineering ou de son dirigeant, ni par M. [O] [V], ni par un quelconque organe de la procédure ou le ministère public alors que les opérations de liquidation de la société BSI, prononcées par jugement du 25 novembre 2011 par le tribunal de commerce d'Orléans, n'ont été clôturées que par jugement du 18 avril 2018.

Elle ajoute qu'elle a récupéré les plans de la société BSI sans aucune man'uvre frauduleuse ; qu'elle a modifié un grand nombre d'entre eux, suite à ses investissements dans le développement et la recherche ; qu'elle dispose de son propre fichier clients actualisé sur lequel M. [O] [V] a travaillé pour son compte.

M. [V] soutient que la société BSI PM Engineering n'est pas victime de détournements alors qu'elle a pillé le patrimoine de la société BSI pour violer les règles protectrices de la liquidation judiciaire ; que les plans appartiennent soit au domaine public, soit à la société MCS qui a racheté aux enchères ce qui restait de la société BSI ; qu'elle a trompé la religion du tribunal en prétendant avoir 'repris' l'activité de la société BSI.

Il ajoute qu'il n'était nullement tenu par une clause de non concurrence ; que la société BSI PM Engineering n'a aucun contrat d'exclusivité tant vis-à-vis de ses fournisseurs que de ses clients; qu'il a informé les clients de son arrivée chez ICP ; que les clients sont libres de contracter avec qui ils veulent ; que le mail litigieux n'est ni dénigrant ni diffamatoire.

Il ajoute que la société BSI PM Engineering est dirigée de fait par Mme [S] qui est juge consulaire au tribunal de commerce de Bobigny ; qu'il demande que la décision soit transmise au Parquet financier du tribunal judiciaire de Paris pour agissements en fraude de diverses législations ; qu'il est étonnant de constater que l'année de son licenciement économique par la société BSI PM Engineering, qui ne dépose pas ses bilans et comptes annuels, la société Holding LMI a prélevé plus de 400 000 euros.

Les sociétés ICP et Demoussis soutiennent que la société BSI PM Engineering ne rapporte pas la preuve de l'acquisition auprès de la société BSI et de son liquidateur, avec l'autorisation du juge commissaire, du nom commercial de BSI, des plans qu'elle a utilisés et de la clientèle qu'elle a récupérée ; qu'elle s'est appropriée des biens qui ne lui appartenaient pas ; que le mandataire liquidateur ne lui a donné aucune autorisation de récupérer les plans ; que cela était interdit par l'article L. 642-3 du code de commerce et aurait constitué une infraction pénale ; que les pièces versées ne justifient d'aucune cession à titre gratuit ; que l'appropriation des plans, du nom, de la clientèle de BSI par BSI PM Engineering ne peut être que frauduleuse.

Elles ajoutent que dans leur domaine d'activité les fournisseurs sont connus de tous les professionnels, et qu'elles n'ont aucun pouvoir sur les fournisseurs qui négocient avec qui bon leur semble.

Aux termes de l'article145 du code de procédure civile « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

La cour rappelle que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue de façon non contradictoire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction, le juge de la rétractation doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Il lui appartient ainsi de vérifier les conditions dans lesquelles la requérante, sur qui repose un devoir de loyauté comprenant celui de présenter au juge, dans une procédure non contradictoire, tous les éléments susceptibles d'avoir une incidence sur l'appréciation portée par le juge sur les mesures sollicitées, a obtenu l'ordonnance critiquée.

En l'espèce, il est constant que la société BSI PM Engineering, dans sa requête devant le tribunal de commerce, comme devant la cour d'appel, indique 'avoir repris l'activité de la société BSI, créée en 1991,et ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation'.

Il est cependant établi, et non contesté, que la société BSI PM Engineering, dont le dirigeant de droit M. [H] [X], et la dirigeante de fait, Mme [S], sont les mêmes que ceux de la société BSI, n'a pas repris la société BSI à la suite de son placement en procédure collective, une telle acquisition étant au demeurant interdite en application de l'article L. 642-3 du code de commerce, qui énonce que les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire ne sont pas admis directement ou indirectement à présenter une offre, et qu'il leur est fait interdiction d'acquérir tout ou partie des biens compris dans la cession.

Le courrier du 7 février 2012, invoqué par la société BSI PM Engineering, par lequel Maître [M] [F] ès qualités de mandataire liquidateur de la société BSI écrit à la société Holding LMI : « Je vous confirme par la présente que je vous autorise à prendre possession des différents serveurs informatiques (comptabilité, gestion production, bureau d'études') et archives clients de la société BSI. Cela vous permettra entre autres d'établir des comptes de la société BSI et terminer la fabrication des dernières commandes en cours afin de permettre à la liquidation judiciaire de la BSI de les facturer. » ne démontre aucune transmission de plans ou de fichier de clients au profit de la société BSI PM Engineering, le mandataire liquidateur autorisant seulement la holding LMI à établir l'arrêté des comptes et à terminer la fabrication des dernières commandes afin de permettre des facturations de nature à désintéresser une partie des créanciers.

Il se déduit de ces éléments que la société BSI PM Engineering s'est prévalue de façon déloyale auprès du juge des requêtes d'une reprise de l'activité de la société BSI, cet élément étant susceptible d'avoir une incidence sur son appréciation puisque la requête en concurrence déloyale était fondée sur la prétendue utilisation déloyale par la société ICP de fichiers clients et de plans de fabrication, lesquels proviennent de la société BSI sans avoir été régulièrement cédés à la société BSI PM Engineering, quand bien même cette dernière aurait pu les modifier ou les compléter depuis.

L'ordonnance entreprise a donc justement conclu que la religion du premier juge a été largement trompée par une présentation délibérément tronquée des conditions de la prétendue reprise de la société BSI par la société BSI PM Engineering, de sorte que le motif légitime n'est pas établi.

La cour ajoute que le fait que M. [V], qui n'est tenu par aucune clause de non concurrence, et qui a travaillé pendant 30 ans dans le secteur des conteneurs et mélangeurs de produits liquides ou secs, et a été licencié par la société BSI PM Engineering en janvier 2018 pour des raisons économiques dont il n'est au demeurant pas justifié, les bilans et comptes annuels de ladite société n'étant pas déposés, informe, plus de deux ans après son licenciement, les entreprises avec lesquelles il travaille depuis plus de 30 ans de ce qu'il a rejoint la société ICP, n'est pas constitutif d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile susvisé.

Pour l'ensemble de ces raisons, il sera retenu que la mesure réclamée apparaît dépourvue d'intérêt légitime. L'ordonnance déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance du 24 novembre 2020, et complétée en ce qu' il y a lieu d'ordonner la mainlevée totale de la mesure de séquestre et d'ordonner à la SAS [E] [T] la restitution à M. [O] [V], et aux sociétés Innovation Concept Process, Demoussis Entreprises, Demoussis Industries, et Demoussis Laser de l'ensemble des éléments obtenus de ces derniers en exécution de l'ordonnance rétractée.

Il n'apparaît pas nécessaire d'ordonner la transmission de la présente décision au parquet financier du tribunal judiciaire de Paris. La demande de M. [O] [V] de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne la mainlevée totale de la mesure de séquestre et ordonne à la SAS [E] [T] la restitution à M. [O] [V] et aux sociétés Innovation Concept Process, Demoussis Entreprises, Demoussis Industries et Demoussis Laser de l'ensemble des éléments obtenus de ces derniers en exécution de l'ordonnance rétractée,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne la société BSI PM Engineering aux dépens d'appel et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à ce titre à payer aux sociétés Innovation Concept Process, Demoussis Entreprises, Demoussis Industries et Demoussis Laser la somme globale de 5 000 euros, et à M. [O] [V] la somme de 5 000 euros.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/13797
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;21.13797 ?
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