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16/11/2022 | FRANCE | N°21/02753

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 16 novembre 2022, 21/02753


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022



(n° 178/2022, 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/02753 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDDDD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 19/04484





APPELANTE



SARL LD-PRESTIGE

Société au capital de 120 000 euros

Immatriculée au Registre du

Commerce et des Sociétés d'ARRAS sous le numéro 509 275 921

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 7]

[Localit...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° 178/2022, 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/02753 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDDDD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 19/04484

APPELANTE

SARL LD-PRESTIGE

Société au capital de 120 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'ARRAS sous le numéro 509 275 921

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMEES

S.A. BMW FRANCE

Société au capital de 2 805 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 722 000 965

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Rebecca DELOREY de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0390

Société BAYERISCHE MOTOREN WERKE AKTIENGESELLSCHAFT

Société de droit allemand

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4],

ALLEMAGNE

Représentée et assistée de Me Rebecca DELOREY de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0390

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère, et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit allemand BAYERISCHE MOTOREN WERKE AG créée en 1916- ci-après la société BMW - a notamment pour activités la conception et la fabrication de véhicules automobiles et motocyclettes ainsi que leurs accessoires et pièces détachées.

La société BMW FRANCE est chargée de la promotion et de la commercialisation en France des accessoires et notamment des jantes conçues et fabriquées par la société BMW.

La société BMW est, dans ce cadre, titulaire de nombreux modèles communautaires protégeant l'apparence des jantes qu'elle conçoit, au rang desquels figurent les titres suivants (ses pièces 4 à 17):

- modèle n° 002591453-0001 enregistré le 5 décembre 2014:

- modèle n° 002251314-0005 enregistré le 7 juin 2013:

- modèle n° 002707240-0001 enregistré le 26 mai 2015:

- modèle n° 002766089-0011 enregistré le 4 septembre 2015:

- modèle n° 001908807-0002 enregistré le 26 août 2011:

- modèle n°002156554-0011 enregistré le 20 décembre 2012:

- modèle n° 001693599-0001 enregistré le 12 avril 2010:

- modèle n° 002460097-0012 enregistré le 8 mai 2014:

- modèle n° 002766089-0010 enregistré le 4 septembre 2015:

- modèle n° 003299338-0009 enregistré le 8 juillet 2016:

- modèle n° 002460097-0003 enregistré le 8 mai 2014:

- modèle n° 002205740-0006 enregistré le 20 mars 2013:

- modèle n° 001867169-0002 enregistré le 23 mai 2011:

- modèle n° 002460097-0011 enregistré le 8 mai 2014:

La société LD PRESTIGE, créée le 4 décembre 2008 et exerçant sous l'enseigne 'LDP', a pour activité le commerce de détail d'équipement automobile et notamment la vente aux particuliers et professionnels de jantes, pneumatiques et pièces détachées.

Elle exploite un site internet de vente en ligne sous le nom de domaine www.ldprestige.com.

Un premier litige a opposé les parties portant sur la commercialisation de modèles de jantes qui a donné lieu à un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 7 juillet 2017 condamnant la société LD PRESTIGE pour des faits de contrefaçon, dont elle a interjeté appel mais qui a fait l'objet d'une ordonnance de péremption le 7 juillet 2021.

Ayant découvert que la société LD PRESTIGE proposait à la vente sur son site internet des références de jantes qu'elle estimait être des copies de ses modèles enregistrés, la société BMW a fait constater ces agissements par deux procès-verbaux d'huissier dressés le 31 décembre 2018 puis en exécution d'une ordonnance l'y autorisant datée du 6 mars 2019, a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société LD PRESTIGE le 20 mars suivant, lesquelles ont conduit à la découverte de douze des quatorze modèles incriminés.

L'huissier s'est dans ce cadre fait remettre deux séries de 146 et 229 bons de commandes émis par la société LD PRESTIGE auprès des sociétés lituaniennes UAB et VORTEKA ainsi que 362 factures établies entre les 27 mars 2018 et 19 mars 2019 correspondant à la vente de ces mêmes produits à des clients situés en France, Belgique, Italie, Suisse et Croatie.

Par acte d'huissier en date du 4 avril 2019, les sociétés BMW AG (ci après société BMW) et BMW FRANCE ont fait assigner la société LD PRESTIGE devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des dispositions relatives à la contrefaçon de modèles communautaires et à la concurrence déloyale.

Dans son jugement rendu le 20 novembre 2020 dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes:

- DIT qu'en important, offrant à la vente et commercialisant des jantes reproduisant les caractéristiques de 14 modèles communautaires, la société LD-PRESTIGE a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société BAYERISCHE MOTOREN WERKE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE;

- DIT que la société LD-PRESTIGE a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société BMW FRANCE;

En conséquence:

- FAIT INTERDICTION à la société LD-PRESTIGE de procéder à l'importation, l'exportation, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente, sur le territoire de l'Union Européenne, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois, de jantes reproduisant les modèles communautaires suivants:

o Modèle communautaire n°002591453-0001 enregistré le 5 décembre 2014 ;

o Modèle communautaire n°002251314-0005 enregistré le 7 juin 2013 ;

o Modèle communautaire n°002707240-0001 enregistré le 26 mai 2015 ;

o Modèle communautaire n°002766089-0011 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n°001908807-0002 enregistré le 26 août 2011 ;

o Modèle communautaire n°002156554-0011 enregistré le 20 décembre 2012 ;

o Modèle communautaire n°001693599-0001 enregistré le 12 avril 2010 ;

o Modèle communautaire n°002460097-0012 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n°002766089-0010 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n°003299338-0009 enregistré le 8 juillet 2016 ;

o Modèle communautaire n°002460097-0003 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n°002205740-0006 enregistré le 20 mars 2013 ;

o Modèle communautaire n°001867169-0002 enregistré le 23 mai 2011 ;

o Modèle communautaire n°002460097-0011 enregistré le 8 mai 2014.

- ORDONNE la destruction des produits contrefaisants aux frais exclusifs de la société LD-PRESTIGE, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une durée de 4 mois ;

- ORDONNE à la société LD-PRESTIGE de supprimer toutes reproductions des modèles précités sur son site internet et tout support commercial destiné à la vente, et d'en justifier auprès de la société BMW AG dans les 30 jours de la signification du jugement, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une durée de 4 mois ;

- DIT n'y avoir lieu à faire droit à la demande d'information;

- DIT n'y avoir lieu de faire droit à la demande de rappel des produits;

- CONDAMNE la société LD-PRESTIGE à verser à la société BAYERISCHE MOTOREN WERKE AG la somme de 360.000 euros au titre de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de modèles enregistrés précitées (valeur patrimoniale des modèles et bénéfices résultant de la contrefaçon) ;

- REJETTE les demandes indemnitaires fondées sur la concurrence déloyale;

- SE RÉSERVE la liquidation des astreintes;

- CONDAMNE la société LD-PRESTIGE à payer aux sociétés BMW et BMW France ensemble

une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société LD-PRESTIGE aux entiers dépens en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, qui pourront être directement recouvrés par la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- ORDONNE l'exécution provisoire de la décision sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.

La société LD PRESTIGE a interjeté appel de ce jugement le 10 février 2021.

Un procès-verbal de constat a été dressé le 7 juillet 2021 sur le site internet www.ldprestige.com à la requête des sociétés BMW démontrant, selon elles, la persistance de la commercialisation de certains modèles de jante.

Le 28 juillet 2021, la société BMW a fait assigner la société LD PRESTIGE devant le tribunal judiciaire de Paris en liquidation de l'astreinte.

Puis, le 1er août 2021, les sociétés BMW et BMW France ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation de l'appel formé par la société LD PRESTIGE pour non-exécution du jugement en raison de l'absence de paiement des condamnations et du non retrait des jantes litigieuses sur son site internet, cette dernière a ensuite procédé au paiement des condamnations pécuniaires et a retiré les références des jantes litigieuses proposées sur son site internet, de sorte que par ordonnance du 23 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a constaté l'exécution du jugement du 20 novembre 2020 et a dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire.

Dans ses conclusions d'appelante et responsives sur appel incident, transmises le 23 février 2022, la société LD PRESTIGE demande à la cour de:

REFORMER LE JUGEMENT DU 20 NOVEMBRE 2020 EN CE QU'IL A :

- DIT qu'en important, offrant à la vente et commercialisant des jantes reproduisant les caractéristiques de 14 modèles communautaires, la société LD-PRESTIGE a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société BAYERISCHE MOTOREN WERKE AG ;

- DIT que la société LD-PRESTIGE a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société BMW France ;

- En conséquence :

- FAIT INTERDICTION à la société LD-PRESTIGE de procéder à l'importation, l'exportation, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente, sur le territoire de l'Union Européenne, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois, de jantes reproduisant les modèles communautaires suivants :

o Modèle communautaire n°002591453-0001 enregistré le 5 décembre 2014 ;

o Modèle communautaire n°002251314-0005 enregistré le 7 juin 2013 ;

o Modèle communautaire n°002707240-0001 enregistré le 26 mai 2015 ;

o Modèle communautaire n°002766089-0011 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n°001908807-0002 enregistré le 26 août 2011 ;

o Modèle communautaire n°002156554-0011 enregistré le 20 décembre 2012 ;

o Modèle communautaire n°001693599-0001 enregistré le 12 avril 2010 ;

o Modèle communautaire n°002460097-0012 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n°002766089-0010 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n°003299338-0009 enregistré le 8 juillet 2016 ;

o Modèle communautaire n°002460097-0003 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n°002205740-0006 enregistré le 20 mars 2013 ;

o Modèle communautaire n°001867169-0002 enregistré le 23 mai 2011 ;

o Modèle communautaire n°002460097-0011 enregistré le 8 mai 2014.

- ORDONNE la destruction des produits contrefaisants aux frais exclusifs de la société LD PRESTIGE, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une durée de 4 mois ;

- ORDONNE à la société LD-PRESTIGE de supprimer toutes reproductions des modèles précités sur son site internet et tout support commercial destiné à la vente, et d'en justifier auprès de la société BMW AG dans les 30 jours de la signification du jugement, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une durée de 4 mois ;

- CONDAMNE la société LD-PRESTIGE à verser à la société BAYERISCHE MOTOREN WERKE AG la somme de 360.000 euros au titre de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de modèles enregistrés précitées (valeur patrimoniale des modèles et bénéfices résultant de la contrefaçon) ;

- CONDAMNE la société LD-PRESTIGE à payer aux sociétés BMW et BMW France ensemble

une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société LD-PRESTIGE aux entiers dépens en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, qui pourront être directement recouvrés par la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, Avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

- ORDONNE l'exécution provisoire de la décision sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.

STATUANT A NOUVEAU :

- CONSTATER que la société LD PRESTIGE n'a pas commis d'actes de contrefaçon ni d'actes de concurrence déloyale ;

- DEBOUTER les sociétés BAYERISCHE MOTOREN AKTIENGESELLSCHAFT et BMW FRANCE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A TITRE SUBSIDIAIRE : Concernant le quantum du préjudice :

- Réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités par les sociétés BAYERISCHE MOTOREN WARKE AKTIENGESELLSCHAFT et BMW FRANCE ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- Condamner BAYERISCHE MOTOREN WERKE AKTIENGESELLSCHAFT et BMW France à verser à la société LD PRESTIGE la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de

procédure civile ;

- Condamner BAYERISCHE MOTOREN WERKE AKTIENGESELLSCHAFT et BMW France aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions d'intimées n° 2, transmises le 20 avril 2022, les sociétés BAYERISCHE MOTOREN WERKE AKTIENGESELLSCHAFT et BMW FRANCE demandent à la cour de:

- Déclarer les sociétés Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft et BMW France SA recevables et bien fondées en leurs demandes ;

Y faisant droit,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

+ Dit et Jugé que la société LD-Prestige a commis à l'encontre de la société Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft des actes de contrefaçon des modèles enregistrés suivants :

o Modèle communautaire n° 002591453-0001 enregistré le 5 décembre 2014 ;

o Modèle communautaire n° 002251314-0005 enregistré le 7 juin 2013 ;

o Modèle communautaire n° 002707240-0001 enregistré le 26 mai 2015 ;

o Modèle communautaire n° 002766089-0011 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n° 001908807-0002 enregistré le 26 août 2011 ;

o Modèle communautaire n° 002156554-0011 enregistré le 20 décembre 2012 ;

o Modèle communautaire n° 001693599-0001 enregistré le 12 avril 2010 ;

o Modèle communautaire n° 002460097-0012 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n° 002766089-0010 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n° 003299338-0009 enregistré le 8 juillet 2016 ;

o Modèle communautaire n° 002460097-0003 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n° 002205740-0006 enregistré le 20 mars 2013 ;

o Modèle communautaire n° 001867169-0002 enregistré le 23 mai 2011 ;

o Modèle communautaire n° 002460097-0011 enregistré le 8 mai 2014.

+ Interdit à la société LD-Prestige l'importation, l'exportation, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente, sur le territoire de l'Union Européenne de jantes reproduisant les modèles communautaires suivants :

o Modèle communautaire n° 002591453-0001 enregistré le 5 décembre 2014 ;

o Modèle communautaire n° 002251314-0005 enregistré le 7 juin 2013 ;

o Modèle communautaire n° 002707240-0001 enregistré le 26 mai 2015 ;

o Modèle communautaire n° 002766089-0011 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n° 001908807-0002 enregistré le 26 août 2011 ;

o Modèle communautaire n° 002156554-0011 enregistré le 20 décembre 2012 ;

o Modèle communautaire n° 001693599-0001 enregistré le 12 avril 2010 ;

o Modèle communautaire n° 002460097-0012 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n° 002766089-0010 enregistré le 4 septembre 2015 ;

o Modèle communautaire n° 003299338-0009 enregistré le 8 juillet 2016 ;

o Modèle communautaire n° 002460097-0003 enregistré le 8 mai 2014 ;

o Modèle communautaire n° 002205740-0006 enregistré le 20 mars 2013 ;

o Modèle communautaire n° 001867169-0002 enregistré le 23 mai 2011 ;

o Modèle communautaire n° 002460097-0011 enregistré le 8 mai 2014.

+ Ordonné la destruction des marchandises litigieuses aux frais exclusifs de la société LD Prestige;

+ Ordonné à la société LD-Prestige de supprimer toutes reproductions des modèles incriminés sur quelque support que ce soit et d'en justifier par constat d'huissier auprès de la société Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft ;

+ Dit et Jugé que la société LD-Prestige a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société BMW France.

- Infirmer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau :

- Dire que chacune des mesures d'interdiction ainsi prononcées est assortie d'une astreinte définitive de 500 euros par infraction constatée passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- Condamner la société LD-Prestige à payer à la société Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft la somme de 1.486.250 euros au titre de son préjudice commercial résultant des actes de contrefaçon ;

- Condamner la société LD-Prestige à verser à la société Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft la somme de 200.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial résultant des actes de contrefaçon.

- Condamner la société LD-Prestige à verser à la société BMW France SA la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

En toutes hypothèses,

- Dire que les astreintes ainsi prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par la Chambre de la Cour de céans qui aura prononcé l'arrêt à intervenir, conformément aux dispositions de l'article L.131-3 du Code des procédures civiles d'exécution.

- Condamner la société LD-Prestige à payer aux sociétés Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft et BMW France la somme de 25.000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la société LD-Prestige aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie contrefaçon et de constat, dont distraction au profit de la SAS Bardehle Pagenberg, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non contestés

Il doit être relevé que le jugement n'est pas contesté en qu'il a:

- Dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande d'information;

- Dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande de rappel des produits.

Sur les faits de contrefaçon

Sur l'exception des pièces dite 'de réparation' opposée

Se fondant sur l'article 110 du règlement 6/2002, la société LD PRESTIGE soutient que la clause de réparation s'applique malgré les différences techniques entre les jantes en cause et qu'en conséquence la contrefaçon ne peut être retenue puisque le but de cette clause est d'exclure les pièces détachées de la protection des dessins et modèles afin d'éviter la création de monopoles et de priver les consommateurs de la possibilité de se procurer des pièces de rechange produites par des acteurs autres que le constructeur automobile d'origine.

La société BMW soutient le bien fondé de son action et conteste l'application de «la clause de réparation» invoquée par la société LD PRESTIGE, retenant notamment qu'elle ne démontre pas que les jantes qu'elle commercialise sont destinées à être utilisées pour la réparation d'un véhicule en vue de lui rendre son apparence initiale. Au contraire, elle fait valoir que les jantes litigieuses sont présentées en ligne à des fins de 'tuning', autrement dit de la modification de l'apparence esthétique du véhicule en vue d'une personnalisation.

En vertu de l'article 10 du règlement (CE) 6/2002 - 'étendue de la protection':

'1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente.

2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle'.

Selon l'article 19'1 du même texte, le titulaire d'un dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire 'le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement', cette utilisation visant en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé.

Enfin l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

Il convient par ailleurs de rappeler que des pièces automobiles qui restent visibles une fois incorporées au véhicule lors d'une utilisation normale peuvent faire l'objet d'une protection à titre de modèle communautaire, à condition de satisfaire aux conditions de nouveauté et de caractère individuel prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (CE) n° 6/2002.

Puis, en vertu de l'article 110 du Règlement 6/2002 - Disposition transitoire, «1. Jusqu'à la date d'entrée en vigueur des modifications apportées au présent règlement, sur proposition de la Commission à ce sujet, une protection au titre de dessin ou modèle communautaire n'existe pas à l'égard d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe qui est utilisée au sens de l'article 19, paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.
1: Mise en gras ajoutée par la cour.

»

En réponse à des questions préjudicielles, la CJUE dans une décision rendue le 20 décembre 2017 (affaires jointes C-397/16, Acacia Srl / Pneusgarda Srl et Audi AG, et C-435/16, Acacia Srl et Rolando D'Amato / Dr. Ing. H.c. F. Porsche AG) a jugé que les jantes automobiles constituent des pièces d'un produit complexe susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 110 § 1 du règlement et de bénéficier ainsi de l'exception dite 'de réparation' ('il convient de constater qu'une jante automobile doit être qualifiée de 'pièce d'un produit complexe' au sens de ladite disposition, une telle jante étant un composant du produit complexe que constitue une automobile, en l'absence de laquelle ce produit ne pourrait faire l'objet d'une utilisation normale' (point 66)). La Cour a cependant dit pour droit, dans cette décision, que 'L'article 110, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 doit être interprété en ce sens que la clause dite 'de réparation' qu'il comporte subordonne l'exclusion de la protection au titre du dessin ou modèle communautaire à l'égard d'un dessin ou modèle qui constitue une pièce d'un produit complexe qui est utilisée dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale, à la condition que la pièce de remplacement ait une apparence visuellement identique à celle de la pièce initialement incorporée au produit complexe lors de sa mise sur le marché'.

Elle a ainsi jugé qu'est 'exclue de la clause dite 'de réparation' toute utilisation d'une pièce pour des motifs d'agrément ou de simple convenance, telle que, notamment, le remplacement d'une pièce pour des motifs esthétiques ou d'individualisation du produit complexe' (point 70) et que 'pour qu'il puisse être fait application de la clause dite 'de réparation', la pièce doit être utilisée en vue de rendre au produit complexe l'apparence qui était la sienne lors de la mise sur le marché de celui-ci. Il y a lieu de conclure que la clause dite 'de réparation' s'applique uniquement aux pièces d'un produit complexe qui sont visuellement identiques aux pièces d'origine. (...) Est partant exclue toute utilisation d'une pièce qui n'a pas pour but de rendre au produit complexe l'apparence qui était la sienne lors de sa mise sur le marché. Tel est notamment le cas si la pièce de rechange ne correspond pas, du point de vue de sa couleur ou de ses dimensions, à la pièce d'origine, ou si l'apparence du produit complexe a été modifiée depuis la mise sur le marché de celui-ci' (points 74, 75 et 77).

En outre, la Cour a également dit pour droit dans son arrêt du 20 décembre 2017 que 'l'article 110, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour pouvoir se prévaloir de la clause dite 'de réparation' que cette disposition comporte, le fabricant ou le vendeur d'une pièce d'un produit complexe sont soumis à une obligation de diligence quant au respect, par les utilisateurs situés en aval, des conditions imposées par ladite disposition'. Elle a ainsi jugé qu'il incombe à ce fabricant ou à ce vendeur 'tout d'abord, d'informer l'utilisateur en aval, par une indication claire et visible, sur le produit, son emballage, sur les catalogues ou encore sur les documents de vente, d'une part, du fait que la pièce concernée incorpore un dessin ou modèle dont ils ne sont pas titulaires et, d'autre part, du fait que cette pièce est exclusivement destinée à être utilisée dans le but de permettre la réparation du produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale. Ensuite, il leur incombe de veiller, par l'intermédiaire de moyens appropriés, notamment contractuels, à ce que les utilisateurs en aval ne destinent pas les pièces en cause à une utilisation qui soit incompatible avec les conditions prescrites à l'article 110, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. Enfin, ledit fabricant ou ledit vendeur doivent s'abstenir de vendre une telle pièce dès lors qu'ils savent ou, au regard de l'ensemble des circonstances pertinentes, ont des motifs raisonnables de savoir que cette pièce ne sera pas utilisée dans des conditions prescrites à l'article 110, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002".

Pour se prévaloir de cette clause, le fabricant ou le vendeur de pièces détachées doit ainsi veiller à ce que les pièces soient uniquement destinées à la réparation du produit complexe devenu défectueux notamment à la suite de l'absence de la pièce d'origine ou d'un dommage causé à celle-ci en vue de lui rendre son apparence initiale, soit celle du moment de la mise sur le marché. Enfin, les pièces doivent être visuellement identiques à celles d'origine.

De plus, le fabricant ou vendeur doit satisfaire à une obligation de diligence consistant à informer l'utilisateur en aval que le produit intègre un dessin ou modèle dont il n'est pas titulaire et qu'il est uniquement destiné à la réparation, à veiller à ce que l'utilisateur en aval ne destine pas le produit à une autre utilisation et enfin à s'abstenir de vendre un produit s'il sait qu'il ne sera pas utilisé dans les conditions de l'article 110 du règlement 6/2002.

Sur ce, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que ce n'est pas sans contradiction que la société LD PRESTIGE invoque à la fois le bénéfice de l'exception prévue à l'article 110 du règlement 6/2002 et l'existence de différences techniques entre les produits en cause - à savoir la taille, la distance séparant l'axe médian de la jante prise en coupe à la platine de fixation de l'essieu et l'alésage qui est le diamètre du trou au centre de la jante - qui excluent, de fait, que ceux-ci soient destinés à la réparation d'un véhicule en vue de lui rendre son apparence initiale et puissent relever de la clause de réparation.

Il y a seulement lieu pour la cour d'ajouter que les conditions même de commercialisation des jantes par l'intimée démontrent qu'elles constituent des produits d'agrément ou d'esthétique, puisqu'elles sont vendues systématiquement par lot de quatre aux fins de modification de l'apparence des véhicules à des fins de «tuning» et non pour permettre la réparation d'une jante endommagée ou perdue. Elle sont, en outre, vendues dans des dimensions différentes du celles proposées par le fabriquant d'origine et destinées à des véhicules pour lesquelles la société BMW ne commercialise pas le modèle de jante authentique correspondant, de sorte qu'elles ne sont pas destinées à rendre aux véhicules concernés leur apparence initiale. Enfin, comme le relève l'intimée, la communication de la société LD PRESTIGE sur son site internet exclut l'application de l'article 110 précité, puisqu'elle ne fait part, à aucun moment, de son obligation de diligence et d'information de ce que ses produits intègrent un dessin ou modèle dont elle n'est pas titulaire.

C'est donc à juste titre que le tribunal a exclu l'application de l'article 110 du règlement n°6/2002 dans le présent litige.

Sur les faits de contrefaçon de dessins et modèles européens déposés

La société BMW, procédant à une comparaison des modèles, constate que les modèles de jantes vendus par l'appelante reprennent toutes les caractéristiques de chaque modèle enregistré et qu'ils ne produisent pas sur l'utilisateur ou l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente. Elle ajoute que les dimensions des jantes (taille, déport technique et alésage) n'ont pas à être prises en compte dans l'impression visuelle globale que produisent les modèles.

La société LD PRESTIGE conteste les faits de contrefaçon en soulignant que les jantes qu'elle commercialise ne produisent pas sur l'utilisateur ou l'observateur averti la même impression visuelle d'ensemble que les modèles enregistrés invoqués par la société BMW au regard de la différence entre les caractéristiques techniques des modèles.

L'utilisateur averti, se définit, au cas d'espèce, comme un professionnel du secteur de l'automobile ou un amateur de véhicules connaissant les différentes marques de véhicules et leurs produits et accessoires.

Sur ce, c'est par de justes motifs adoptés par la cour que les premiers juges ont retenu, après avoir constaté que la société LD PRESTIGE ne discute pas l'apparence visuelle des jantes qu'elle commercialise et les rapprochements opérés par séries de référence avec les modèles déposés, que les différences d'ordre technique qu'elle oppose ne sont pas perceptibles pour l'utilisateur averti, aux yeux duquel les jantes commercialisées par la société LD PRESTIGE ne procureront pas une impression visuelle différente de celle conférée par les modèles invoqués, tant l'ensemble des caractéristiques esthétiques décrites et visibles sont reprises à l'identique. Il y a seulement lieu pour la cour d'ajouter que la portée du droit exclusif conférée par un dessin ou un modèle enregistré se détermine par référence aux représentation graphiques reproduites dans l'enregistrement, qui ne mentionnent pas les caractéristiques techniques en cause.

Les premiers juges ont donc exactement retenu que les modèles de jantes commercialisés par la société LD PRESTIGE reprennent les caractéristiques des modèles communautaires invoqués, et plus précisément:

- le modèle de jante 'LMD164" disponible en 5 tailles, reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002591453-0001;

- le modèle de jante 'LDV6225" disponible en 3 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002251314-0005;

- le modèle de jante 'LDU7615" disponible 3 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002707240-0001;

- le modèle de jante 'LDU5525" disponible en 4 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002766089-0011;

- le modèle de jante 'LDV697" disponible en 3 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 001908807-0002;

- le modèle 'LDU36C' disponible en 1 taille, reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002156554-0011;

- le modèle de jante 'LDV394-5-26" disponible en 2 tailles, reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 001693599-0001;

- le modèle de jante 'LDV995" disponible en 1 taille reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002460097-0012;

- le modèle de jante 'LDV8131" disponible en 1 taille reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002766089-0010;

- le modèle de jante 'V1815" disponible en 2 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 003299338-0009;

- le modèle de jante 'LDV14259" disponible en 2 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002460097-0003;

- le modèle de jante 'LDV885" disponible en 4 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002205740-0006;

- le modèle de jante 'LDV651-25-2" disponible en 2 tailles reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 001867169-0002;

- le modèle de jante 'LDU7235" disponible en 2 tailles, reprend les caractéristiques du modèle communautaire n° 002460097-0011.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que la société LD PRESTIGE a commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la société BMW.

Sur les faits de concurrence déloyale

La société LD PRESTIGE conteste tout acte de concurrence déloyale, soutenant n'avoir commis aucune faute et que la société BMW n'a pas subi de préjudice. Elle ajoute qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du client, s'agissant essentiellement de professionnels, puisqu'aucune référence à la société BMW FRANCE n'est faite sur le site internet et que tous les détails relatifs aux jantes sont précisés.

La société BMW FRANCE rappelle que les actes constitutifs de contrefaçon à l'encontre du titulaire d'un modèle constituent également des actes de concurrence déloyale à l'encontre du licencié ou du distributeur exclusif et considère que la société LD PRESTIGE, qui est pourtant un professionnel averti du même secteur, a indûment procéder à la promotion et à la commercialisation de copies serviles de jantes de sa marque BMW sur le territoire français à destination des consommateurs français et, ce, de manière répétée. Elle estime ainsi qu'un risque de confusion pour les consommateurs a été créé en leur laissant penser que ces produits pourraient avoir pour origine les sociétés BMW et BMW FRANCE.

Elle ajoute que les nombreuses copies serviles litigieuses renforcent l'idée d'un effet de gamme et que les actes qu'elle reproche à LD PRESTIGE ont causé un trouble commercial sur le territoire français à la société BMW France.

La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d`investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Ainsi que l'a justement analysé le tribunal, les actes de contrefaçon relevés, qui consistent en outre à proposer, à un moindre prix, un nombre très important de jantes reproduisant les modèles déposés constituent des actes de concurrence déloyale commis à l'encontre de la société BMW FRANCE qui les commercialise et assure leur promotion, sauf pour la cour à ajouter que ces faits portant sur 14 modèles démontrent la volonté de la société LD PRESTIGE de reproduire une grande partie de l'offre de l'intimée et de profiter d'un effet de gamme, de nature à générer un risque de confusion pour le consommateur, en laissant penser que ces produits pourraient avoir pour origine les sociétés BMW et, ce d'autant que le site internet de l'appelante permet de sélectionner les jantes en fonction du véhicule BMW concerné.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que la société LD PRESTIGE a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société BMW FRANCE.

Sur les demandes d'indemnisation

Au titre des faits de contrefaçon

La société BMW estime que le montant de 360.000 euros retenu par le tribunal est sous-évalué puisque limité à une période comprise entre le 1er avril 2018 et le 20 mars 2019 alors que la période de référence à prendre en compte est de 5 années.

Par ailleurs, la société BMW soutient qu'il a été porté atteinte à la valeur patrimoniale de ses 14 modèles communautaires de jantes et que, compte tenu de l'intense exploitation de ces pièces et de l'importance des investissements, ces faits de contrefaçon contribuent à banaliser, vulgariser et dégrader les modèles enregistrés.

La société LD PRESTIGE conteste tout préjudice subi par la société BMW, constructeur automobile, suite à la commercialisation de jantes de «seconde monte», constate que l'intimée ne verse aucune pièce relative à son propre chiffre d'affaires et aux marges réalisées sur ses modèles, ni davantage que les faits en cause auraient duré se seraient étalés sur une période de 5 ans.

L'article L521-7 du code de la propriété intellectuelle, applicable aux dessins et modèles communautaires, dispose que pour fixer les dommages et intérêts la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par le contrefacteur y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées. A titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, elle peut se voir allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaires supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé une autorisation d'exploitation, et qui n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral.

La cour constate, qu'à hauteur d'appel, la société BMW ne verse aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'évaluation du préjudice subi fixée par le tribunal qui, après avoir apprécié distinctivement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon et le bénéfice réalisé par le contrefacteur, seuls postes revendiqués par l'intimée, en se basant notamment sur le chiffre d'affaires réalisé par la société LD PRESTIGE sur 12 mois à hauteur de 1.189.000€, retenant un bénéfice de 300.000€, et les prix d'achat et de revente des jantes en cause, a justement retenu une somme globale de 360.000€, soit 300.000€ au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur et 60.000€ au titre de l'atteinte à la valeur patrimoniale des titres. C'est également à bon escient que le tribunal a considéré que la société BMW ne justifie nullement que la période de référence à prendre en compte pour indemniser les faits de contrefaçon soit de 5 années précédant l'assignation ( avril 2014- avril 2019), alors que, comme le remarque la société LD PRESTIGE, certains des modèles invoqués n'ont été enregistrés que postérieurement et qu'un précédent contentieux portant sur d'autres modèles a déjà opposé les parties en 2017, sans faire référence à ceux-ci.

Par ailleurs, si la société LD PRESTIGE critique l'évaluation faite par le tribunal, elle ne verse aux débats aucune pièce tendant à démontrer, notamment, que le taux de marge retenu serait trop élevé au regard des coûts de livraison ou de traitement des commandes.

Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé de ce chef.

Au titre de la concurrence déloyale

La société LD PRESTIGE conteste le moindre comportement fautif et constate qu'elle n'intervient pas sur le même marché que la société BMW FRANCE, qui ne commercialise que des modèles de jantes de marque BMW pour un type de véhicule de la marque, alors qu'elle-même intervient sur le marché de l'entretien et de la réparation pour tous types de véhicules.

La société BMW FRANCE soutient avoir subi un préjudice puisque la vente de produits contrefaisants nuit à son activité et entrave ses efforts de promotion et de commercialisation des jantes en cause.

Sur ce, la cour rappelle qu'en matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale, la réparation du préjudice pouvant être évaluée en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes.

En l'espèce, étant rappelé que le bien-fondé d'une action en concurrence déloyale est uniquement subordonné à l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice, et non à l'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés concernées, il convient de constater que la société LD PRESTIGE, professionnelle avertie, opère sur le même secteur d'activité que la société BMW FRANCE à savoir, notamment, la vente de jantes automobiles, soit un secteur spécialisé et qu'en commercialisant les produits contrefaisants, elle bénéficie indûment du succès et du courant d'achat existant en faveur des jantes BMW et qu'elle a ainsi entravé les efforts de promotion et de commercialisation de l'intimée sur le territoire français.

Le préjudice subi par la société BMW FRANCE sera en conséquence justement réparé par l'octroi d'une somme de 70.000€ et le jugement infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation formulée de ce chef.

Au titre des demandes complémentaires

La société LD PRESTIGE conteste notamment l'interdiction de commercialisation dans toute l'UE prononcée par le tribunal puisque les actes de contrefaçon n'ont été constatés qu'en France et que plusieurs pays de l'UE ont prévu une clause de réparation dans leur législation nationale.

De leur côté, les sociétés intimées sollicitent la confirmation des mesures d'interdiction de poursuite des actes de contrefaçon sur le territoire de l'Union européenne. Le litige portant sur des modèles communautaires, elles considèrent que l'étendue de la mesure est justifiée et que le tribunal est compétent pour prononcer une telle mesure sur tout le territoire européen. Elles sollicitent également de la cour une augmentation substantielle du montant de l'astreinte assortissant les mesures d'interdiction.

Sur ce, au vu des agissements ainsi constatés, qui ont en outre perduré après la signification du jugement assorti de l'exécution provisoire sur ce point, les mesures d'interdiction et de destruction ordonnées par le tribunal doivent être confirmées, sauf pour la cour à augmenter le montant de l'astreinte dont est assortie la mesure d'interdiction afin d'assurer son effectivité, dans les conditions précisées au dispositif.

Par ailleurs, s'agissant d'un modèle communautaire déposé, c'est à juste titre que le tribunal a étendu la mesure d'interdiction à l'ensemble du territoire de l'UE, la vente des jantes en cause étant en outre attestée dans plusieurs pays européens. À cet égard, la clause de réparation telle qu'interprétée par la CJUE et applicable sur l'ensemble de ce territoire, ne peut être revendiquée par la société LD PRESTIGE dans la présente instance, comme il a déjà été jugé.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ces chefs sauf pour la cour à modifier le montant des astreintes fixées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société LD PRESTIGE, succombant, sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SAS BARDEHLE PAGENBERG conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner la société LD PRESTIGE à verser à la société BMW et à la société BMW FRANCE une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires fondées sur la concurrence déloyale et fixé l'astreinte des mesures d'interdiction à 100€ par infraction constatée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société LD PRESTIGE à verser à la société BMW FRANCE une somme de 70.000€ en réparation des actes de concurrence déloyale,

Dit que les mesures d'interdiction prononcées sont assorties d'une astreinte de 200€ par infraction constatée passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, pendant une durée de 4 mois,

Dit n'y avoir lieu à ce que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte,

Condamne la société LD PRESTIGE aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par SAS BARDEHLE PAGENBERG conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société LD PRESTIGE à verser à la société BMW et à la société BMW FRANCE une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/02753
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;21.02753 ?
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