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16/11/2022 | FRANCE | N°20/03838

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 16 novembre 2022, 20/03838


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03838 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6KI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00622



APPELANTE



S.A.R.L. KARAMEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représe

ntée par Me Sandra CARNEREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1981



INTIME



Monsieur [B] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Henri BRAUN, avocat au barreau ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03838 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6KI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00622

APPELANTE

S.A.R.L. KARAMEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandra CARNEREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1981

INTIME

Monsieur [B] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Henri BRAUN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1790

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 août 2013, M. [B] [Z] a été engagé par la SARL Karamel en qualité de directeur de magasin, niveau 6, statut cadre, moyennant une rémunération de 2500 euros bruts. Aux termes de ce contrat, le salarié était soumis à une convention de forfait en jours.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.

M. [B] [Z] a été en arrêt maladie du 5 septembre au 14 octobre 2014. Il a été déclaré apte à reprendre ses fonctions le 22 octobre 2014.

M. [B] [Z] a fait l'objet, après convocation le 10 janvier 2015 avec mise à pied conservatoire et entretien préalable le 20 janvier 2015, d'un licenciement , le 30 janvier 2015, pour faute grave.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 5 août 2015 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et la SARL Karamel condamnée à lui payer diverses sommes, notamment en raison d'irrégularités liées à l'exécution du contrat de travail.

L'affaire a été radiée le 2 mars 2017, puis réinscrite au rôle suite à des conclusions en date du 1er mars 2019 aux termes desquelles, M. [B] [Z] a modifié ses demandes et a notamment sollicité la nullité de sa convention de forfait en jours et la condamnation de son ancien employeur au paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement en date du 2 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en formation de jugement a :

- requalifié le licenciement pour faute de M. [B] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la société KARAMEL à verser à M. [B] [Z] les sommes suivantes :

* 2.549,51 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 254,95 euros au titre des congés payés afférents,

* 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rappelé que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 1er septembre 2015 et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement.

- débouté M. [B] [Z] du surplus de ses demandes.

- débouté la société KARAMEL de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnée aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 30 juin 2020, la SARL Karamel a régulièrement interjeté appel de la décision.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 15 janvier 2021, la SARL Karamel demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les nouvelles demandes formulées par Monsieur [Z] aux termes de ses dernières conclusions du 1er mars 2019 étaient prescrites et a débouté ce dernier de ses demandes, à savoir :

* Dommages et intérêts pour préjudice moral : 5.000 euros,

* Rappel de salaire pour différence de rémunération : 891,18 euros,

* Rappel de salaires pour heures supplémentaires : 77.851,26 euros,

* Congés payés afférents : 7.785,13 euros,

* Dommages et intérêts pour préjudice subi par la non réalisation de la visite médicale de reprise : 5.000 euros,

* Dommages et intérêts pour non respect du repos quotidien et hebdomadaire : 10.000 euros,

* Dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris : 15.000 euros,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] en date du 30 janvier 2015 était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Juger bien fondé le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z],

- Débouter Monsieur [Z] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner Monsieur [Z] aux entiers dépens.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 3 novembre 2020, M. [B] [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société KARAMEL à payer à Monsieur [Z] la somme de 5. 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral pour les irrégularités du contrat de travail : la sous catégorisation de l'emploi, le non-respect de la période d'essai et de la visite médicale d'embauche.

- condamner la société KARAMEL à payer à Monsieur [Z] la somme de 891,18 euros au titre de rappel de salaire suite de la différence de rémunération.

- condamner la société KARAMEL à payer à Monsieur [Z] la somme de 77.851,26 euros au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires non payées et 7.785,13 euros au titre des congés payés afférents.

- condamner la société KARAMEL à payer à Monsieur [Z] la somme de 15.000 euros au titre de dommages-intérêts pour non respect des repos quotidiens et hebdomadaires et 15.000 euros de dommages-intérêts pour repos compensateurs non pris.

- condamner la société KARAMEL à payer à Monsieur [Z] la somme de 5.000 euros au titre du préjudice subi par la non réalisation de la visite médicale de reprise

- condamner l'employeur à payer à Monsieur [Z] la somme de 60.000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que 2.549,51 euros au titre d'indemnité de préavis de licenciement et 254,95 euros au titre d'indemnité de congés payés sur préavis.

- Assortir ces différentes sommes du taux légal.

- condamner l'employeur à payer à Monsieur [Z] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamner l'appelante aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur la prescription de la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'irrégularités du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

La société soutient que le salarié ayant été embauché le 3 août 2013, avait jusqu'au 3 août 2015 pour saisir le conseil de prud'hommes de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait d'irrégularités du contrat de travail. Il est indiqué qu'en ayant agi le 5 août 2015, son action est prescrite de ce chef.

Le salarié indique qu'il avait déjà alerté la société de ces irrégularités les 21 octobre 2014 et 1er décembre 2014, que la saisine du conseil de prud'hommes date du 30 juillet 2015 et a été enregistrée le 5 août 2015, si bien que son action n'est pas prescrite.

La cour constate qu'aucune des parties n'a jugé utile de produire au débats la requête ayant saisi le conseil de prud'hommes. Le jugement en date du 2 juin 2020 mentionne une saisine du conseil de prud'hommes en date du 5 août 2015 : cette date sera retenue.

En tout état de cause, l'éventuelle sous-catégorisation de l'emploi et les conséquences éventuelles de l'absence de visite médicale d'embauche ou de son organisation tardive ne peuvent être connues par le salarié qu'en cours d'exécution du contrat de travail . En revanche la durée de la période d'essai est connue dès la signature du contrat de travail. Seul ce grief est prescrit.

La cour examinera la demande de dommage et intérêts pour préjudice moral uniquement sur les griefs d'absence de visite médicale d'embauche et de sous-catégorisation de l'emploi.

2-Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'irrégularités du contrat de travail

2-1 sur le grief d'absence de visite médicale d'embauche

Le salarié a été convoqué à une visite médicale d'embauche le 6 décembre 2013, soit 4 mois après son embauche. Néanmoins, il ne justifie pas d'un préjudice né de ce délai.

2-2 sur le grief de la sous-catégorisation de l'emploi

L'avenant n° 40 du 5 octobre 2000 relatif à la classification des emplois de la Convention Collective Nationale du Commerce de Détail des Fruits et Légumes, Epicerie et Produits Laitiers, que la Classification N7 revendiquée par le salarié correspond effectivement à son emploi, puisque ce niveau 7 est ainsi défini : « Chef de magasin N7 :

Cadre qui assure seul ou en second la direction d'un point de vente. Responsable de l'approvisionnement et de la distribution. Responsable de l'approvisionnement, de la commercialisation et de la gestion administrative d'une entreprise sur des objectifs prédéterminés. »

L'avenant 122 n°3244 portant sur l'évolution de la grille des salaires du 11 janvier 2016 dont le salarié demande l'application n'était pas en vigueur lors de la relation contractuelle.

En revanche, était applicable l'avenant n° 101 du 20 septembre 2012 relatif aux salaires, jusqu'au 31 janvier 2014. A compter du 1 février 2014, était applicable l'avenant n° 116 du 28 janvier 2014.

L'avenant n° 101 prévoit un salaire horaire minimum pour les salariés de niveau 7 de 16,27 euros, soit la somme de 2467,67 euros par mois pour un temps plein de 151,67 heures.

L'avenant n° 116 prévoit un salaire horaire minimum pour les salariés de niveau 7 de 16, 51 euros, soit la somme de 2504,07 euros par mois pour un temps plein de 151,67 heures.

Ainsi M. [B] [Z] a bénéficié d'un salaire supérieur au minimum conventionnel jusqu'à janvier 2014 inclus.

En revanche, son salaire a été inférieur de 4,07 euros par mois de février 2014 à janvier 2015.

Pour autant , au vu de la modicité de la somme et de l'absence de preuve d'un quelconque préjudice moral distinct du rappel de salaire que le salarié sollicite également, il n'est pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de ce chef.

Le jugement est infirmé de ce chef .

3 -Sur la recevabilité des autres demandes nouvelles formulées en première instance dans les conclusions du salarié du 1er mars 2019

La société soutient à titre principal que ces demandes sont prescrites en application soit de l'article L.1471-1 du code du travail soit de l'article L 3245-1 du même code comme ayant été présentées pour la première fois le 1er mars 2019.

Le salarié soutient que ses demandes ne sont pas prescrites.

Selon les articles 8 et 45 du décret nº 2016-660 du 20 mai 2016, les dispositions de l'article R 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel ne sont plus applicables aux instances introduites devant le conseil des prud'hommes après le 1er août 2016.

Au cas d'espèce, l' instance a été introduite devant le conseil de prud'hommes de Paris le 5 août 2015, soit avant le 1er août 2016, si bien que le principe de l'unicité de l'instance est applicable en l'espèce.

Si, en principe, l'interruption de la prescription prévue à l'article L.3245-1 du code du travail ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.

Il en résulte que la prescription est interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes même si certaines des demandes n'ont été présentées qu'en cours d'instance.

En l'espèce, la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes intervenue le 5 août 2015 ; la demande présentée par M. [B] [Z] fût-elle nouvelle devant la cour, est donc recevable.

Dès lors, les demandes formulées ne sont pas prescrites et sont en conséquence recevables.

4- Sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification

Il résulte de ce qui précède qu'il est dû au salarié un rappel de salaire mensuel de 4,07 sur 12 mois, soit la somme de 48,84 euros.

Le jugement est infirmé de ce chef.

5- Sur l'application de la convention de forfait en jours et la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

5-1 sur la validité de la convention de forfait en jours

Le contrat de travail de M. [B] [Z] prévoit une convention de forfait en jours de 217 jours.

Le forfait annuel en jours consiste à décompter le temps de travail en jours ou en demi-journées et non plus en heures. Il fixe le nombre de jours que le salarié doit s'engager à effectuer chaque année. Sa mise en place est subordonnée d'une part à la conclusion d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ainsi qu'à une convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours et d'établir que le salarié a été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, la convention de forfait en jours étant sans effet à défaut, en sorte que le salarié est en droit de solliciter le règlement de ses heures supplémentaires.

La société Karamel, qui a fait porter sur le seul salarié la responsabilité de comptabiliser ses horaires et ses jours de travail, sans organiser le moindre contrôle ni d'entretien à ce sujet, n' a pas satisfait à son obligation de contrôle de la charge de travail du salarié ainsi que du caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail et d'une bonne répartition du travail dans le temps, pendant toute la durée de la relation contractuelle.

Dès lors, la convention de forfait en jours est sans effet. Le jugement est confirmé.

5-2 Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié ne produit strictement aucun décompte ou tableau récapitulant ses horaires de travail ou tout autre élément de preuve quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, se contentant d'affirmer qu'il a effectué de multiples heures supplémentaires, travaillant tous les jours, sans aucun repos du 3 août 2013 au 5 septembre 2014.

Le salarié ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé sur ce point.

6- Sur les demandes de dommages et intérêts pour non respect des repos journaliers, hebdomadaires et des repos compensateurs non pris

Il a été jugé plus haut que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il a effectué des heures supplémentaires. Dès lors ses demandes de dommages-intérêts de ces chefs ne peut aboutir.

Le conseil de prud'hommes n'ayant pas statué de ces chefs, le jugement sera complété en ce sens.

7- Sur la demande de dommages-intérêts pour non réalisation de la visite médicale de reprise

L'employeur justifie que la visite de reprise a bien eu lieu, le 22 octobre 2014, soit dans les 8 jours prévus à l'article R 4624-31 du code du travail.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de chef.

8- Sur la rupture du contrat de travail

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 30 janvier 2015, il est reproché à M. [B] [Z] :

1-un taux de chiffre d'affaire encarté de 28,1 % depuis le 1er janvier 2014 alors que le taux minimum requis est de 30 %. Il est souligné que lors de l'absence du salarié du 13 au 30 décembre 2013, le taux du chiffre d'affaire encarté dépassait les 30% ( 36,2%).,

2-s'être abstenu de communiquer à la direction ses plannings et ceux du personnel à compter du 9 septembre 2014,

3-manquements dans la tenue du magasin, constatés lors d'une visite de contrôle en date du 7 janvier 2015 ( présence de nombreux produits périmés dans les rayons, rupture de stocks dans les rayons boucherie, volailles, crèmerie et snaking ),

4-un taux de démarque de 4,1 % pour la période du 23 octobre au 30 novembre 2014 alors qu'il est de 2%, en moyenne pour les autres magasins,

L'employeur souligne que ces manquements ont impactés le chiffre d'affaire du magasin.

Le salarié nie l'ensemble des reproches qui lui sont faits, soulignant que le premier grief n'est pas établi, que sa gestion a été louée par la direction jusqu'à septembre 2014 (obtention de primes pour un montant de 2500 euros pour les « résultats en termes de progression de chiffre d'affaires et de bonne gestion du magasin »). Il indique également que pendant son absence le directeur adjoint devait se charger des plannings. M. [B] [Z] indique, s'agissant le taux de démarque, qu'à supposer ce taux établi, la période considérée est trop courte pour en conclure une faute grave.

Le grief n° 1 n'est pas établi, aucune pièce n'étant versée au débats pour établir que le taux de chiffre d'affaire «encarté » était effectivement fixé à 30%, que ce taux a été porté à la connaissance du salarié ni que le taux en question concernant son magasin ait été de 28,1 %.

Le grief n° 2 n'est pas plus établi dans la mesure ou le salarié a été en arrêt maladie du 5 septembre au 14 octobre 2014 inclus et qu'il a été autorisé à prendre ses RTT du 13 au 30 décembre 2014. Ainsi, sur les 4 mois considérés, le salarié a été absent de la société pendant 2 mois. En outre, la société ne justifie pas avoir «rappelé à l'ordre son salarié» sur cette problématique, le 14 novembre 2014 comme elle le prétend.

En ce qui concerne le grief n° 3, il est constaté que le salarié était en RTT du 13 décembre au 30 décembre 2014 et que le contrôle a eu lieu le 7 janvier 2015, soit peu de temps après (avec un jour férié et un we entre les deux) et qu'il avait par courrier en date du 21 octobre 2014 informé sa hiérarchie que durant son absence, le magasin avait été mal géré par le directeur adjoint (constat « d'anomalies dans tous les rayons »).

Ainsi, l'employeur n'établit pas que les constatations faites par le contrôleur le 7 janvier 2015 sont imputables à M. [B] [Z].

Le grief relatif au taux de démarque, avéré, ne peut à lui seul être constitutif d'une faute grave, la période d'observation concernée étant insuffisamment longue.

Ainsi, le licenciement de M. [B] [Z] doit-il être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ce chef.

9- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 2.504,07 euros.

9-1 Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à un mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 2.504,07 euros, outre la somme de 250,40 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé en ce qui concerne le quantum alloué.

9-2 Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige « Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. »

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [B] [Z], de son âge au jour de son licenciement (44 ans), de son ancienneté à cette même date (18 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il y a lieu de lui allouer la somme de 15.024,42 euros ( 6 mois de salaires) à titre de dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

10- Sur les intérêts légaux

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et sur le jugement pour les créances indemnitaires.

11- Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la SARL Karamel est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [B] [Z]. Il lui est alloué une somme de 2.000 euros de ce chef en cause d'appel.

La SARL Karamel est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Dit non prescrites et en conséquence recevables les demandes de dommages-intérêts pour irrégularités du contrat de travail, pour préjudice moral, pour défaut de visite médicale de reprise, la demande de voir juger nulle la convention de forfait en jours, de rappel de salaire fondée sur la différence de rémunération, de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents et de dommages-intérêts pour non respect des repos journaliers, hebdomadaires et des repos compensateurs non pris,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de M. [B] [Z] sans cause réelle et sérieuse, l'a débouté de ses demandes au titre de la convention de forfait en jours et de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, de sa demande de dommages-intérêts pour non réalisation de la visite médicale de reprise et sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Complète le jugement déféré et déboute M. [B] [Z] de ses demandes de dommages-intérêts pour non respect des repos journaliers, hebdomadaires et des repos compensateurs non pris,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [B] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'irrégularités du contrat de travail,

Condamne la SARL Karamel à payer à M. [B] [Z] les sommes suivantes :

- 48,84 euros à titre du rappel de salaire au titre de la classification,

- 2.504,07 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 250,40 euros pour les congés payés afférents,

- 15.024,42 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL Karamel à payer à M. [B] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute la SARL Karamel de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SARL Karamel aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03838
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;20.03838 ?
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