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16/11/2022 | FRANCE | N°20/01590

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 16 novembre 2022, 20/01590


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01590 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQA5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/03570



APPELANTE



SAS SOCIETE DE DISTRIBUTION AEROPORTUAIRE

[Adresse 6]
r>[Localité 2]

Représentée par Me Saïd SADAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305



INTIME



Monsieur [U] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Nico...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01590 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQA5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/03570

APPELANTE

SAS SOCIETE DE DISTRIBUTION AEROPORTUAIRE

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Saïd SADAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

INTIME

Monsieur [U] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 novembre 2015, M. [U] [V] a été engagé en tant que manager adjoint par la SAS société de distribution aéroportuaire.

La société de distribution aéroportuaire est spécialisée dans la vente de produits détaxés dans les zones aéroportuaires. Elle assure notamment, dans le cadre de contrats de concession, la gestion et l'exploitation de boutiques de duty free au sein des aérogares d'[Localité 4] et de [5].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216).

Le salarié a été convoqué le 30 août 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 13 septembre suivant.

Le 22 septembre 2017, il a été licencié pour faute grave au motif que, le 1er août précédent, alors que, en tant que manager adjoint, il n'est aucunement en charge de l'encaissement, il aurait favorisé un couple de clients en leur offrant deux flacons de parfum de 200 ml au prix de ceux de 100 ml en encaissant des flacons de cette contenance pour les remplacer ensuite par les flacons plus grands.

Le 13 novembre suivant, contestant ce licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 4 septembre 2019, a jugé le licenciement abusif, condamné la société de distribution aéroportuaire à payer 2.919,77 euros d'indemnité de préavis, 291,97 euros de congés payés afférents, 1.070,58 euros d'indemnité légale de licenciement, 17.518,62 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive, 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné à la société de distribution aéroportuaire de remettre les documents sociaux conformes, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société de distribution aéroportuaire aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, la société de distribution aéroportuaire a fait appel de cette décision qui avait été notifiée par le greffe le 14 précédent

Par conclusions adressées par le réseau privé virtuel des avocats le 9 avril 2020, la société de distribution aéroportuaire demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il rejette le surplus des demandes de M. [V], et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- juger que le licenciement pour faute grave est fondé ;

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [V] à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mai 2020, M. [V], demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société de distribution aéroportuaire à lui payer 1.070,58 euros d'indemnité légale de licenciement et 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile mais de l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société de distribution aéroportuaire à lui payer 23.358,16 euros de dommages- intérêts pour licenciement abusif ;

- condamner la société de distribution aéroportuaire à lui payer 5.839,54 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 583,95 euros de congés payés afférents ;

- condamner la société de distribution aéroportuaire à lui payer 1.046,77 euros de rappel de salaire au titre de la prime annuelle ;

- condamner la société de distribution aéroportuaire à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision ainsi que la prise en charge des éventuels dépens par la société appelante.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 juin 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié.

Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise. Cependant, il est constant que l'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 22 septembre 2017, qui fixe les limites du litige, M. [V] a été licencié pour faute grave au motif qu'il aurait favorisé un couple de clients en leur offrant deux flacons de parfum de 200 ml au prix de ceux de 100 ml en encaissant des flacons de cette contenance pour les remplacer ensuite par les flacons plus grands et ce alors que, en tant que manager adjoint, il n'est aucunement en charge de l'encaissement.

Le salarié conteste la matérialité comme la gravité des faits. Il souligne que, en cas de forte affluence et en l'absence d'auxiliaires de caisse, conditions qui étaient réunies le jour des prétendus faits, les managers peuvent procéder à des ventes contrairement à ce qu'indique son employeur. Il fait par ailleurs valoir que l'encaissement litigieux serait insuffisamment établi par les seules attestations versées aux débats et faute de production d'un inventaire complet, du journal de caisse de la journée et des images de la vidéo surveillance. Il ajoute qu'il n'aurait aucun intérêt à avoir commis les faits reprochés au regard de l'intéressement dont il bénéficiait sur les ventes et souligne qu'il n'a pas fait l'objet d'une mise à pied conservatoire ni du moindre avertissement en amont de cette sanction.

Cependant, il ressort du courriel du 7 août 2017 qu'un collègue de l'intimé a rapporté à sa hiérarchie que, le 1er août précédent, un couple était entré dans la boutique et s'était dirigé directement vers le manager adjoint alors que trois vendeurs étaient pourtant disponibles, que ce dernier a personnellement procédé à l'encaissement de quatre parfums en grande taille et ce en deux temps ce qui est inhabituel et a surpris les personnels présents, que, de ce fait, ces derniers sont allés regarder le chiffre d'affaire et ont vu que des bouteilles de 100 ml avaient été facturées alors que les clients étaient partis avec des bouteilles de plus grande taille.

Le message précise que les salariés sont certains que les bouteilles étaient plus grandes que 100 ml et que le contrôle des stocks fait apparaître trois flacons du parfum concerné en surnombre pour la taille de 100ml et manquants pour les flacons de 200 ml ce qui correspond, à une bouteille prêt, aux constatations visuelles.

Il ressort des échanges de courriels suivants que, loin de se précipiter, le destinataire de ce message a fait vérifier les stocks de manière plus approfondie ce qui contredit toute mesure de licenciement motivé par un autre motif. Il apparaît également que cette vérification confirme l'état du stock susmentionné.

Le déroulement des faits ainsi établi est confirmé par les tickets de caisse correspondant à la transaction en deux temps susmentionnée et par une attestation circonstanciée d'une salariée qui a vu l'encaissement litigieux, peu important que sa pièce d'identité ne soit pas fournie, la preuve de la faute grave étant libre.

En outre, un courriel de la responsable de M. [V] fait état de doutes sur la probité de ce dernier et différentes attestations mentionnent des comportements antérieurs ayant éveillé les soupçons de ses collègues (il reste seul en magasin, il y retourne seul pour un prétexte fallacieux...).

Ces éléments concordants démontrent suffisamment et sans qu'il puisse être fait grief à l'employeur de ne pas produire un inventaire complet, le journal de caisse de la journée et les images de la vidéo surveillance , d'une part, que le jour des faits des vendeurs étaient disponibles et que M. [V], manager adjoint, n'avait donc aucune raison d'encaisser les clients concernés et que, d'autre part, la transaction qu'il a opérée était frauduleuse puisque des flacons petits et moins chers ont été encaissés alors que les clients sont partis avec des flacons de grande taille.

Il est parfaitement envisageable qu'en procédant ainsi M. [V] ait souhaité favoriser le couple de clients qui a profité de son comportement, la démonstration d'un enrichissement personnel de M. [V] n'étant pas requise pour démontrer la faute grave.

Dès lors, au regard du caractère frauduleux de l'opération, de la valeur de la marchandise détournée (près de 115 euros) et de la qualité de manager adjoint du salarié, ces faits rendaient impossible le maintien de l'intimé dans l'entreprise peu important que ce dernier n'ait pas été préalablement sanctionné ou n'ait pas été mis à pied de manière conservatoire.

Le licenciement repose donc sur une faute grave ce qui prive le salarié de son droit à prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis, des congés payés afférents et d'éventuels dommages-intérêts pour rupture abusive.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il considère que la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse ainsi qu'en ce qu'il fait droit aux demandes de condamnations subséquentes.

2 : Sur la prime annuelle

L'article 3.6 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire stipule que les salariés ont droit au paiement d'une prime annuelle dont le versement pourra s'effectuer en une ou plusieurs fois au cours de l'année, que dans le cas où la prime est versée en plusieurs fois, le ou les versements précédant le solde constituent une avance remboursable si le salarié a quitté l'entreprise avant la date de versement du dit solde, que l'octroi de cette prime suppose d'être titulaire d'un contrat de travail en vigueur au moment du versement sauf départ ou mise à la retraite, appel sous les drapeaux, retour du service national, décès, licenciement économique ou départ en congé non rémunéré suspendant le contrat de travail ou retour d'un tel congé intervenant en cours d'année.

Par ailleurs, l'article 8 de l'accord d'entreprise prévoit le versement de cette prime le 31 décembre de chaque année.

Dès lors, alors que le salarié a été licencié le 22 septembre 2017, qu'il n'était pas dans les effectifs de la société le 31 décembre suivant, sans relever des exceptions susmentionnées, il ne pouvait prétendre au paiement de la prime annuelle pour l'année 2017.

La demande au titre de celle-ci sera donc rejetée et le jugement, qui n'a pas expressément statué sur ce point, complété en ce sens.

3 : Sur les autres demandes

Compte tenu du sens du présent arrêt, la demande au titre de la remise des documents de fin de contrat rectifiés est sans objet. Le jugement du conseil sera infirmé en ce qu'il l'ordonne.

Par ailleurs, M. [V], partie perdante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. La décision du conseil sera ainsi infirmée sur les dépens et par voie de conséquence sur les sommes allouées à M. [V] au titre de ses frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche de ne pas faire droit à la demande de l'employeur au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 4 septembre 2019 en toutes ces dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Juge le licenciement pour faute grave fondé ;

- Rejette les demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- Rejette la demande au titre de la prime annuelle ;

- Dit sans objet la demande de communication d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision ;

- Rejette la demande de la SAS société de distribution aéroportuaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [U] [V] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01590
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;20.01590 ?
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