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16/11/2022 | FRANCE | N°20/01559

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 16 novembre 2022, 20/01559


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01559 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPYB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06906



APPELANT



Monsieur [C] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représent

é par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504



INTIMEE



S.A.R.L. SOCIÉTÉ D'EXTERNALISATION DE TRANSPORT AUTOMOBILE (SETA)

[Adresse 2]

[Localité ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01559 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPYB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06906

APPELANT

Monsieur [C] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

INTIMEE

S.A.R.L. SOCIÉTÉ D'EXTERNALISATION DE TRANSPORT AUTOMOBILE (SETA)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-marc WASILEWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1244

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 16 novembre 2012 à effets au 19, M. [C] [P] a été engagé par la SARL Société d'externalisation de transport automobile (SETA) dont l'objet est le service de transport avec chauffeur en qualité de responsable commercial, qui emploie à titre habituel moins de onze salariés et applique la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport (IDCC 16).

Dans le dernier état de la relation de travail, le salaire moyen mensuel de M [P] était de 2.840,64 euros brut. Son contrat de travail prévoyait le versement d'une prime annuelle attribuée sur le volume du chiffre d'affaires apporté par ses soins à partir de 50.000 euros HT et le principe d'une discussion annuelle des objectifs.

Le 3 janvier 2018, M. [P] a refusé le poste de responsable planning qui lui était proposé. Il a également refusé de signer les objectifs commerciaux que son employeur lui avait fait connaître par courrier du 13 février suivant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 avril 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 24 suivant avec mise à pied conservatoire. Le 30 avril 2018, M. [P] a été licencié pour cause réelle et sérieuse en raison d'un manque de résultat et de son refus de signer les objectifs commerciaux de l'année 2018.

Le 18 septembre 2018, contestant ce licenciement et sollicitant le paiement d'heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, qui par jugement du 25 juin 2019, a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 20 février 2020, M. [P] a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 4 précédent .

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 juin 2022, il demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société SETA à lui payer 8.075,35 euros de rappel d'heures supplémentaires du 6 juillet 2015 au 1er avril 2018, outre 807,53 euros de congés payés afférents ;

- condamner la société SETA à lui payer 5.681,28 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société SETA à lui payer 17.043,84 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

- condamner la société SETA à lui payer 17.043,84 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- asortir les condamnations des intérêts légaux ;

- condamner la société SETA à lui payer 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juin 2022, la société SETA demande à la cour, confirmant le jugement et y ajoutant, de

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [P] à lui payer 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Par ailleurs, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la société intimée soutient que M. [P] ne relevait pas de ces dispositions dans la mesure où il aurait été soumis à un horaire collectif de travail à savoir du lundi au vendredi de 9 à 17 heures, moins une pause déjeuner d'une heure, ce qui l'aurait en tant qu'employeur dispensé d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective. Cependant, ni l'existence d'un horaire collectif de travail ni le fait que M. [P] y ait été personnellement soumis n'est établi en sorte qu'il convient de considérer que l'employeur devait se mettre en mesure de contrôler les horaires de travail de son salarié et que les dispositions susmentionnées sont applicables.

Or, le salarié soutient que son employeur l'a sollicité très régulièrement pour remplacer des chauffeurs, remplacements qui ont occasionné de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.

Au soutien de ses allégations, le salarié produit un tableau récapitulant les heures qu'il affirme avoir réalisées sans être rémunéré et qui mentionne ses heures de déjeuner, ses heures travaillées au bureau, ses heures de remplacement des chauffeurs et ses heures de récupération, deux courriers des 23 février et 4 mai 2018 aux termes desquels il fait état à son employeur d'heures effectuées au-delà de la durée légale, un tableau récapitulatif étant joint au premier courrier. Le salarié verse également aux débats l'ensemble des bons de missions qu'il devait remplir lors desdits remplacements, lesquels comportent les heures de rendez-vous, de prise en charge client, de dépose client et de fin de service et sont globalement compatibles avec le tableau produit.

Ce faisant, il présente des éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il soutient avoir travaillées au-delà de la durée légale et sans être payé pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des horaires de travail, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, ce dernier, qui se contente de critiquer les pièces communiquées sans produire ses propres éléments, est défaillant sur ce point, étant souligné que le dernier état du tableau communiqué par le salarié prend en compte les récupérations établies par son employeur et que rien ne conforte les allégations de la société sur les récupérations supplémentaires invoquées qu'il lui incombe d'établir.

Par ailleurs, il ressort des dispositions conventionnelles que le temps de travail effectif des conducteurs comprend les temps de conduite, les temps de travaux annexes et les temps à disposition et que les temps de conduite sont toutes les périodes consacrées à la conduite de véhicules professionnels en sorte que, si le salarié utilisait un véhicule de service pour les trajets de son domicile jusqu'au lieu de rendez-vous avec les clients, ces temps de trajet doivent être comptabilisés comme temps de travail comme c'est le cas dans le tableau produit.

Il convient donc de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont été accomplies sans être payées, étant rappelé que le paiement de primes ne saurait se substituer au paiement des heures supplémentaires effectuées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties et examen de leurs arguments respectifs, il n'y a pas lieu de remettre en cause le dernier tableau du salarié et il convient de condamner l'employeur, conformément à celui-ci, au paiement de 8.075,35 euros de rappel d'heures supplémentaires du 6 juillet 2015 au 1er avril 2018, outre 807,53 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande à ce titre.

2 : Sur la rupture du contrat de travail

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, l'insuffisance professionnelle, définie comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement. Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur. En outre l'insuffisance de résultats ne constitue pas à elle seule une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle ne peut constituer un motif de licenciement que si elle a pour origine une insuffisance professionnelle ou une faute du salarié. Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance de résultats doit être importante et persistante et les objectifs fixés par l'employeur doivent présenter un caractère réaliste c'est-à-dire correspondre à des normes sérieuses et raisonnables. En l'absence d'objectifs fixés, le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle en raison de la non-réalisation des objectifs est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, le 30 avril 2018, le salarié été licencié aux termes d'un courrier ainsi rédigé :'Vous avez été recruté au sein de notre entreprise le 19 novembre 2012. Suite à l'entretien d'embauche classique, vous avez accepté vos différentes tâches en signant votre contrat de travail et la description du poste, contenant les différentes tâches que vous aviez librement acceptées. Nous vous avions confié les fichiers clients, des contacts clients à relancer et laisser libre cours à vos initiatives pour trouver de nouveaux clients afin de contribuer au développement de votre entreprise. Ce développement était rémunéré par votre salaire de base ainsi qu'un intéressement rediscutable chaque année (voir article 5 du contrat de travail), ainsi que les objectifs. La société a déménagé en date du 1er janvier 2016 afin de vous laisser plus d'espace par l'octroi d'un bureau particulier sans aucune promiscuité pour vous permettre ainsi de vous concentrer sur vos tâches, nos anciens locaux étant trop petits pour vous permettre d'accomplir correctement vos tâches. Les points commerciaux que nous faisons régulièrement ont amené des manques, défaillances et dérives dans vos méthodes commerciales et nous vous en avons alerté à plusieurs reprises. Pendant ce temps, notre entreprise se développait mais pas grâce à vos apports commerciaux car au bout de cinq ans de collaboration, sur un chiffre d'affaires de 1.035.000 euros réalisé en 2017, vous ne représentez que 105.000 euros. Cette conduite commerciale met en cause la bonne marche de l'entreprise. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du mardi 24 avril 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à votre sujet, en effet vous n'avez fait que nous reprocher :

- un manque de moyens et de nouveaux outils de travail,

- que les objectifs que nous vous demandons étaient irréalisables (50.000 euros de nouveaux clients par an...) en plus des anciens. (soit 200.000 à fin 2017 !),

- nos fichiers Excel étaient 'archaïques'

- et que nos tarifs étaient trop chers alors que nous les avions déjà baissés à votre demande, passant d'un tarif dit 'affaire' à un tarif dit 'volume' plus bas de 25% et ce depuis 2014.

Devant ces arguments, nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier aux motifs de manque de résultats et refus des objectifs 2018.'

Il ressort de ce courrier que M. [P] a été licencié, d'une part, pour une insuffisance de résultats voire une insuffisance professionnelle et, d'autre part, un refus considéré comme fautif de signer les objectifs qui lui étaient assignés.

Concernant le premier grief à savoir l'insuffisance de résultats, en l'absence d'objectifs fixés que ce soit unilatéralement ou de façon négociée, le grief ne saurait être constitué. S'agissant d'une éventuelle insuffisance professionnelle tenant à une insuffisante contribution à la croissance du chiffre d'affaire, à des manques, défaillances et dérives dans ses méthodes commerciales sur lesquels il aurait été 'alerté à plusieurs reprises', celle-ci est insuffisamment établie par les seuls rapports d'activité annuels produits, le compte-rendu d'activité et le détail du chiffre d'affaire généré dans la mesure où aucun objectif n'est communiqué, où le chiffre d'affaire réalisé par le salarié sur les années pleines a régulièrement augmenté, où le chiffre cible mentionné au contrat de travail de 50.000 euros HT a été dépassé quatre années pleines sur cinq et quasiment atteint la cinquième, où aucun entretien d'évaluation n'est communiqué, où aucun rappel à l'ordre antérieur à la rupture n'est démontré, où aucun éventuel point de comparaison n'est produit et où, au surplus, le salarié était très souvent affecté à des tâches de remplacement de chauffeur en sorte qu'il était moins disponible pour la prospective commerciale pour laquelle il avait été embauché. Ce grief doit donc être écarté.

Le second grief tient au refus, présenté comme fautif, du salarié de signer ses objectifs, celui-ci devant, d'après l'employeur, s'analyser en un acte d'insubordination. Cependant, si la fixation unilatérale des objectifs relève effectivement du pouvoir de direction de l'employeur, au cas présent, le contrat de travail prévoit une discussion des parties sur ceux-ci. Par ailleurs, la fixation unilatérale des objectifs suppose que ceux-ci soient réalistes ce qui n'est aucunement établi en l'espèce puisque, alors le seuil de déclenchement de la rémunération variable était fixé à 50.000 euros dans le contrat, il est désormais de 250.000 euros soit cinq fois plus. En outre, alors que le paiement de la partie variable de la rémunération constitue un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié, au cas présent, le refus du salarié, qui trouve son origine dans une modification unilatérale de son contrat résultant d'une augmentation des objectifs susceptible d'avoir une répercussion sur la part variable de sa rémunération, n'est pas fautif et ne peut donc fonder un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Ce second grief n'est donc pas davantage établi.

Il ressort de ce qui précède que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Au jour de son licenciement le 30 avril 2018, M. [P] était âgé de 57 ans. Il avait une ancienneté de cinq ans et cinq mois. Dans cette hypothèse et en application de l'article L.1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié des dommages et intérêts pour rupture abusive à la charge de l'employeur compris entre 1,5 et 6 mois de salaire.

Au regard de l'absence de retour à l'emploi du salarié depuis son licenciement et de son employabilité, la somme de 13.000 euros lui sera allouée à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande à ce titre.

3 : Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Au soutien de sa demande indemnitaire pour violation de cette obligation d'exécution loyale, le salarié fait valoir que son employeur n'a pas rémunéré l'intégralité de ses heures supplémentaires et a tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail.

Cependant, en l'absence de preuve d'un préjudice distinct du simple retard dans le paiement des heures supplémentaires compensé par les intérêts légaux ou de celui d'ores et déjà réparé par les dommages et intérêts pour licenciement abusif, la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

4 : Sur le travail dissimulé

L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, la preuve de la matérialité du non-paiement des heures supplémentaires est apportée.

Cependant, alors que le salarié récupérait régulièrement les heures supplémentaires effectuées, l'employeur pouvait légitimement croire que cette récupération compensait l'ensemble des heures effectuées dont il n'est pas suffisamment établi qu'il connaissait le détail de sorte que le caractère volontaire de la dissimulation d'activité n'est pas avéré et l'élément intentionnel manquant.

La demande indemnitaire au titre du travail dissimulé sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

5 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et du présent arrêt pour le surplus.

6 : Sur les autres demandes

La décision de première instance sera infirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, la société SETA supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée au paiement de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de l'appelant.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 25 juin 2019 sauf en ce qu'il rejette les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale et d'indemnité pour travail dissimulé ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la SARL société d'externalisation de transport automobile (SETA) à payer à M. [C] [P] 8.075,35 euros de rappel d'heures supplémentaires du 6 juillet 2015 au 1er avril 2018, outre 807,53 euros de congés payés afférents ;

- Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la SARL société d'externalisation de transport automobile (SETA) à payer à M. [C] [P] 13.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et du présent arrêt pour le surplus ;

- Condamne la SARL société d'externalisation de transport automobile (SETA) à payer à M. [C] [P] 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SARL société d'externalisation de transport automobile (SETA) aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01559
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;20.01559 ?
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