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16/11/2022 | FRANCE | N°20/01498

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 16 novembre 2022, 20/01498


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01498 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPNO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/0199



APPELANTE



S.A.S. ISS FACILITY SERVICES anciennement dénommée ISS PROPRETE


[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050



INTIMES



Monsieur [M] [D]

[Adresse 4]

[Localité 8]

R...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01498 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPNO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/0199

APPELANTE

S.A.S. ISS FACILITY SERVICES anciennement dénommée ISS PROPRETE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

INTIMES

Monsieur [M] [D]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Jérémie JARDONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1987

S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [V] [J], es qualité de liquidateur de la Société CLEANEVENT FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Hubert MARTIN DE FREMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411

Association AGS CGEA IDF OUEST UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST Association déclarée, représentée par sa Directrice, dûment habilitée [E] [W],

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS :

Par contrat de travail à durée déterminée du 20 août 2016 puis indéterminée, M. [M] [D] a été engagé par la SAS Cleanevent France en qualité de chef d'équipe/agent de nettoyage.

Dans le dernier état de la relation de travail, son salaire mensuel brut moyen était de 3.164,54 euros.

A compter du 1er août 2018, la SAS ISS Propreté devenue depuis SAS Facility Services a repris le marché de nettoyage du site du [Adresse 9] succédant ainsi à la société Cleanevent France.

Cette dernière a été placée en liquidation judiciaire le 27 novembre 2018, la SCP BTSG prise en la personne Me [V] [J] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Le 11 janvier 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir juger que son contrat de travail avait été transféré de la société Cleanevent à la société ISS Propreté devenue ISS Facility Services le 1er août 2018, de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de celle-ci et d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes salariales et indemnitaires. A titre subsidiaire, il formulait les mêmes demandes à l'encontre de la société Cleanevent France avec fixation au passif de cette société des condamnations demandées.

Par jugement du 19 juillet 2019, le conseil a jugé que le contrat de travail avait été transféré à la SAS ISS Propreté devenue ISS Facility Services le 1er août 2018, prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de cette dernière au 19 juillet 2019 et condamné celle-ci à payer 6.329,08 euros d'indemnité de préavis, 632,91 euros de congés payés afférents, 2.307,48 euros d'indemnité légale de licenciement, 9.493,62 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 36.814,14 euros de rappel de salaire d'août 2018 au 19 juillet 2019, 3.681,41 euros de congés payés afférents, 1.500 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral. Il a également ordonné à la SAS ISS Propreté devenue ISS Facility Services de remettre à M. [D] des bulletins de paie conformes depuis le mois d'août 2018. Le conseil a jugé irrecevables les demandes en garantie de la société ISS Propreté devenue Facility Services à l'égard du mandataire liquidateur de la société Cleanevent France et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, la société ISS Facility Services a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 23 janvier précédent.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 août 2020, elle demande à la cour :

- principalement, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre et de la mettre ainsi hors de cause ;

- subsidiairement, d'ordonner à la société Cleanevent France de garantir le montant des condamnations prononcées à son encontre ;

- le cas échéant, de fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Cleanevent la moitié des condamnations, dans le cadre d'une obligation in solidum avec elle-même ;

- en tout état de cause, de fixer le montant du salaire mensuel brut de référence à 430,12 euros, de fixer le montant du rappel de salaire pour la période d'août 2018 à avril 2019 à 3.781,08 euros brut, de fixer le montant de l'indemnité de licenciement à hauteur de 322,29 euros, de fixer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à 860,24 euros brut et les congés payés y afférents à 86,024 euros brut, de fixer le montant des dommage-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 1.290,36 euros brut, de débouter M. [D] de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros pour préjudice moral, exécution déloyale et non paiement des salaires et de rejeter la demande d'astreinte ;

- condamner la SCP BTSG en la personne de Maître [V] [J] ès qualité de liquidateur de la société Cleanevent au paiement d'une somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juillet 2021, M. [D] demande à la cour :

- à titre principal de confirmer le jugement sauf sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail et, l'infirmant sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant, de condamner la société ISS Facility Services à lui payer 15.822,70 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 5.000 euros à titre de dommage-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral, condamner la société ISS Facility Services à lui remettre ses documents de fin de contrat conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour et par document de retard, condamner la société ISS Facility Services à lui payer 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ordonner la capitalisation des intérêts, condamner la société ISS Facility Services aux dépens et débouter cette dernière de l'intégralité de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, en cas d'infirmation sur le transfert du contrat, de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Cleanevent France avec les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, fixer au passif de la liquidation les sommes de 6.329,08 euros d'indemnité compensatrice de préavis, de 632,91 euros de congés payés afférents, de 2.307,48 euros d'indemnité légale de licenciement, de 9.250 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 36.814,14 euros de rappel de salaire d'août 2018 au 19 juillet 2019, de 3.681,41 euros de congés payés afférents, de 5.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral, exécution déloyale du contrat de travail et non-paiement des salaires, de juger que le jugement à intervenir sera opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest, d'ordonner la remise des bulletins de salaire conformes depuis le mois d'août 2018 ainsi que la remise des documents de fin de contrat, sous astreinte de 500 euros par document et par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, d'ordonner la capitalisation des intérêts, condamner la SCP BTSG en la personne de Maître [V] [J] ès qualité de liquidateur de la société Cleanevent France et débouter cette dernière de l'intégralité de ses demandes à son encontre.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 août 2020, la SCP BTSG demande à la cour :

- à titre principal, de confirmer le jugement et de rejeter l'ensemble des demandes du salarié formées à son endroit, juger que les demandes de condamnation en garantie formulées par la société ISS Facility services relèvent de la compétence du tribunal de commerce et sont irrecevables et, en tout état de cause, mal fondées et débouter la société ISS Facility services de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d'exécution ;

- à titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement et de prononcé de la résiliation à ses torts, de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, réduire le quantum des demandes formulées au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire brut, conformément aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, débouter le salarié de l'ensemble de ses autres demandes, fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société, dire que les sommes fixées sont brutes de charges et cotisations sociales et juger que le jugement de liquidation judiciaire a définitivement arrêté le cours des intérêts.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mars 2020, l'association AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour :

- principalement, de confirmer le jugement entrepris, de rejeter l'ensemble des demandes du salarié formées contre la société Cleanevent France, de juger que les demandes de condamnation en garantie formulées par la société ISS Faciliity services relèvent de la compétence du tribunal de commerce et sont irrecevables et, en tout état de cause, mal fondées ;

- subsidiairement, si le jugement devait être infirmé sur le transfert, de rejeter néanmoins les demandes à l'endroit de la société Cleaneavent France ou, à tout le moins de limiter les dommages-intérêts pour licenciement abusif à trois mois de salaire ;

- en tout état de cause, sur sa garantie, de juger que celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites légales et d'un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail, qu'elle ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L.3253-8 du même code, les astreintes, dommages-intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de sa garantie et statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 3 octobre 2022

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur le transfert du contrat et les demandes dirigées contre l'entreprise entrante

En application des articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté, les contrats de travail des salariés affectés sur le marché transféré depuis au moins six mois à la date d'expiration du contrat commercial transféré à un nouveau prestataire se poursuivent au bénéfice de l'entreprise entrante. En outre, sur demande de l'entreprise entrante, l'entreprise sortante lui transmet l'ensemble des documents nécessaires à l'établissement d'un avenant prévoyant la continuation du contrat selon les mêmes modalités. La société sortante transmet pour chaque salarié concerné la copie des six derniers bulletins de paie, la dernière fiche d'aptitude médicale, la copie du contrat de travail et, le cas échéant de ses avenants, l'autorisation de travail des travailleurs étrangers ainsi que, le cas échéant, l'autorisation de l'inspecteur du travail pour les salariés protégés.

Lorsque la carence de l'entreprise sortante dans la transmission des renseignements ainsi prévus met l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché, le contrat n'est pas transféré. Il appartient dans ce cas au juge d'apprécier si l'éventuelle insuffisance des éléments fournis, que la société sortante a la charge de prouver avoir transmis, rendait impossible la reprise effective du marché.

Au cas présent, alors que la société entrante produit un courrier aux termes duquel elle indique à la société sortante que le salarié intimé n'était pas, aux termes du contrat de travail transmis affecté sur le site du [Adresse 9], ce qui faisait obstacle au transfert de son contrat, la société Cleanevent France, qui en a la charge, ne justifie pas avoir envoyé à la société ISS Facility services un éventuel avenant au contrat faisant état de l'affectation contestée.

Or, l'absence d'envoi de ce document rendait impossible le transfert du contrat puisqu'une condition nécessaire à celui-ci n'apparaissait pas remplie, étant souligné qu'il n'appartient pas à l'entreprise entrante d'apporter la preuve qu'elle n'a pas reçu les éléments nécessaires au transfert ni que le salarié ne remplit pas les conditions du transfert.

En outre, la société appelante ne saurait se voir opposer des éléments produits par le salarié

postérieurement à la reprise du site pour tenter de prouver qu'il remplissait les conditions du transfert, alors même que la preuve des conditions du transfert ne pèse que sur la société sortante préalablement à la date de la reprise.

Ainsi, le contrat n'a pas été transféré à la société ISS Facility services de sorte que les demandes formées à son encontre ne pourront qu'être rejetées et le jugement qui la condamne infirmé en toutes ses dispositions.

Au regard de sa mise hors de cause, les demandes en garantie formées par l'entreprise entrante à l'égard de l'entreprise sortante sont par ailleurs sans objet.

2 : Sur la résiliation judiciaire du contrat

Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis et d'une gravité suffisante et s'ils ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie. Il incombe au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail de supporter la charge de la preuve des manquements graves de l'employeur dont il fait état.

Au cas présent, il ressort de ce qui précède que la société Cleanevent France ne justifie pas avoir procédé à la transmission des documents qui lui incombait pour permettre le transfert du contrat ni avoir continué de fournir du travail au salarié.

Dès lors, s'agissant d'un manquement rendant impossible la poursuite du contrat tant au sein de l'entreprise sortante qui a perdu le marché que de l'entreprise entrante à qui le contrat n'a pas été transféré, il convient d'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société sortante.

S'agissant de la date de prise d'effet de la résiliation, il est constant que celle ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

Il incombe en outre à l'employeur de démontrer que le salarié n'était plus à son service.

Au cas présent, cette preuve n'étant pas apportée, il convient de prononcer la résiliation aux torts de la société Cleanevent avec effet à la date du jugement la prononçant le 19 juillet 2019.

Le jugement sera complété en ce sens.

3 : Sur les conséquences financières de la rupture

3.1 : Sur les rappels de salaire

La preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur. En outre, sauf à prouver que le salarié ne se tenait pas à sa disposition, charge qui lui incombe contrairement à ce qu'il soutient, l'employeur doit rémunérer ce dernier peu important qu'il ne lui ait pas fourni pas de travail.

Il convient dès lors de fixer au passif de la société Cleanevent France la somme de 36.814,14 euros brut de rappel de salaire d'août 2018 au 19 juillet 2019, de 3.681,41 euros brut de congés payés afférents

La décision du conseil sera complétée en ce sens.

3.2 : Sur la rupture du contrat et ses conséquences financières

3.2.1 : Sur l'indemnité de préavis

Au regard de l'ancienneté du salarié, celui-ci pouvait prétendre à une indemnité de préavis de deux mois, soit 6.329,08 euros brut, outre 632,91 euros de congés payés afférents. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation.

Le jugement sera complété en ce sens.

3.2.2 : Sur l'indemnité légale de licenciement

Au regard de l'ancienneté du salarié, le montant de l'indemnité légale de licenciement est de 2.307,48 euros brut. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation.

Le jugement sera complété en ce sens.

3.2.3 : Sur l'indemnité de rupture

Il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail comme violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable dans la mesure où, d'une part, le barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail puisqu'il est dissuasif et qu'il permet une indemnisation raisonnable du salarié, où, d'autre part, le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l'application du barème au regard de cette convention internationale et où, enfin, la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct.

Dès lors, en application de l'article L1235-3 susmentionné, au regard de l'ancienneté du salarié et de son préjudice, il lui sera alloué 9.493,52 euros, soit le minimum de trois mois de salaire, à titre d'indemnité de rupture.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation.

Le jugement sera complété en ce sens.

4 : Sur le préjudice moral

En l'absence de preuve d'un préjudice moral résultant d'une exécution déloyale du contrat ou d'un préjudice tenant au retard dans le paiement des salaires ou la remise des documents sociaux, la demande à ce titre sera rejetée et le jugement complété en ce sens.

5 : Sur la garantie de l'association AGS CGEA IDF Ouest

Le présent arrêt est opposable à l'association AGS CGEA IDF Ouest dans les limites de sa garantie et des plafonds légaux ou réglementaires.

6 : Sur les intérêts

Il est de principe que les intérêts sur les créances salariales courent à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du jugement qui les prononce lorsqu'elles sont confirmées en cause d'appel. Cependant, il résulte des articles L622-3 et L621-48 du code du commerce que le jugement de liquidation judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels.

En l'espèce, la société Cleanevent France a été placée en liquidation judiciaire par décision antérieure à la saisine du conseil en sorte que la demande à son encontre au titre des intérêts et de leur capitalisation ne pourra qu'être rejetée.

7 : Sur les demandes accessoires

Il convient d'ordonner à la SCP BTSG en la personne de Maître [V] [J] ès qualité de mandataire liquidateur de remettre les bulletins de paie rectifiés et les documents de fin de contrat sous quinzaine de la signification de la décision mais ce, sans qu'il y ait lieu à astreinte, la demande en ce sens devant être rejetée.

Partie perdante, la SCP BTSG en la personne de Maître [V] [J] ès qualité de mandataire liquidateur supportera les dépens de la première instance comme de l'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 19 juillet 2019 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Rejette l'ensemble des demandes formées contre la SAS ISS Propreté devenue SAS ISS Facility Services ;

- Dit sans objet l'appel en garantie de la SAS ISS Propreté devenue SAS ISS Facility Services à l'encontre de la SAS Cleanevent France ;

- Ordonne la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS Cleanevent France avec effets au 19 juillet 2019 ;

- Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Cleanevent France la somme de 36.814,14 euros brut de rappel de salaire d'août 2018 au 19 juillet 2019, outre 3.681,41 euros brut de congés payés afférents ;

- Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Cleanevent France la somme de 6.329,08 euros brut d'indemnité de préavis, outre 632,91 euros brut de congés payés afférents ;

- Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Cleanevent France la somme de 2.307,48 euros brut d'indemnité légale de licenciement ;

- Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Cleanevent France la somme de 9.493,52 euros d'indemnité de rupture ;

- Rejette la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, de l'exécution déloyale ou du retard ;

- Dit que la décision est opposable à l'association AGS CGEA IDF Ouest dans les limites de sa garantie et des plafonds ;

- Rejette la demande au titre des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

- Ordonne à la SCP BTSG en la personne de Maître [V] [J] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS Cleanevent France de remettre des bulletins de paie rectifiés et les documents de fins de contrat sous quinzaine de la signification du présent arrêt ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles de première instance comme d'appel ;

- Condamne la SCP BTSG en la personne de Maître [V] [J] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS Cleanevent France aux dépens de première instance comme d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01498
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;20.01498 ?
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