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16/11/2022 | FRANCE | N°20/01496

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 16 novembre 2022, 20/01496


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01496 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPNC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F19/00028



APPELANTE



SAS S-PASS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Re

présentée par Me Gabriel RENY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1801



INTIME



Monsieur [N] [J]

[Adresse 3])

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurore CHAMPION,...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01496 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPNC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F19/00028

APPELANTE

SAS S-PASS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gabriel RENY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1801

INTIME

Monsieur [N] [J]

[Adresse 3])

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurore CHAMPION, avocat au barreau de MELUN, toque : M71

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [N] [J], né le 1er juillet 1985, a été engagé par la société S-PASS, par un contrat de professionnalisation à compter du 9 octobre 2017 jusqu'au 30 juin 2018, en qualité de maître-nageur sauveteur.

L'employeur a pour activité la gestion de centres aquatiques et de loisir pour le compte des collectivités territoriales et de certaines administrations.

M. [N] [J] était affecté au centre aquatique Citésports à [Localité 6] situé au sein d'un complexe militaire, le camp Guynemer. Le [Adresse 5] avait confié la gestion de ce centre à l'employeur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels (IDCC 1790).

Par lettre datée du 30 mars 2018, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 avril 2018 en vue d'un éventuel licenciement.

Celui-ci lui a été notifié pour faute grave par lettre du 23 avril 2018.

Contestant cette sanction et réclamant en particulier diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour rupture abusive et des rappels de salaires, M. [J] a saisi le 11 février 2019 le conseil de prud'hommes de Fontainebleau qui, par jugement du 11 février 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SA S-PASS à payer à M. [J], avec intérêts au taux légal, les sommes suivantes :

- 721,00 euros d'indemnité de précarité pour la période du 9 octobre 2017 au 23 avril 2018,

- 3.993,00 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive incluant les congés payés et l'indemnité de fin de contrat,

-1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

La décision a de plus ordonné à la SA S-PASS de rectifier le certificat de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les 15 jours de la notification de la décision, débouté la SA S-PASS de sa demande reconventionnelle et condamné la SA S-PASS au paiement des entiers dépens afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

Par déclaration du 19 février 2020, la société S-PASS a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 11 février 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 décembre 2020, la société S-PASS, appelante, demande à la cour de :

- déclarer justifiée la rupture anticipée du contrat de professionnalisation de M. [N] [J],

- débouter M. [N] [J] de toutes ses demandes, y compris ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il s'est abstenu de condamner la société S-Pass à verser à M. [J] une indemnité compensatrice de congés payés,

A titre subsidiaire,

- dire que M. [N] [J] ne peut prétendre à aucune indemnité de précarité au titre de la période non travaillée de son contrat de travail,

- dire que Monsieur [N] [J] ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice de congés payés au titre de la période non travaillée de son contrat de travail,

- dire que le certificat de travail ne peut pas être modifié,

En conséquence, l'appelant demande :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société S-Pass à verser à M. [J] une indemnité de précarité et une indemnité compensatrice de congés payés, toutes deux afférentes à la période non travaillée de son contrat à durée déterminée et à modifier son certificat de travail et en ce qu'il a prononcé une astreinte,

A titre infiniment subsidiaire, l'appelant demande :

- de dire que le jugement entrepris n'ayant pas précisé en quoi le certificat de travail était erroné, aucune astreinte ne pouvait être prononcée,

En conséquence,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé une astreinte,

En tout état de cause, il entend voir :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Monsieur [J] une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner [N] [J] à verser à la société S-Pass la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner [N] [J] en tous les dépens.

Dans ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 septembre 2020, M. [J], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

- de condamner la société S-PASS à payer à M. [N] [J] la somme de 102 (cent deux) euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés restant dus,

- d'ordonner que les condamnations relatives aux rappels de salaires, à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés y afférents et à l'indemnité de licenciement porteront intérêt au taux légal à compter de la date de saisine du conseil avec capitalisation des intérêts par périodes annuelles,

- de condamner la société S-PASS à payer à M. [N] [J] la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre des frais irrépétibles pour la cause d'appel,

- de condamner la société S-PASS aux dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 septembre 2022, 13h30.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le licenciement

La société S-PASS fait grief au salarié d'avoir méconnu la limitation de vitesse de 30 km heures imposée par l'Armée, propriétaire du site, et d'avoir contourné l'interdiction infligée par cette même administration d'entrer en voiture au sein du site à bord d'un véhicule, malgré le blocage de son badge d'accès, en utilisant celui de son père, client de la piscine, les 10, 11 et 12 mars 2018. L'employeur souligne qu'il ne connaissait pas auparavant les problèmes de santé du salarié qui ne l'informait pas sur ce point, de sorte qu'il ne peut être reproché à la société de s'être séparé de l'intéressé de ce fait.

M. [N] [J] soutient au contraire que la société S-PASS a voulu se défaire de lui en raison de sa santé liée à une hernie discale qui a donné lieu à un avis d'aptitude avec réserve le 24 janvier 2018. Sur les fautes qui lui sont imputées, le salarié objecte qu'il ne saurait lui être opposé des agissements intervenus non au cours de l'exécution du contrat de travail mais pendant le temps de trajet, que les excès de vitesse prétendus ont eu lieu sur la voie publique, de sorte qu'ils ne pouvaient être constatés que par procès-verbaux de contravention susceptibles d'être contestés contradictoirement en justice, que la vitesse qui lui est reprochée n'est pas précisément connue, qu'aucun retrait de son autorisation d'accès ne lui a été notifié par écrit, de sorte qu'il n'en a pas eu connaissance au moment où il a utilisé le badge de son père pour pallier ce qu'il pensait être un dysfonctionnement du sien. En tout état de cause, il estime la sanction disproportionnée, notamment du fait de l'absence danger créé par des excès de vitesse minimes, alors que les cyclistes circulaient sur des pistes cyclables.

Sur ce

Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié d'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Les fautes commises par le salarié pendant le temps de trajet constituent un motif de licenciement s'ils sont de nature à perturber le fonctionnement de l'entreprise.

Aux termes de l'article R 110-1 du Code de la route, l'usage des voies ouvertes à la circulation publique est régi par les dispositions du présent code. Il en est de même de l'usage des voies non ouvertes à la circulation publique, lorsqu'une disposition de ce code le prévoit.

Le site du Centre National Sport Défense, lieu privé constituant l'environnement de la piscine où travaillait l'intéressé, n'était pas ouvert à la circulation publique comme en témoignent les photographies versées aux débats. Ce site se présente à l'entrée comme un lieu privé puisque le nom 'Centre National Sport Défense' est inscrit en très gros caractères, il est enceint par une clôture et des barrières mobiles de fermeture s'ouvrant à l'aide d'un badge d'autorisation délivré par l'autorité militaire en restreint l'entrée aux personnes autorisées.

Dés lors le salarié devait se soumettre au règlement intérieur de ce lieu privé avec d'autant plus de soins, que le Centre National Sport Défense était donneur d'ordre de son employeur.

Le dépassement imputable à M. [N] [J] de la vitesse maximale autorisée par le Centre National Sport Défense de 30 kilomètres heures au sein de l'enceinte est avéré le 18 décembre 2017 et le 7 mars 2018 par les échanges de courriels entre la société chargée de l'accueil sur le site, la société Acceuil Partenaires, la société S-PASS et le salarié lui-même qui ne les contestait pas se bornant à les minimiser en disant avoir roulé à 50 kilomètres heures. Est pareillement démontré l'interdiction qui lui a été faite le 8 mars d'accéder en véhicule sur le site pendant huit jours avec blocage de son badge. Il a accusé réception par courriel du même jour de la notification de cette interdiction.

Le salarié évoque lui-même dans un message avec son employeur le lien entre la limitation de vitesse et la fréquentation des lieux par des enfants et des cyclistes, puisqu'il tente de limiter sa responsabilité quant au danger de sa vitesse excessive, en invoquant la faible fréquentation des lieux le jour de son excès vitesse du 8 mars.

L'usage par le salarié du badge de son père pour pénétrer dans l'enceinte est établi par le faisceau d'indices suivants :

- selon les relevés de badgeage, l'usage du badge du père du salarié correspondait aux heures de début et de fin de travail de M. [N] [J] les 10 et 11 mars 2018,

- le 12 mars il n'a pu entrer à l'heure de son début de fonctions, car le badge de son père prévu pour les clients, ne fonctionnait pas en dehors des heures d'ouverture de la piscine ; seule l'aide de l'agent d'accueil a pu lui permettre d'entrer avec sa voiture ;

- dans un courriel du 15 mars 2018 il a déclaré accepter une entrevue avec le lieutenant colonel gérant le CNSD pour s'excuser de son initiative concernant 'son accès véhicule'.

Ainsi, non seulement le salarié a violé par deux fois sciemment le règlement intérieur du site en mettant en danger la sécurité des tiers, cyclistes et enfants qui fréquentaient ces lieux, mais il a tenté de se soustraire à la sanction qui a suivi en utilisant des manoeuvres trompeuses caractérisant une insubordination par trois fois.

S'il est vrai qu'un avis d'aptitude du 24 janvier 2018 a émis des réserves sur l'état de santé de l'intéressé puisqu'il est ainsi libellé : 'Pas d'activité sportive, ni port de charge lourde pendant un mois à compter de ce jour. Peut suivre une formation théorique', qu'il a fait l'objet d'arrêt maladie et que le salarié est revenu sur son état de santé dans des courriels d'ailleurs postérieurs aux faits de la cause, des 15 mars 2018 et du 20 mars 2018, la gravité des manquements répétés de M. [N] [J] ne permettent pas d'admettre que la cause de la rupture réside dans la volonté de se défaire de lui pour un motif d'ordre médical.

En effet, son attitude qui mettait en danger tant la sécurité de tiers, que les relations entre la société S-PASS et le propriétaire du site et qui traduisait un mépris des injonctions de l'employeur et de l'Armée rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Par suite le licenciement pour faute grave est caractérisé et seront rejetées les demandes subséquentes en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive et de l'indemnité de précarité, et la délivrance de documents de fin de contrat conformes à la décision attendue.

Sur l'indemnité de congés payés

M. [N] [J] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 102 euros restant due sur la somme de 265, 30 euros d'indemnité de congés payés qui ne lui a été pas été intégralement versée.

Comme le relève à juste titre la société S-PASS la reprise de la somme de 101,72 euros sur cette indemnité, dont le montant n'est pas contesté, s'explique par le trop perçu figurant sur le bulletin de paie d'avril 2018. En conséquence, le salarié sera débouté de cette demande.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner le salarié qui succombe au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens. En revanche l'intéressé sera débouté de sa propre demande de ces chefs.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré ;

Rejette l'ensemble des demandes de M. [N] [J] ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de M. [N] [J] en paiement d'un complément d'indemnité de congés payés ;

Condamne M. [N] [J] à payer à la société S-PASS la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] [J] aux dépense de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01496
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;20.01496 ?
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