RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09268 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASKN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F13/18425
APPELANT
Monsieur [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Florence AGOSTINI BEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1837
INTIMÉE
SAS BS BATTERY
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Blandine DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : L0165
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 mars 2006, M. [W] a été engagé en qualité de chef de projet, statut cadre, par la société COFINAS, aux droits de laquelle est venue la société IAC-COFINAS et désormais la société BS BATTERY.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 août 2010, M. [W] a été licencié suivant courrier recommandé du 26 août 2010.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [W] a saisi la juridiction prud'homale le 24 décembre 2013.
Par jugement du 20 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- condamné la société BS BATTERY à payer à M. [W] les sommes suivantes :
- 34 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
- débouté la société BS BATTERY de sa demande reconventionnelle,
- condamné la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 16 septembre 2019, M. [W] a interjeté appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, M. [W] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a limité à la somme de 34 000 euros le montant des dommages-intérêts pour rupture abusive et en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes et, statuant à nouveau,
- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dire que la convention de forfait en jours est nulle,
- condamner la société BS BATTERY au paiement des sommes suivantes :
- 75 484,01 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 7 548,40 euros au titre des congés payés y afférents,
- 33 216,42 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
- 1 125,33 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,
- 66 432,84 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5 536,07 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'article L. 6323-19 du code du travail (droits à DIF),
- 5 536,07 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'information sur la portabilité de la prévoyance complémentaire,
- condamner la société BS BATTERY à verser aux organismes de sécurité sociale les cotisations salariales et patronales afférentes aux rappels de salaire pour heures supplémentaires,
- condamner la société BS BATTERY à lui remettre les bulletins de paie et documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour,
- condamner la société BS BATTERY au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, la société BS BATTERY demande à la cour de :
sur les heures supplémentaires et les congés afférents
à titre principal,
- déclarer irrecevables, en tant qu'elles sont prescrites, les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés y afférents,
à titre subsidiaire,
- déclarer irrecevables ces demandes, car prescrites pour la partie antérieure au 24 décembre 2008,
à titre très subsidiaire,
- dire que la convention de forfait jours visée dans le contrat de travail est licite et confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents,
à titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents,
à titre très infiniment subsidiaire,
- dans l'hypothèse où le forfait annuel en jours serait jugé privé d'effet ou inopposable à M. [W], condamner ce dernier à lui rembourser la somme de 24 746,15 euros au titre des jours de RTT qu'il a effectivement pris au cours de la période du mois d'août 2006 au mois d'octobre 2010,
sur le travail dissimulé
à titre principal,
- déclarer irrecevable cette demande en tant qu'elle est prescrite,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande,
sur le rappel d'indemnité de licenciement
à titre principal,
- déclarer irrecevable cette demande en tant qu'elle est prescrite,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande,
sur le licenciement
- infirmer le jugement et, statuant à nouveau,
à titre principal,
- dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter M. [W] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive,
à titre subsidiaire,
- ramener à de plus justes proportions le quantum des dommages-intérêts pour rupture abusive,
- débouter M. [W] du surplus de ses demandes,
sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'article L.6323-19 du code du travail (droits à DIF)
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande,
à titre subsidiaire,
- ramener à de plus justes proportions le quantum des dommages-intérêts,
- débouter M. [W] du surplus de ses demandes,
sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'information, sur la portabilité de la prévoyance complémentaire
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande,
à titre subsidiaire,
- ramener à de plus justes proportions le quantum des dommages-intérêts,
- débouter M. [W] du surplus de ses demandes,
sur les demandes tendant à verser aux organismes de sécurité sociale les cotisations salariales et patronales afférentes au rappel de salaire pour heure supplémentaire, aux congés payés y afférents et à remettre les bulletins de paie et documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard
- confirmer le jugement,
sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle et, statuant à nouveau et y ajoutant,
- débouter M. [W] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- condamner M. [W] au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel
en tout état de cause
- débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires.
L'instruction a été clôturée le 6 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 septembre 2022.
MOTIFS
Sur la convention de forfait, les heures supplémentaires et les jours de réduction du temps de travail
L'appelant fait valoir que les accords de branche applicables à la relation de travail ne pouvaient pas valablement servir de fondement juridique à la convention de forfait, laquelle se trouve ainsi privée de tout effet, cette seule constatation conduisant à l'invalider. Il souligne qu'en tout état de cause, la convention de forfait est privée d'effet dès lors qu'il n'a pas bénéficié de RTT mais uniquement de jours de repos compensateurs en fonction de ses voyages longs et fatigants, qu'il n'a bénéficié d'aucun entretien annuel individuel ni d'aucun document de suivi de ses jours de travail, la société ne pouvant donc valablement le soumettre à une convention de forfait jours. Il précise ne pas être prescrit en son action en application des dispositions transitoires de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. Il soutient enfin que la demande reconventionnelle de l'employeur aux fins de remboursement de l'ensemble des jours de RTT est irrecevable comme nouvelle et prescrite en ce que ladite répétition de l'indu n'a jamais été évoquée devant le conseil de prud'hommes.
L'intimée réplique que la demande de rappel de salaire formulée par l'appelant est irrecevable car prescrite compte tenu de la date de saisine de la juridiction prud'homale, l'intéressée indiquant que la demande ne pourra en tout état de cause porter que sur la période comprise entre le 24 décembre 2008 et la date de rupture définitive des relations contractuelles, soit le 30 novembre 2010. S'agissant du forfait en jours, elle souligne que le salarié en a pleinement accepté le principe et les modalités dès son embauche, que, contrairement à ce qu'il soutient, il a bien bénéficié des jours de RTT visés dans son contrat de travail, que les différentes conditions visées à l'article L. 3121-43 du code du travail étaient remplies et que l'intéressé travaillait dans le cadre d'un forfait annuel en jours parfaitement régulier. Elle affirme à titre infiniment subsidiaire que la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires est infondée au regard des seuls éléments produits par le salarié ainsi que des incohérences, erreurs et inexactitudes les affectant. Elle soutient enfin être en droit, dans l'hypothèse où le forfait annuel en jours serait jugé illicite ou inopposable au salarié, de solliciter le remboursement des salaires perçus durant les jours de RTT dont l'intéressé a effectivement bénéficié, ladite demande étant recevable en appel.
Il résulte de l'article 7 (durée du travail) du contrat de travail liant les parties que « Compte tenu de ses responsabilités, Monsieur [W] bénéficie d'une large autonomie dans l'organisation de son travail. Sa durée du travail est donc fixée à 214 jours par an, l'année de référence s'entendant du 1er janvier au 31 décembre. En cas de dépassement de ce forfait annuel, (après déduction, le cas échéant, des congés payés reportés), Monsieur [W] bénéficiera, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours de repos égal à ce dépassement. Ces jours de repos s'imputeront sur le plafond annuel de jours de travail de l'année durant laquelle ils seront pris. »
Sur la prescription
Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Selon l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l'action en paiement de salaire s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans selon les anciennes dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail.
Il en résulte que, compte tenu de la saisine de la juridiction prud'homale intervenue le 24 décembre 2013, les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires formées par le salarié au titre de la période courant à compter du 24 décembre 2008 ne sont pas prescrites.
Par ailleurs, il sera rappelé que le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n'est pas prescrite, est recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail.
Sur le forfait annuel en jours
En application des dispositions des articles L. 3121-39 et L. 3121-46 du code du travail, dans leur version en vigueur à la date des faits litigieux ainsi que de celles de la convention collective nationale de l'import-export et du commerce international puis de celles de la convention collective nationale de commerces de gros (lesdites conventions collectives ayant successivement régi la relation de travail), étant rappelé qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les dispositions légales et conventionnelles destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours, la cour ne peut que relever, en l'espèce, qu'il n'est pas établi par la société intimée que, dans le cadre de l'exécution de la convention de forfait en jours litigieuse, l'appelant a bien été soumis à des mesures de contrôle du temps de travail et du nombre de jours travaillés conformes et qu'il a effectivement bénéficié, chaque année, d'un entretien individuel avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé, l'amplitude de ses journées d'activité ainsi que l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, et ce conformément aux dispositions susvisées. Il en résulte que l'employeur ne démontre dès lors pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la convention de forfait en jours litigieuse étant en conséquence privée d'effet et dès lors inopposable au salarié, de sorte que ce dernier est fondé à revendiquer le décompte de son temps de travail selon le droit commun et à réclamer, le cas échéant, le paiement d'heures supplémentaires.
Sur les heures supplémentaires
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, au vu des pièces communiquées par l'appelant et notamment du décompte précis et détaillé de ses jours et de son temps de travail, des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires réclamées au titre de la période litigieuse ainsi que des copies d'agenda et des courriels échangés dans le cadre de son activité professionnelle, il apparaît que l'intéressé présente à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il indique avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L'employeur se limitant en réponse à contester les demandes formées par l'appelant et à critiquer les pièces produites par le salarié en affirmant que les seuls tableaux versés aux débats présentent de nombreuses incohérences, erreurs et inexactitudes (notamment en ce qu'ils ne mentionnent pas les jours de congés payés ou de RTT et en ce que les heures de début et de fin de travail sont libellées de manière surprenante et ne correspondent pas aux mentions des agendas ou des mails), tout en soulignant que l'intéressé bénéficiait d'une très grande liberté dans la gestion de son emploi du temps, qu'il ne produit pas ses agendas électroniques au titre de l'intégralité de la période litigieuse et qu'il s'abstient de préciser que ses interlocuteurs principaux résidaient en Asie, ce qui générait des horaires de mails décalés sans durée réelle de travail effectif, lesdites omissions démontrant la malveillance de la manoeuvre de l'appelant qui avait de surcroît déjà commencé à travailler en parallèle sur son projet personnel d'activité, la cour relève que l'intimée ne fournit donc pas d'éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par son salarié.
Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, la cour retient la réalisation d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié, dans une moindre mesure toutefois qu'allégué, et accorde à l'appelant la somme totale de 17 062 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période non prescrite courant du 24 décembre 2008 au 30 novembre 2010 outre 1 706,20 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.
Sur les jours de RTT
S'agissant de la demande reconventionnelle de l'employeur aux fins de remboursement des jours de réduction du temps de travail (JRTT) devenus indus, il sera tout d'abord constaté que ladite demande est effectivement recevable en ce qu'il s'agit d'une instance introduite devant le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016 et qu'en application de l'article R.1452-6 du code du travail alors en vigueur, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, l'article R. 1452-7 du même code disposant alors que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, l'absence de tentative de conciliation ne pouvant être opposée et que, même si elles sont formées en cause d'appel, les juridictions statuant en matière prud'homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence.
En application des dispositions de l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dont il résulte que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu, la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis étant privée d'effet ainsi que cela résulte des développements précédents, en sorte que, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en jours, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu, il convient, au vu des éléments justificatifs versés aux débats de ce chef et notamment des bulletins de paie afférents à la période litigieuse, de condamner le salarié à payer à l'employeur la somme totale de 6 230,52 euros à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail devenus indus, le surplus non justifié de ladite demande devant être rejeté.
Sur le travail dissimulé
En application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, le salarié ne justifiant pas du caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi alléguée, la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur la rupture du contrat de travail
L'appelant fait valoir qu'il est manifeste que la lettre de licenciement manque de précision et ne permet pas de s'assurer que le licenciement repose effectivement sur une cause réelle et sérieuse, l'intéressé indiquant, qu'en tout état de cause, le motif invoqué à l'appui du licenciement n'est pas fondé, aucune absence injustifiée ne pouvant lui être reprochée.
L'intimée réplique que la lettre de licenciement est suffisamment motivée et que le licenciement de l'appelant est parfaitement justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse, l'intéressé ayant été licencié au motif de ses absences fréquentes et non justifiées dont la réalité est démontrée par les différentes pièces versées aux débats.
Selon l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
En application de ces dispositions, il est établi que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer des faits précis et matériellement vérifiables.
En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :
« Pour faire suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 23 août 2010, nous avons le regret de vous signifier votre licenciement.
Cette mesure est motivée par les faits suivants : Absences fréquentes injustifiées ».
Au vu de ces éléments, la lettre de licenciement litigieuse se bornant à faire mention d'« absences fréquentes injustifiées » et ne comportant dès lors pas l'énoncé d'un motif précis et matériellement vérifiable, ce qui équivaut à une absence de motif de licenciement, la cour confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture
En application des dispositions des articles L. 1234-9, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail, dans leur version applicable aux faits litigieux, sur la base d'une rémunération moyenne de 6 102,23 euros incluant la part de rappel de salaire pour heures supplémentaires correspondant à la période de référence, et compte tenu d'une ancienneté de 4 ans et 8 mois, la cour accorde à l'appelant, eu égard à la somme de 5 214,68 euros lui ayant déjà été réglée de ce chef, un complément d'indemnité de licenciement de 480,73 euros, et ce par infirmation du jugement.
Etant rappelé que l'appréciation de l'effectif habituel doit se faire au jour du licenciement et qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il occupe habituellement moins de onze salariés, au vu des pièces versées aux débats par l'intimée, et notamment du tableau des effectifs de la société à la date du licenciement ainsi que de l'attestation de l'expert-comptable relative à la vérification de l'effectif pour l'année 2010, la cour retient qu'elle employait alors effectivement moins de 11 salariés, soit en l'occurrence 8 salariés, et que la mention figurant sur l'attestation Pôle Emploi résultait d'une simple erreur informatique du cabinet d'expertise comptable.
Dès lors, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans leur version applicable au litige, eu égard à l'ancienneté dans l'entreprise (4 ans), à l'âge du salarié (32 ans) ainsi qu'au montant de la rémunération de référence lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, l'intéressé établissant notamment avoir perçu l'allocation
d'aide au retour à l'emploi de décembre 2010 à mars 2012, la cour confirme le jugement en ce qu'il lui a accordé la somme de 34 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du DIF
L'appelant fait valoir que la société intimée n'a pas mentionné dans la lettre de licenciement les informations obligatoires relatives à ses droits en matière de droit individuel à la formation et que cela lui a causé un préjudice en ce qu'il est passé d'un statut salarié à celui de dirigeant d'entreprise et a perdu le bénéfice de formations qui auraient été essentielles pour lui en cette période de création d'entreprise.
L'intimé réplique que l'appelant ne développe aucun argument venant expliciter le principe et l'étendue d'un quelconque préjudice.
En l'espèce, la cour ne pouvant que relever, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations du salarié, que ce dernier ne justifie pas du principe et du quantum du préjudice allégué, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'information sur la portabilité de la prévoyance complémentaire
Le salarié indique qu'il bénéficiait d'une mutuelle et d'une prévoyance au sein de la société et que celle-ci ne l'a pas informé de la possibilité de bénéficier d'une portabilité de sa prévoyance complémentaire, ce manquement l'ayant privé de la possibilité de bénéficier d'une couverture sociale complémentaire en ce qu'il n'était pas informé de cette possibilité, et ce alors qu'il venait d'être père en mai 2010 et que son épouse était sans emploi.
L'employeur réplique que le salarié ne démontre là encore aucun préjudice de ce chef, soulignant qu'il n'a en toute hypothèse pas été lésé dès lors qu'il était tout à fait en mesure de bénéficier de cette portabilité, quand bien même la société ne l'en aurait pas avisé.
En l'espèce, la cour ne pouvant à nouveau que relever, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations du salarié, que ce dernier ne justifie pas du principe et du quantum du préjudice allégué, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.
Sur les autres demandes
Il convient d'ordonner la remise à l'appelant d'un bulletin de paie récapitulatif faisant notamment état de la régularisation des cotisations sociales salariales et patronales afférentes au rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que des documents sociaux conformes à la présente décision, sans qu'il apparaisse cependant nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à verser au salarié, au titre des frais exposés en cause d'appel non compris dans les dépens, la somme supplémentaire de 1 800 euros, la somme accordée en première instance étant confirmée.
L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés y afférents ainsi que de complément d'indemnité de licenciement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société BS BATTERY à payer à M. [W] les sommes suivantes :
- 17 062 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période non prescrite courant du 24 décembre 2008 au 30 novembre 2010 outre 1 706,20 euros au titre des congés payés y afférents,
- 480,73 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement ;
Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société BS BATTERY de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus ;
Ordonne à la société BS BATTERY de remettre à M. [W] un bulletin de paie récapitulatif faisant notamment état de la régularisation des cotisations sociales salariales et patronales afférentes au rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que des documents sociaux conformes à la présente décision ;
Rejette la demande d'astreinte ;
Condamne la société BS BATTERY à payer à M. [W] la somme supplémentaire de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [W] du surplus de ses demandes ;
Condamne M. [W] à payer à la société BS BATTERY la somme de 6 230,52 euros à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail devenus indus ;
Déboute la société BS BATTERY du surplus de ses demandes reconventionnelles ;
Condamne la société BS BATTERY aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT