RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09254 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASC6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F 18/00078
APPELANT
Monsieur [C] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Nicolas CAPILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1308
INTIMÉE
SAS THERMO ELECTRON
[Adresse 1] -
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat à durée indéterminée, M. [O] a été engagé à compter du 1er septembre 2014 par la société Thermo Electron, en qualité de directeur des activités de service France, statut cadre, position 111 C, coefficient 240 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
La société Thermo Electron est spécialisée dans la fourniture d'instruments analytiques, d'équipement, de logiciels ou encore de services pour la recherche scientifique et emploie habituellement au moins 11 salariés.
Le 24 avril 2015, la société Thermo Electron a procédé à une enquête interne à la suite de la dénonciation par un collaborateur (M. [F]) d'une agression physique et verbale et de menaces de la part de M. [O].
M. [O] a été placé en arrêt maladie les 12 et 13 mai 2015, puis du 24 au 26 juin 2015.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 août 2015, la société Thermo Electron a informé M. [O] de la clôture officielle de son enquête comme suit :
'Comme vous le savez, la ligne éthique du groupe Thermo Fischer Scientific a été saisie le 24 avril 2015 d'une dénonciation par l'un de vos collègues de faits de violence de votre part.
Au terme de cette enquête, au cours de laquelle vous avez été entendu, comme un grand nombre de personnes susceptibles de témoigner, il a été conclu que les faits dénoncés ne pouvaient être établis et qu'aucun fait de violence ne saurait vous être reproché. En conséquence, il a été décidé de clore le processus ouvert par l'alerte du 24 avril 2015.
(...)'
M. [O] a été placé en arrêt maladie le 16 janvier 2016.
Dans le cadre d'une seconde visite de reprise du 4 mai 2016 suivant un premier avis d'inaptitude du 13 avril 2016, le médecin du travail a déclaré M. [O] 'inapte à définitif à tout poste dans l'entreprise' en précisant : 'peut par contre effectuer le même travail dans un contexte différent'.
Par courrier du 23 mai 2016, la société Thermo Electron a proposé quatre postes de reclassement à M. [O] qui les a refusés par mail du 31 mai 2016.
La société Thermo Electron a convoqué M. [O] un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 juin 2016.
Par mail du même jour, elle a présenté une nouvelle offre de reclassement à M. [O] qui l'a refusée par mail du 12 juin 2016.
M. [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 17 juin 2016.
Affirmant que son inaptitude est liée à une situation de harcèlement moral ainsi qu'au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et contestant le caractère loyal et sérieux de la recherche de reclassement, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau afin obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la société Thermo Electron à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation de ceux-ci :
° 150'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,
° 75'000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
° 150'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
° 37'500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
° 3 750 euros au titre des congés payés afférents,
° 16'915 euros à titre de rappel de salaire,
° 1 691 euros à titre de congés payés afférents,
° 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Thermo Electron a conclu au débouté de M. [O] et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Par jugement du 4 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a débouté M. [O] de ses prétentions et rejeté la demande de la société Thermo Electron fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 12 septembre 2019, M. [O] interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 22 août 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2020, M. [O] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes,
- Condamner la société Thermo Electron à lui verser les sommes suivantes :
° 150'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,
° 75'000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
° 150'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
° 37'500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
° 3 750 euros au titre des congés payés afférents,
° 16'915 euros à titre de rappel de salaire indûment déduit,
° 1 691 euros à titre de congés payés afférents,
° 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter la société de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2020, la société Thermo Electron demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris,
à titre subsidiaire,
- Limiter les dommages-intérêts sollicités par M. [O] à de plus justes proportions,
en tout état de cause,
- Débouter M. [O] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [O] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement du même texte,
- Condamner M. [O] au dépens avec possibilité de recouvrement direct de ceux-ci par son conseil.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 28 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 septembre 2022.
MOTIFS
Sur le harcèlement
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L.1154-1, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [O] soutient que la situation de harcèlement dont il a été victime est caractérisée par les agissements de son collègue, M. [F], à son égard, tant dans leurs relations professionnelles que la dénonciation infondée de celui-ci, par l'extrême opacité et la durée excessive de l'enquête interne menée par la société Thermo Electron, par les pressions de l'employeur pour qu'il présente ses excuses à son collègue malgré les résultats de l'enquête, par sa surcharge de travail et par l'absence de toute protection contre les agissements de son collègue pourtant signalés.
Toutefois, de simples affirmations ne peuvent constituer une présentation d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Or, aucun élément du dossier ne laisse supposer une surcharge de travail comme allégué par M. [O] qui, d'ailleurs, ne donne aucune précision à ce sujet, ni n'atteste de l'existence de quelconques alertes de M. [O] à sa hiérarchie sur le comportement de M. [F], Directeur Général France et Espagne des Ventes CMD, à son encontre.
Mais, les échanges de mails entre M. [O] et M. [F] tels que produits par l'appelant, la plainte du premier à l'égard du second qui s'est finalement conclue en faveur de M. [O] et la sollicitation de l'employeur pour des excuses de M. [O] auprès de M. [F], malgré les résultats de l'enquête laissent supposer une situation de harcèlement.
Il appartient donc à la société Thermo Electron de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ainsi, la société Thermo Electron rappelle, à juste titre, qu'une mésentente entre collègues ou un différend professionnel ne peuvent caractériser une situation de harcèlement moral, surtout lorsque ceux-ci trouvent leur origine dans une difficulté objective s'imposant à l'entreprise, comme le mécontentement de clients entraînant ou susceptible d'entraîner la perte de ceux-ci, et portent sur les solutions à y apporter.
Elle relève, à juste titre, que dans l'échange de mails du 8 décembre 2014, si M. [F] exprime son mécontentement doublé d'une impatience à l'égard de M. [O], cette expression a pour origine l'absence persistante de réponse à une réclamation d'un important client de la Société, le CRNTS, suite à une panne sur un de ses instruments, avec les conséquences négatives qu'une telle situation peut engendrer pour le service de M. [F] et, plus généralement pour l'entreprise, que, dans l'échange de mails du 18 décembre 2014, M. [O] se contente d'alerter M. [F] sur le fait qu'un des membres de son équipe n'avait pas bien pris le titre d'une invitation de celui-ci à une réunion entre leurs deux équipes destinée à mettre en place un plan d'action afin de restaurer l'image d'ULS auprès de plusieurs clients insatisfaits et que, dans l'échange de mails du mois d'avril 2015, M. [F], en premier lieu, transmet simplement une plainte très détaillée d'un client historique de la société sur son impossibilité de joindre un correspondant de Thermo Electron pour signaler ses problèmes et l'annonce par ce même client qu'il cessait ses relations commerciales avec la société Thermo Electron au profit de la concurrence au vu de cette situation, en deuxième lieu, relève le dysfonctionnement du standard entraînant des difficultés de communication entre leurs services respectifs et, en troisième lieu, annonce qu'il a constaté la persistance du problème tout en demandant à M. [O] et à une autre collaboratrice s'ils voyaient des améliorations de leur côté.
Certes, cette mésentente s'est prolongée par la plainte de M. [F] du 24 avril 2015, la décision de l'employeur d'ouvrir une enquête sur celle-ci, dont M. [O] invoque l'extrême opacité et la durée excessive, et par la décision de l'employeur, malgré l'issue favorable de l'enquête pour M. [O], de solliciter auprès de ce dernier des excuses à M. [F].
Mais, comme tout aussi justement relevé par la société Thermo Electron, la plainte de M. [F] repose sur un incident entre lui-même et M. [O] dont la matérialité n'est pas contestée (mail de M. [O] du 12 juin 2015 : 'Fin avril, lors d'une réunion européenne à Brehmen, le ton est monté et [E] [F] et moi dans le cadre d'une discussion business. Suite à cette discussion tendue [E] [F] a actionné la ligne Ethics à mon encontre'). L'ouverture de l'enquête s'inscrit dans le devoir de sécurité de l'employeur à l'égard de ses salariés à la suite du signalement d'une situation susceptible de caractériser un harcèlement moral. La durée de l'enquête s'explique par le nombre de personnes entendues, ce qu'a reconnu M. [O] dans son message du 12 juin 2015 ('L'équipe de Thermo Fischer Scientific a mené une investigation détaillée afin d'établir les faits et de comprendre le contexte' ; J'ai pu constater que certains de vos collègues de CMD ont été amenés à témoigner du contexte et je les remercie d'avoir respecté la confidentialité' ; traduction libre du message de M. [O] du 18 juin 2015 : 'J'accepte la décision, en qualité de business leader du niveau de M. [F], du comité indépendant après 5 semaine d'investigations et l'audition de 15 témoins'). La prétendue opacité de l'enquête dénoncée par M. [O] repose sur un souci de confidentialité dont le salarié lui-même a reconnu la légitimité (message du 12 juin 2015 déjà cité : 'et je les remercie d'avoir respecté la confidentialité') et, en tout état de cause, n'a causé aucun grief au salarié qui a finalement été blanchi. Enfin, la mise hors de cause de M. [O] démontre que tous les éléments recueillis au cours de celle-ci ont été pris en compte par l'employeur qui ne s'est pas limité aux seules accusations de l'auteur de la dénonciation, comme le reconnaît M. [O] dans son message du 12 juin 2015 déjà cité ('Dans ce contexte j'ai pu constater que les valeurs du groupe Thermo Fisher Scientific sont solidement ancrées et défendues').
La demande d'excuse faite à M. [O] émane à l'origine de M. [F], comme expliqué par l'appelant dans son message du 18 juin 2015 déjà cité (traduction libre : 'Je suis surpris de la demande d'excuses de M. [F]'). Il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir sollicité M. [O] à ce sujet dans le but d'apaiser les tensions entre deux cadres de haut niveau, chefs de services importants, voire stratégiques, amenés à travailler ensemble. Le message de refus de M. [O] en date du 19 juin 2015 n'a pas eu d'autre réaction de l'employeur que la mise en place de rencontres et d'une médiation avec une psychologue pour permettre une restauration de relations professionnelles entre deux collègues en mésentente, une telle action ne pouvant s'analyser en pression.
Le message du directeur général du 16 avril 2016 évoquant le départ prochain de M. [O] est distant de plusieurs mois des événements ci-dessus, est donc un acte isolé, a été rédigé après l'avis d'inaptitude du médecin du travail, émane d'un dirigeant étranger travaillant à l'étranger et ayant pu se méprendre sur la portée exacte de cet avis et n'a pas empêché l'employeur de présenter par la suite des offres de reclassement.
Ainsi, certains faits présentés par M. [O] ne laissent pas présumer une situation de harcèlement et pour les autres, l'employeur démontre qu'ils ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur l'obligation de sécurité de l'employeur
M. [O] soutient que, bien qu'ayant implicitement reconnu que les faits qu'il a subis étaient de nature à l'affecter psychologiquement, la société Thermo Electron n'a cependant pris aucune autre mesure destinée à le préserver des pressions dont il était victime, à l'exception de trois rendez-vous avec un psychologue, ni à diminuer sa charge de travail alors que le médecin du travail a mentionné dans son avis d'inaptitude qu'il 'peut par contre effectuer son travail dans un contexte différent' et qu'il pointe, par cette formule, la responsabilité de l'employeur dans la dégradation de l'état de santé de son salarié.
Mais, il n'apparaît d'aucune pièce du dossier que M. [O] ait alerté l'employeur sur ses conditions de travail à l'exception d'un message de type général du 20 avril 2015 libellé comme suit : 'Peux-tu réunir tous les managers de [Localité 3] pour qu'on (encore une fois) se mette d'accord comment communiquer entre nous sans finger pointing comme on s'est mis d'accord il y a quelques mois déjà et pour qu'on essaie d'améliorer la communication entre les départements', la cour observant par ailleurs que ce message est antérieur de plus de huit mois à l'arrêt maladie du salarié ayant abouti à son avis d'inaptitude et que l'interlocuteur de M. [O] y a répondu en annonçant, d'une part, la mise en place une réunion avec les standardistes pour régler les nombreux dysfonctionnements constatés susceptibles d'avoir des répercussions sur le service de M. [O] et, d'autre part, la tenue prochaine d'une conversation téléphonique avec le responsable de l'entreprise au sujet du pointing finger.
Comme déjà relevé ci-dessus, la surcharge de travail évoquée par M. [O] ne relève que des seules affirmations du salarié.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a écarté tout manquement de l'employeur dans son obligation de sécurité et débouté le salarié de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
'[...] Aussi, avant de prendre tout décision sur votre dossier, nous avons procédé à une recherche de reclassement dans l'entreprise et au sein du groupe Thermo Fischer Scientific. Nous avons rencontré et consulté le médecin du travail et vous avons fait plusieurs propositions de reclassement en France. Aucun des postes que nous vous avons proposés n'a reçu une suite favorable de votre part. Vous nous avez informé ne pas souhaiter recevoir d'offre de reclassement à l'étranger.
[...] En parallèle, nous avons poursuivi nos recherches de reclassement, nous permettant de vous proposer :
- le 10 juin par courriel de 10 juin 2016, un reclassement sur un autre poste, aligné avec les critères personnels que nous avions échangé en entretien préalable, à savoir : en Ile de France, sans mobilité géographique, rattaché à une entité légale différente et une division différente de celles que vous occupiez. En date du 12 juin, vous nous avez fait savoir votre refus de cette offre également.
Par conséquent, nous n'avons pas de solution de reclassement et sommes contraints de prononcer votre licenciement pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail et sans reclassement possible.'
M. [O] fait valoir que la société Thermo Electron ne justifie pas avoir consulté les délégués du personnel sur son reclassement, ce qui prive son licenciement de cause réelle et sérieuse le licenciement, que la recherche de reclassement s'est révélée totalement déloyale puisque les propositions ne répondaient pas aux préconisations du médecin du travail, en ce que certaines prévoyaient une itinérance incompatible avec son état de santé et d'autres le plaçaient dans le même contexte de travail, et que l'employeur ne démontre avoir soumis les offres de reclassement au médecin du travail.
Cela étant, comme justement relevé par la société Thermo Electron, l'article L.1226-2 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2017, soit à la date du licenciement, était rédigé comme suit :
'Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail'.
Ainsi, ce texte n'imposait pas à l'employeur de consulter les délégués du personnel antérieurement aux offres de reclassement du salarié déclaré inapte pour un accident ou une maladie non professionnels, une telle obligation n'étant prévue que par l'article L.1226-10 du code du travail applicable en cas d'accident du travail et de maladie professionnelle.
Or, les éléments développés ci-dessus relativement au harcèlement et à l'obligation de sécurité de l'employeur ne permettent pas de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de M. [O] alors, au surplus, que la CPAM a informé la société par lettre du 4 avril 2018 qu'elle refusait la prise en charge de la maladie de M. [O] au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Il n'apparaît pas davantage que l'employeur avait connaissance d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie par M. [O] à la date du licenciement.
En effet, les arrêts de travail adressés à l'employeur par le salarié ont été établis sur le formulaire de droit commun.
D'après les échanges entre la CPAM et la société Thermo Electron, la demande de reconnaissance de maladie professionnelle par M. [O] date du 21 novembre 2017 et a été notifiée à l'employeur le 11 janvier 2018 alors que le licenciement est du 17 juin 2016.
Il ne peut donc être reproché à la société Thermo Electron de ne pas avoir consulté les délégués du personnel avant de présenter les offres de reclassement à son salarié.
Par ailleurs, il apparaît des pièces du dossier que :
- par mail du 17 mai 2016 succédant à de précédents échanges, la société a soumis au médecin du travail quatre offres de postes de reclassement susceptibles d'être proposées à M. [O] et a évoqué dans le même message la possibilité de compléter ces offres par un poste à l'étranger pour le cas où le salarié refuserait les propositions en France,
- le médecin du travail a répondu par mail du 19 mai 2016 dans les termes suivants :
'Chère Madame,
la lecture attentive de votre mail exposant les différentes possibilités de poste que l'entreprise peut proposer à Monsieur [O] m'incite à considérer que ces offres sont a priori compatibles avec son état de santé tel que j'ai pu en juger lors de ma consultation du 4 mai dernier. Ce qui me paraît essentiel dans le cas de ce monsieur est qu'il puisse fonctionner dans un contexte différent de celui où se trouve actuellement.
Vous écrivez vous-même que ces postes ne l'exposeraient plus à ses responsables actuelles : il me semble que cette éventualité serait pour lui la meilleure, ou en tout cas la moins mauvaise solution',
- par lettre du 23 mai 2016, la société Thermo Electron a proposé à M. [O] les quatre postes de reclassement en France soumis au médecin du travail à savoir :
° Field Service manager France CMD ULS Nord Est de la France - itinérant en France ;
° Global service product marketing manager ULS - itinérant ;
° Ingénieur SAV LSG Nord Est de la France - base depuis la région Alsace Moselle ;
° Gestionnaire service clients contrats ULS -St Herblain (44) ;
- par mail du 31 mai 2016, M. [O] a indiqué refuser d'éventuelles propositions à l'étranger aux motifs d'une part, qu'elles ne sont pas compatibles avec sa vie de famille et, d'autre part, que la confiance qu'il a dans le groupe a totalement disparu suite aux agissements qui l'ont rendu malade, et a indiqué qu'il refusait également les trois autres postes proposés au sein d'ULS estimant que ceux-ci n'étaient pas en adéquation avec l'avis du médecin du travail car le plaçant dans les mêmes conditions que celles qui ont été néfastes pour sa santé,
- malgré cela, la société Thermo Electron a poursuivi son offre de reclassement en proposant immédiatement après l'entretien préalable du 10 juin 2016 un dernier poste à M. [O] qui sera également refusé.
La société Thermo Electron démontre ainsi avoir respecté son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les contestations de M. [O] sur le licenciement et en ce qu'il a débouté le salarié des ses demandes en indemnités et en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de rappel de salaire
M. [O] fait valoir que son dernier bulletin de paie mentionne une déduction de 16 915,43 euros au titre d'une 'absence maladie' alors que conformément à ses obligations l'employeur avait maintenu le salaire.
Il estime cette retenue inexpliquée et reproche aux premiers juges de s'être contentés de reprendre les explications de la société Thermo Electron qu'il conteste depuis l'origine.
Toutefois, comme justement rappelé par la société Thermo Electron, l'article 16 de la convention collective nationale applicable énonce :
'Après 1 an de présence dans l'entreprise, en cas d'absence pour maladie ou accident constaté dans les conditions prévues au 1°, l'employeur doit compléter les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et par un régime complémentaire de prévoyance, pour assurer à l'intéressé des ressources égales à tout ou partie de ses appointements mensuels sur les bases suivantes :
' La durée d'absence susceptible d'être indemnisée en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise est :
- de 1 à 5 ans : 3 mois à plein tarif et 3 mois à demi-tarif
(...);'
Or, l'analyse des bulletins de paie de M. [O] pour la période du 1er janvier au 20 juin 2016 établit que M. [O] a bien perçu une prise en charge de ses arrêts de travail à hauteur de 100% jusqu'au mois d'avril 2016, puis à hauteur d'au moins 50 % jusqu'en mai 2016, que la retenue contestée correspond à une régularisation de 51 jours d'absence du 1er mai au 20 juin 2016 sur la base d'un salaire de 10 281,92 euros, soit un taux journalier de 331,675 euros compensée par une indemnisation maladie à 50 % (3ème et 4ème lignes du bulletin de paie de mai 2016 et 4ème ligne du bulletin de paie de juin 2016), conformément à la convention collective nationale applicable.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents.
Sur les frais non compris dans les dépens
Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, M. [O], qui succombe en son appel, sera condamné à verser à la société Thermo Electron la somme de 600 euros au titre des frais exposés par l'intimée qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [O] à verser à la société Thermo Electron la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [O] aux dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoue Paris-Versailles, prise en la personne de Maître Matthieu Boccon-Gibod.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT