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16/11/2022 | FRANCE | N°19/06211

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 16 novembre 2022, 19/06211


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06211 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B775Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/00036





APPELANT



Monsieur [H] [V]

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représenté p

ar Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504







INTIMÉES



SELAFA MJA prise en la personne de Maître [J] [W] ès qualités de mandataire ad'hoc de la SOCIETE TRANS ATTIT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06211 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B775Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/00036

APPELANT

Monsieur [H] [V]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

INTIMÉES

SELAFA MJA prise en la personne de Maître [J] [W] ès qualités de mandataire ad'hoc de la SOCIETE TRANS ATTITUDE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hubert MARTIN DE FREMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411

ASSOCIATION UNEDIC-DELEGATION AGS IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport et M. Fabrice MORILLO, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée du 26 juin 2014, M. [V] a été engagé à compter du jour même par la société Trans Attitude, en qualité de chauffeur poids lourd non cadre moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 660 euros pour 35 heures de travail hebdomadaire, soit 151,67 heures par mois.

La société Trans Attitude appliquait la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

La société employait habituellement moins de 11 salariés.

Le 18 août 2016, employeur et salarié ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée et la société a remis à M. [V] les documents de fin de contrat.

Contestant la validité de la rupture conventionnelle et réclamant le bénéfice d'heures supplémentaires non payées, M. [V] a saisi, le 5 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Par jugement du 9 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Trans Attitude et a désigné Me [W] en qualité de liquidateur.

Dans le dernier état de la procédure de première instance, M. [V] demandait au conseil de prud'hommes de :

- Prononcer la nullité de la rupture conventionnelle et faire produire à celle-ci les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Fixer sa créance au passif de la société Trans Attitude aux sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :

° 5 614,84 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires du 2 novembre 15 au 31 juillet 2017,

° 561,48 euros à titre de congés payés afférents,

° 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur la durée du travail et le repos compensateur,

° 4 648,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

° 464,85 euros au titre des congés payés afférents,

° 13'945,56 euros indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 13'945 indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- Ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire pour les mois de novembre 2015 à juillet 2016, conformes,

- Déclarer le jugement opposable à l'AGS,

- Ordonner l'exécution provisoire de sa décision.

Par jugement du 15 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- Fixé la créance de M. [V] au passif de la société Trans Attitude aux sommes suivantes :

° 5 614,84 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires du 2 novembre 2015 au 31 juillet 2016,

° 561,48 euros de congés payés afférents,

° 12 944,88 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- Débouté le salarié du surplus de ses demandes,

- Condamné Me [W] aux dépens.

Par déclaration du 14 mai 2019, M. [V] a interjeté appel du jugement.

Par jugement du 30 septembre 2021, le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société Trans Attitude pour insuffisance d'actif.

Par ordonnance en date du 6 mai 2022, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W], a été désignée mandataire ad hoc pour représenter la société Trans Attitude dans la procédure prud'homale.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 septembre 2022, M. [V] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'annulation de son contrat de rupture conventionnelle produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, de dommages et intérêts résultant du non respect des dispositions légales et conventionnelles sur la durée du travail et sur les repos compensateurs et en ce qu'il a fixé son salaire moyen brut mensuel à la somme de 2 157,48 euros,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la société Trans Attitude une somme de 5 614,84 euros à titre d'heures supplémentaires du 2 novembre 2015 au 31 juillet 2016 et une somme de 561,48 euros au titre des congés payés afférents ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, sauf en ce que le montant de cette indemnité a été fixé à 12.944,88 euros sur la base d'un salaire moyen brut mensuel erroné,

- Fixer au passif de la société Trans Attitude sa créance à hauteur des sommes suivantes :

° 5 614,84 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires du 2 novembre 2015 au 31 juillet 2016,

° 561,48 euros de congés payés afférents,

° 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la durée du travail,

° 4 648,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

° 464,85 euros de congés payés afférents,

° 13 945,56 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

° 13 945,56 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- Ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée et de bulletins de salaire de novembre 2015 à juillet 2016,

- Assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal,

- Déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA Ile de France Est,

- Fixer les dépens au passif de la société.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 septembre 2022, la SELAFA MJA demande à la cour de :

- Révoquer l'ordonnance de clôture du 6 septembre 2022 ;

- Lui donner acte de son intervention volontaire ès qualités de mandataire ad hoc de la société Trans Attitude et de son accord pour que la clôture intervienne lors de l'audience de plaidoirie du 14 septembre 2022 à 13h30,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli la demande de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes, En conséquence statuant à nouveau :

- Débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que le montant des demandes n'est pas justifié,

En conséquence :

- Réduire dans de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts,

En tout état de cause :

- Fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,

- Dire que les sommes fixées sont brutes,

- Dire et juger que le jugement de liquidation judiciaire a définitivement arrêté le cours des intérêts.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 septembre 2022, l'AGS CGEA Ile de France Est demande à la cour de :

- Débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

en tout état de cause,

- Constater que les intérêts ont nécessairement été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective,

- Lui donner acte de ce qu'elle n'est pas concernée par la remise de documents,

- Dire et juger qu'elle ne devra procéder à l'avance des éventuelles créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions des articles L 3253-15 à L 3253-21 du code du travail (plafond 6 de l'année 2016) ;

- Statuer sur que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 septembre 2022 et l'affaire appelée à l'audience le 14 septembre 2022.

MOTIFS

Sur le rabat de l'ordonnance de clôture

En raison d'un événement nouveau survenu au cours de procédure, l'ordonnance de clôture sera révoquée et la clôture de l'instruction de l'affaire sera fixée au 14 septembre 2022 à 13h30.

Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [V] fait valoir qu'entre novembre 2015 et juin 2016, les horaires enregistrés sur le logiciel Globofeet et les heures supplémentaires indiquées sur les bulletins de paie font apparaître une différence de 5 614,84 euros au titre des heures supplémentaires.

À l'appui de sa demande, il produit l'enregistrement de ses horaires sur le logiciel Globofeet, un tableau récapitulant le montant des heures supplémentaires revendiquées comme suit :

Période

heures supp. payées

heures supp. dues

Différence

nov-15

déc-15

janv-16 mars-16 avr-16

mai-16

juil-16

Total

314,66 euros

328,34 euros

300,98 euros

328,34 euros

314,66 euros

314,66 euros

314,66 euros

2 216,30 euros

1 362,70 euros

1 017,84 euros

1 099,98 euros

1 543,28 euros

716,88 euros

1 264,14 euros

826,32 euros

7 831,14 euros

1 048,04 euros

689,50 euros

799,00 euros

1 214,94 euros

402,22 euros

949,48 euros

511,66 euros

5 614,84 euros

et un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'il dit avoir effectuées chaque semaine.

Il présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

Contrairement à ce qu'énonce l'AGS CGEA Ile de France Est, il n'y a pas lieu de remettre en cause les documents produits par M. [V] au seul motif que l'on ignore l'origine et la provenance des relevés informatiques.

En effet, ces derniers, par leur présentation et leur précision, ne peuvent être qu'incontestablement reliés à la société Trans Attitude et concerner M. [V].

Toutefois, comme justement relevé par la SELAFA MJA, il apparaît que M. [V] comptabilise l'ensemble des heures indiquées dans ses relevés d'activité, y compris des temps de repos qui, en application du décret n°83-40 du 26 janvier 1983, n'entrent pas dans le calcul du temps de travail effectif et des temps de disponibilité qui peuvent être considérés comme du temps de travail à la condition que le salarié ne puisse pas vaquer à ses occupations durant ces temps.

En l'absence de précision et de pièces sur ce dernier point, les temps de disponibilité figurant sur le relevé d'activité de M. [V] seront pris en compte au titre du temps de travail effectif, au contraire des temps de repos qui ne doivent pas être comptabilisés.

Ainsi, comme donné à titre d'exemple par la SELAFA MJA, sur la première semaine de novembre 2015, M. [V] revendique 60 heures de travail incluant 12 h et 4 min de temps de repos.

La cour observe également, à titre d'exemple, que, sur la semaine débutant le 7 mars 2016, M. [V] a comptabilisé 59 heures de travail en concordance avec son relevé d'activité établissant 59 heures et 8 minutes d'activité, mais que ce nombre inclut toutefois 9 heures et 4 minutes de repos, ce qui porte le temps de travail effectif devant être rémunéré à 50 heures.

Ces observations s'appliquent à l'ensemble des mois pour lesquels M. [V] sollicite un rappel d'heures supplémentaires.

En outre, comme tout aussi justement relevé par la SELAFA MJA, M. [V] ne produit pas ses bulletins de paie de mars et avril 2016 de sorte qu'il n'est pas possible de recouper les heures de travail effectuées sur ces mois avec celles ayant donné lieu à rémunération alors que l'ensemble des autres bulletins de salaire démontrent que l'employeur a rémunéré des heures supplémentaires au salarié.

Il ne peut, pour autant être déduit des éléments ci-dessus que l'employeur a rémunéré l'ensemble des heures supplémentaires effectuées par M. [V].

En effet, l'analyse comparative entre les bulletins de paie sur les autres mois (novembre et décembre 2015, janvier, mai et juillet 2016) et les relevés d'heures de M. [V] démontre une discordance entre les heures effectuées de manière effective par le salarié et celles portées sur ses bulletins de paie qui, au surplus, comprennent un nombre presque constant d'heures supplémentaires s'établissant entre 22 et 24 heures faisant penser à une forfaitisation de ces heures.

Ce caractère forfaitaire est, par ailleurs, accentué par la lecture de bulletins de paie mentionnant un nombre différent d'heures supplémentaires. Ainsi, le bulletin de paie d'octobre 2015 ne mentionne aucune heure supplémentaire en concordance avec le fait que le salarié était en congé annuel sur l'ensemble de la période. Le bulletin de paie de février 2016 mentionne 10 heures supplémentaires proportionnellement à la durée du travail, hors heures supplémentaires, réduite par une absence pour accident du travail de 88,67 heures sur 151,67 heures. Le bulletin de paie de juillet 2016 mentionne 23 heures supplémentaires, ce qui dépasse le nombre d'heures supplémentaires accomplies par le salarié ce mois-ci (heures comptabilisées : 231h22mn ; heures de repos: 62h57mn ; heures de travail effectif : 168h19mn se répartissant entre 151,67h et 17 h supplémentaires).

Dès lors, les relevés d'activité de M. [V] et les rémunérations figurant sur les bulletins de paie de l'intéressé des mois de novembre, décembre 2015, mai et juillet 2016 établissent le décompte suivant :

- en novembre 2015 : 232 heures d'activité dont 43 heures de repos, soit 189 heures de travail effectif dont 37,33 heures supplémentaires au lieu de 23 rémunérées,

- en décembre 2015 : 240 heures d'activité dont 39 heures de repos, soit 201 heures de travail effectif dont 49,33 heures supplémentaires au lieu de 24 rémunérées,

- en janvier 2016 : 225 heures d'activité dont 36 heures de repos, soit 189 heures de travail effectif dont 37,33 heures supplémentaires au lieu de 22 rémunérées,

- en mars 2016 : 250 heures d'activité dont 40 heures de repos, soit 210 heures de travail effectif dont 58,33 heures supplémentaires au lieu de 24 rémunérées.

En avril, mai et juillet 2016, le même mode de calcul démontre que les heures rémunérées ont dépassé les heures effectivement réalisées (exemple : avril 2016 : 212 heures d'activité dont 52 heures de repos, soit 160 heures de travail effectif dont 9 heures supplémentaires alors que le salarié indique avoir été rémunéré pour 24 heures supplémentaires).

En conséquence, par application de la majoration de la rémunération due pour heures supplémentaires et au regard des sommes déjà versées au salarié par l'employeur sur les mois de novembre, décembre 2015 et janvier et mars 2016, il revient à M. [V] la somme de 1 370,64 euros au titre des heures supplémentaires effectuées non rémunérées outre celle de 137,06 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué à M. [V] un autre montant au titre des heures supplémentaires non payées et des congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Il doit être relevé que l'employeur disposait d'un décompte extrêmement précis et détaillé des périodes de travail journalières à partir d'un logiciel tiré de l'extraction des données de la carte de conducteur du salarié.

Dans ces conditions, la discordance entre les heures supplémentaires payées et celles réellement effectuées ne peut résulter que d'une intention manifeste de la part de l'employeur d'éluder une partie de ces heures.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit en son principe à la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le montant de cette indemnité, M. [V] demande à ce qu'elle soit fixée sur un salaire mensuel brut de référence intégrant les heures supplémentaires, soit un montant de 2.324,26 euros selon le calcul suivant :

Août 2016 :1 998,34 euros,

Juillet 2016 : 2 009,66 euros + 511,66 euros d'heures supplémentaires,

Juin 2016 : 2 453,13 euros.

Or, au regard des éléments ci-dessus aucun rappel d'heures supplémentaires n'est dû à M. [V] pour le mois de juillet 2016.

Ainsi, le salaire de référence de M. [V] sera fixé à la somme de 2 153,71 euros, l'indemnité pour travail dissimulé devant alors s'élever à 12'922,26 euros, par infirmation du jugement entrepris.

Sur le dépassement de la durée légale du travail

M. [V] fonde sa demande sur l'article L.3121-34 du code du travail selon lequel la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder 10 heures et sur l'article L.3121-35 du même code selon lequel au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser 48 heures.

Il relève, en effet à titre d'exemple, que cette durée de travail s'est élevée à 12h05 le 24 novembre 2015, 11h28 le 28 décembre 2015 et 11h41 le 10 mars 2016.

Mais, comme déjà indiqué ci-dessus, le décompte du temps de travail de M. [V] inclut des temps de repos qui ne peuvent être considérés comme du temps de travail effectif.

Ainsi, pour reprendre les exemples du salarié, si la durée de l'activité de M. [V] s'est effectivement élevée à 12h05 le 24 novembre 2015, 11h28 le 28 décembre 2015 et 11h41 le 10 mars 2016, le salarié a bénéficié de 2h06 de repos le 24 novembre 2015, 1h58 de repos le 28 décembre 2015, 1h34 de repos le 10 mars 2016.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande au titre du dépassement de la durée légale du travail.

Sur le dépassement du contingent d'heures supplémentaires

M. [V] fait valoir qu'il a effectué 580,51 heures supplémentaires de septembre 2015 à août 2016 inclus alors que le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu par la convention collective applicable était de 195 heures.

Mais, comme déjà relevé ci-dessus, le décompte du salarié inclus du temps de repos qui ne peut pas être considéré comme du temps de travail effectif et ne peut être comptabilisé dans le calcul des heures supplémentaires accomplies par rapport au contingent annuel.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [V] sollicite la nullité de la convention de rupture de son contrat de travail aux motifs qu'elle fait suite à contentieux entre son employeur et lui-même sur le paiement des heures supplémentaires, que, contrairement aux énonciations de l'acte, aucun entretien préalable n'a eu lieu et, enfin, que sa signature portée sur le document a été imitée par l'employeur.

Cela étant, la dénégation de sa signature par M. [V] doit être prise en considération dès lors que l'intéressé produit la conclusion d'un avis d'un expert près la cour administrative d'appel de Paris, expert honoraire près la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, indiquant que la mise en parallèle de la signature du contrat de rupture conventionnelle avec quatre autres signatures émanant de la main du salarié, permet de dire que la signature du contrat est une imitation très peu réussie à main levée de celle de M. [V].

Cette circonstance entraîne à elle seule la nullité de l'acte de rupture conventionnelle de contrat de travail, peu importe que, comme relevé par la SELAFA MJA et l'AGS CGEA Ile de France Est, le salarié n'ait pas porté plainte pour faux et n'ait pas contesté les conditions de cette rupture ni remis en cause le solde de tout compte avant la saisine du conseil de prud'hommes plus de cinq mois après.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, l'acte de rupture conventionnelle du contrat de travail signé entre M. [V] et la société Trans Attitude sera déclaré nul, et la rupture du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du même code, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Dans le cas de M. [V], le préavis est de deux mois, établissant ainsi l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4 307,42 euros, outre la somme de 430,74 euros au titre des congés payés afférents.

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

Pour le calcul de l'indemnité, le nombre d'années de service doit être apprécié à la fin du délai de préavis, même si l'employeur a dispensé le salarié de l'exécuter. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

Pour une ancienneté de deux ans, cinq mois et quatre jours à l'issue de la période de préavis, il revient à une indemnité légale de licenciement de 1 045,67 euros.

Il sera précisé que la somme versée au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle s'élevant à 950 euros devra être déduite du montant ci-dessus.

En application de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail, également dans sa rédaction applicable au présent litige, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L1235-3 du même code selon lesquelles il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement intervenant dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés. En cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de l'ancienneté (voir ci-dessus), de l'âge (33 ans) et de la rémunération du salarié à la date de la rupture (voir ci-dessus) et compte-tenu également du fait que l'intéressé se contente d'affirmer que les dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à la charge de l'employeur doivent correspondre au préjudice subi sans autre explication ne serait-ce que sur sa situation postérieurement au licenciement, il convient de fixer les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse revenant à M. [V] à la somme de 5 000 euros.

Sur les intérêts

En vertu de l'article 1231-6 du code civil, les sommes ci-dessus, de nature salariale, produiront des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017, date de la lettre de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure.

Toutefois, en vertu de l'article 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.

Sur la garantie de l'AGS CGEA Ile de France Est

Compte tenu de la nature et de l'origine des créances ci-dessus, l'arrêt sera rendu opposable à l'AGS CGEA Ile de France Ouest qui devra sa garantie dans les conditions et limites légales.

Sur la remise de documents sociaux

Compte tenu des éléments ci-dessus, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi et de bulletins de paie conformes.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

RÉVOQUE l'ordonnance de clôture,

FIXE la clôture de l'instruction de l'affaire au 14 septembre 2022 à 13h30,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande en dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales et conventionnelles sur la durée du travail et sur les repos compensateurs et en ce qu'il a ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie conformes,

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

ANNULE l'acte de rupture conventionnelle du 18 août 2016,

DIT que la rupture du contrat de travail entre M. [V] et la société Trans Attitude produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

FIXE la créance de M. [V] au passif de la société Trans Attitude selon les montants suivants :

° 1 370,64 euros au titre des heures supplémentaires effectuées non rémunérées,

° 137,06 euros au titre des congés payés afférents,

° 4 307,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

° 430,74 euros au titre des congés payés afférents,

° 1 045,67 euros à titre d'indemnité de licenciement dont devra être déduite la somme de 950 euros versée dans le cadre de la rupture conventionnelle,

° 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 12'922,26 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

DIT que les sommes de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017 jusqu'au 9 octobre 2018, date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trans Attitude,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA Ile de France Est qui devra sa garantie dans les conditions et limites légales,

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront liquidés en frais de liquidation de la société Trans Attitude.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/06211
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;19.06211 ?
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