Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 5
ORDONNANCE DU 15 NOVEMBRE 2022
(n° /2022)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11540 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF74K
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2022 Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019028979
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
S.A.S.U. FLOWBIRD
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Hélène BOUJENAH, avocat au barreau de PARIS, toque : A878
à
DEFENDEUR
SOCIÉTÉ CANAAN P Ltd, société de droit anglais
International House
[Adresse 1]
SW7 4EF LONDRES - ROYAUME UNI
Représentée par Me Evelyne BOCCALINI substituant Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC129
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 11 Octobre 2022 :
Par jugement du 27 mai 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit recevable l'action de la société de droit anglais Canaan P Ltd,
- s'est dit compétent pour statuer sur le présent litige,
- dit la loi française applicable,
- condamné la SASU Flowbird à payer à la société de droit anglais Canaan P Ltd les sommes de :
- 106.654€ avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2019 et anatocisme,
- 3000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, outre les dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50€ dont 12,20€ de TVA,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 17 juin 2022, la SASU Flowbird a relevé appel de cette décision et, par acte du 1er juillet 2022, elle a saisi le premier président afin de voir :
- juger qu'il existe un risque de non-représentation du montant des condamnations prononcées assorties de l'exécution provisoire,
- condamner la société Canaan P Ltd à produire une garantie consistant au dépôt de la somme de 112.755,65€ équivalente à la Caisse des dépôts et consignations pour répondre de la restitution des fonds,
- à défaut, autoriser la SASU Flowbird à consigner la somme de 112.755,65€ à la Caisse des dépôts et consignations en garantie en principal, intérêts et frais du montant des condamnations prononcées,
- juger que les frais du référé seront joints au dépens de la procédure d'appel.
Par des conclusions en réplique développées oralement à l'audience du 11 octobre 2022, la SASU Flowbird sollicite du premier président qu'il :
- juge qu'il existe un risque de non-représentation du montant des condamnations prononcées assorties de l'exécution provisoire,
- condamne la société Canaan P Ltd à produire une garantie consistant au dépôt de la somme de 112.755,65€ équivalente à la Caisse des dépôts et consignations pour répondre de la restitution des fonds,
- à défaut, autoriser la SASU Flowbird à consigner la somme de 112.755,65€ à la Caisse des dépôts et consignations en garantie en principal, intérêts et frais du montant des condamnations prononcées, après mainlevée par la société Canaan P Ltd de la saisie-attribution opérée le 8 août 2022 à la requête de cette dernière,
- condamner la société Canaan P Ltd à la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que les frais du référé seront joints aux dépens de la procédure d'appel.
Par des conclusions n°1 développées oralement à l'audience, la société de droit anglais Canaan P Ltd sollicite, au visa de la saisie-attribution du 8 août 2022 entre les mains de la BNP Paribas ayant permis d'appréhender l'intégralité de la créance, de :
- dire la SASU Flowbird tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, et l'en débouter,
- condamner la SASU Flowbird aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Il sera renvoyé aux conclusions dûment échangées entre les parties pour un exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la demande au regard de la saisie-attribution du 8 août 2022
Selon l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
Si l'acte de saisie-attribution emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires, le paiement est différé en cas de contestation devant le juge de l'exécution ou, sauf acquiescement, pendant le délai de contestation. Il en résulte que le premier président ne peut déclarer irrecevable une demande d'arrêt de l'exécution provisoire d'une décision sur le fondement de laquelle a été pratiquée une saisie-attribution lorsque celle-ci a fait l'objet d'une contestation ou que le délai de contestation n'a pas encore expiré (cf Cass. Civ. 2ème, 24 janvier 2008, n°07-16.857).
En l'espèce, la SASU Flowbird justifie par les pièces produites avoir contesté par voie d'assignation du 8 septembre 2022 devant le juge de l'exécution de Nanterre la saisie attribution du 8 août 2022 qui lui avait été dénoncée par acte du 16 août 2022 (pièce 7 intimée). Contrairement à ce qu'allègue la société Canaan P Ltd dans ses écritures, il résulte bien de la pièce 8 produite par l'appelante que la dénonciation de cette contestation a été effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'huissier de justice ayant procédé à la saisie, en ce que la lettre recommandée a été réceptionnée par l'huissier le 12 septembre 2022, tandis que la dénonciation date du 16 août 2022, de sorte que les délais visés à l'article R.211-11 précité ont bien été respectés.
Il convient dès lors de déclarer la SASU Flowbird recevable en sa demande de garantie.
Sur le bien-fondé de la demande
Selon l'article 517 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, l'instance ayant été introduite devant le premier juge avant le 1er janvier 2020, "l'exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations".
L'article 518 dispose que "la nature, l'étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution".
En vertu de l'article 519, "lorsque la garantie consiste en une somme d'argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l'être, à la demande de l'une des parties, entre les mains d'un tiers commis à cet effet.
Dans ce dernier cas, le juge, s'il fait droit à cette demande, constate dans sa décision les modalités du dépôt.
Si le tiers refuse le dépôt, la somme est déposée, sans nouvelle décision, à la Caisse des dépôts et consignations".
Aux termes de l'article 521, alinéa 1er, "la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation".
Il est rappelé que ces dispositions n'imposent pas de caractériser le risque de conséquences manifestement excessives, ni un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement entrepris. Le demandeur à la constitution de garantie ou à la consignation doit cependant justifier de la nécessité de cette mesure, eu égard aux circonstances de l'espèce, s'agissant d'une mesure dérogeant à l'exécution provisoire attachée à la décision. Le pouvoir d'aménager l'exécution provisoire est soumis à la discrétion du premier président.
En l'espèce, la décision entreprise porte sur le paiement d'une facture d'un montant de 106654€ due par la SASU Flowbird à la société Canaan P Ltd, en se fondant notamment sur un courriel, versé aux débats, dans lequel M. [Z], directeur de la société Parkeon (Flowbird) indique à M. [X] [I], dirigeant de la société Canaan P Ltd, qu'il est d'accord pour "106k€ et non 168 k€".
Au soutien de sa demande de garantie, la SASU Flowbird fait valoir qu'il existerait des chances sérieuses de réformation du jugement entrepris, en ce que, notamment, le courriel susvisé ne saurait valoir reconnaissance de dette selon la définition de l'article 1376 du code civil.
Il convient toutefois de rappeler que cet élément est inopérant pour ordonner une garantie ou la consignation du montant des condamnations, seul le risque avéré de ne pas recouvrer les fonds en cas d'infirmation de la décision entreprise devant être pris en considération.
A cet égard, la SASU Flowbird soutient que la société Canaan P Ltd ne justifie pas de son siège social, qu'elle n'a pas déposé ses comptes depuis trois exercices et qu'elle ne produit aucun bilan, l'attestation de son expert-comptable étant insuffisante selon elle.
Il convient toutefois de juger que les pièces produites ne permettent pas de remettre en cause l'existence ou les capacités financières de la société Canaan P Ltd, en ce que :
- sont produites les déclarations de revenus pour les années 2018 à 2020 ;
- l'attestation du cabinet d'expert comptable britannique du 28 juin 2022 produit en pièce 11, selon laquelle : "nous confirmons que la société Canaan P Ltd est légalement enregistrée au Royaume Uni sous le numéro (...) ; nous confirmons également que la société Canaan P Ltd est opérationnelle et soumet chaque année ses comptes annuels à la Company House and HM Revenue and Customs".
Aucun motif ne justifie donc l'aménagement de l'exécution provisoire demandé par la SASU Flowbird, dont la demande sera dès lors rejetée.
La SASU Flowbird, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de Procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclarons la SASU Flowbird recevable en sa demande de garantie,
Rejetons la demande d'aménagement de l'exécution provisoire formée par la SASU Flowbird,
Disons n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la SASU Flowbird aux dépens.
ORDONNANCE rendue par Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère