Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12423 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBE5Y
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F 19/00046
APPELANT
Monsieur [Y] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Louis BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0475
INTIMEE
EURL ÖGON DESIGNS
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Jérôme ARTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] [J], né en 1981, a été recruté par l'EURL Ögon Designs par contrat à durée indéterminée, le 21 mai 2018, en qualité de commercial, pour une durée de travail hebdomadaire de 39 heures .
Le 29 octobre 2018, M. [J] a sollicité une rupture conventionnelle dont la société Ögon Designs acceptait le principe.
Les parties ont signé le 19 novembre 2018 la convention de rupture.
Le 19 novembre 2018, M. [J] a fait usage de son droit de rétractation, indiquant ne plus souhaiter une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Ce même jour, M. [J] a remis sa démission à la société Ögon Designs.
Le 30 novembre 2018, M. [J] a requalifié sa démission en prise d'acte aux motifs que'ses conditions de travail se sont dégradées et que la totalité de ses heures supplémentaires n'a pas été réglée.
A la date de la prise d'acte, M. [J] avait une ancienneté de 6 mois et la société Ögon Designs occupait à titre habituel moins de 11 salariés.
Soutenant que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement nul et réclament diverses indemnités outre des rappels pour heures supplémentaires, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun qui, par jugement du 18 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a statué comme suit ':
- Déboute M. [J] [Y] de l'intégralité de ses demandes';
- Condamne M. [J] [Y] à verser la somme de 1.604,85 euros au titre de son préavis non effectué à la société Ögon Designs ;
- Condamne M. [J] [Y] aux entiers dépens.
Par déclaration d'appel du 19 décembre 2019, M. [J] a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 9 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 septembre 2020, M. [J] demande à la cour de :
- Réformer la décision du conseil de prud'hommes de Melun en ce qu'il a débouté M. [J] de l'ensemble de ses chefs de demande et l'a condamné à verser la somme de 1. 604,85 € au titre de son préavis non effectué à la société Ögon Designs ainsi qu'aux entiers dépens ;
Ce faisant :
- Constater, sur la foi des documents détaillés produits aux débats, l'accomplissement de très nombreuses heures supplémentaires ;
- Condamner la société Ögon à verser à M. [J] la somme de 6 .940,08 € bruts en paiement de celles-ci ;
- Ordonner la régularisation et la rectification de chaque bulletin de salaire sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à partie ;
- Condamner la société Ögon à verser à M. [J] une indemnité de travail dissimulé de 26 899,56 € sur la base de l'article L 8223-1 du code du travail ;
- Ordonner la transmission du jugement à intervenir à Monsieur le Procureur de la République d'Evreux sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale ;
- Dire et juger la prise d'acte de la rupture requalifiable en licenciement nul et sur la base de l'article L 1235-3-1 du code du travail, condamner la société Ögon à verser à M. [J], une indemnité de 26.899,56 € ;
- Ordonner la rectification de l'attestation pôle emploi sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à partie ;
- Compte tenu des circonstances de l'affaire, il est demandé 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 octobre 2021, la société Ögon Designs demande à la cour de':
- Déclarer irrecevables les demandes du salarié à défaut de conciliation devant le conseil de prud'hommes.
A titre subsidiaire,
- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
En conséquence,
- Débouter le salarié de ses demandes tendant à voir condamner la société Ögon Designs à lui régler des dommages et intérêts pour licenciement nul, un rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé ;
- Le débouter de toutes ses autres demandes ;
- Le condamner à verser à la société Ögon Designs la somme de 1.604,85€ au titre du préavis non exécuté ;
- Condamner le salarié à verser à la société intimée la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2020 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'irrecevabilité
In limine litis, au visa de l'article L.1411-1 du code du travail et de l'article 117 du code de procédure civile, la société Ögon Designs soutient que la démission de M. [J] résulte d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ; qu'en conséquence, il lui appartenait de porter cette affaire devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes ; qu'à défaut, ses demandes sont irrecevables.
Le salarié réplique que l'article 127 du code de procédure civile prévoit la possibilité pour le juge prud'homal de proposer une conciliation laquelle est systématique devant le bureau de conciliation, sauf dérogation au préalable de conciliation généralement justifiée par l'urgence, notamment pour les litiges relatifs à une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'en application de l'article L.1451-1 du code du travail prévoit que lorsque la demande consiste en la requalification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.
En application de l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.
L'article L.1451-1 du même code dans sa version applicable au litige précise que lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.
En l'espèce, l'objet du litige est précisément de déterminer si la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié doit produire les effets d'une démission ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur de telle sorte que l'affaire devait être directement portée devant le bureau de jugement.
En conséquence, il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité.
Sur les heures supplémentaires
Pour infirmation de la décision entreprise, M. [J] soutient en substance que les tâches confiées l'obligeaient à accomplir des heures supplémentaires ; que le temps de trajet de son domicile à l'entreprise n'a pas été compté dans ses heures de travail'; qu'il produit un récapitulatif détaillé de ses heures réalisées notamment lors des salons professionnels.
L'employeur réplique qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par des éléments suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur d'y répondre ; qu'en l'espèce, la charge de travail de M. [J] ne rendait pas nécessaire la réalisation d'heures supplémentaires': que les relevés produits par le salarié comportent des anomalies (pas de temps de pause, horaire de travail injustifié) ; qu'il communique à son tour de nombreux éléments démontrant que le salarié ne travaillait pas ou terminait plus tôt que prévu'; qu'il ne lui a jamais donné l'ordre de réaliser des heures supplémentaires'; que le salarié n'apporte pas la preuve des horaires de déplacement affichés dans ses relevés horaires.
L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.
L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [J] présente les éléments suivants :
- Des récapitulatifs hebdomadaires de ses temps de travail et des heures supplémentaires;
- Des récapitulatifs journaliers ;
- Des tableaux récapitulatifs de ses tournées ;
- Des échanges de courriels.
Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant ainsi à la société Ôgon Designs qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
A cet effet, la société fait valoir que le salarié exerçait un travail de commercial lui conférant une autonomie certaine tant dans l'organisation de ses tournées commerciales que dans la réalisation des visites auprès des clients ; que de la sorte, la société n'a jamais imposé au salarié des horaires particuliers ainsi que, a fortiori, l'exécution d'heures supplémentaires ; que la réalisation d'heures supplémentaires n'a jamais été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié, comme le démontrent les pièces versées aux débats ; que les relevés produits sont mensongers ; que les heures de transport ne constituent pas un temps de travail. La société produit des attestations de différents salariés sur les horaires réalisés par M. [J] lors de différents salons, des tickets de carte bleue avec la mention d'une heure de paiement, un billet de train, des relevés de badgeage.
La cour retient qu'en application de l'article L. 3121-4 du code du travail, si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, il fait toutefois l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière et la part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; que le salarié était domicilié à [Localité 5] et travaillait habituellement au siège social de la société situé à [Localité 4], soit à 1H30 de trajet ; que le salarié n'a décompté au titre des heures supplémentaires que les temps de trajet pour leur valeur supérieure à 1H30 lorsqu'il était en déplacement hors siège social ; que l'heure mentionnée sur les tickets de carte bleue n'a aucune force probante quant à l'heure réelle du paiement et le départ ou l'arrivée de M. [J] sur les lieux ; qu'il n'est nullement établi que le relevé de badgeage produit, et au demeurant largement tronqué, est celui de M. [J] ; que si ce dernier indique avoir tenu compte de ses temps de pause et de déjeuner pour établir le décompte présenté à la cour, le montant réclamé au titre des heures supplémentaires est néanmoins identique à celui réclamé devant les premiers juges.
En conséquence, eu égard aux éléments présentés par le salarié et aux éléments de réponse utiles et pertinents apportés par l'employeur, la cour a la conviction que le salarié a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées, mais après analyse des pièces produites, dans une moindre mesure que ce qui est réclamé de telle sorte que par infirmation du jugement déféré, la cour condamne la société Ögon Designs à verser à M. [J] la somme 4.608 euros brut à ce titre outre la somme de 460,80 euros brut de congés payés afférents.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation de la décision déféré, M. [J] fait valoir essentiellement que les manquements de la société Ögon Designs alors qu'elle le savait en situation de vulnérabilité parce qu'il avait besoin de son emploi sont particulièrement graves et révoltants ; que non seulement elle l'a soumis à un rythme de travail effréné en outrepassant toute règle, mais elle l'a également mis en danger en le soumettant à des trajets insensés avec pour conséquence la fatigue des journées de travail et le contraignant à revenir chercher le véhicule à l'entreprise et à le ramener ; que le salarié a donc fait l'objet de mesures de harcèlement moral sournois disqualifiant irrémédiablement son employeur ; qu'à ce titre et au visa de l'article L.1235-3- 1, la prise d'acte de la rupture sera requalifiée en licenciement nul avec les conséquences indemnitaires qui s'y attachent, à savoir 6 mois de dommages et intérêts.
La société Ögon Designs rétorque que le salarié n'a jamais subi de harcèlement moral et ne présente aucun élément en ce sens ; qu'il a signé un nouveau contrat de travail alors qu'il était toujours en poste et a refusé d'exécuter son préavis ; que le salarié ne lui a jamais reproché de ne pas lui payer ses heures supplémentaires ; qu'il bénéficiait d'une parfaite autonomie dans l'organisation de ses tournées ; que dans ses conditions la rupture doit être qualifiée de démission.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1152-3 du même code précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, le salarié ne présente aucun élément à l'appui de ses allégations et ne procède que par simples affirmations, le seul fait d'avoir réalisé des heures supplémentaires ne pouvant laisser supposer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral.
Au demeurant, il résulte des pièces versées aux débats que le 29 octobre 2018, M. [J] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail ; que le 30 octobre 2018, M. [O], gérant de l'EURL Ögon Designs indiquait accepter cette rupture et relevait que M. [J] avait affirmé lors de l'entretien individuel du 29 octobre 2018, ne pas être satisfait de sa rémunération de septembre et notamment du calcul de ses heures supplémentaires et avoir dû travailler pendant son arrêt de travail ; que dans ce même courriel, le gérant répondait à son salarié qu'il acceptait de compenser les heures supplémentaires sur la base des horaires faits et qu'il avait récupéré à ce titre 3,5 jours ; que la rupture conventionnelle a été conclue le 19 novembre 2018 avec une prise d'effet prévue le 28 décembre 2018 ; que le même jour, par deux courriers distincts, M. [J] a usé de son droit de rétractation et a démissionné de son poste en demandant de se voir dispenser du préavis de 30 jours pour un départ effectif le 30 novembre 2018 ; que le 20 novembre 2018, il informait son employeur de son embauche par la société Terre de Marins à compter du 3 décembre 2018 ; que le 23 novembre 2018, la société refusait de lui accorder une réduction du préavis en raison de la forte activité liée à la période de fin d'année et confirmait une fin de contrat le 18 décembre 2018 ; que le 26 novembre 2018, M. [J] réitérait sa demande de dispense de préavis à compter du 30 novembre 2018 au motif que 'le solde d'heures non rémunérées ainsi que les 3 jours de repos compensateur dépassent largement le nombre de jours allant jusqu'au 18 décembre'.
Il s'ensuit, eu égard aux circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque. La cour retient que le non paiement des heures supplémentaires pourtant réclamé par le salarié constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles dont la gravité est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. En conséquence, par infirmation de la décision déférée, la démission doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Ögon Designs sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle de condamnation du salarié au paiement du préavis non effectué.
Sur les conséquences financières de la rupture
En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à l'ancienneté du salarié, est en l'espèce d'un mois de salaire maximum.
Compte tenu de l'âge du salarié (37 ans), de son ancienneté (6 mois), de ses bulletins de salaire et de sa situation postérieure à la rupture, il convient de lui allouer la somme de 1.000 euros d'indemnité au titre de la perte d'emploi.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle en vue de dissimuler une partie de l'activité de M. [J] qui doit donc être débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire à ce titre. La décision critiquée sera confirmée de ce chef.
Sur les autres demandes
La société devra remettre au salarié une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.
Il n'y a pas lieu à transmission du dossier au Procureur de la République.
La société Ögon Designs sera condamnée aux entiers dépens et devra verser au salarié la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
REJETTE l'exception d'irrecevabilité ;
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Y] [J] de sa demande au titre du travail dissimulé ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
JUGE que la démission s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse le 19 novembre 2018 ;
CONDAMNE l'EURL Ögon Designs à verser à M. [Y] [J] les sommes suivantes:
- 4.608 euros brut au titre des heures supplémentaires,
- 460,80 euros brut de congés payés afférents,
- 1.000 euros d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
DÉBOUTE l'EURL Ögon Designs de sa demande de paiement au titre du préavis non effectué ;
CONDAMNE l'EURL Ögon Designs à remettre à M. [Y] [J] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte ;
DIT n'y avoir lieu à transmission du dossier au Procureur de la République ;
CONDAMNE l'EURL Ögon Designs aux entiers dépens ;
CONDAMNE l'EURL Ögon Designs à verser à M. [Y] [J] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.