REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00134 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJAY
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Février 2022 -Cour d'Appel de PARIS RG n° 21/12385
DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ
S.A. HEDIOS
RCS de Paris sous le n° 482 647 096,
représentée par son Président Directeur Général, Monsieur [K] [R],
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Représentée par Me Philippe MEYLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505
DÉFENDEUR AU DÉFÉRÉ
Monsieur [D] [Z]
Domicilié [Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Frédérique PONS de l'ASSOCIATION PONS & CARRERE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0193
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Madame Sylvie CASTERMANS, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS, Président et Madame Christine SIMON ROSSENTHAL, présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
La société Hedios, qui a notamment pour activité le conseil en gestion du Patrimoine et en investissements financiers, a développé et commercialisé en 2010 une opération de défiscalisation à fonds perdus dénommée Girardin Solaire Hedios 2010. Le 21 mai 2010, M. [Z] a souscrit à cette opération de défiscalisation pour un montant de 1 500 euros. Une attestation fiscale lui a été adressée par la société Hedios confirmant le montant de la réduction d'impôt à faire figurer sur sa déclaration n° 2042 investissements Outre-Mer.
Monsieur [Z] a bénéficié d'une réduction d'impôt de 2 400 euros au titre des revenus 2010 mais le 14 mai 2013, la Direction générale des finances publiques lui a adressé une proposition de rectification remettant en cause la réduction d'impôt intervenue deux ans plus tôt et s'est vu notifié un redressement d'un montant de 2 638 euros le 30 septembre 2014.
Le 3 juin 2020, Monsieur [Z] a assigné la société Hedios devant le tribunal de commerce de Paris aux fins notamment de solliciter, à titre principal, la condamnation de la société à lui verser la somme de 4 928 euros en réparation des préjudices résultants directement des manquements de la société Hedios et, subsidiairement, les sommes de 1 500 euros correspondant à son apport outre 2 929 euros à titre de dommages et intérêts.
La société Hedios n'a pas conclu en défense et n'a pas été représentée à l'audience.
Par jugement du 20 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris faisait droit, pour l'essentiel, aux demandes de M. [Z].
Le jugement a été signifiée par exploit d'huissier du 22 juin 2021, lequel précisait que la voie de recours ouverte contre la décision était un pourvoi en cassation.
Par déclaration en date du 30 juin 2021, la société Hedios Patrimoine a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 11 octobre 2021, M. [Z] a saisit le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir déclarer irrecevable l'appel formé par la société Hedios et de condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse sur l'incident la société Hedios a demandé au conseiller de juger M. [Z] irrecevable en sa demande d'irrecevabilité ou, subsidiairement, mal fondé et de la débouté de toutes demandes et de le condamner à lui payer une indemnité de procédure de 1 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 7 février 2022, Madame la conseillère de la mise en état a :
- déclaré irrecevable l'appel formé par la société Hedios à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 20 mai 2021 ;
- rejeté les autres demandes ;
- condamné la société Hedios aux dépens d'incident.
La société Hedios a déféré à la cour cette ordonnance.
Aux termes de sa requête signifiée le 22 mars 2022, la société Hedios demande à la cour, au visa du principe de l'estopel et de l'article R721-6 du code de commerce, de réformer, l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'appel formé par la société Hedios Patrimoine à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 20 mai 2021, rejeté les autres demandes d'Hedios Patrimoine et condamner celle-ci aux dépens d'incident ;
statuant à nouveau sur les chefs de l'ordonnance critiqués, dire et juger que Monsieur [Z] est irrecevable en sa demande d'irrecevabilité de l'appel formé par Hedios à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 20 mai 2021 ;
subsidiairement, juger que sa demande est mal fondée ;
le débouter en toutes ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions signifiées le 23 septembre 2022, la société Hédios demande à la cour, au visa de l'article R 721-6 du code de commerce de réformer, l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'appel formé par la société Hedios Patrimoine à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 20 mai 2021, rejeté les autres demandes d'Hedios Patrimoine et condamné celle-ci aux dépens d'incident ;
statuant à nouveau sur les chefs de l'ordonnance critiqués, déclarer l'appel de la société Hédios recevable, débouter Monsieur [Z] de toutes ses demandes et le condamner à lui paye rune indemnité de procédure de 1 000 euros ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par des dernières conclusions signifiées le 26 septembre 2022 , Monsieur [D] [Z] demande à la cour, au visa des articles 914 du code de procédure civile et 721-6 du code de commerce,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'appel formé par la société Hedios Patrimoine à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 20 mai 2021 ;
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté les demandes de M. [Z] ;
et, statuant à nouveau, condamner la société Hedios Patrimoine à verser à M. [Z] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la présente procédure, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'incident devant le conseiller de la mise en état et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant du présent déféré ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me Frédérique Pons.
SUR CE,
Sur l'exception d'irrecevabilité de l'appel
La société Hedios soutient que l'appel qu'elle a relevé est recevable dès lors que la demande de M. [Z] était est indéterminée puisqu'il a remis en cause l'existence du contrat, l'estimant caduc. ; que le montant de la demande qui fixe la compétence du tribunal de commerce doit intégrer les intérêts, à tout le moins courus à la date de la demande, laquelle a été formée lors de l'audience du 3 mars 2021, en sorte que cette demande dépassait le seuil de 5000 € ; que le jugement rendu par le tribunal de commerce ne précise nullement qu'il est rendu en dernier ressort et que, subsidiairement, le jugement doit être jugé nul à raison du défaut de toute mention du fait qu'il aurait été rendu en dernier ressort, ce défaut de mention ayant causé un grief à Hedios qui ne s'est pas pourvu en cassation.
Elle soutient que si, comme le prétend Monsieur [Z], le jugement avait été rendu en dernier ressort, il serait susceptible d'opposition et non de pourvoi en cassation conformément à l'article 473 du code de procédure civile puisque la citation n'a pas été délivrée à personne, le défendeur n'a pas comparu et la décision serait insusceptible d'appel
Monsieur [Z] expose que par assignation délivrée par exploit d'huissier en date du 3 juin 2020, il a demandé au tribunal de commerce de Paris :
- à titre principal, de condamner la société Hedios Patrimoine à lui verser la somme de 4 928 euros en réparation des préjudices résultants directement des manquements de la société Hedios ;
- à titre subsidiaire, de condamner la société Hedios Patrimoine à lui verser les sommes suivantes :
- 1 500 euros correspondant à son apport ;
- 2 929 euros à titre dommages et intérêts ;
En tout état de cause, de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 11 février 2020, en application de l'article 1231-7 du code civil et les intérêts échus dus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil et de condamner la société Hedios Patrimoine à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Frédérique Pons, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il fait valoir que la SCP Calipe a signifié le jugement à la société Hedios à deux reprises, une première fois par acte du 14 juin 2021 et une seconde fois par acte du 22 juin 2021, la seconde signification, en date du 22 juin 2021, mentionnait en première page :
« Voie de recours : un pourvoi en cassation peut être formé contre la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la date qui figure en tête du présent acte. Il doit être formé par ministère d'un avocat au conseil d'état et à la Cour de cassation constitué auprès du Greffe civil de ladite Cour, avant l'expiration de ce délai de rigueur. »
Il fait valoir que le montant des demandes de M. [Z], en excluant celle fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, étant inférieur à 5 000 €, le jugement du tribunal de commerce était un jugement rendu en dernier ressort ; que seule la voie du pourvoi en cassation était ouverte à l'encontre de cette décision et qu'en conséquence, l'appel formé par la société Hedios le 30 juin 2021 à l'encontre du jugement rendu en dernier ressort par le tribunal de commerce de Paris le 20 mai 2021 est irrecevable.
Il ajoute que la société Hedios était donc parfaitement informée de ce que la voie de recours ouverte contre la décision du tribunal de commerce était un pourvoi en cassation lorsqu'elle a interjeté appel devant la cour de céans et qu'en tout état de cause, l'erreur affectant le premier acte de signification ne saurait ouvrir une voie de recours dérogeant au taux de dernier ressort de 5 000 € prévu à l'article R721-6 du code de commerce.
Il indique que ses demandes étaient parfaitement déterminées puisque chiffrées et que n'entrent pas dans l'évaluation de la demande, celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les intérêts postérieurs à l'assignation et que la demande doit être regardée telle qu'elle a été présentée dans les dernières écritures. Il précise qu'aucun calcul n'est proposé par la société Hedios, laquelle se contente d'affirmer que le montant des intérêts devrait être calculé à la date de l'audience devant le tribunal de commerce soit au 3 mars 2021 ; qu'il sollicitait, à titre principal, la somme de 4 928 € avec intérêt à taux légal à compter du 11 février 2020 soit 4 975,9 € (4 928 € + 47,914 €), le calcul du montant dû au titre des intérêts étant le suivant : 113 jours (délais entre mise en demeure du 11 février 2020 et assignation du 3 juin 2020) x 3,14 (taux d'intérêt légal applicable aux créanciers particuliers au premier semestre 2020) / 36 500 = 47,91 € ; que le montant de sa demande en intégrant les intérêts au jour de la demande, était donc inférieur au taux de ressort de 5 000 €.
Il fait valoir que la société Hedios ne formule aucune demande de nullité aux termes de son dispositif ; qu'aucun texte ne prévoit qu'en l'absence de toute précision, un jugement serait nécessairement rendu en premier ressort ; que le fait de savoir si un jugement du tribunal de commerce est rendu en premier ou dernier ressort est déterminé par l'article R721-6 du code de commerce, lequel prévoit expressément que le tribunal de commerce connaît, en dernier ressort, des demandes jusqu'à la valeur de 5 000 euros ; que s'agissant du grief invoqué par la société Hedios, cette dernière a été avisée, par une notification d'huissier, de la possibilité de se pourvoir en cassation contre le jugement du tribunal de commerce le 22 juin, soit 8 jours avant d'interjeter appel ; que l'article 454 du code de procédure civile ne prévoit pas, à peine de nullité, qu'un jugement indique s'il a été rendu en premier ou dernier ressort.
Ceci état exposé, l'article R721-6 du code de commerce, modifié par l'article 16 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que : « Le tribunal de commerce connaît en dernier ressort des demandes jusqu'à la valeur de 5 000 euros. »
Si le jugement a été signifié une première fois le 14 juin 202, il l'a été une seconde fois par acte du 22 juin 2021, l'exploit portant la mention suivante :
« Voie de recours : un pourvoi en cassation peut être formé contre la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la date qui figure en tête du présent acte. Il doit être formé par ministère d'un avocat au conseil d'état et à la Cour de cassation constitué auprès du greffe civil de ladite Cour, avant l'expiration de ce délai de rigueur. »
Il est précisé que la seule sanction d'un défaut d'indication ou de l'indication erronée d'une voie de recours est que la signification ne fait pas courir le délai et non la nullité du jugement qui, en tout état de cause échappe à la compétence du conseiller de la mise en état et qui suppose que l'appel soit recevable et qui au surplus, en l'espèce, n'est pas sollicité aux termes du dispositif des écritures de la société Hedios, demande dont la cour n'est donc pas saisie en application de l'article 954 du code civile qui dispose que la cour ne connaît que des prétentions énoncée au dispositif des écritures des parties.
La société Hedios était donc parfaitement informée du fait que la voie de recours était le pourvoi en cassation.
Les demandes formées par M. [Z] en première instance étaient parfaitement déterminées puisque chiffrées, étant précisé que n'entrent pas dans l'évaluation de la demande, celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les intérêts postérieurs à l'assignation. Force est de constater que les demandes tant principale que subsidiaire sont inférieures à 5 000 euros de sorte que la seule voie de recours était un pourvoi en cassation et non un appel du jugement.
Enfin, il ressort des mentions du jugement que l'assignation a été régulièrement signifiée à l'encontre de la société Hédios qui ne s'est pas présentée et n'a pas été représentée à l'audience de jugement de sorte que la mention qui aurait dû figurer au dispositif de la décision est « jugement contradictoire à signifier » et non « jugement contradictoire à défaut », mention erronée qui, au surplus, n'existe pas, la seule voie de recours étant le pourvoi en cassation.
L'ordonnance déférée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a déclaré l'appel irrecevable et condamné la société Hedios aux dépens.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
M. [Z] soutient qu'engagée dans un contentieux sériel, la société Hedios met tout en 'uvre pour retarder au maximum le prononcé d'une décision définitive défavorable à son encontre et que le présent déféré a été engagé de façon parfaitement abusive et dans un but strictement dilatoire ; qu'elle n'était ni présente, ni représentée, que ce soit à l'audience devant le tribunal de commerce ou devant Madame la conseillère de la mise en état et qu'elle ne verse aucune pièce au soutien de ses intérêts.
Il sollicite la condamnation de la société Hedios à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du son préjudice financier, faisant valoir qu'il a dû exposer des frais pour se défendre dans le cadre de la procédure d'appel au fond, au regard des délais prévus par l'article 909 du code de procédure civile ; qu'il a ainsi régularisé des conclusions d'intimé comportant appel incident de 23 pages le 21 décembre 2021 ; que si la procédure s'achève par une décision d'irrecevabilité, il ne percevra aucune indemnisation des frais qu'il a exposés pour se défendre au fond et de son préjudice moral du fait de cette nouvelle procédure, laquelle fait suite à une rectification fiscale, des procédures devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel, le tribunal de commerce, la procédure d'appel au fond et l'incident devant la cour d'appel.
Ceci étant exposé, le préjudice lié aux frais supportés par M. [Z] seront réparés par la condamnation de la société Hedios aux dépens du déféré et de l'instance et à lui verser une indemnité de procédure.
La demande sera dès lors rejetée.
La société Hedios sera condamnée aux dépens du déféré et de l'instance. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée, sur ce même fondement, à payer à M. [Z] la somme de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
DÉCLARE Monsieur [D] [Z] recevable à invoquer l'irrecevabilité de l'appel relevé par la société Hedios ;
CONFIRME l'ordonnance du 7 février 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur [D] [Z] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société Hedios Patrimoine aux dépens du déféré et de l'instance ;
DÉBOUTE la société Hedios Patrimoine de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la société Hedios Patrimoine à payer à Monsieur [Z] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S.MOLLÉ E.LOOS