REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18635 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2V2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° J201800040
APPELANTS
Monsieur [S] [T] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Cédric SEGUIN de la SELAS SELAS CS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149
S.A.S. LINKAPITAL prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]
N° SIRET : 791 794 050
Représentée par Me Thierry GICQUEAU de l'ASSOCIATION GICQUEAU -VERGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : R147
INTIMEES
S.A.R.L. B.T.I.
Ayant son siège social
[Adresse 6]
[Localité 2]
N° SIRET : 380 511 626
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Représentée par M. Sophie BERIHAULI GUEREMY ,Avocat du barreau de BORDEAUX
S.A.S. LINKAPITAL
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 5]
N° SIRET : 791 794 050
Prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Thierry GICQUEAU de l'ASSOCIATION GICQUEAU -VERGNE,Avocat au barreau de PARIS, toque : R147
INTERVENANT
Monsieur [S] [T] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Cédric SEGUIN de la SELAS SELAS CS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
-
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Linkapital est une société de conseil spécialisée dans le capital investissement et le financement d'entreprises. Monsieur [S] [T] [Y] est consultant dans le domaine de l'hôtellerie et la restauration. Ces parties ont conclu un contrat d'assistance aux fins que ce dernier puisse réaliser la cession d'un ensemble d'entreprises constituant le groupe Altica, chacune étant détenue à parts égales par les familles [D]-[M] et [K], au travers leurs holdings familiales respectives, soit la société BTI pour la famille [D] et la société Sofinha pour la famille [K].
La rémunération de la société Linkapital était établie à 4 % du montant du prix de vente des sociétés concernées par l'opération.
La société Ardens a été identifiée comme investisseur. Cependant, celle-ci ne souhaitait pas prendre en charge la totalité des honoraires de la société Linkapital,
Monsieur [T] [Y] a exposé que lors d'une réunion ayant eu lieu le 27 avril 2015, Messieurs [K], Madame [D] en sa qualité de gérante de la société BTI et lui même s'étaient mis d'accord pour partager par tiers les frais résultant de la prestation réalisée pour leur compte par la société Linkapital et que suite à cette réunion, s'appuyant sur un courrier datant du 27 avril 2015, M. [T] [Y] expose avait convenu avec les parties d'une répartition des honoraires de la rémunération de la société Linkapital, soit la somme de 81 500 euros HT à la charge de chacune des trois parties et que ces sommes devaient être versées à la date du closing, justifiant ainsi l'émission d'une facture et la prise en charge
Monsieur [T] [Y] s'est porté fort du paiement par les cédants auprès de la société Linkapital.
L'opération a été réalisée, la société Linkapital a donc émis une facture à l'attention de la société BTI, mais cette dernière a refusé de payer sa quote-part.
Par acte d'huissier de justice en date du 10 juillet 2017, la société Linkapital a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris Monsieur [T] [Y]. M. [T] [Y] a assigner en intervention la société BTI.
Par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [T] [Y] de sa demande d'enquête, à savoir l'audition de Messieurs [B] et [J] [R] [K] sur ce qui s'était passé lors du rendez-vous du 27 avril 2017 et par jugement du 16 septembre 2019, le tribunal a débouté la société Linkapital de sa demande d'audition des témoins de la réunion du 27 avril 2015.
Par jugement rendu le 20 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
- dit les actions de Linkapital et de Monsieur [T] [Y] recevables ;
- déboute Linkapital et Monsieur [T] [Y] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la BTI ;
- condamne Monsieur [T] [Y] à payer 97 800 euros à Linkapital, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2017 ;
- déboute la BTI de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi ;
- condamne Monsieur [T] [Y] à payer à Linkapital la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne in solidum Linkapital et Monsieur [T] [Y] à payer à BTI la somme de 2 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne Monsieur [T] [Y] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 149,13 euros dont 24,64 euros de TVA ;
- déboute les parties de leurs demandes autre, plus amples ou contraires ;
- ordonne l'exécution provisoire.
Par déclaration du 18 décembre 2020, la société Linkapital a interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 8 juin 2022, la société Linkapital demande à la cour, au visa des articles 199 et suivants du code de procédure civile, les articles 1303 et suivants, 1134 et suivants et l'article 1120 du code civil, l'article L.441-6 du code de commerce, de la déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes et, en conséquence, à titre principal d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de condamner la société BTI à lui payer :
- la somme 97.800 euros au titre du préjudice subi du fait de l'enrichissement injustifié de la société BTI ;
- les intérêts de retard dus sur cette somme qui courront à compter du 22 février 2016 (30 jours après l'émission de la facture exigible à la date du closing) ;
- la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
à titre subsidiaire,
- condamner Monsieur [S] [T] [Y] à payer à la société Linkapital la somme de 97 800 euros au titre du préjudice subi du fait de l'inexécution de la société BTI, les intérêts de retard dus sur cette somme qui courront à compter du 22 février 2016 (30 jours après l'émission de la facture exigible à la date du closing) et la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la partie qui succombera ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 17 février 2021, Monsieur [S] [T] [Y] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes et de :
juger recevable et probante l'attestation de Monsieur [R] [K] produite aux débats et qu'il résulte des éléments produits à l'instance l'engagement de la société BTI envers Monsieur [T] de payer la somme de 97 800 € à la société Linkapital et, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau de :
condamner la société B.T.I. à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société Linkapital, et notamment la somme 97 800 euros et les intérêts de retard dus sur cette somme qui courront à compter du 22 février 2016 et auxquels il pourrait être condamné au profit de la société Linkapital.
Il sollicite la condamnation de la société société B.T.I. à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 12 mai 2022, la société BTI demande à la cour, au visa des articles 1204, 1303, 1353 du code civil et les articles 32-1, 325 et 331 du code de procédure civile,
à titre liminaire,
- constater qu'elle n'est pas saisie des jugements avant dire-droit rendu les 17 septembre 2018 et 16 septembre 2019, devenus définitifs.
à titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les actions/demandes de la société Linkapital et Monsieur [T] [Y] recevables et statuant à nouveau :
- déclarer irrecevable l'intervention forcée de Monsieur [S] [T] [Y] à l'encontre de la société BTI et ce en l'absence de droit à agir ;
- déclarer irrecevable l'action introduite par la société Linkapital à l'encontre de la société B.T.I ;
à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour d'appel de Paris confirmerait le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé la société Linkapital et Monsieur [S] [T] [Y] recevables en leur action :
- confirmer l'absence de créance d'une part de la société Linkapital et d'autre part de Monsieur [S] [T] [Y] à l'encontre de la société BTI ;
- confirmer l'autonomie de l'engagement de porte-fort de Monsieur [S] [T] [Y] ;
- confirmer l'absence de subrogation au bénéfice de Monsieur [S] [T] [Y] ;
- confirmer que la société Linkapital ne rapporte pas la preuve d'un enrichissement injustifié de la société BTI ;
en conséquence :
- débouter Monsieur [S] [T] [Y] et la société Linkapital de leur demande de condamnation de la société BTI au paiement de la somme de 97 800 euros ;
- débouter Monsieur [S] [T] [Y] de l'ensemble de ses demandes de garantie envers la société BTI pour toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- débouter la société Linkapital et Monsieur [S] [T] [Y] de toutes demandes au surplus ;
y ajoutant,
- condamner solidairement Monsieur [S] [T] [Y] et la société Linkapital au paiement au profit de la société BTI d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
en tout état de cause :
- condamner solidairement Monsieur [S] [T] [Y] et la société Linkapital au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux entiers dépens de l'instance et de la procédure.
SUR CE,
Il convient à titre liminaire de rappeler que la demande formée par la société BTI visant à voir la cour constater qu'elle n'est pas saisie des jugements avant dire-droit rendu les 17 septembre 2018 et 16 septembre 2019, devenus définitifs n'est pas une prétention au sens de l'article 53 du code de procédure civile.
Sur les exceptions d'irrecevabilité des demandes formées par la société Linkcapital et M. [T] [Y] à l'encontre de la société BTI
La société BTI sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Linkapital et M. [T] [Y] recevables en leur action. Elle soutient que l'intervention forcée de Monsieur [S] [T] [Y] à l'encontre de la société BTI est irrecevable pour absence de droit à agir, celui-ci ne disposant pas de créance sur BTI et que l'action introduite par la société Linkapital à l'encontre de la société B.T.I est irrecevable faute pour cette dernière d'avoir relevé appel des jugements avant dire droit en même temps que l'appel au fond. Elle soutient que les appelants ont acquiescé, par l'absence d'appel formé, à l'affirmation du tribunal qui par deux fois a précisé qu'ils étaient défaillants à démontrer un commencement de preuve.
La société Linkapital fait valoir que les jugements avant dire droit n'étaient pas susceptibles d'appel.
Ceci étant exposé, la société BTI est mal fondée à soutenir qu'en ne relevant pas appel des jugements avant dire droit en même temps que l'appel relevé contre le jugement au fond, la société Linkapital et M. [T] [Y] ont acquiescé à l'affirmation du tribunal selon laquelle celui-ci aurait précisé que ces derniers étaient défaillants à démontrer un commencement de preuve dès lors que les jugements avant dire droit se bornent, aux termes de leur dispositif, à rejeter la demande d'enquête présentée par M. [T] [Y] (jugement du 17 septembre 2018) et la demande de la société Linkapital visant à ce que MM [B] et [J] [R] [K] soient cités devant le tribunal (jugement du 16 septembre 2019). La société Linkapital qui invoque l'enrichissement sans cause de la société BTI a donc un intérêt à agir et est donc recevable en son action. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point.
Monsieur [T] [Y] qui soutient que la société BTI s'est engagée à prendre en charge un tiers des honoraires de la société Linkapital et qui sollicite la garantie de BTI à le garantir de la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre de la promesse de porte-fort qu'il a signée a donc bien un intérêt à agir à l'encontre de BTI est est donc recevable en son action. Le jugement entrepris sera également dès lors confirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement de la société Linkapital
Le tribunal a considéré que ni la société Linkapital ni M. [T] [Y] ne rapportaient la preuve d'un engagement de BTI au motif que l'attestation des Messieurs [K] n'était pas probante, ces derniers n'étant pas des tiers au litige car ils avaient un intérêt patrimonial à la condamnation au paiement de BTI.
BTI soutient qu'il n'existe pas de commencement de preuve par écrit au motif que les jugements avant dire droit sont définitifs faute pour Linkapital et M. [T] [Y] d'en avoir relevé appel en même temps que l'appel au fond et soutient que les appelants ont acquiescé, par l'absence d'appel formé, à l'affirmation du tribunal qui par deux fois a précisé qu'ils étaient défaillants à démontrer un commencement de preuve.
Elle fait valoir qu'aucun élément ne permet d'apporter une preuve ni même un commencement de preuve d'une obligation au paiement à la société Linkapital d'une somme de 97 800 euros par la société BTI ; qu'il n'y a aucun fait (engagement de paiement) générateur d'un litige (refus de paiement) et que l'engagement de porte fort de M. [T] [Y] est fondé sur une créance inexistante.
Elle fait également valoir qu'en l'espèce, la société Linkapital rapporte la preuve de l'existence d'une obligation de remboursement à l'encontre de Monsieur [S] [T] [Y] mais aucunement à l'encontre de la société BTI. Elle précise qu'elle ne faisait d'ailleurs pas l'objet de son assignation ; que la société Linkapital qui échoue dans l'administration de la preuve d'une obligation de la société BTI à son encontre ne peut être recevable sur le terrain de l'action en enrichissement injustifié ; qu'en application des articles 1303 et suivants du code civil ainsi que des décisions prétoriennes, l'action fondée sur l'enrichissement injustifié ne saurait être invoquée à titre principal et ce en application du principe de subsidiarité de ladite action ; que la carence de la preuve de la société Linkapital ne serait être comblée par une action fondée sur un enrichissement injustifié.
Monsieur [T] [Y] expose s'être rapproché de la société Linkapital pour la cession du groupe hôtelier Altica Group constitué par 9 sociétés exploitant chacune un hôtel dans le sud-ouest de la France, les actionnaire du groupe étant deux familles intervenant au travers de leur holding familiale, d'un côté la famille [R] [K] détenant 50 % du groupe au travers de la société Sofinha et de l'autre côté la famille de Madame [U] [D]-[M] détenant 50 % du groupe au travers de la société BTI ; qu'associé à la société Ardens, il a acquis auprès des actionnaires d' Altica Group les parts des différentes structures le composant.
Il indique que les cessions et les apports inhérents à cette opération sont intervenus le 22 janvier 2016 ; que la société Ardens ne souhaitant pas supporter 100 % des honoraires de Linkapital, il a rencontré Messieurs [R] [K] et Mme [D], notamment le 27 avril 12018 et qu'à l'issue de cette réunion, il a été convenu entre lui-même, Messieurs [R] [K] de la société Sofinha et Mme [D] de la société BTI qu'ils prendraient à charge, entre eux trois une quote-part représentant 1,5 % du prix de cette cession, soit 244 500 euros HT et que cette somme serait payée à hauteur de :
81 500 euros HT par la société BTI le jour de la vente et de l'apport de ses titres,
81 500 euros HT par la société Sofinha le jour de la vente et de l'apport de ses titres,
81 500 euros par M. [S] [T] [Y] le jour où il céderait les titres d'Altica Groupe qu'il devait acquérir des sociétés susnommées.
Il indique avoir confirmé cet accord dans une lettre établie par Linkapital résumant la situation et détaillant cet accord et qu'il s'est porté fort de l'exécution de cet engagement donné verbalement par la représentante de BTI et le présentant de Sofinha ; que Sofinha a payé la somme convenue, soit 81 500 euros HT à la société Linkapital mais pas la société BTI.
Il fait valoir que la veille du closing, la société BTI s'est également vu remettre une facture du même montant que celle de la société Sofinha de la part de la société Linkapital et qu'à aucun moment, préalablement à la signature des actes de cession, la société BTI ne s'est manifesté pour contester le quantum ou l'existence même de cette facture ; que Madame [M] ne s'est pas manifestée parce qu'elle savait qu'elle s'était engagée à payer cette somme lors de la réunion tripartite ; que l'engagement de la société BTI est également confirmé dans le mail qu'elle a envoyé à Linkapital, lorsque Madame [M] affirme :
« En conclusion, [X] et moi-même sommes prêtes à vous régler une participation, pour des relations futures correctes, mais je vous demande de me renvoyer votre facture avec une remise très significative, aux regards de tous ces différents ».
Il soutient que Madame [M] se reconnaît donc redevable d'honoraires, mais qu'elle souhaitait que Linkapital lui fasse une remise « très significative » compte tenu de différends ; que ce courriel constitue un commencement de preuve par écrit qui aurait pu être corroboré par l'audition devant le tribunal de Messieurs [R] [K] et qui est corroboré par :
- le fait que la société BTI ne se soit pas manifesté lorsque la facture lui a été adressée,
- le fait que l'associé de BTI, associé à 50/50, à savoir la société Sofinha a payé la somme de 97 800 €,
- le fait que Madame [M] demande une compensation entre une rémunération qu'elle reconnaît devoir et une indemnisation qu'elle aimerait percevoir.
Il fait valoir que cela démontre que chacun de ces 2 associés, les sociétés Sofinha et BTI, ayant perçu le même prix de vente de leurs titres s'étaient engagés à payer la même part de commission de l'intermédiaire grâce auquel ils ont pu vendre leurs actions.
Il ajoute que Messieurs [R] [K], associés gérants de la société Sofinha ont attesté, tant auprès de la société Linkapital que de Monsieur [S] [T] [Y] de l'engagement pris par Madame [M] en sa qualité de gérante de la société B.T.I.
La société Linkapital fait valoir que les jugements avant dire droit n'étaient pas susceptibles d'appel. La société Linkapital et M. [T] [Y] font valoir que l'attestation produite répond aux exigences des articles 199 et suivants du code de procédure civile ; que les tiers peuvent être témoins à l'exception des parties au litige de sorte que Messieurs [K] ne pouvaient pas être considérés comme des tiers au sens des articles 199 et suivants du code de procédure civile ; que la société Sofinha qui a honoré ses engagements, ne peut être condamnée au paiement des sommes dues par BTI ; que dès lors que Messieurs [K] acceptent de dire la vérité sur les échanges qui ont eu lieu à la réunion et les engagements pris par leur amie et associée, ces déclarations doivent être prises avec le plus grand sérieux et avec toute l'objectivité nécessaire. Elle ajoute que l'attestation produite répond aux exigences de l'article 201 du code de procédure civile.
La société Linkapital soutient qu'elle n'a pas de lien contractuel avec la société BTI puisque celle-ci s'est engagée oralement envers M. [T] [Y] mai qu'elle a profité d'un enrichissement injustifié puisqu'elle a bénéficié du travail de Linkapital qui a consisté à lui trouver des acquéreurs pour les parts sociales de ses hôtels et qui lui a donné accessoirement la possibilité de réinvestir une partie du produit de cession dans le capital de la société d'acquisition, sans qu'elle ne la rémunère en contrepartie à son détriment ; qu'elle s'est appauvri par le manque à gagner ; qu'elle lui a adressé, tout comme à la société Sofinha, une facture ; qu'il y a donc une corrélation entre l'enrichissement et l'appauvrissement. Elle ajoute qu'elle ne dispose pas d'autre action contre la société BTI qu'elle est donc bien fondés à solliciter la condamnation de BTI, sur le fondement des articles 1303 et suivants du code civil à lui payer la somme de 97 800 euros.
Ceci étant exposé, il est rappelé qu'en application de l'article L. 110-3 du code de commerce, la preuve est libre en matière commerciale.
L'attestation de Monsieur [B] [R] [K] en date du 5 mai 2022 est parfaitement recevable au sens des articles 200 et suivants du code de procédure civile en ce que, contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, celui-ci bien un tiers au litige puisqu'il n'est n'est pas partie et comporte la relation de faits qu'il a personnellement constatés ainsi que les éléments de nature à établir son lien de communauté d'intérêts avec les parties. L'attestation étant en outre signée et accompagné d'un justificatif d'identité.
Il ressort des pièces versées aux débats par les appelants notamment l'attestation de M. [R] [K] qu'au cours d'une réunion qui s'est tenue courant avril 2015, réunion dont l'existence n'est pas contestée par la société BTI, M. [T] [Y], Madame [D]-[M] associée gérante de la SARL BTI et Messieurs [J] et [B] [R] [K] de la société Sofinha, ont accepté la prise en charge partagée des honoraires de la société Linkcapital à hauteur d'un tiers à la charge de M. [T] [Y], un tiers à la charge de la société Sofinha et un tiers à la charge de la société BTI, sans que la somme exacte ne soit connue, puisque la vente effective n'est intervenue que le 22 janvier 2016. La société Sofinha a réglé la somme de 81 500 euros HT (soit 97 800 euros TTC) à la société Linkapital mais la société BTI n'a pas réglé sa quote-part des honoraires sans toutefois avoir contesté la facture qui lui avait été adressée par Linkapital à ce titre. Cet engagement oral est confirmé également par le mail qu'a adressée Mme [D]-[M] à la société Linkapital aux termes duquel elle indique : « En conclusion, [X] et moi-même sommes prêtes à vous régler une participation, pour des relations futures correctes, mais je vous demande de me renvoyer votre facture avec une remise très significative, aux regards de tous ces différents » reconnaissant ainsi être redevable d'honoraires.
L'action de in rem verso est recevable dès lors que celui qui l'intente allège l'avantage qu'il aurait, par un sacrifice ou un fait personnel, procuré à celui contre lequel il agit. L'enrichissement peut résulter dans l'accroissement du patrimoine du défendeur ou d'une économie ou d'une dépense évitée. L'appauvrissement peut résulter d'un manque à gagner comme un travail sans rémunération avec un enrichissement corrélatif par les dépenses évitées.
Il incombe l'appauvri qui invoque l'enrichissement sans cause d'établir l'appauvrissement qu'il subit et l'enrichissement corrélatif du défendeur et que celui-ci est intervenu sans cause. L'action sur ce fondement n'est recevable que si l'appauvri ne dispose pas d'autre action.
En l'espèce, la société Linkapital n'est pas partie à l'accord verbal aux termes duquel les société Sofinha et BTI se sont engagées à prendre en charge un tiers chacune des honoraires de la société Linkapital. Il n'existe pas de lien contractuel entre la société BTI et la société Linkapital. Cette dernière est dès lors recevable à fonder son action en paiement à titre principal sur l'enrichissement dans cause de la société BTI dès lors qu'elle est dépourvu d'action contractuelle .
Il résulte de l''engagement pris par la représentante de la société BTI envers M. [T] [Y] et la société Sofinah de prendre en charge un tiers des honoraires, étant précisé que ces derniers ont réglé leur quote-part, que la société BIT s'est enrichie en se dispensant de régler sa quote-part d'honoraires de la société Linkapital tout en ayant bénéficié du travail de cette dernière, travail qui a consisté à lui trouver des acquéreurs pour les parts sociales de ses hôtels et à lui donner la possibilité de réinvestir une partie du produit de la cession dans le capital de la société d'acquisition. Cet enrichissement présente un lien de corrélation certain avec l'appauvrissement de la société Linkapital constitué par le manque à gagner pour un travail qu'elle a effectué sans rémunération.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé et la société BTI sera condamnée à lui payer la somme de 97 800 euros TTC.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société BTI
La société BTI fait valoir que seul Monsieur [J] [K] a signé le document en s'octroyant le pouvoir de signer au nom et pour le compte d'une personne fictive « p/o ALTICA », ne disposant d'aucun pouvoir ; que ce document prouve la collusion entre M. [J] [K] et M. [T] [Y].
Ceci étant exposé, le document allégué est une lettre adressée le 27 avril 2015 par M. [T] [Y] aux actionnaires du groupe Altica portant la mention suivante « Bon pour accord sur les termes de cette lettre P/O Altica » qui ne démontre aucunement la collusion invoquée.
La société BTI sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
La société BTI qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.
Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à M. [T] [Y] et à la société Linkapital la somme de 4 000 euros chacun.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société BTI à payer à la société Linkapital la somme de 97 800 euros TTC ;
DÉBOUTE la société BTI de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE la société BTI aux dépens de première instance et d'appel ;
DÉBOUTE la société BTI de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la société BTI à payer à la société Linkapital la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société BTI à payer à Monsieur [S] [T] [Y] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,