REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16282 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUHM
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 20 Novembre 2019 -Cour de Cassation de PARIS emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 4 décembre 2017, sur appel d'un jugement rendu le 22 octobre 2015 par le Tribunal de Commerce de Paris.
DEMANDEURS A LA SAISINE
Monsieur [N] [S]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 5]
Madame [E] [T]
née le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 6]
Domiciliés [Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Jean-Louis MARY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1539
DEFENDERESSES A LA SAISINE
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 7] Le Directeur Régional des Finances Publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 8]
Ayant ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien 1,
Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
Madame Marion PRIMEVERT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Jacques LE VAILLANT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signée par Brigitte BRUN-LALLEMAND, Présidente à cette audience et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 5 août 2008, l'administration fiscale a notifié à M. [N] [S] et Mme [E] [T], sa concubine, une proposition de rectification de l'impôt de solidarité sur la fortune portant sur des rehaussements de la valeur d'immeubles, la taxation de comptes courants d'associés omis et un regroupement du patrimoine des concubins. Les rappels ont été acceptés sur la base des valeurs retenues par le vérificateur pour les années 2003 à 2007, à l'exception du rehaussement de la valeur d'immeubles pour l'année 2007.
Les 20 décembre 2011 et 31 janvier 2012, l'administration fiscale a notifié respectivement à M. [N] [S] et Mme [E] [T] une proposition de rectification de leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010 portant sur des insuffisances de valeurs de biens immobiliers au titre de l'année 2008 s'agissant de Mme [T] et des omissions de comptes courants et de comptes bancaires pour les années 2005 à 2010 pour cette dernière et M. [S]. L'administration fiscale a considéré que les manquements ont été délibérés et a appliqué la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 a. du code général des impôts.
Le 24 avril 2012, M. [N] [S] et Mme [E] [T] ont sollicité la saisine de la commission départementale de conciliation de [Localité 8].
Le 19 février 2013, la commission a proposé d'évaluer les biens immobiliers appartenant à Mme [T] et le compte courant d'associé de M. [N] [S] dans la SNC Hôtelière Bocraz conformément à l'analyse effectuée par le service vérificateur, constatant l'absence de comparution de M. [S] et de Mme [T] et l'absence de production par ces derniers d'éléments susceptibles de remettre en cause l'analyse de l'administration fiscale. Cet avis a été notifié à M. [S] et Mme [T] le 15 mai 2013.
Le 29 juin 2013, l'administration fiscale a adressé un avis de mise en recouvrement à chacun des concubins en opérant une ventilation des rectifications d'imposition au prorata de leur patrimoine respectif. Ainsi, un avis de mise en recouvrement a été émis à l'encontre de M. [N] [S] au titre des années 2005 à 2010 pour la somme totale de 506 783 euros, correspondant à 317 008 euros de droits et 189 775 euros d'intérêts de retard et de pénalités calculées au taux de 40 %. Un avis de mise en recouvrement a également été émis à l'encontre de Mme [E] [T] au titre des années 2006 à 2010 pour un montant total de 70 068 euros correspondant à 44 872 euros de droits et 25 195 euros d'intérêts de retard et de pénalités calculées au taux de 40 %.
Après le rejet de leurs réclamations survenu le 27 janvier 2014, M. [N] [S] et Mme [E] [T] ont assigné l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Paris le 31 mars 2014.
Par jugement du 22 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a statué comme suit:
- constate le dégrèvement total, prononcé suivant avis du 30 septembre 2014 par l'administration fiscale, au profit de Mme [E] [T], de l'impôt de solidarité sur la fortune de l'année 2008 déclaré et acquitté à titre personnel pour un montant de 547 euros,
- rejette la demande de décharge des impositions et majorations formée par M. [N] [S] et Mme [E] [T],
- confirme la décision de rejet de la réclamation de M. [N] [S] et de Mme [E] [T] prononcée par l'administration fiscale le 27 janvier 2014,
- rappelle que la décision est exécutoire par provision de plein droit,
- condamne M. [N] [S] et de Mme [E] [T] aux dépens,
- rejette leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 4 décembre 2017, cette cour a statué comme suit :
- confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 22 octobre 2015 en toutes ses dispositions,
- condamne solidairement M. [N] [S] et Mme [E] [T] aux dépens d'appel,
- déboute M. [N] [S] et Mme [E] [T] de leur demande d'indemnité de procédure,
- condamne in solidum M. [N] [S] et Mme [E] [T] à payer à M. le directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 8] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt prononcé le 20 novembre 2019, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de décharge des majorations pour manquements délibérés de M. [S] et Mme [T] à leurs obligations déclaratives. La cassation est prononcée pour défaut de motifs, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel ayant statué 'sans répondre aux conclusions de M. [S] et Mme [T] qui soutenaient que le principe de personnalisation des peines s'opposait à ce que Mme [T] soit soumise à des pénalités pour manquement délibéré en raison d'omissions imputables uniquement à M. [S] pour la période d'imposition antérieure à 2008 où ils relevaient d'un foyer fiscal distinct.'
Par déclaration du 9 novembre 2020, M. [N] [S] et Mme [E] [T] ont saisi la cour d'appel de renvoi.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juillet 2022, M. [N] [S] et Mme [E] [T] demandent à la cour de :
'A titre principal,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a appliqué aux concluants une majoration pour manquement délibéré sur l'ensemble des rappels d'imposition.
Statuant à nouveau,
Prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré appliquées à l'ensemble des rappels.
A titre subsidiaire,
Prononcer la réduction desdites majorations.
Condamner l'Etat à payer aux appelants une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.'
A titre principal, M. [S] et Mme [T] contestent tout manquement délibéré à leurs obligations déclaratives pour cause d'inexactitudes ou d'omissions affectant leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2005 à 2010.
Ils font valoir que le manquement délibéré doit être caractérisé par l'administration fiscale à la date de la souscription des déclarations litigieuses alors qu'en l'espèce elle a déduit le caractère délibéré des manquements déclaratifs reprochés de la circonstance qu'ils avaient été informés, à compter du mois d'août 2008, à l'occasion d'une autre procédure de rectification de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2003 à 2007, de la nécessité de modifier la valorisation des biens immobiliers de Mme [T] et d'intégrer leurs comptes courants d'associés à l'actif imposable.
Ils indiquent qu'une déclaration rectificative commune a bien été déposée au mois de décembre 2008 incluant une revalorisation spontanée des immeubles appartenant à Mme [T] et intégrant à l'actif les comptes courants d'associés de M. [S] et Mme [T] qui avaient été recensés dans la proposition de rectification du 5 août 2008. Ils en déduisent que les majorations de retard ne peuvent être appliquées en 2008 sur les bases d'imposition retenues par l'administration fiscale qui occulte ces rectifications spontanées.
Concernant les revalorisations des immeubles en 2008, M. [S] et Mme [T] soutiennent qu'elle est conforme au prix du marché, supérieure aux valorisations de 2007 retenues à l'issue de la première procédure de rectification fiscale et a été appliquée dans les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010, en l'absence d'évolution haussière du marché dans le secteur du 6ème arrondissement de [Localité 8] dans lequel ces biens immobiliers sont situés.
Concernant l'intégration à l'actif imposable de comptes courants d'associés autres que ceux identifiés lors de la première procédure de rectification contradictoire, M. [S] et Mme [T] font valoir qu'aucune mauvaise foi n'est caractérisée à leur encontre dès lors que pour les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune déposées de juin 2005 à juin 2008, ils ne savaient pas que ces comptes courants ne constituaient pas des biens professionnels et qu'ils devaient dès lors être déclarés, leur bonne foi, non remise en cause pour ces mêmes déclarations à l'issue du premier contrôle, ne pouvant être contestée a posteriori par l'administration fiscale en considération de faits portés à leur connaissance après les dates de ces déclarations.
Concernant les déclarations déposées en juin 2009 et 2010, M. [S] et Mme [T] soulignent que tous les suppléments d'imposition mis en recouvrement le 29 juin 2013 ont été uniquement causés par l'intégration du compte courant d'associé détenu par M. [S] dans la SNC Hôtelière Bocraz dans la base imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune. Or, M. [S] soutient que ce compte courant d'associé ne constituait pas un actif disponible dès lors que la situation obérée de la SNC Hôtelière Bocraz excluait tout remboursement du compte courant d'associé. Il en déduit que cela caractérise sa bonne foi dès lors que, s'il avait su que ce compte courant devait être imposé au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, il aurait suffi, pour éviter cette imposition, de procéder à une incorporation de cette créance non récupérable au capital de la SNC Hôtelière Bocraz.
M. [S] et Mme [T] ajoutent que leur bonne foi est également caractérisée par le fait que l'omission de déclaration de comptes courants d'associé inclut un compte courant débiteur détenu par M. [S] dans la SNC Hôtel Lavoisier-Malesherbes pour toutes les années contrôlées qui, s'il avait été pris en compte, aurait conduit à une diminution de la base imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2008.
A titre subsidiaire, Mme [T] fait valoir que le principe de la personnalité des peines s'oppose à l'application d'une pénalité fiscale à son égard alors que les insuffisances ou omissions déclaratives sont exclusivement afférentes au patrimoine de son concubin et sont intervenues dans des déclarations dont il a été le seul signataire jusqu'en 2008 inclus. Mme [T] fait également valoir que la solidarité invoquée par l'administration fiscale ne concerne que le paiement de l'impôt sur la fortune mais non la détermination de l'assiette de cet impôt.
Par dernières conclusions notifiées le 5 mars 2021, l'Etat représenté par le directeur général des finances publiques demande à la cour de statuer comme suit :
'Débouter M. [N] [S] et Mme [E] [T] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Confirmer l'application de la majoration pour manquement délibéré,
Y faisant droit :
Condamner les contribuables aux entiers dépens de première instance et d'appel.'
L'administration fiscale fait valoir que M. [S] et Mme [T] ne pouvaient pas ignorer les omissions et insuffisances déclaratives en raison de leur répétition et de leur importance, certaines d'entre elles ayant été examinées lors de la précédente procédure contradictoire de rectification mise en oeuvre le 5 août 2008 et expressément admises par M. [S] et Mme [T].
Ainsi, l'administration fiscale soutient que la volonté de minorer les évaluations immobilières est patente alors que la valorisation retenue à l'issue du premier contrôle pour l'impôt de solidarité sur la fortune de l'année 2007 n'a pas été rectifiée pour les années 2009 et 2010 en dépit d'une forte augmentation du marché immobilier considéré. De même, concernant le défaut d'intégration à l'actif imposable du compte courant d'associé détenu par M. [S] dans la SNC Hôtelière Bocraz, l'omission est délibérée en raison du rappel qui avait été fait dans le cadre du précédent contrôle d'avoir à inclure ces éléments d'actif personnel.
L'administration fiscale soutient qu'en application de l'article 1723 ter-00 B du code général des impôts, les époux et les partenaires liés par un pacte civile de solidarité sont solidaires pour le paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune, de sorte que Mme [T] est tenue solidairement au paiement des rappels d'impôt et des majorations appliquées sur l'assiette imposable rectifiée.
MOTIVATION
1.- Sur l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré
L'article 1729 a. du code général des impôts dispose que :'Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré.'
La preuve du manquement délibéré du contribuable incombe à l'administration fiscale en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative devant être établi au moment de la déclaration inexacte ou incomplète.
Les rehaussements d'impôts de solidarité sur la fortune résultent en l'espèce, pour les déclarations individuelles de M. [N] [S] de juin 2005 à juin 2008, d'omissions de créances en compte courant d'associé détenu dans les comptes de la SNC Hôtelière Bocraz, de la S.A. Hôtel du Parc Neuilly et de la S.A.R.L. Savotel et d'omissions de comptes bancaires ainsi que, pour la déclaration individuelle de Mme [E] [T] de juin 2008, d'une omission de comptes bancaires et d'insuffisances de valeur des biens immobiliers lui appartenant situés dans le 6ème arrondissement de [Localité 8].
Les rehaussements d'impôts de solidarité sur la fortune résultent, pour les déclarations communes des concubins de juin 2009 et juin 2010, d'omissions de comptes bancaires de M. [S] et de créances en compte courant d'associé détenu par M. [S] et/ou Mme [T] dans les comptes de la SNC Hôtelière Bocraz, de la S.A. Hôtel du Parc Neuilly, de la S.A.R.L. Savotel, de la SNC Hôtel La Marlotte et de la SNC Hôtel Lavoisier.
A la date des déclarations individuelles de M. [S] de juin 2005 à juin 2008 et de Mme [T] de juin 2008, il ne peut être fait aucune référence, pour apprécier le caractère intentionnel des inexactitudes ou omissions déclaratives, aux rectifications opérées pour la période allant de 2003 à 2007 par la première proposition de rectification d'impôt de solidarité sur la fortune qui leur a été notifiée le 5 août 2008.
Cette proposition de rectification portait sur l'obligation de M. [S] et Mme [T] de déposer une déclaration commune de leurs patrimoines en raison de leur situation de concubinage notoire et opérait l'intégration des comptes courants d'associés détenus par M. [S] et Mme [T] dans les comptes de la SNC Hôtel La Marlotte et de la SNC Hôtel Lavoisier ainsi que le rehaussement de la valeur des deux biens immobiliers appartenant à Mme [T] situés dans le 6ème arrondissement de [Localité 8]. Il est constant que l'administration fiscale n'a appliqué aucune majoration de retard en raison des inexactitudes et omissions déclaratives qu'elle a rectifiées le 5 août 2008.
Il en résulte que les inexactitudes et omissions déclaratives rectifiées par l'administration fiscale dans ses propositions de rectification du 20 décembre 2011, pour M. [S], et du 31 janvier 2012, pour Mme [T], ne peuvent pas caractériser l'intention des contribuables de réitérer un manquement à leurs obligations déclaratives puisque ces omissions et inexactitudes complémentaires ne peuvent pas constituer des faits nouveaux mais étaient au contraire commis au jour des déclarations de juin 2005 à juin 2008 avant que l'administration fiscale ne procède à ses premières rectifications d'imposition.
L'administration fiscale n'est pas fondée, pour prouver le caractère intentionnel du manquement déclaratif, à reprocher à M. [S] et Mme [T] de ne pas avoir déposé, après le 5 août 2008, une déclaration rectificative incluant spontanément les comptes courants d'associé omis de juin 2005 à juin 2008, qu'elle n'avait pas recensé, dès lors que l'intention d'éluder l'impôt doit être seulement constituée au jour de la déclaration inexacte ou incomplète et ne peut pas dépendre de faits postérieurs dont la survenance est purement éventuelle.
Il convient au surplus de préciser que M. [S] et Mme [T] justifient avoir déposé une déclaration commune et rectificative d'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2008 le 11 décembre 2008 (pièce n°4 des appelants), dont l'administration fiscale soutient, depuis le début de l'instance, ne pas avoir retrouvé trace. Les suppléments d'imposition et majorations fiscales appliquées au termes des propositions de rectification des 20 décembre 2011 et 31 janvier 2012 ne sont donc pas afférentes à d'éventuelles omissions ou inexactitudes qui affecteraient cette déclaration rectificative, qui ne forme pas l'objet du litige soumis à la cour.
En revanche, les omissions de créances en compte courant d'associé de M. [N] [S] détenues dans les comptes de la SNC Hôtelière Bocraz, de la S.A. Hôtel du Parc Neuilly, de la S.A.R.L. Savotel et de la SNC Hôtel La Marlotte dans les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune déposée en juin 2009 et en juin 2010 constituent des manquements répétés, ayant pour effet de réduire substantiellement l'assiette d'imposition. Elles caractérisent dès lors l'intention de M. [S] d'éluder l'impôt puisqu'il lui avait été notifié précédemment, dans la proposition de rectification du 5 août 2008 qu'il a accepté le 16 septembre 2008 (pièce n° 5 des appelants), l'obligation d'inclure ces créances en compte courant dans l'actif imposable. Il ne pouvait plus raisonnablement soutenir alors que ces créances étaient, selon lui, des biens professionnels ne rentrant pas dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Il est indifférent à cet égard que la première procédure de rectification fiscale n'ait pas identifié les trois comptes courants d'associé également omis détenus dans les comptes de la SNC Hôtelière Bocraz, de la S.A. Hôtel du Parc Neuilly et de la S.A.R.L. Savotel, dès lors que le rappel de l'obligation déclarative opéré le 5 août 2008 portait sur le principe de l'imposition de ces créances de compte courant d'associé et que M. [S], qui a accepté le redressement opéré alors, ne pouvait pas prétendre à une application aléatoire de ce principe selon que le compte courant d'associé avait été identifié ou non par l'administration fiscale.
De même, M. [S] ne peut valablement soutenir que la créance en compte courant d'associé détenu dans la SNC Hôtelière Bocraz ne devait pas être incluse dans l'actif imposable au motif qu'elle était en réalité irrécouvrable en raison de difficultés financières de la SNC Hôtelière Bocraz. En effet, en l'absence d'un abandon de créance, le compte courant d'associé créditeur constitue pour son titulaire une créance certaine et liquide qu'il doit faire figurer à l'actif de son patrimoine personnel, indépendamment des difficultés réelles ou supposées de la société qui en est débitrice.
Par suite, l'administration fiscale est fondée à appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré sur la base des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010.
Il résulte également de la proposition de rectification notifiée à Mme [T] le 31 janvier 2012 qu'elle a omis de déclarer les créances en compte courant d'associée qu'elle détient dans les comptes de la SNC Hôtel Lavoisier et de la S.A. Hôtel du Parc Neuilly pour un montant total de 84 542 euros dans la déclaration commune d'impôt de solidarité sur la fortune déposée en juin 2009 ainsi que les créances en compte courant d'associée qu'elle détient dans les comptes de la SNC Hôtel La Marlotte, la SNC Hôtel Lavoisier et la S.A. Hôtel du Parc Neuilly pour un montant total de 596 349 euros dans la déclaration commune d'impôt de solidarité sur la fortune déposée en juin 2010.
Toutefois, la majoration pour manquement déclaratif délibéré appliquée à Mme [T] n'a pas été calculée par l'administration fiscale sur la base des seuls rehaussements d'impôt de solidarité sur la fortune consécutifs aux omissions déclaratives de Mme [T]. La majoration de 40 % pour manquement délibéré a été appliquée sur le montant total des droits supplémentaires résultant des rehaussements générés par les omissions de M. [S] et de Mme [T] puis répartie entre les deux concubins au prorata de leur patrimoine respectif.
Or, la majoration pour cause de manquement délibéré a la nature d'une sanction pénale, de sorte que tant le principe de responsabilité personnelle que le principe de personnalité des peines sont applicables et qu'une telle majoration ne peut donc être prononcée à l'encontre d'un contribuable, personne physique, lorsqu'il n'a pas participé aux agissements que ces pénalités répriment.
Au surplus, comme l'a rappelé expressément l'administration fiscale dans ses propositions de rectifications des 20 décembre 2011 et 31 janvier 2012, la solidarité pour le paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune n'est prévue à l'article 1723 ter-00 B du code général des impôts que pour les époux et les partenaires liés par un pacte civile de solidarité. Cette solidarité ne s'applique donc pas aux concubins qui conservent un patrimoine distinct bien qu'ils soient tenus de déposer une déclaration commune d'impôt de solidarité sur la fortune.
Il ne peut donc être appliqué à Mme [T] une majoration fiscale pour manquement déclaratif délibéré imputable à son concubin.
En l'espèce, les rectifications d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2009 et 2010 ont été générées par des omissions déclaratives affectant essentiellement le patrimoine de M. [S] puisque les omissions de créances en compte courant de ce dernier représentaient un montant total de 4 672 567 euros en 2009 et de 4 799 612 euros en 2010.
Or, la majoration appliquée à Mme [T] constitue seulement un prorata de la majoration totale générée par les omissions déclaratives de M. [S]. Ainsi déterminée par l'administration fiscale, cette pénalité fiscale contrevient au principe de la personnalisation des peines. Mme [T] est donc fondée à en solliciter la décharge.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la contestation de M. [N] [S] relative à l'application de la majoration pour manquement délibéré pour les années 2009 et 2010 et infirmé pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour.
La décision de rejet de la contestation de M. [N] [S] prise par l'administration fiscale le 27 janvier 2014 sera partiellement infirmée en ce qu'elle a appliqué des majorations pour manquement délibéré pour les années rectifiées de 2005 à 2008. La décision de rejet de la contestation de Mme [E] [T] prise par l'administration fiscale le 27 janvier 2014 sera partiellement infirmée en ce qu'elle a appliqué des majorations pour manquement délibéré pour les années rectifiées de 2006 à 2010.
La décharge des majorations de 40 % mises à la charge de M. [N] [S] et de Mme [E] [T] sera prononcée dans cette mesure.
2.- Sur les frais du procès
L'Etat représenté par le directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et de [Localité 8], sera condamné aux dépens exposés par M. [N] [S] et Mme [E] [T] dans le cadre de la présente instance d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Jean-Louis Mary, avocat au barreau de Paris, la procédure avec représentation obligatoire étant applicable devant la cour d'appel.
En considération de la nature du litige, l'équité commande qu'il soit alloué à M. [N] [S] et à Mme [E] [T] une indemnité d'un montant total de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il rejette la contestation de M. [N] [S] portant sur l'application à son égard de la majoration pour manquement déclaratif délibéré pour les années d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune 2009 et 2010,
INFIRME le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
INFIRME partiellement la décision de rejet de la contestation de M. [N] [S] prise par l'administration fiscale le 27 janvier 2014 portant sur l'application de la majoration pour manquement délibéré pour les années d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune 2005 à 2008,
INFIRME partiellement la décision de rejet de la contestation de Mme [E] [T] prise par l'administration fiscale le 27 janvier 2014 portant sur l'application de la majoration pour manquement délibéré pour les années d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune 2006 à 2010,
PRONONCE la décharge des majorations pour manquement délibéré mises à la charge de M. [N] [S] et de Mme [E] [T] dans cette mesure,
REJETTE le surplus des demandes formées par M. [N] [S],
Y ajoutant,
CONDAMNE l'Etat représenté par le directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et de [Localité 8] aux dépens exposés par M. [N] [S] et Mme [E] [T] dans la présente instance d'appel, dont distraction au profit de Maître Jean-Louis Mary, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'Etat représenté par le directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et de [Localité 8] à payer la somme totale de 2 500 euros à M. [N] [S] et Mme [E] [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE
S.MOLLÉ B.BRUN LALLEMAND