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14/11/2022 | FRANCE | N°19/09428

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 14 novembre 2022, 19/09428


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09428 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74HN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2017033194





APPELANTE



SAS ECO DELTA

Ayant son siége social

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localit

é 1]

N° SIRET : 441 584 984



Prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me Nicolas TOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0155





INTIMES



Monsieur [N] [W]

Domicilié [...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09428 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74HN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2017033194

APPELANTE

SAS ECO DELTA

Ayant son siége social

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

N° SIRET : 441 584 984

Prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Nicolas TOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0155

INTIMES

Monsieur [N] [W]

Domicilié [Adresse 4]

[Localité 3]

Madame [R] [V]

Domiciliée

[Adresse 7]

[Localité 2]

Monsieur [C] [V]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentées par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

Représentées par Me Dominique CASANOVA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0028

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibérés, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS, Président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

La société Kyrneol était titulaire de l'ensemble des droits permettant la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de 11 aérogénérateurs de 800 kw chacun sur la commune de Calanzana au lieu-dit Marsulinu (Corse), selon permis de construire délivré le 24 décembre 2008 par le préfet au nom de l'État français, sous réserve des prescriptions figurant en annexe à l'arrêté, n'ayant pas fait l'objet de recours.

Par contrat du 1er juillet 2011, les consorts [W], [Y] et [V] ont cédé à la Sas Eco Delta, société spécialisée dans la mise en place et l'exploitation de centrales énergétiques, en particulier par éoliennes, les parts sociales qu'ils détenaient dans la société Kyrneol pour une somme de 220 105 euros répartie au prorata de la participation des cédants dans le capital de la société.

Par courrier du 8 février 2012 le préfet de la Haute-Corse a informé la société Eco Delta qu'il envisageait de demander l'arrêt de l'opération projetée avec remise en état des lieux dans leur état antérieur.

Par réponse du 22 février 2012, la société Eco Delta a a contesté le bien-fondé de la mesure envisagée.

Consécutivement à une réunion avec les services du préfet de Haute-Corse, en date du 23 juillet 2012, la société Kyrneol écrit au préfet de Haute-Corse le 7 septembre 2012 pour engager une négociation en indemnisation par l'État, en demandant que le gel des travaux ne puisse être invoqué pour entrainer la caducité du permis. Le 7 mars 2013, le préfet de la Haute-Corse a rejeté la demande indemnitaire de la société Kyrneol pour annulation de permis pour caducité.

Le 5 septembre 2013, un arrêté préfectoral de péremption a été délivré, consécutivement à une visite constatant que les travaux avaient été interrompus pendant plus d'une année.

Par jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du préfet, condamne l'Etat à verser à la société Kyrneol, la somme de 104.599,69 euros assortie des intérêts capitalisés.

Le 24 décembre 2014, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (ci-après, « MEDDE ») a demandé à la cour administrative d'appel de Marseille d'annuler ce jugement.

Par arrêt du 2 juin 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia, en ce qu'il a annulé la décision préfectorale du 7 mars 2013.

Le 25 janvier 2017, par acte valant commandement aux fins de saisie-vente, Monsieur [W] a fait signifier à la société Eco Delta, une injonction de payer rendue le 25 juin 2013 par le tribunal de commerce de Marseille, condamnant la société Eco Delta au paiement d'une somme de 50.000 euros en paiement de la dernière fraction du prix de cession de parts du 1er juillet 2011.

Le 31 janvier 2017, la société Eco Delta a notifié aux cédants son intention de saisir la juridiction d'une demande de nullité du contrat du 1er juillet 2011.

Par courrier officiel du 9 février 2017, les cédants ont informé la société Eco Delta qu'ils contestaient la nullité du contrat.

Le 16 mai 2017, le juge de l'exécution a débouté la société Eco Delta de ses demandes en contestation de saisie-vente. Une saisie-vente a lieu le 11 décembre 2017.

Par acte d'huissier de justice en date des 27 et 28 avril 2017, la société Eco Delta a fait assigner les cédants devant le tribunal de commerce de Paris.

Par ordonnance du 27 janvier 2020, le juge de la mise en état a prononcé la radiation du rôle de la présente instance n° RG 19/09428, a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la société Eco Delta aux dépens d'incident de l'instance dont distraction au profit de Maître Bonaldi-Nut.

Par ordonnance de clôture du 13 juin 2022, l'affaire est renvoyée devant la cour.

* * *

Vu le jugement prononcé le 15 mars 2019 par le tribunal de commerce de Paris qui a statué comme suit :

- Dit l'action prescrite ;

- Déboute les demandeurs de toutes leurs demandes ;

- Condamne la Sas Eco Delta à verser la somme de 3.000 euros à chacune des personnes suivantes : Monsieur [N] [W], Madame [R]-[L] [V], Monsieur [C] [K] [V] et Monsieur [I] [Y], déboutant pour le surplus ;

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamne la Sas Eco Delta aux dépens, dont ceux à rEcouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 145,06 euros dont 23,96 euros de TVA.

Vu l'appel de la société Eco Delta déclaré le 29 avril 2019,

Vu les dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2022, par la société Eco Delta,

Vu les conclusions signifiées 21 octobre 2019 par Monsieur [N] [W], Madame [R]-[L] [V], Monsieur [C] [K] [V] et Monsieur [I] [Y],

La société Eco Delta demande à la cour de statuer comme suit :

Vu l'article 2224 du code civil, les articles 1108, 1109, 1110, 1116,1131 et 1169 du code civil dans leur version applicable,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 mars 2019 par le tribunal de commerce de Paris ;

Et, statuant à nouveau, à titre principal,

- Dire et juger recevables et bien fondés l'appel et les demandes formées par la société Eco Delta ;

- Déclarer non prescrite l'action engagée par la société Eco Delta ;

- Prononcer la nullité du Contrat de cession de parts sociales conclu le 1er juillet 2011 entre la société Eco Delta et Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] sur le fondement du dol ;

A titre subsidiaire,

- Prononcer la nullité du Contrat de cession de parts sociales conclu le 1er juillet 2011 entre la société Eco Delta et Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] sur le fondement de l'erreur ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Prononcer la nullité du Contrat de cession de parts sociales conclu le 1er juillet 2011 entre la société Eco Delta et Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] sur le fondement de l'absence de cause;

En tout état de cause,

- Ordonner la restitution par Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] à la société Eco Delta du prix de la cession des parts sociales perçu par les associés cédants, soit la somme de 220 105 euros ;

- Condamner en conséquence solidairement Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] à verser à la société la somme de 220.105 euros ;

- Condamner Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] aux intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande ;

- Condamner solidairement Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] à verser à la société Eco Delta la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] aux entiers dépens.

Monsieur [N] [W], Madame [R]-[L] [V], Monsieur [C] [K] [V] et Monsieur [I] [Y] demandent à la cour de statuer comme suit :

A titre principal,

- Confirmer le jugement qui lui est déféré dire que l'action de l'appelante est prescrite.

- Débouter la société Eco Delta de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

De manière subsidiaire,

- Constater l'absence de dol, d'erreur, ainsi que la réalité et la validité de la cause du contrat :

- Débouter la société Eco Delta de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

En tout état de cause,

- Rejeter l'ensemble des pièces de l'appelante dont communication n'est pas intervenue en cause d'appel.

- Confirmer la condamnation de la société Eco Delta au paiement d'une somme de 3.000 euros à chacun des quatre défendeurs concluants eu titre de la procédure de première instance;

- Y ajoutant, condamner la société Eco Delta au paiement d'une somme de 5.000 euros à chacun des quatre défendeurs concluants eu titre de la procédure d'appel ;

- La condamner aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

a) Sur la prescription

La société Eco Delta demande à la cour d'infirmer le jugement qui a déclaré son action prescrite. Concernant le point de départ de l'action en nullité pour dol, elle soutient que le point de départ du délai de prescription doit être fixé soit au 7 mars 2013, date à laquelle le préfet de Corse à pris la décision d'interdire la reprise des travaux sous peine de sanctions pénales soit au 27 novembre 2015 date à laquelle elle a eu connaissance d'un courrier adressé par la Diren le 4 juin 2010 avisant la société Kyrneol que le projet d'installation des éoliennes se trouvait exposé à un risque de non faisibilité , information non transmise à la concluante lorsqu'elle a acquis les parts sociales le 1er juillet 2011. Son action engagée les 27 et 28 avril 2017 ne serait pas prescrite.

Les intimés demandent à la cour de confirmer le jugement déféré qui a fixé au 21 février 2012 la date du point de départ de la prescription correspondant à la reception du courrier préfectoral du 8 février 2012 demandant l'arrêt des travaux au motif que le projet serait contraire aux dispositions de la directive européenne du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels et à la protection de la faune et de la flore sauvage ;

Ceci étant exposé, la société Eco Delta sollicite la nullité du contrat de cession de parts sociales du 1er juillet 2011 pour dol. Elle justifie que dans le cadre de la procédure engagée devant la cour administrative de Marseille ayant statué sur la demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 octobre 2014 ayant condamné l'Etat à verser à la société Kyrneol la somme en principal de 104 599,69 euros , a été versé aux débats le 27 novembre 2015 un courrier daté du 4 juin 2010 adressé par le chef du service de la biodiversité des sites et du paysage (ministère de l'écologie , de l'énergie, du développement durable et de la mer ) à M. [N] [W], l'un des cédants des parts sociales, l'avisant de la non faisabilité du projet. La date du 27 novembre 2015 est mentionnée au verso dudit courrier selon référence 1405157 de la cour administrative d'appel de Marseille.

La société Eco Delta soutenant que le dol est constitué par la non révélation de ce courrier lors de la cession du 1er juillet 2011 est bien fondée à soutenir que la connaissance de l'existence de ce courrier le 27 novembre 2015 constitue le point de départ de la prescription de 5 années prévue à l'article 2224 du code civil.

La fin de non recevoir relative à la prescription doit être écartée. Le jugement déféré qui a retenu comme point de départ de la prescription le 21 février 2012 , date de réception par la société Eco Delta de la lettre du préfet contestant le fondement légal et le bien fondé de la mesure envisagée doit être infirmé.

b) Sur la demande de nullité de l'acte de cession pour dol

La société Eco Delta sollicite la nullité du contrat de cession pour dol sur le fondement e l'article 1108 du code civil . Elle reproche aux cédants de ne pas l'avoir informée en 2011 du courrier que daté du 4 juin 2010 adressé par la Diren à M. [W].

Les intimés s'y opposent .

Ceci étant exposé il résulte de l'acte de cession de parts sociales que la société Eco Delta s'est portée acquéreur en vue de la création d'un parc éolien.

Il est mentionné dans l'acte que le permis de construire concernant le projet éolien avait été délivré le 24 décembre 2008 sous le numéro 02B04907N0028 .

Aucune rèserve ne concerne les perspectives de réalisation du projet et les intimés ne justifient aucunement leur allégation selon laquelle la société Eco Delta était avisée au jour de l'acquisition d'un risque de remise en cause du permis de construire. Les documents transmis à la société Eco Delta le 24 juin 2011 (pièce n°6 des intimées) évoquent des réserves émises par la Diren concernant certaines espèces animales, sans autre conséquence .

Dans ces conditions les vendeurs devaient informer la société Eco Delta du courrier reçu par M. [W] le 4 juin 2010 dans lequel le chef du service de la biodiversité des sites et du paysage (ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ) l'avise de manière explicite et circonstanciée que l'étude ' aurait dû donc conclure à la non faisabilité du projet tel que proposé.' et que le projet 'n'est pas recevable' , qu'il est juridiquement fragile et attaquable avec un risque de contentieux européen.

La société Eco Delta est bien fondée à soutenir avoir été victime d'une réticence dolosive puisque ces documents officiels connus du vendeur n'ont pas été portés à sa connaissance et qu'elle n'aurait pas contracté si elle les avait connues au sens de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016.

La décision du prefet de haute Corse du 7 mars 2013 n'a pas permis la réalisation du projet.

Le contrat de cession du 1er juillet 2011 doit être anulé avec restitution du prix de cession de 220 105 euros outre les intérêts à compter de l'assignation valant mise en demeure .

c) Sur l'article 700 du code de procédure civile.

Une indemnité doit être allouée à la société appelante sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

la cour,

INFIRME le jugement déféré;

Statuant de nouveau :

DIT non prescrite l'action engagée par la société Eco Delta sur le fondement du dol ;

PRONONCE la nullité du contrat de cession de parts sociales conclu le 1er juillet 2011 entre la société Eco Delta et Monsieur [W], Monsieur [Y], Monsieur et Madame [V] sur le fondement du dol ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [N] [W], Monsieur [I] [Y], Mme [R]-[L] [V] et M. [C] [K] [V] à verser à la société Eco Delta la somme de 220.105 euros intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2017 ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [N] [W], Monsieur [I] [Y], Mme [R]-[L] [V], M. [C] [K] [V] à verser à la société Eco Delta la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [N] [W], Monsieur [I] [Y], Mme [R]-[L] [V], M. [C] [K] [V] aux dépens .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/09428
Date de la décision : 14/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-14;19.09428 ?
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