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10/11/2022 | FRANCE | N°22/07178

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 10 novembre 2022, 22/07178


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07178 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTWC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 20/53232





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 7], prise en la personne de Madame la Maire de [Lo

calité 7], Mme [G] [X], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Adresse 5]



Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au ba...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07178 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTWC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 20/53232

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 7], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], Mme [G] [X], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIMEES

Mme [V] [R] épouse [L]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Mme [H] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentées par Me Aude ABOUKHATER de l'AARPI HUG & ABOUKHATER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0031

Assistées par Me Elsa HUG, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Thomas RONDEAU, Conseiller conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par actes en date des 20 février et 3 mars 2020, la Ville de [Localité 7] a assigné Mme [R] et Mme [Y] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant 1'appartement situé [Adresse 2], 5ème étage (lot n°48).

Par ordonnance du 14 septembre 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le 22 septembre 2020 la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18). Le 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d'usage était conforme à la réglementation européenne.

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 31 janvier 2022.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 7] demandait de :

' condamner Mme [R] et Mme [Y], chacune, à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;

' condamner in solidum Mme [R] et Mme [Y] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner Mme [R] et Mme [Y] aux entiers dépens.

En réplique, les défenderesses demandaient de ramener le montant de l'amende civile à de plus justes proportions, de laisser à chaque partie la charge de ses frais et dépens.

Par jugement contradictoire du 7 mars 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée au fond a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 7] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 06 avril 2022, la Ville de [Localité 7] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 3 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 7] demande à la cour, au visa des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

- constater les infractions commises par Mme [Y] et Mme [R] ;

- condamner Mme [Y] et Mme [R] chacune à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- condamner in solidum Mme [Y] et Mme [R] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvert directement par Me Mathieu, avocat, ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.

La Ville de [Localité 7] soutient en substance :

- que la fiche H2 du 21 septembre 1970 indique que le bien a été déclaré à usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

- que le bien n'est pas la résidence principale du loueur, ce qui résulte des renseignements fiscaux recueillis ;

- qu'il a fait l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage ;

- que le gain mensuel illicite est de 3.500 euros par mois.

Dans leurs conclusions remises le 26 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mmes [Y] et [R] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 7 mars 2022 ;

- condamner la Ville de [Localité 7] à verser à Mmes [R] et [Y] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

à titre subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions l'amende sollicitée ;

- laisser à la charge de chaque partie ses frais et dépens.

Mmes [Y] et [R] soutiennent en substance :

- que les mentions de la fiche H2, établie postérieurement au 1er janvier 1970, ne laissent pas présumer un usage d'habitation ;

- qu'il convient subsidiairement de tenir compte de leur bonne foi, les intimées pouvant penser en toute bonne foi être en conformité avec la législation applicable, la location ayant pris fin à compter de l'information donnée par l'agent de la Ville de [Localité 7].

SUR CE LA COUR

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des [Localité 4], de [Localité 6] et du [Localité 8]. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 7] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l'espèce, les parties s'opposent sur les éléments de preuve à apporter par la Ville de [Localité 7] de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 7], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

La fiche H2 a été ici remplie le 18 septembre 1970.

Elle décrit le local, qui correspond bien au bien en cause contrairement à ce qu'indiquent les intimés (appartement du premier étage porte gauche), comme un appartement à usage exclusif d'habitation de 32 m² et fait état d'une occupation par le propriétaire, sans donc mention d'un locataire et d'un loyer au 1er janvier 1970.

Si ces mentions ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, elles ne suffisent cependant à établir un usage d'habitation au 1er janvier 1970, étant observé :

- qu'aux termes de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le local doit être affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d'affectation à un usage d'habitation ;

- que la mention de l'occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l'hypothèse de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l'occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;

- qu'au demeurant, comme le souligne d'ailleurs habituellement la Ville de [Localité 7], la preuve à apporter n'est pas celle de l'occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l'affectation du bien à un usage d'habitation à cette date de référence ;

- que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d'habitation, cette description ne vaut qu'à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit au 18 septembre 1970.

Si la Ville de [Localité 7] soutient que l'établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).

La présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970 telle qu'alléguée ne résulte ainsi ni de ces textes ni, par ailleurs, d'aucun autre texte.

Aucun autre élément probant n'est versé aux débats s'agissant de la preuve de l'usage d'habitation, qui n'apparaît donc pas établi au 1er janvier 1970.

Aussi, sans qu'il ne soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

La Ville de [Localité 7], succombant en son appel, devra à hauteur d'appel indemniser les intimées pour les frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 7] à verser la somme globale de 2.000 euros à Mme [V] [R] et à Mme [H] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/07178
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;22.07178 ?
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