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10/11/2022 | FRANCE | N°22/07062

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 10 novembre 2022, 22/07062


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07062 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTN5



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Mars 2022 -Président du TJ d'EVRY - RG n° 21/01097





APPELANTE



S.A.R.L. NG BEAUTE (RCS d'EVRY n°450 491 535) prise en la personne de sa

gérante, Madame [N] [D] [G], nom d'usage [U]



Centre Commercial Val d[Localité 5]

[Adresse 4] »

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Stéphane BONIN de la SCP ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07062 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTN5

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Mars 2022 -Président du TJ d'EVRY - RG n° 21/01097

APPELANTE

S.A.R.L. NG BEAUTE (RCS d'EVRY n°450 491 535) prise en la personne de sa gérante, Madame [N] [D] [G], nom d'usage [U]

Centre Commercial Val d[Localité 5]

[Adresse 4] »

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574

INTIMEE

Société GALIMMO (RCS de PARIS n°784 364 150)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Gwenaëlle TRAUTMANN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Aux termes d'un acte sous seing privé du 17 juillet 2012, la société SCA Galimmo ' venant aux droits de la société Cora ' a donné à bail à la société SARL NG Beauté un local commercial au sein du centre commercial de Val d'[Localité 5], pour une durée de dix années à effet du 23 juillet 2012, pour une activité d'institut de beauté et d'esthétique, vente de produits de parfumerie et plus généralement tous produits de beauté distribués par [L] [S] ou ses filiales sous l'enseigne [L] [S], moyennant un loyer annuel de 58.500 euros HT et HC payable d'avance et trimestriellement, indexé annuellement.

Faisant état d'impayés, par acte d'huissier en date du 25 novembre 2021, la société Galimmo a fait assigner la société NG Beauté, aux fins de constatation d'acquisition de la clause résolutoire.

Lors de l'audience du 22 février 2022, la demanderesse demandait au premier juge de :

- constater le jeu de la clause résolutoire par l'effet du commandement de payer du 15 juillet 2021 et ordonner l'expulsion du locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef ;

- ordonner la séquestration des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux, soit dans l'immeuble, soit dans un garde meuble, au choix du bailleur, aux frais, risques et périls du locataire ;

- condamner la société NG Beauté à régler au bailleur à titre de provision outre le coût du commandement et l'intérêt contractuel, la capitalisation des intérêts, la somme de 68.108,77 euros actualisée au jour de l'audience ;

- condamner la société NG Beauté à lui régler à titre de provision la somme de 8.581,78 euros au titre de la pénalité de retard ;

- condamner la société NG Beauté à lui régler à titre de provision les intérêts de retard contractuels en application des clauses du bail ;

- juger à titre provisionnel que le locataire sera tenu à compter de la résiliation du bail du paiement d'une indemnité d'occupation fixée au montant du loyer en cours majoré de 50 % ;

- juger que le bailleur conservera le dépôt de garantie à titre d'indemnité en application des clauses du bail ;

- débouter la société NG Beauté de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

- dans l'hypothèse où le preneur formerait une demande de délais, avec suspension des effets de la clause résolutoire concernant le défaut de paiement des loyers et accessoires, qui serait accueillie, dire et juger en toute hypothèse que, faute de paiement en son entier et à bonne date, d'une seule des échéances prévues dans l'ordonnance à intervenir et des loyers et accessoires courants à leur échéance contractuelle ;

- la déchéance du terme sera encourue, la totalité de la dette devenant immédiatement exigible ;

- la clause résolutoire sera acquise par le bailleur, autorisé à poursuivre l'expulsion du preneur et celle de tous occupants de son chef dans les conditions visées ci-dessus ;

- condamner le preneur à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, la société NG Beauté demandait à titre principal le rejet des demandes relatives à l'acquisition de la clause résolutoire, à titre subsidiaire un délai de 24 mois, avec suspension des effets de la clause résolutoire, 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 22 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry a :

- condamné la société NG Beauté à payer à la société Galimmo la somme provisionnelle de 68.108,77 euros au titre des loyers, taxes et charges arrêtés au 22 février 2022, date de l'audience ;

- dit que cette somme sera assortie des intérêts légaux à compter du commandement de payer visant la clause résolutoire du 15 juillet 2021 ;

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail commercial du 17 juillet 2012 conclu entre les parties sont réunies à compter du 16 août 2021 au bénéfice de la société Galimmo ;

- autorisé la société NG Beauté à se libérer du principal de la dette en douze mensualités, les onze premières de 6.000 euros et d'une douzième mensualité égale au solde de la dette, ces mensualités étant dues en plus du loyer courant, des charges et taxes, les paiements devant être faits avant le cinquième de chaque mois et la première fois avant le premier du mois suivant la signification de l'ordonnance jusqu'à extinction de la dette ;

- suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais ;

- dit qu'à défaut d'un seul paiement à son échéance, ou du loyer courant, des charges, taxes ou de toutes autres sommes prévues au bail commercial, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible à compter de la date de la défaillance, la clause résolutoire sera acquise et le bail se trouvera résilié ;

- autorisé en ce cas, la société Galimmo, et en l'absence de départ volontaire du preneur dans un délai de quinze jours à compter de l'envoi d'un commandement de quitter les lieux, à faire procéder à l'expulsion, de la société NG Beauté des lieux situés Centre commercial Val d'[Localité 5], lieudit [Adresse 4]) ainsi que celle de tous occupants de son chef avec si besoin, le concours de la force publique, faute pour lui de respecter l'une quelconque des échéances prévues ci-dessus ;

- dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions prévues par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixé en ce cas, l'indemnité d'occupation que la société NG Beauté sera condamnée à payer à compter de la déchéance du terme et jusqu'à son départ effectif des lieux caractérisé soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire des clefs en mains propres au bailleur, à un montant égal au loyer courant majoré des charges récupérables tels que prévus au contrat de bail commercial s'il n'avait pas été résilié ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société NG Beauté à payer à la société Galimmo une somme de 1.200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société NG Beauté aux entiers dépens ;

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 6 avril 2022, la SARL NG Beauté a relevé appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 19 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SARL NG Beauté demande à la cour, au visa de l'article 1722 du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce que la société Galimmo a été déboutée du surplus de ses demandes ;

- réformer l'ordonnance dont appel en ce que le juge des référés a :

' condamné celle-ci à payer à la société Galimmo la somme provisionnelle de 68.108,77 euros au titre des loyers, taxes et charges arrêtés au 22 février 2022, date de l'audience,

' dit que cette somme sera assortie des intérêts légaux à compter du commandement de payer visant la clause résolutoire du 15 juillet 2021,

' constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail commercial du 17 juillet 2012 conclu entre les parties sont réunies à compter du 16 août 2021 au bénéfice de la société Galimmo,

' autorisé celle-ci à se libérer du principal de la dette en douze mensualités, les onze premières de 6.000 euros et d'une douzième mensualité égale au solde de la dette, ces mensualités étant dues en plus du loyer courant, des charges et taxes, les paiements devant être faits avant le cinquième de chaque mois et la première fois avant le premier du mois suivant la signification de l'ordonnance jusqu'à extinction de la dette,

' suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais,

' dit qu'à défaut d'un seul paiement à son échéance, ou du loyer courant, des charges, taxes ou de toutes autres sommes prévues au bail commercial, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible à compter de la date de la défaillance, la clause résolutoire sera acquise et le bail se trouvera résilié,

' autorisé en ce cas, la société Galimmo, et en l'absence de départ volontaire du preneur dans un délai de quinze jours à compter de l'envoi d'un commandement de quitter les lieux, à faire procéder à son expulsion des lieux situés Centre commercial Val d'[Localité 5], lieudit [Adresse 4]) ainsi que celle de tous occupants de son chef avec si besoin, le concours de la force publique, faute pour lui de respecter l'une quelconque des échéances prévues ci-dessus,

' dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions prévues par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

' fixé en ce cas, l'indemnité d'occupation qu'elle sera condamnée à payer à compter de la déchéance du terme et jusqu'à son départ effectif des lieux caractérisé soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire des clefs en mains propres au bailleur, à un montant égal au loyer courant majoré des charges récupérables tels que prévus au contrat de bail commercial s'il n'avait pas été résilié,

' débouté les parties du surplus de leurs demandes,

' condamné celle-ci à payer à la société Galimmo une somme de 1.200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné celle-ci aux entiers dépens,

' rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire ;

et statuant à nouveau,

- constater que la société Galimmo a renoncé à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire et de l'ordonnance de référé du 22 mars 2022 ;

- prendre acte de l'acquiescement de la société Galimmo à la renonciation de la clause résolutoire ;

- débouter la société Galimmo de toute demande visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail, ainsi que voir ordonner l'expulsion de la société NG Beauté ;

et,

à titre principal,

- octroyer à la société NG Beauté un délai de paiement sur 24 mois aux fins de procéder au règlement de la somme de 39.812,75 euros, à parfaire et fixée en deniers et quittance, correspondant aux sommes facturées par la société Galimmo incluant le 3ème trimestre 2022, excluant les loyers afférents à la période de fermeture du 1er février au 18 mai 2021 ;

à titre subsidiaire,

- octroyer à la société NG Beauté un délai de paiement sur 24 mois aux fins de procéder au règlement de la somme de 67.539,09 euros, à parfaire et fixée en deniers et quittance, correspondant aux sommes facturées par la société Galimmo incluant le 3ème trimestre 2022, incluant les loyers afférents à la période de fermeture du 1er février au 18 mai 2021 ;

en tout état de cause,

- dire et juger que toute condamnation devra être prononcée en deniers et quittance ;

- dire et juger que la société NG Beauté pourra procéder au règlement des loyers et accessoires courant de façon mensuelle, si bien qu'aucune déchéance ne sera encourue en l'absence de règlement d'avance et de façon trimestrielle desdites échéances de loyer et de ses accessoires ;

- débouter la société Galimmo de son appel incident ;

- débouter la société Galimmo de ses demandes formulées au titre des pénalités de retard et intérêts de retard contractuel, ainsi que du surplus de ses demandes ;

- condamner la société Galimmo à payer à la société NG Beauté la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL NG Beauté soutient en substance :

- que le centre commercial a été fermé y compris sur la période du 1er février au 18 mai 2021 ;

- que l'exigibilité des loyers sur cette période se heurte au principe d'exécution de bonne foi des contrats, aux règles relatives à l'exception d'inexécution et aux principes applicables en matière de perte des lieux loués résultant de l'article 1722 du code civil ;

- que, du fait de sa localisation dans un centre commercial d'une surface supérieure à 20.000 m², elle a même été empêchée de faire du "click & collect" ou du retrait de commande ; que, pour la période en cause, les restrictions administratives n'étaient ni générales, ni établies en fonction des seules catégories d'établissement, mais en lien direct avec la destination et les caractéristiques des locaux loués, les jurisprudences de la Cour de cassation statuant sur les mesures administratives de 2020 n'étant donc pas applicables à la période du 1er février au 18 mai 2021 ;

- qu'à titre subsidiaire, des délais devraient lui être accordés tenant compte de la situation ;

- que l'application sollicitée des clauses pénales ne relève pas des pouvoirs du juge des référés.

Dans ses conclusions remises le 20 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCA Galimmo demande à la cour, au visa des articles 834, 835, 836 et 837 du code de procédure civile, des articles 1219 et 1722 du code civil, de l'article L. 145-41 du code de commerce, de :

- rejeter l'appel principal et accueillir l'appel incident ;

ainsi,

- constater son acquiescement à la renonciation de la clause résolutoire ;

- confirmer l'ordonnance du juge des référés en date du 22 mars 2022 en ce qu'elle a :

' condamné la société NG Beauté à payer à la société Galimmo la somme provisionnelle de 68.108,77 euros au titre des loyers, taxes et charges arrêtés au 22 février 2022, date de l'audience,

' autorisé la société NG Beauté à se libérer du principal de la dette en douze mensualités, les onze premières de 6.000 euros et d'une douzième mensualité égale au solde de la dette, ces mensualités étant dues en plus du loyer courant, des charges et taxes, les paiements devant être faits avant le cinquième de chaque mois et la première fois avant le premier du mois suivant la signification de l'ordonnance jusqu'à extinction de la dette,

' dit qu'à défaut d'un seul paiement à son échéance, ou du loyer courant, des charges, taxes ou de toutes autres sommes prévues au bail commercial, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible à compter de la date de la défaillance, la clause résolutoire sera acquise et le bail se trouvera résilié ;

faisant droit à l'appel incident,

- juger que la dette locative s'élève désormais à la somme totale de 67.539,09 euros, et condamner la société NG Beauté à lui verser cette somme ;

- condamner la société NG Beauté à lui régler à titre de provision, la somme de 6.753,90 euros au titre de la pénalité de retard ;

- condamner la société NG Beauté à lui régler à titre de provision, les intérêts de retard contractuels en application des clauses du bail ;

- débouter la société NG Beauté de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner l'appelante au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel comme de première instance.

La SCA Galimmo soutient en substance :

- qu'elle est un bailleur de bonne foi ;

- que l'exception d'inexécution ne saurait être retenue, en l'absence de toute faute qui lui serait imputable ;

- que la Cour de cassation a mis fin à l'argumentation des locataires tentant de s'exonérer des loyers à raison de la perte de la chose louée au sens de l'article 1722 du code civil, étant observé que la jurisprudence s'applique de manière générale aux périodes de fermeture liées au covid, en ce compris pour l'année 2021 ;

- qu'elle a déjà accepté la demande de délais de 12 mois et s'oppose donc fermement à la demande de délais de 24 mois, le loyer devant en outre payé trimestriellement et d'avance sans que le juge des référés ne puisse modifier les stipulations du contrat ;

- que les intérêts conventionnels et la clause pénale résultent de l'application du contrat.

SUR CE LA COUR

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, il sera relevé à titre liminaire que la société Galimmo a renoncé à l'acquisition de la clause résolutoire, de sorte qu'il y a lieu, par infirmation de la décision entreprise, de le constater.

La cour reste saisie d'une demande de provision, les parties s'opposant sur la hauteur de l'obligation non sérieusement contestable de paiement et sur les délais et modalités de paiement qui pourraient être octroyés à la société preneuse.

Il sera relevé :

- que, s'agissant de la hauteur non contestable de l'obligation de paiement pour l'arriéré locatif, la société Galimmo estime que les sommes dues sont de 67.539,09 euros ;

- que, pour contester ce montant, la société NG Beauté expose que le centre commercial a été fermé du 1er février au 18 mai 2021, ce qui constituerait une contestation sérieuse s'agissant des sommes dues sur cette période, au regard du principe d'exécution de bonne foi des conventions, de l'exception d'inexécution, de la perte des lieux loués au sens de l'article 1722 du code civil ;

- que, cependant, la société Galimmo, en réclamant le paiement des sommes dues en ce compris pour la période de fermeture administrative de 2021, ne peut être considérée comme un bailleur de mauvaise foi, alors que la mesure générale et temporaire ordonnée par les pouvoirs publics ne lui était pas imputable et que les locaux ont continué à être mis à disposition de la société preneuse, étant aussi observé que la bailleresse justifie avoir signé un protocole d'accord transactionnel dès le 5 novembre 2018 pour échelonner un arriéré déjà existant à cette date (pièce 3) et avoir consenti des avoirs à la société preneuse au titre des deux premiers confinements, manifestant ainsi par le passé sa bonne volonté dans l'exécution du contrat ;

- que l'exception d'inexécution supposerait de caractériser un manquement de la société Galimmo s'agissant de son obligation de délivrance ; que la perte de la chose louée, qui peut être partielle et temporaire, supposerait quant à elle, à tout le moins, en application de l'article 1722 du code civil applicable aux baux commerciaux, d'établir la destruction partielle de la chose louée au sens de cette disposition ;

- que, sur ces deux points, il n'est pas établi que la société NG Beauté aurait subi une perte partielle de la chose louée, ni qu'elle n'aurait pu ni jouir de la chose ni en user conformément à sa destination pendant les périodes concernées de fermeture administrative, alors qu'il est jugé par la Cour de cassation, jurisprudence à l'évidence transposable au cas d'espèce en ce donc compris la période de fermeture de 2021, que l'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable au bailleur, de sorte qu'il ne peut lui être reproché un manquement à son obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil ;

- qu'il importe peu, contrairement à ce qu'indique la société NG Beauté, que ses locaux soient situés dans un centre commercial ou que les mesures prises ne lui aient pas permis de proposer un service de "click & collect", ces circonstances ne faisant pas échec à l'absence de tout manquement du bailleur dans ses obligations d'exécution de bonne foi et de délivrance des locaux, pas plus qu'elles ne permettent de constater une perte partielle de chose louée au sens de l'article 1722 du code civil ;

- que c'est en vain qu'il est invoqué par l'appelante que les mesures prises par les autorités en 2021 pour les centres commerciaux n'étaient pas générales, alors que les critères retenus par les autorités publiques durant cette période (fermeture des commerces non alimentaires pour les centres commerciaux de plus de 20.000 m² puis 10.000 m²) s'appliquaient à tous les commerces visés, sans lien direct avec la destination contractuelle, le caractère général de la mesure étant dès lors caractérisé, peu important que des seuils de métrage ou des catégories de commerce aient été pris en compte par les autorités pour déterminer les fermetures adaptées à la situation sanitaire ;

- qu'ainsi, dans ces circonstances, la SCA Galimmo expose à juste titre que la SARL NG Beauté reste devoir, à la date du 21 juillet 2022, la somme de 67.539,09 euros, ce qui résulte du décompte produit (pièce 8) et constitue la hauteur non sérieusement contestable de l'obligation de paiement de la société preneuse, qui doit donc donner lieu à condamnation provisionnelle de l'appelante ;

- que la société NG Beauté sollicite des délais de paiement pour cet arriéré, demandant qu'elle puisse régler les sommes dues en 24 mensualités ;

- que la cour entend prendre en compte les difficultés liées à la fermeture du centre commercial, qui ont à l'évidence eu des conséquences sur la trésorerie de la société appelante, ce qu'elle justifie par une attestation d'expert-comptable (pièce 17), ce même si les difficultés de la société appelante existaient déjà pour partie avant la survenance de la crise sanitaire ;

- que la société NG Beauté expose aussi à juste titre avoir été de bonne foi et fait tous les efforts et toutes les démarches utiles pour régler les sommes dues, dans le contexte de la crise sanitaire, procédant à des règlements partiels (pièces 7, 8 et 25) et respectant le calendrier des échéances fixées par le premier juge s'agissant de l'arriéré locatif ;

- qu'il sera donc fait droit à la demande de délais de paiement en 24 mensualités, pour l'arriéré locatif dû ;

- que la société bailleresse sollicite la somme provisionnelle de 6.753,90 euros au titre de la pénalité de retard de 10 pour cent, outre l'application des intérêts de retard contractuels fixés par le contrat, soit le taux légal majoré de quatre points de pourcentage ;

- qu'il sera observé d'abord que ces stipulations du contrat constituent, toutes deux, des clauses pénales, s'agissant de pénalités prévues en cas de défaillance d'une partie au contrat visant à sanctionner la non-exécution par le locataire de ses obligations, ce par l'octroi de dommages et intérêts ;

- que, si le juge des référés peut entrer en voie de condamnation provisionnelle en application de clauses pénales claires et précises, nonobstant le pouvoir modérateur des juges du fond, c'est à la condition que leur application ne procure pas un avantage disproportionné pour le créancier ;

- que les sommes en jeu seraient ici de nature à procurer un avantage excessif pour la SCA Galimmo, excédant notablement le montant du préjudice réellement subi, de sorte que la cour dira n'y avoir lieu à référé sur ces demandes ;

- que, par ailleurs, la SARL NG Beauté réclame en vain que la cour mentionne que la condamnation provisionnelle soit en deniers et quittance, eu égard à l'imprécision de cette formule ;

- qu'enfin, c'est également en vain que la société appelante demande que le règlement des sommes dues au titre des échéances courantes soit désormais mensuel et non plus trimestriel, ce alors que le contrat stipule explicitement que le paiement a lieu par avance et de manière trimestrielle, la cour ne pouvant modifier dans ces circonstances la volonté des parties résultant d'une stipulation claire du contrat.

Ainsi, au regard des éléments rappelés ci-avant et compte tenu de l'évolution du litige, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf sur le sort des dépens et frais de première instance exactement réglé par le premier juge.

La société preneuse sera condamnée à verser à la société bailleresse la somme provisionnelle de 67.539,09 euros au titre de la dette locative, somme arrêtée au 21 juillet 2022, avec des délais de paiement de 24 mois, dans les conditions indiquées au dispositif.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties.

Ce qui est jugé à hauteur d'appel commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel, chaque partie conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise, sauf sur le sort des frais et dépens de première instance ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate que la SCA Galimmo a renoncé à demander l'acquisition de la clause résolutoire et dit n'y avoir lieu à constater l'acquisition de la clause résolutoire ;

Condamne la SARL NG Beauté à verser à la SCA Galimmo la somme provisionnelle de 67.539,09 euros au titre de la dette locative, somme arrêtée au 21 juillet 2022 ;

Fait droit à la demande de délais de paiement au titre de la dette locative et dit que la SARL NG Beauté pourra s'acquitter des sommes dues en 24 mensualités, les 23 premières mensualités à hauteur de 2.800 euros et la dernière égale au solde de la dette, ces mensualités étant dues en plus du loyer courant, des charges et taxes, les paiements devant être faits avant le 5 de chaque mois et pour la première fois avant le 5 du mois suivant la signification du présent arrêt ;

Rappelle qu'à défaut d'un seul paiement d'une échéance, la totalité des sommes restant dues deviendra exigible ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties, en ce compris les demandes de condamnation provisionnelle formées par la SCA Galimmo au titre de la pénalité de retard et des intérêts de retard contractuels et en ce compris les demandes formées par la SARL NG Beauté visant à être autorisée à régler en deniers et quittance et à s'acquitter du règlement des échéances de loyer courant et de ses accessoires mensuellement ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/07062
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;22.07062 ?
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