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10/11/2022 | FRANCE | N°22/05008

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 10 novembre 2022, 22/05008


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05008 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFNRB



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Février 2022 -Juge des contentieux de la protection de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 1221000025





APPELANTE



S.A.E.M. ADOMA (RCS de PARIS n

°B788 058 030)



[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Sylvie JOUAN de la SCP JOUAN WATELET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0226





INTIME


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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05008 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFNRB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Février 2022 -Juge des contentieux de la protection de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 1221000025

APPELANTE

S.A.E.M. ADOMA (RCS de PARIS n°B788 058 030)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Sylvie JOUAN de la SCP JOUAN WATELET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0226

INTIME

M. [N] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurent LOYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1567

Assisté par Me Sophie CHAMBEFORT, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/016815 du 20/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 10 mars 2014, la société Adoma a donné en location à M. [N] [L] un logement situé [Adresse 1]), moyennant le paiement d'une redevance mensuelle de 418,79 euros, comprenant 35,76 euros de prestations obligatoires.

Soupçonnant que M. [L] hébergeait un tiers dans les lieux en méconnaissance du règlement intérieur, la société Adoma a mis M. [L] en demeure le 1er juillet 2020 de faire cesser cet hébergement et lui a rappelé qu'en cas d'inexécution, le contrat serait résilié de plein droit dans le délai d'un mois. Cette mise en demeure a été signifiée à M. [L] le 3 juillet 2020 par voie d'huissier et remise à l'étude.

Par acte d'huissier en date du 11 février 2021, la société Adoma a fait assigner M. [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montreuil, statuant en référé, aux fins de voir :

' constater le maintien dans les lieux sans droit ni titre du défendeur suite à la résiliation de son contrat de résidence,

' ordonner son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, si besoin est avec le concours de la force publique,

' condamner M. [L] à lui payer à titre provisionnel les sommes suivantes :

* une indemnité d'occupation d'un montant équivalent à celui de la redevance et des charges, à compter de la résiliation jusqu'à sa libération effective des lieux,

* 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les entiers dépens de l'instance.

En réplique, M. [L] a soulevé l'existence de contestations sérieuses, sollicité le rejet des demandes, un délai de 36 mois pour quitter les lieux, outre la condamnation de la SA Adoma à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par ordonnance contradictoire du 11 février 2022, le juge des référés du tribunal de proximité de Montreuil-sous-Bois a :

- débouté M. [L] de sa demande tendant à voir constater une contestation sérieuse ;

- débouté la société Adoma de sa demande en résiliation du contrat de résidence conclu le 10 mars 2014 entre la société Adoma et M. [L] et portant sur le local situé [Adresse 1]) ;

- rappelé que la présente ordonnance est assortie de plein droit de l'exécution provisoire ;

- débouté chaque partie de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [L] aux dépens de l'instance ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 04 mars 2022, la société Adoma a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 31 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société SA Adoma demande à la cour, au visa des articles 1103, 1229 du code civil, L. 633-2, R. 633-9 et suivants du code de la construction et de l'habitation et 835 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

en conséquence, statuant à nouveau,

- constater la résiliation du contrat de résidence de M. [L] ;

- ordonner l'expulsion de M. [L] du foyer-logement Adoma ainsi que celle de tous occupants de son chef et ce au besoin avec l'assistance de la force publique ;

- condamner M. [L] à lui régler, à titre de provision, une indemnité d'occupation égale au tarif en vigueur de la redevance, à compter de l'expiration de son contrat jusqu'à la libération complète des lieux ;

- condamner M. [L] à lui payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'intimé au paiement des dépens de première instance et d'appel.

La société Adoma soutient en substance :

- qu'il n'était pas demandé au premier juge de prononcer la résiliation du contrat en appréciant pour ce faire si les conditions étaient réunies au jour de l'audience mais de constater la résiliation du contrat intervenue le 3 août 2020, un mois après la signification de la mise en demeure faite le 3 juillet 2020 prévoyant la résiliation automatique du contrat par le gestionnaire s'il n'était pas mis fin à l'hébergement illicite d'un tiers ;

- que le constat de l'huissier dressé le 24 septembre 2020 démontrait que l'hébergement illicite, non déclaré, n'avait pas cessé dans le délai imparti ;

- que l'intimé ne saurait non plus se prévaloir des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, instituant le droit à une vie privée et familiale, pour justifier son manquement, l'alinéa 2 de l'article 8 prévoyant des dérogations au principe de vie privée et familiale lorsque sont en jeu, notamment la sécurité des personnes, la protection de la santé ou celle des droits et libertés d'autrui ce qui est le cas en l'occurrence ;

- que les allégations de l'intimé prétendant qu'il n'aurait hébergé son fils qu'une fois en huit ans constitue une allégation purement gratuite ;

- que le délai sollicité est largement excessif.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 17 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour, au visa des dispositions du code de la construction et de l'habitation et des articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance rendue le 11 février 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montreuil-sous-Bois ;

en conséquence, à titre principal,

- constater l'existence de contestations sérieuses ne permettant pas à la juridiction de céans de statuer en référé ;

- débouter la société Adoma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire,

- accorder à celui-ci un délai de 36 mois pour quitter les lieux qu'il occupe sis [Adresse 1]) ;

en tout état de cause,

- débouter la société Adoma de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Adoma à verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, somme qui sera recouvrée directement par Me Laurent Loyer, avocat aux offres de droit, et pour son propre compte ;

- condamner la société Adoma aux entiers dépens de première instance, comme d'appel.

M. [L] soutient en substance :

- que le prononcé de la résiliation du bail relève des juges du fond et non du juge des référés ;

- qu'un locataire a droit au respect de sa vie privée et familiale, qu'il a hébergé ici son fils une seule et unique fois en sept ans d'occupation ;

- que la preuve d'un manquement grave et/ou répété ne saurait résulter du seul procès-verbal de constat d'huissier en date du 24 septembre 2020 ;

- que compte tenu de son âge, 66 ans, et de ses faibles ressources, des délais devraient lui être octroyés.

SUR CE LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le maintien d'un locataire dans les lieux, alors qu'il est devenu occupant sans droit ni titre en application d'une clause résolutoire de plein droit, caractérise un trouble manifestement illicite. A tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

En l'espèce, il y a lieu de rappeler :

- que le contrat signé entre les parties est un contrat spécifique encadré par les dispositions des articles L. 633-1 à L. 633-4-1 et R. 633-1 à R. 633-9 du code de la construction et de l'habitation ;

- que l'article R. 633-9 dispose notamment que le règlement intérieur prévoit l'obligation, pour la personne logée, d'informer le gestionnaire de l'arrivée des personnes qu'il héberge, en lui déclarant préalablement leur identité ;

- que, selon l'article R. 633-3, le gestionnaire ou le propriétaire peut résilier le contrat dans l'un des cas prévus à l'article L. 633-2, sous réserve d'un délai de préavis d'un mois en cas d'inexécution par la ou les personnes titulaires du contrat d'une obligation leur incombant ou en cas de manquement grave ou répété au règlement intérieur ;

- que le contrat de résidence signé entre les parties stipule, en son article 7, que le résident s'engage à occuper personnellement les lieux mis à sa disposition et de n'en consentir à l'occupation à quiconque, même partiellement et de manière gratuite ; que le contrat précise aussi que l'hébergement d'un tiers ne peut se faire que dans le strict respect de l'article 9 du règlement intérieur (maximum de trois mois par an et fourniture d'une pièce d'identité de l'invité) et qu'à défaut le contrat sera résilié de plein droit dans les conditions énoncées par la lettre de mise en demeure ;

- que la SA Adoma expose que l'intimé ne respectait pas ses obligations et qu'elle a dû, par mise en demeure signifiée par voie d'huissier le 3 juillet 2020, demander à M. [L] de faire cesser l'hébergement d'une tierce personne ;

- qu'il résulte pourtant du constat d'huissier de justice dressé le 24 septembre 2020 (pièce 5) que l'hébergement illicite n'avait pas cessé, puisqu'il a été constaté à la fois l'absence de toute mention sur le registre des invités et la présence, dans la chambre 230, de deux personnes, M. [N] [L] et M. [P] [L], fils de celui-ci ;

- que, dans ces circonstances, malgré la mise en demeure, l'intimé a, avec l'évidence requise en référé, violé les dispositions du contrat de résidence, ce qui commande de constater la résiliation du contrat, dans les conditions indiquées au dispositif ;

- que la société appelante rappelle à juste titre à cet égard que le juge des référés, juge de l'évidence, s'il ne peut pas prononcer la résiliation d'un contrat sans excéder ses pouvoirs, peut toujours constater cette résiliation, en application de clauses claires et précises ce qui est ici le cas, étant observé que c'est à tort que le premier juge a estimé que le procès-verbal était trop ancien alors qu'aucun court délai impératif ne sanctionnait la saisine de la juridiction des référés ;

- que M. [L] ne peut se plaindre ici d'une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale résultant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, la SA Adoma exposant valablement que, d'une part, le contrat signé permettait de recevoir des invités en respectant la réglementation applicable et que, d'autre part, la suroccupation des foyers peut être de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes et des biens, de sorte que les conditions de l'expulsion ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l'intimé ;

- qu'enfin, la circonstance que M. [L] n'aurait enfreint le règlement qu'une seule fois, outre qu'elle est sans effet sur la possibilité de constater la résiliation du bail pour ce qui est à l'évidence un manquement grave de nature à créer un risque pour la sécurité du foyer, n'est pas non plus établie, étant observé que la SA Adoma a, dans un premier temps, par courrier de mise en demeure signifié le 3 juillet 2020, indiqué à M. [L] qu'il hébergeait une tierce personne en infraction, ce sans réaction de sa part, avant de faire dresser le procès-verbal d'huissier de justice du 24 septembre 2020 montrant la réitération du comportement illicite, ce en respectant donc les stipulations applicables du contrat de résidence.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise et de constater la résiliation du contrat, outre la fixation à la charge de M. [L] d'une indemnité provisionnelle d'occupation, dans les conditions indiquées au présent dispositif du présent arrêt.

La demande de délais sera en outre rejetée, étant observé que la mise en demeure date du 3 juillet 2020, soit il y a plus de deux ans, de sorte que M. [L], même s'il est âgé de 66 ans et dispose de ressources limitées, a bénéficié dans les faits des plus larges délais pour ses démarches de relogement, étant d'ailleurs observé qu'il ne verse aucune pièce montrant les démarches qu'il aurait entreprises.

M. [L] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, l'équité commandant de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate la résiliation du contrat de résidence de M. [N] [L] signé avec la SA Adoma, relatif au foyer-logement Adoma situé [Adresse 1], à compter du 3 août 2020 ;

Ordonne l'expulsion de M. [N] [L] de la chambre du foyer-logement Adoma situé [Adresse 1] ainsi que celle de tous occupants de son chef, et ce au besoin avec l'assistance de la force publique, à défaut d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux ;

Condamne M. [N] [L] à régler à la SA Adoma, à titre de provision, une indemnité d'occupation égale au tarif en vigueur de la redevance, à compter de l'expiration de son contrat jusqu'à la libération complète des lieux ;

Rejette la demande de délais formée par M. [N] [L] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] [L] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/05008
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;22.05008 ?
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