Copies exécutoires délivrées
aux parties le :
République française
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ORDONNANCE DU 10 NOVEMBRE 2022
(N° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02324 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFES2
Saisine : assignation en référé délivrée le 7 mars 2022
DEMANDEUR
S.A.R.L. MPM EXPRESS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Myriam MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E2134
DÉFENDEUR
Monsieur [S] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Lionel COHEN, avocat au barreau d'ESSONNE
PRÉSIDENT : Olivier FOURMY
GREFFIÈRE : Alicia CAILLIAU
DÉBATS : audience publique du 16 Septembre 2022
NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire
Signée par Olivier FOURMY, Président assisté de Alicia CAILLIAU, greffière présente lors de la mise à disposition, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société MPM Express SARL (ci-après, la 'Société') est spécialisée dans le secteur d'activité des transports routiers de fret interurbains.
M. [S] [B] a été embauché par la Société, sous contrat à durée indéterminée à temps complet, le 1er janvier 2006, en qualité de conducteur poids lourds au coefficient 138 M. Il a conservé son ancienneté acquise au sein de la société DRM, son ancien employeur, depuis le 1er septembre 1991. Le salaire fixé dans son contrat de travail s'élevait à 1 600,00 euros pour 151,67 heures mensuelles.
La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Le 29 septembre 2017, M. [B] a pris sa retraite, quittant la Société.
Le 1er février 2018, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux, notamment aux fins de voir condamner la Société au paiement de rappels de salaires et autres sommes dus selon lui.
Par jugement contradictoire rendu le 28 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Meaux a :
- condamné la Société à payer à M. [B] les sommes suivantes :
9 838,62 euros au titre du rappel de salaire ;
983,86 euros au titre des congés payés afférents ;
2 459,49 euros au titre de l'indemnité de repos compensateur, ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 14 février 2018 ;
1 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non respect des articles R. 3243-1 et l'article D. 3171-13 et suivants du code du travail ;
1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision ;
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-1 du code civil ;
- ordonné à la Société de remettre à M. [B] un bulletin de paie rectificatif conforme au jugement, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, à compter du trentième jour de la notification du jugement ;
- s'est réservé le droit de liquider l'astreinte ordonnée et a rappelé que dans ce cas, une autre définitive pourra être ordonnée ;
- débouté M. [B] du surplus des demandes ;
- a débouté la Société de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée aux entiers dépens y compris les honoraires et frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de la décision.
La Société a interjeté appel de ce jugement le 5 novembre 2021 et signifié à M. [S], le 7 mars 2022, une assignation à comparaître devant le premier président de la cour d'appel de Paris, aux fins d'obtenir l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire dudit jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par assignation en référé déposée au greffe le 21 mars 2022 et conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Société demande à la juridiction du premier président de la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son instance et y faire droit ;
En conséquence,
' titre principal,
- ordonner la suspension de l'exécution provisoire du jugement du 28 septembre 2021 rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux, et ce dans l'attente de l'examen au fond de la décision attaquée ;
' titre subsidiaire,
- autoriser la Société à consigner la somme de 16 000 euros sur la condamnation en principal de la somme de 15 481, 97 euros entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, dans un délai de 3 mois à compter de la délivrance de la copie exécutoire de la présente ordonnance ;
- dire que le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris ne sera délié de sa mission que sur la volonté commune des parties exprimée par une transaction ou sur présentation de l'arrêt de la cour d'appel statuant sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement susvisé et de sa signification ;
En tout état de cause,
- réserver les dépens.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, M. [B] sollicite la cour de :
- débouter la Société de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la Société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Société fonde sa demande sur les articles 521 et 524 du code de procédure civile. La Société plaide notamment que M. [B] travaillait quatre jours, et non cinq, par semaine, qu'elle a fait établir un rapport à partir des disques chronotachygraphes et que, si M. [B] a parfois effectué des 'extras', il en a été réglé. Il existe donc des motifs sérieux de réformation.
La Société soutient en outre que le montant des condamnations ordonnées entraînerait des conséquences manifestement excessives à son égard. En effet, elle fait état d'une situation financière précaire des suites de la crise sanitaire, avec un résultat déficitaire de 115 919 euros en septembre 2020 et encore de plus de 1 400 euros en 2021, tandis que le montant de ses dettes s'élève à 635 000 euros, dont 430 000 euros sont dus dans un an au plus tard. M. [B], quant à lui, ne présente pas les garanties suffisantes pour effectuer le remboursement des sommes faisant l'objet d'une exécution provisoire, de sorte qu'il est à craindre qu'il ne puisse rembourser les fonds en cas d'infirmation de la décision de premier ressort.
La Société sollicite, à titre subsidiaire, la consignation des sommes dues.
M. [B] fait notamment valoir qu'il a fait effectuer une saisie-attribution, laquelle a révélé un compte sur lequel se trouvaient plus de 200 000 euros.
Au demeurant, alors qu'il produit un tableau décrivant les horaires effectués, la Société ne présente qu'une extrait des relevés des chronotachygraphes.
Il n'existe pas de conséquences manifestement excessives, alors que les deux parties se trouvent devant le juge de l'exécution et que la Société ne justifie pas, au demeurant, de sa situation à mi-2022. De plus, la Société ne présente aucun élément en ce qui concerne la mauvaise foi de M. [B] qu'elle allègue.
Sur ce,
Il est constant que M. [S] [B] a saisi le conseil de prud'hommes le 1er février 2018. Ce sont donc les anciennes dispositions de l'article 524 du code de procédure civile qui s'appliquent, lesquelles se lisent :
Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.
Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.
Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. (souligné par la cour)
En l'occurrence, le premier juge n'a pas ordonné l'exécution provisoire mais, le montant total des sommes allouées présentant un caractère salarial étant inférieur au maximum dont la Société devrait s'acquitter, compte tenu du salaire de M. [B], en tout état de cause, c'est la totalité de ces sommes que la Société doit verser à l'intéressé.
Les conditions pour obtenir la suspension de ces paiements sont donc cumulatives.
La cour ne peut que constater que les éléments produits par la Société en ce qui concerne sa situation, s'ils font apparaître un état détérioré en 2020, traduisent un redressement au cours de l'année 2021 et la présence de plus de 200 000 euros sur l'un de ses comptes bancaires, au moment où la saisie attribution a été réalisée ne permet pas, en l'absence de toute précision comptable récente, de considérer que l'exécution par la Société du jugement mettrait sa situation manifestement en péril.
Au demeurant, le fait que le conseil de prud'hommes aurait mal interprété les éléments soumis par la Société, et notamment l'analyse faite par une société spécialisée (et non par elle-même, contrairement a ce qui pu être laissé entendre à l'audience par a défense de M. [B]) des disques chronotachygraphes, ne caractérise en aucune façon une violation manifeste du principe du contradictoire ni de l'article 12 du code de procédure civile.
Il en résulte que la demande de suspension de l'exécution provisoire ne peut être que rejetée.
La demande de consignation n'est pas davantage, compte tenu de ce qui précède, justifiée, qui relève en tout état de cause de l'appréciation souveraine de la juridiction du premier président.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La Société, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance.
Elle sera condamnée à payer à M. [B] 1 500 euros sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par décision contradictoire,
Déboutons la société MPM Express de sa demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement du 28 septembre 2021 du conseil de prud'hommes de Meaux ;
Déboutons la société MPM Express de sa demande de consignation des sommes dues en exécution de ce jugement ;
Condamnons la société MPM Express aux dépens de l'instance ;
Condamnons la société MPM Express à payer à M. [S] [B] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.
La greffière, Le président,