La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2022 | FRANCE | N°22/02221

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 10 novembre 2022, 22/02221


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02221 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFEKE



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Janvier 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/57034





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madam

e la Maire de [Localité 8], Mme [F] [J], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avoc...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02221 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFEKE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Janvier 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/57034

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 8], Mme [F] [J], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIMES

M. [V] [X]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735

S.A.R.L. PNL PROPERTY, RCS de PARIS n°824 758 627

[Adresse 6]

[Localité 5]

Défaillante, déclarée en liquidation judiciaire par jugement en date du 28 mai 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par exploits en date des 7 et 14 mai 2019, la Ville de [Localité 8], prise en la personne de Mme la maire de [Localité 8], a fait assigner M. [L] [X] et la société PNL property devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu tribunal judiciaire de Paris), saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 1] à [Localité 9] (bâtiment A, escalier 1, rez-de-chaussée et premier étage, porte 01001, lots n°2 et 7).

Par ordonnance du 6 septembre 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 8] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 8] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 6 décembre 2021.

La Ville de [Localité 8] a demandé a tribunal de :

' condamner M. [X] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 8] conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation,

' condamner la société Pnl property à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 8] conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation,

' ordonner le retour à l'habitation de l'appartement situé [Adresse 1] à [Localité 9] transformé sans autorisation, sous astreinte de 397,98 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer,

' se réserver la liquidation de l'astreinte,

' condamner M. [X] et la société PNL property au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

' rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de M. [X] et la société PNL property.

M. [X] a conclu à titre principal au débouté, faisant valoir l'insuffisance de preuve quant à l'affectation du bien à un usage d'habitation au 1er janvier 1970 et, à titre subsidiaire, à la réduction de l'amende civile, se prévalant d'un bail conclu avec la société PNL property et de sa bonne foi.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue en la forme des référés le 17 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la ville de [Localité 8] de sa demande de condamnation à l'encontre de M. [X] et de la société PNL property au paiement d'une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- débouté la ville de [Localité 8] de sa demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] à [Localité 9] (bâtiment A, escalier 1, rez-de-chaussée et premier étage, porte 01001, lots n°2 et 7) ;

- débouté la ville de [Localité 8] de sa demande formulée au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la ville de [Localité 8] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Le premier juge a considéré que la preuve n'était pas faite par la Ville de [Localité 8] de l'affectation du bien à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, condition première de l'infraction.

Par déclaration du 27 janvier 2022, la Ville de [Localité 8] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 septembre 2022, elle demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- constater les infractions commises par M. [X] ;

- constater le désistement d'instance de la Ville à l'égard de la société PNL property ;

- condamner M. [X] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé [Adresse 1] à [Localité 9], sous astreinte de 397,98 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- condamner M. [X] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvert ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bruno Mathieu, avocat.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 septembre 2022, M. [X] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce que la ville de [Localité 8] est mal fondée en sa demande de condamnation reposant sur les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction en raison de l'absence de force probante de la déclaration H2 constituant la base légale de l'assignation ;

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la ville de [Localité 8] de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, l'infraction au changement d'usage devait être caractérisée :

- juger que, compte tenu de sa bonne foi, des diligences et de sa coopération, il est fondé à n'être condamné qu'à une amende symbolique ;

- juger la cessation totale de la supposée infraction avant toute procédure contentieuse ;

En conséquence,

- condamner celui-ci à une amende symbolique de un euro au regard de la cessation de l'infraction présumée et de sa coopération avec la ville de [Localité 8] ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Paris ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme symbolique de un euro :

- juger que le montant de 50.000 euros au titre de l'amende civile est manifestement disproportionné et injustifié,

En conséquence,

- condamner celui-ci à une somme qui ne pourrait excéder 1.000 euros ou toute somme que l'équité commandera, si la cour d'appel de Paris devait entrer en voie de condamnation ;

En toutes hypothèses,

- condamner la ville de [Localité 8] à lui payer une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS :

A titre liminaire, il y a lieu de constater à hauteur d'appel le désistement de la Ville de [Localité 8] à l'égard de la société PNL property.

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif, la cour rappelant simplement qu'en application des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation et conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la ville de [Localité 8] d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

En l'espèce, les parties s'opposent à titre principal sur la preuve à apporter par la Ville de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 8], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

S'agissant ici d'un logement issu de la réunion de deux lots, la Ville de [Localité 8] se prévaut de deux fiches H2 :

- La première fiche H2, établie le 6 octobre 1970 et correspondant au lot n°7, décrit un appartement situé au 1er étage de 42 m² composé d'une salle à manger, d'une cuisine, d'une chambre et d'une salle d'eau. Elle porte la mention du nom de son propriétaire, M. [U] [O], déclaré comme étant l'occupant du bien.

Ces mentions ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970 et M. [X] expose dans ses conclusions, acte de vente à l'appui, avoir acheté cet appartement en viager à son grand-père M. [U] [O], lequel l'avait acquis en 1963, ce dont il se déduit que le bien acheté par M. [O] en 1963 était déjà un appartement, ce qu'il est encore au 6 octobre 1970.

L'usage d'habitation au 1er janvier 1970 est ainsi établi pour le lot n°7.

- La seconde fiche H2, établie le 14 octobre 1970 et correspondant au lot n° 2, décrit un logement situé au rez-de-chaussée de 10m² composé d'une chambre et d'une cuisine, ces pièces étant mentionnées tant dans la rubrique "pièces et annexes affectées exclusivement à l'habitation "que dans la rubrique "pièces et annexes à usage professionnel". Elle porte la mention du nom du propriétaire, Mme [C], et de la date à laquelle celle-ci a acquis le bien soit en juin 1968.

M. [X] indique dans ses conclusions que ce lot n°2 correspondait à une loge située au rez-de- chaussée qu'il a acquise lorsqu'il occupait l'appartement de 1989 à 2006, étant observé que la nature de loge est cohérente avec la description du bien dans la fiche H2.

L'affectation de ce lot n°2 à usage d'habitation au 1er janvier 1970 n'apparaît pas établie dès lors que si la fiche a été renseignée à une date assez proche du 1er janvier 1970 et qu'elle mentionne que le propriétaire est occupant depuis juin 1968, il convient de relever :

- qu'aux termes de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le local doit être affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d'affectation à un usage d'habitation ;

- que la mention de l'occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l'hypothèse de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l'occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;

- qu'au demeurant, la preuve à apporter n'est pas celle de l'occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l'affectation du bien à un usage d'habitation à cette date de référence ;

- que surtout, les mentions de la fiche sont équivoques quant à l'affectation du bien, les deux pièces qui le composent étant mentionnées dans les deux rubriques "pièces à usage d'habitation" et "pièces à usage professionnel" ;

- qu'enfin, si la Ville de [Localité 8] soutient que l'établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).

Il n'est donc pas établi qu'à l'instar du lot n°7, le lot n°2 était bien affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970.

Il en résulte que le logement objet de l'infraction poursuivie, dont il convient de rappeler qu'il est la réunion des lots 2 et 7, ne peut être considéré comme étant affecté dans son entier à l'usage d'habitation au 1er janvier 1970, date de référence.

Il s'ensuit que l'infraction n'est pas caractérisée et que l'ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a débouté la Ville de [Localité 8] de l'ensemble de ses demandes.

Partie perdante, la Ville de [Localité 8] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [X] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Constate le désistement d'appel de la Ville de [Localité 8] à l'égard de la société PNL property,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 8] aux dépens de l'instance d'appel,

La condamne à payer à M. [X] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/02221
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;22.02221 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award