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10/11/2022 | FRANCE | N°21/18559

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 10 novembre 2022, 21/18559


REPUBLIQUE FRANCAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRET DU 10 Novembre 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18559 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERMJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny, RG n° 19/00337





APPELANTE



Société ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE 'EPFIF'

Etablissement public de l'Etat à cara

ctère industriel et commercial immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 495 120 008

[Adresse 9]

[Localité 17]



représentée par Me Frédéric LEVY, SELAS DS AVOCATS, avo...

REPUBLIQUE FRANCAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRET DU 10 Novembre 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18559 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERMJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny, RG n° 19/00337

APPELANTE

Société ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE 'EPFIF'

Etablissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 495 120 008

[Adresse 9]

[Localité 17]

représentée par Me Frédéric LEVY, SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

INTIMÉES

Madame [V] [F] veuve [G]

[Adresse 30]

[Adresse 30]

[Localité 25]

Signification art. 659

DÉFAILLANTE

Madame [X] [G] épouse [W], venant aux droits de Monsieur [U] [G]

[Adresse 19]

[Localité 18]

DÉFAILLANTE

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 24]

représenté par Mme [P] [D], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport :

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président,

Madame Mianta GEORGET, Conseillère

Madame Catherine LEFORT, conseillère

Greffier : Mme Dominique CARMENT, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.

* * * * * * * * * *

Monsieur [U] [G] et Madame [V] [F] épouse [G] étaient propriétaires des lots numéro 1566, 1692 et 2049 du bâtiment 8, situé [Adresse 3]), faisant partie de la copropriété du Chêne Pointu.

Cette copropriété est édifiée sur les parcelles cadastrées section AS numéros [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8],[Cadastre 10], [Cadastre 11],[Cadastre 12] ,[Cadastre 13] ,[Cadastre 14], [Cadastre 15] et AT numéros [Cadastre 16],[Cadastre 20], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23].

Le lot numéro 1566 est un appartement de type F4 d'une superficie de 65 m², le lot numéro 1192 une cave et le lot numéro 2049 un emplacement de stationnement extérieur, associé au bâtiment 8.

Par décret numéro 2015-99 du 28 janvier 2015, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du bas [Localité 27], comprenant les copropriétés du Chêne pointu et de l'Étoile du Chêne pointu, a été déclarée d'intérêt public et sa mise en état été confiée à l'établissement public foncier d'Île-de-France(EPFIF).

Par arrêté préfectoral numéro 2020-0760 du 16 mars 2020, les parcelles situées à l'intérieur de la DUPont été déclarées cessibles au profit de L'EPFIF.

Une ordonnance d'expropriation, emportant transfert de propriété, a été rendue le 29 décembre 2020 au profit de l'EPFIF.

Après transport sur les lieux du 8 octobre 2020, par jugement du 23 septembre 2021 réputé contradictoire, Mme [V] [F] veuve [G] et Mme [X] [G] épouse [W], venant aux droits de M. [U] [G] décédé, étant non comparantes ni représentées, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny a :

'annexé à la décision le procès verbal de transport du 8 octobre 2020 ;

'annexé à la décision :

'les termes de comparaison produits par l'établissement public foncier d'Île-de-France, un tableau sur trois pages ;

'les termes de comparaison versés par le commissaire du gouvernement, deux tableaux sur une page ;

'dit que l'indemnité de dépossession foncière est évaluée à la somme de 70'395 euros, se décomposant comme suit :

-63'085 euros au titre de l'indemnité principale,

-7310 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

'dit que cette somme est ramenée à 61'775 euros en application des dispositions de l'article R311-22 du code de l'expropriation ;

'fixé en conséquence l'indemnité due par l'établissement public foncier d'Île-de-France à Madame [V] [F] veuve [G] et Madame [X] [G] épouse [W] au titre de la dépossession des lots numéro 1566 ( appartement), 1692 (cave) et 2049 (emplacement de stationnement extérieur associé au bâtiment 8) du bâtiment 8 de la copropriété du Chêne pointu situé [Adresse 2] à la somme de 61'775 euros, en valeur libre ;

'condamné l'établissement public foncier d'Île-de-France aux dépens.

L'établissement public foncier d'Île-de-France, par lettre recommandée avec avis de réception du 22 octobre 2021, a interjeté appel sur la fixation du montant de l'indemnité de dépossession en raison de la violation des articles L 322-2 et R 311-22 du code de l'expropriation.

Pour l'exposé complets des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

'Adressées au greffe le 12 janvier 2022 par l'EPFIF notifiés le 13 janvier 2022 (AR du 17 janvier 2022 pour le commissaire du gouvernement) et signifiées le 14 février 2022 par huissier de justice à la demande de l'EPFIF à Madame [V] [F] veuve [G] et Madame [X] [G] épouse [W] conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile aux termes desquels il demande à la cour de :

'à titre principal :

infirmer, pour violation des dispositions de l'article R 311-22 du code de l'expropriation le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité à revenir à Madame [V] [F] veuve [G] et Madame [X] [G] épouse [W], venant aux droits de Monsieur [U] [G], pour la dépossession des lots 1856,692 et 2049, parties communes générales intégrées de l'immeuble sis[Adresse 1] à la somme de 70'395 euros ramenés à la somme de 61'775 euros conformément aux conclusions du commissaire du gouvernement ;

'fixer en conséquence l'indemnité à revenir à Mme [V] [F] veuve [G] et Madame [X] [G] épouse [W] venant aux droits de M.[U] [G] à la somme de 43'900 euros en principal et accessoires conforme à son offre ;

'à titre subsidiaire :

'infirmer le jugement en ce qu'il a :

'fixé la valeur au m² pour l'évaluation des lots 1586 et 1692 à la somme de 850 euros majorée de 10 % à raison de la plus-value conférée par l'entrée en service de la ville tramway T4 ;

'fixé l'indemnité complémentaire au titre de la perte de l'emplacement de stationnement formant le lot N°2049 à la somme de 2100 euros, majorée de 10 % en raison de la plus-value conférée par la mise en service de la ligne de tramway T4 ;

'en conséquence fixer l'indemnité comme suit :

'indemnité principale : (méthode globale'cave, parkings parties communes générales intégrées) : 65 m² X 600 euros= 39'000 euros en valeur libre

'indemnité accessoire :

indemnité de remploi : 4900 euros

montant total de l'indemnité de dépossession : 43'900 euros en valeur libre.

-'Adressées au greffe le 10 mars 2022 par le commissaire du gouvernement intimé et appelant incident notifiées le 15 mars 2022 (AR du 16 mars 2022) aux termes desquelles il demande à la cour de fixer l'indemnité de dépossession :

' à titre principal : 43900 euros

' à titre subsidiaire : 61775 euros.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'EPFIF conclut que :

'il n'entend pas remettre en cause les éléments suivants :

'superficie du lot numéro 1556 soit 65 m² ;

'situation d'urbanisme à la date de référence : la zone UR1 du PLU ;

'principe de fixation d'indemnité principale en valeur libre d'occupation ;

'principe de l'allocation d'une indemnité de remploi et au calcul retenu pour la détermination de cette indemnité.

Il demande l'infirmation :

-à titre principal : sur la violation de l'article R 311-22 du code de l'expropriation.

En application de cet article, le pouvoir d'appréciation du juge de l' expropriation est limité aux prétentions écrites exposées par les parties ; en l'absence de réponse des expropriés, l'appréciation du juge sur le montant des indemnités est cantonnée entre l'offre de l'expropriant et l'avis du commissaire du gouvernement à la condition que ce dernier propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant ; en l'absence de réponse des expropriés et pour autant que le commissaire du gouvernement propose une évaluation supérieure à celle de l'expropriant, l'appréciation du juge sur le montant des indemnités est limitée à l'offre de l'expropriant, sauf à vider de sens le premier alinéa de l'article R 311-22.

En l'espèce, les expropriés bien que régulièrement informés de l'ensemble des étapes de la procédure n'ont pas formulé une demande et le commissaire du gouvernement a proposé une évaluation supérieure à celle de l'autorité expropriante, le tribunal ne pouvait donc statuer aux termes de l'avis de ce dernier.

'À titre subsidiaire : sur les valeurs.

Au visa des termes de comparaison qui lui était proposés tant par l'EPFIF et le commissaire du gouvernement, le tribunal a fixé la valeur au m² à la somme de 850 euros en valeur libre, en prenant en compte l'état d'entretien moyen du logement du lot numéro 1586.

Or, les expropriés informés de la date fixée au 8 octobre 2020, ne se sont pas présentés et la visite s'est donc révélée impossible ; c'est en considération de cette situation qu'il a été considéré que le logement en cause présentait un mauvais état d'entretien et que sa valeur devait en conséquence être fixée en fonction des références de cessions de logement présentant un même état d'entretien.

-Sur la majoration de 10 %.

Aucune des parties à l'instance ne remet en cause le principe de la fixation de l'indemnité principale selon la méthode d'évaluation globale cave et parking intégré ; les termes de comparaison produits par l'expropriant et par le commissaire du gouvernement portent sur des cessions amiables de logements intégrant le plus souvent des emplacements de stationnement extérieur et dans ce cas ils ne faisaient pas l'objet d'une valorisation distincte de celle du logement et de la cave ;

le raisonnement suivi par le tribunal est contraire à l'article L322-2 du code de l'expropriation en son dernier alinéa qui dispose que quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles des sols ou par la réalisation dans les 3 années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération.

En l'espèce, la date de référence est celle du 10 juillet 2012, la date d'approbation du PLU de la commune de [Localité 28], modifié le 8 avril 2016, l'enquête préalable à la [Adresse 29] s'est tenue du 11 mars 2009 au 12 avril 2019 inclus et la mise en service de la ligne du tramway T4 est intervenue fin 2019 après près de 4 années de travaux. Ces travaux étant de par la nature même des travaux publics, leur réalisation dans les trois années ayant précédé l'enquête publique préalable à la DUP et leur impact éventuel, qui n'est au demeurant nullement démontré en l'espèce, ne pouvaient être pris en compte comme facteur de plus-value, que ce soit pour l'évaluation du logement ou pour l'emplacement de stationnement.

'Sur l'allocation d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'un emplacement de stationnement.

Aucune des parties à l'instance ne remettait en cause le principe de la fixation d'indemnité principale selon la méthode d'évaluation globale, cave et parking intégré ; les termes de comparaison produits portaient sur des cessions amiables de logements intégrant le plus souvent des caves et emplacement de stationnement extérieur qui ne faisaient pas l'objet d'une valorisation distincte ; le tribunal lui-même, a constaté que la différence d'une part entre la valeur moyenne d'échange de logements avec cave mais sans parkings, d'autre part, la valeur moyenne d'échange des logements avec cave et parking était en moyenne de 20 euros/m², soit un montant très faible tendant à démontrer qu'il n'existe pas de fait de différence notable de valorisation entre le prix de cessions de logements avec cave et parking et le prix de cession des logements et cave sans parking.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

'en application de l'article R 311-22 22 du code de l' expropriation, si l'exproprié n'a pas produit de mémoire en réponse, le premier juge statue dans la limite des prétentions de l'expropriant dans la mesure où le commissaire du gouvernement a proposé une évaluation supérieure à celle de l'expropriant.

Il est donc demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a violé cet article et de fixer l'indemnité totale de dépossession à la somme de 61'734 euros en principal et accessoire en conformité avec les conclusions du commissaire du gouvernement et de fixer celle-ci à la somme de 43'900 euros en principal et accessoires conformément à l'offre de l'autorité expropriante.

À titre subsidiaire, il est demandé la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu, en l'absence de visite, 850 euros/m² libre pour un état d'entretien moyen du logement ; en l'absence de visite, en effet il ne peut être présagé du mauvais entretien du bien.

Il est demandé l' infirmation du jugement en ce qu'il a appliqué une majoration de 10% de la valeur unitaire considérant que la copropriété du Chêne pointu est desservie par le tramway T4 depuis la fin 2019 en application de l'article L 322-2 du code de l'expropriation ; en effet le PLU a été approuvé le 10 juillet 2012 modifié le 8 avril 2016 et mis en conformité par délibération du Conseil du territoire du 26 septembre 2017 ; l'enquête conjointe préalable à la [Adresse 29] et l'enquête parcellaire se sont déroulées du 11 mars 2009 au 12 avril 2019 inclus ; en conséquence, la réalisation de ces travaux ne peut être prise en compte pour la détermination de la valeur unitaire du bien exproprié.

MOTIVATION

- sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017 , l'appel étant du 22 octobre 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de l'EPFIF du 12 janvier 2022 et du commissaire du gouvernement du 10 mars 2022 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables.

AU FOND

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée ayant force de loi en France, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation , les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'article R311-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.

Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de six semaines prévu à l'article R311-11, il est réputé s'en tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié.

Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose.

L'EPFIF indique qu'il n'entend pas remettre en cause en appel les éléments suivants :

- superficie du lot N°1856 soit 65 m² ;

- situation d'urbanisme à la date de référence: zone UR1 du PLU ;

- principe de fixation de l'indemnité principale en valeur libre d'occupation ;

- principe de l'allocation d'une indemnité de remploi et taux de calcul retenus pour la détermination de ctte indemnité.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu les possibilités offertes par les règles d'urbanisme définies par le plan local d'urbanisme approuvé le 10 juillet 2012 modifié le 8 avril 2016 et mis en conformité par délibération du Conseil du territoire du 26 septembre 2017 ; l'EPFIF n'a pas conclu sur ce point ; le commissaire du gouvernement retient le PLU approuvé le 10 juillet 2012 modifié le 8 avril 2016, avec mise en conformité par délibération du conseil du territoire du 26 septembre 2017.

L'appel ne porte pas sur la date de référence.

A cette date le bien est situé en zone UR1 correspondant au renouvellement urbain du centre- ville.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance :

1° sur les copropriétés du Chêne pointu et de l'Etoile du Chêne pointu

La commune de [Localité 28] est constituée de plusieurs quartiers de grands ensembles présentant de nombreux handicaps dus à l'urbanisme développé dans les années 1960, le plan de composition reposant en effet sur la réalisation de l'autoroute A 87 qui n'a jamais vu le jour. Le quartier souffre donc de l'absence de voies expresses et de transports structurants, le seul transport en commun étant des bus et la gare RER la plus proche «[Localité 26]» étant située à 5,5 km.

La réalisation de la prolongation de la ligne du tramway T4 par le STIF est en cours de réalisation et la création d'une gare de la future ligne 16, métro express, par Grand Paris Aménagement est à l'état de projet.

La copropriété de l'Étoile du chêne pointu a été édifiée en 1966 sur un terrain de 34'214 m², plat, situé près de la mairie de [Localité 28].

L'EPFIF et le commissaire de gouvernement se fondent sur les conclusions d'une étude concernant les copropriétés contiguës du Chêne pointu et de l'Étoile du Chêne pointu réalisée par la commune de [Localité 28] en 2014 mettant en évidence que :

'près de 60 % des ménages ont un niveau inférieur au seuil de pauvreté,

'85 % des ménages présentent des revenus inférieurs au plafond PLAI,

'un taux de chômage de 29 %, encore plus marqué chez les jeunes,

'un quart des familles sont monoparentales,

'près de 20 % des logements sont occupés par plus d'un ménage,

'l'occupation moyenne est de plus de 4 personnes par logement,

'une rotation importante des propriétaires comme des locataires.

Le commissaire du gouvernement précise qu'il résulte de cette situation une progression continue des impayés et des charges et en conséquence un déficit d'entretien du bâti, produisant une dégradation importante du bâtiment et le développement des situations d'insalubrité et de péril ; ces difficultés ont entraîné la mise sous administration judiciaire de la copropriété ; les pouvoirs publics sont également intervenus dans le cadre d'un plan de sauvegarde signé entre l'État, le département et la commune de [Localité 28] le 19 janvier 2010 qui a fixé différents objectifs afin de parvenir à la requalification de la copropriété :

'résorption des impayés,

'réalisation des travaux urgents et mise aux normes,

'lutte contre les marchands de sommeil,

'individualisation des réseaux de fluides des bâtiments afin de réaliser leur scission,

'réalisation des travaux de rénovation énergétique.

La conclusion du plan de sauvegarde achevé fin 2014 a relaté les limites ou impasses concernant les objectifs, notamment le redressement de la gestion, l'assainissement des finances, ou encore la réhabilitation du bâti.

En conséquence, l'ampleur des dégradations a justifié la définition d'un périmètre pour une Opération de Requalification des Copropriétés dégradées d'intérêt National(ORCODIN).

Par décret numéro 2015'99 du 28 janvier 2015 a été déclarée d'intérêt national, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du «bas [Localité 27]» et la mise en 'uvre a été confiée à l'EPFIF.

2° sur le bâtiment 18 de la copropriété de l'Etoile du Chêne pointu

Dans le cadre de l'opération de requalification des copropriétés dégradées, l'objectif initial concernant le bâtiment 18 était le rachat de la totalité des lots par l'EPFIF, puis la négociation et revente à un bailleur social ; un sinistre signalé en avril 2016 à la suite d'une rupture brutale d'un élément de la façade du pignon nord a bouleversé le devenir de ce bâtiment et plusieurs arrêtés ont été pris par la commune de [Localité 28] :

'arrêté de péril imminent du 10 mai 2016, qui a conduit à la mise en place d'un périmètre de sécurité et à la réalisation d'expertises complémentaires

'arrêté de péril 20 mai 2016 qui a conduit à l'évacuation de 23 familles

'arrêté de péril du 8 juin 2016 concluant à l'évacuation de l'ensemble des habitants de l'immeuble en urgence

'arrêté de péril imminent du 21 juin 2016

'arrêté de péril ordinaire portant interdiction définitive d'habiter du 24 octobre 2016, sollicitant l'administrateur provisoire qu'il s'engage sous un mois à entamer la démolition du bâtiment.

Compte tenu de la carence du syndicat des copropriétaires, l'administrateur provisoire a fait savoir que la copropriété n'était pas en mesure de se conformer aux mesures prescrites et le tribunal d'instance de Bobigny a été saisi afin que soit autorisée l'exécution d'office des travaux de démolition.

Par délibération numéro 2016'12'14'17 du 14 décembre 2016, la commune de [Localité 28] a :

'autorisé l'EPFIF à mener la procédure de déclaration publique et à l'expropriation du bâtiment 18

'désigné l'EPFIF comme opérateur de démolition du bâtiment 18.

Par ordonnance du 14 juin 2017, le tribunal de grande instance de Bobigny a défini la démolition du bâtiment 18, et autorisé le maire de Clichy-sous-Bois à exécuter les travaux d'office par l'EPFIF aux frais avancés de ce dernier.

Le préfet de Seine-Saint-Denis a, par arrêté numéro 2017'2486 du 28 août 2017, déclaré d'utilité publique l'acquisition par voie d'expropriation, prononcé la cessibilité et autorisé la prise de possession en vue de la démolition de l'ensemble des lots et parties communes générales composant le bâtiment 18 de la copropriété et son périmètre de sécurité.

L'ordonnance d'expropriation a été prononcée le 3 avril 2018.

Ce bâtiment 18 est composé de 91 logements, dont 46 F3 et 45 F4 et de 2 entrées doubles, accessibles de chacune des façades ; l'immeuble est en longueur et il comprend un rez de chaussée et 10 étages ; des emplacements de stationnement sont disposés le long de chacune des façades et perpendiculairement, face bâtiment 19.

3° sur le bien exproprié

Il s'agit :

- du lot N°1566: un appartement de type F4, situé au 3° étage, d'une superficie de 65 m²:

Il est composé d'une entrée et d'un couloir qui desservent une cuisine, un WC et une salle de bain ainsi qu'une pièce de vie et trois chambres, l'une d'entre elles étant accessible à partir de la pièce de vie.

Il n'a pu étre visité lors du transport, l'entrée ayant été sécurisée;

- du lot N°1692, une cave;elle n'a pas été visitée en raison de l'encombrement des accès;

- du lot N°2049, un emplacement de stationnement extérieur, associé au batiment 8, à l'état d'usage et sans aménagement.

Le premier juge a indiqué qu'il ressort du procès verbal de transport que l'appartement des consorts [G] a été sécurisé avec une porte 'anti-squatt ' de sorte qu'il est libre de toute occupation; il a donc évalué le bien en valeur libre, ce qui n'est pas contesté par l'appelant.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance, soit le 23 septembre 2021.

4° sur l'appel : à titre principal : sur la violation de l'article R311-22 du code de l'expropriation

L'article R 311-22 du code de l'expropriation dispose que le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leur mémoire et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.

Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de 6 semaines prévu à l'article R 311-11, il est réputé sans tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié.

Si l' exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de de l'administration ou de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose.

En l'espèce, les expropriés informés de la procédure et de l'offre de l'expropriant n'ont pas formulé de demande, ils n'étaient ni comparants ni représentés devant le premier juge et le commissaire du gouvernement de première instance a proposé une évaluation supérieure à celle de l'autorité expropriante, à savoir que :

-l'EPFIF a proposé la fixation de la valeur du bien des expropriés à un montant de :

'43'900 euros, en valeur libre, qui se décompose de la manière suivante :

'indemnité principale : 39'000 euros (65 m² X 600 euros/m²), cave et parking intégré ;

'indemnité de remploi : 4900 euros ;

'37'465 euros, en valeur occupée, se décomposant de la manière suivante :

'indemnité principale : 33'150 euros (65 m² X 510 euros/m²), cave et parking intégré ;

'indemnité de remploi de : 4315 euros.

-Le commissaire du gouvernement de première instance dans ses conclusions du 22 avril 2021, faisant suite à ses conclusions datées du 4 septembre 2020, a proposé une indemnité de dépossession comme suit :

'61'775 euros, en valeur libre, soit :

'indemnité principale : 55'250 euros (65 m² X 850 euros/m²), cave et parking intégré ;

'indemnité de remploi : 6525 euros ;

'52'830 euros, en valeur occupée, soit :

'indemnité principale : 47'127 euros (65 m² X 725 euros/m²), cave et parking intégré ;

'indemnité de remploi : 5713 euros.

L'EPFIF conclut qu'en application de l'article R 311-22 susvisé, il en résulte que le pouvoir d'appréciation du juge de l' expropriation est limité aux prétentions écrites exposées par les parties, qu'en l'absence de réponse de l'exproprié l'appréciation du juge sur le montant des indemnités est cantonnée entre l'offre de l'expropriant et l'avis du commissaire du gouvernement à la condition que ce dernier propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant et qu'en l'absence de réponse de l'exproprié et pour autant que le commissaire du gouvernement propose une évaluation supérieure à celle de l'expropriant, l'appréciation du juge sur le montant des indemnités est limitée à l'offre de l'expropriant, sauf à vider de sens le premier alinéa de l'article R 311-22 susvisé.

En l'espèce, dès lors que les expropriés bien que régulièrement informés de l'ensemble des étapes de la procédure n'ont pas formulés de demande et que le commissaire du gouvernement a proposé une évaluation supérieure à celle de l'autorité expropriante, le tribunal ne pouvait statuer à hauteur de l'avis de ce dernier ;

en conséquence, la cour devra infirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité à la somme de 61775 euros au titre des indemnités principales et accessoires en conformité avec l'avis du commissaire du gouvernement.

Le commissaire du gouvernement d'appel, intimé et appelant principal partage la même analyse et demande l'infirmation et la fixation de l'indemnité d'expropriation conformément à l'offre de l'expropriant.

En l'espèce, suite à l'offre de l'autorité expropriante, les expropriés informés des étapes de la procédure et de l'offre de l'expropriant n'ont pas formulé de demandes, et le commissaire du gouvernement a proposé une évaluation supérieure à celle de l'autorité expropriante.

En application de l'article R311-22 du code de l'expropriation, dernier alinéa, le juge fixe l' indemnité d'après les éléments dont il dispose , de sorte que le premier juge ne pouvait fixer l'indemnité à la somme de 61'775 euros en principal et accessoires en valeur libre en conformité avec l' avis du commissaire du gouvernement, alors que l'offre de l'expropriant était limitée à la somme de 43'900 euros en valeur libre.

Le jugement sera donc infirmé et en application de l'article R311-22 susvisé, l'indemnité à revenir aux expropriés sera fixée à la somme de 43'900 euros en valeur libre conforme à l'offre de l'autorité expropriante se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 39'000 euros (65 m² X 600 euros/m²), cave et parking intégré ;

'indemnité de remploi : 4900 euros.

'Sur les dépens.

En application de l'article L 312-1 du code de l'expropriation il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l' expropriant à supporter les dépens de première instance.

Madame [V] [F] veuve [G] et Madame [X] [G] épouse [W] perdant le procès seront condamnées aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme partiellement le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour;

Statuant à nouveau :

Fixe l'indemnité due par l'établissement public foncier d'Île-de-France à Madame [V] [F] veuve [G] et Madame [X] [G] épouse [W], venant aux droits de M. [U] [G] décédé, au titre de la dépossession des lots numéro 1566 (appartement), 1692 (cave) et 2049 (emplacement de stationnement extérieur associé au bâtiment 8) bâtiment 8 de la copropriété du Chêne pointu située [Adresse 4] à la somme de 43'900 euros, en valeur libre, se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 39'000 euros, cave et parking intégré ;

'indemnité de remploi : 4900 euros ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Condamne Madame [V] [F] veuve [G] et Madame [X] [G] épouse [W] aux dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/18559
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.18559 ?
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