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09/11/2022 | FRANCE | N°21/08980

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 09 novembre 2022, 21/08980


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022



(n° 175/2022, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/08980 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUYW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 3ème section - RG n° 19/11839





APPELANTE



CONSEIL SUPERIEUR DE LA DIASPORA MALIENNE

Association de

droit de l'état de la République du Mali

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

BAMAKO

MALI



Représentée par Me...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022

(n° 175/2022, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/08980 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUYW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 3ème section - RG n° 19/11839

APPELANTE

CONSEIL SUPERIEUR DE LA DIASPORA MALIENNE

Association de droit de l'état de la République du Mali

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

BAMAKO

MALI

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Gérald BIGLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0498

INTIME

Monsieur [P] [M]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

Mme Deborah BOHEE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise BARUTEL, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

- Rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM) est une association de droit malien ayant pour but de rassembler les maliens de la diaspora dans leur pays d'accueil, dans un souci de solidarité, de convivialité et de valorisation de leurs avoirs.

Le CSDM expose avoir mis en place un « démembrement » de son organisation dans plusieurs pays en suscitant la création d'associations locales intitulées « Conseils Pays de la Diaspora Malienne » parmi lesquelles a été créée l'association Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne France (CSDMF) dont le président est M. [P] [M].

Le CSDM dit être titulaire d'un logo créé par la société NIS Mali qui lui en a cédé les droits par acte du 6 août 2019, et fait grief à M. [M] d'avoir abusivement procédé au dépôt à l'INPI en date du 31 octobre 2018 de ce même logo à titre de dessin et modèle sous le n° 20184909.

La mise en demeure d'avoir à retirer l'inscription litigieuse adressée à M. [M] le 17 juin 2019 puis la sommation ayant le même but étant restées sans effet, le CSDM, pris en la personne de M. [T] [F] [Y], a fait assigner M. [M] par acte du 27 septembre 2019 devant le tribunal judiciaire de Paris en vue d'obtenir le transfert du dessin et modèle litigieux, et subsidiairement sa nullité.

Par jugement prononcé le 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

- Dit le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne irrecevable à agir ;

- Condamné le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne à verser à M. [P] [M] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l 'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne aux entiers dépens;

- Ordonné l' exécution provisoire.

Le 10 mai 2021, l'association Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises le 16 septembre 2021, le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM), représenté par M. [T] [F] [Y], demande à la cour de :

Vu les articles L.511-3, L.511-6, L.511-10 et L.512-4 du code de la propriété intellectuelle ;

REFORMER le jugement entrepris,

STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTER M. [M] de sa fin de non-recevoir,

JUGER le CSDM régulièrement représenté par son Président et parfaitement recevable à agir.

SUR LE FOND,

JUGER que M. [M] a abusivement effectué le 31 Octobre 2018 le dépôt n°20184909 à titre de dessins et modèles sous son nom.

EN CONSEQUENCE :

ORDONNER LE TRANSFERT de l'inscription litigieuse au profit de son véritable titulaire le CSDM et à défaut ordonner à M. [M] d'effectuer dans les 10 jours de la décision à intervenir la radiation et/ou le retrait pur et simple de l'inscription n°20184909 à titre de dessins et modèles auprès de l'INPI.

SUBSIDIAIREMENT, si par impossible la cour n'accédait pas à la demande du CSDM,

PRONONCER LA NULLITE du dépôt n°20184909 effectué par M. [M] le 31 Octobre 2018,

EN CONSEQUENCE, AUTORISER l'APPELANT à procéder aux formalités de retrait ou de radiation auprès de l'INPI.

CONDAMNER M. [M] à régler à l'APPELANT la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] [M], intimé, n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit.

La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à M. [P] [M] par acte du 21 septembre 2021selon les modalités prévues par l'article 658 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens aux conclusions écrites susvisées.

Sur la recevabilité à agir du CSDM

Le CSDM fait valoir qu'il est bien représenté par son Président puisque l'article 66 des statuts indique que « le Président représente en tous lieux et en toutes circonstances le CSDM », ce dont il résulte un pouvoir général de représentation de la personne morale sans besoin de préciser un pouvoir spécifique de représentation en justice.

Il soutient que l'article 67 qui confie 'le suivi et le règlement des contentieux' au secrétaire administratif relève d'une mission simplement « administrative » et en tout cas, ne prévoit pas un pouvoir de représentation en justice par exception au pouvoir de représentation confié au Président.

Il ajoute qu'en tout état de cause de nouveaux statuts ont été adoptés à la suite de la « Conférence» du 22 janvier 2021 ayant formulé des propositions d'amendement aux statuts et notamment la suppression du poste de secrétaire administratif et l'attribution au Président du CSDM de la gestion des contentieux, et que l'article 66 des statuts précise désormais que « Le Président représente en tous lieux et en toutes circonstances le CSDM. Il peut ester en justice pour la protection des intérêts du CSDM et gère l'ensemble du contentieux. », de sorte qu'il justifie de sa recevabilité à agir.

Les premiers juges, pour dire le CSDM irrecevable à agir, ont relevé que si aux termes des statuts du CDSM 'le Président représente en tous lieux et en toutes circonstances le CDSM (...)' il ne lui est pas pour autant donné pouvoir de représenter le CDSM en justice, et que faute pour M. [Y] de justifier d'être habilité par les statuts du CSDM ou de disposer d'un mandat spécial à cette fin, il ne peut être considéré comme représentant valablement le CSDM.

La cour observe au contraire que l'article 66 des statuts qui mentionne que 'le Président représente en tous lieux et en toutes circonstances le CDSM' confère ainsi au Président un pouvoir général de représentation de la personne morale, sans exclure le pouvoir de la représenter en justice, aucune autre personne n'étant mandatée pour ce faire aux termes desdits statuts ou d'un mandat spécial.

En outre, en application de l'article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Le CSDM verse au débat, d'une part, un 'procès-verbal de la conférence ordinaire' du 22 janvier 2021 (pièce 16) portant le tampon du CSDM et signé du Président M. [F] [Y] et du rapporteur général M. [G] [K] aux termes duquel les 'délégués' présents, qui ont émargé sur une liste de présence, ont adopté à l'unanimité notamment la proposition d'amendement des statuts aux fins de préciser que le Président a la faculté d'ester en justice pour la défense des intérêts du CSDM, d'autre part, les statuts du CSDM signés du même jour, dont l'article 66 précise 'le Président représente en tous lieux et en toutes circonstances le CDSM. Il peut ester en justice pour la protection des intérêts du CSDM et gère l'ensemble du contentieux'.

Il résulte de ces éléments que le CSDM est recevable à agir. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le dépôt frauduleux

Le CSDM soutient qu'il est titulaire des droits sur le logo de son association depuis de nombreuses années ; que la création de ce logo est justifiée par une facture du 2 Septembre 2015 et la cession des droits à son profit par un acte de cession du 6 août 2019.

Il prétend que M. [M] a effectué, sans autorisation, un dépôt abusif dudit logo à titre de dessins, auprès de l'INPI, sous le numéro 20184909, en date du 31 octobre 2018.

Le CSDM ajoute que M. [M] a fait pression sur lui et sur ses partenaires pour qu'ils retirent le logo d'une campagne de communication ; que ces agissements frauduleux portent atteinte à son image et à sa crédibilité, ainsi qu'à ses relations avec ses partenaires.

Il demande donc le transfert du dessin à son profit sur le fondement de l'article L. 511.10 du code de la propriété intellectuelle, et à défaut sa nullité.

Aux termes de l'article L. 511-10 du code de la propriété intellectuelle : Si un dessin ou modèle a été déposé en fraude des droits d'un tiers ou en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur le dessin ou modèle peut en revendiquer en justice la propriété.

L'action en revendication de propriété se prescrit par cinq ans à compter de la publication de l'enregistrement du dessin ou modèle ou, en cas de mauvaise foi, au moment de la publication de l'enregistrement ou de l'acquisition du dessin ou modèle, à compter de l'expiration de la période de protection.

En l'espèce, le CSDM, pour justifier de ses droits sur son logo, produit :

- une reproduction du logo en couleur comprenant l'acronyme CSDM en gros caractères, et sa signification en plus petits caractères 'Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne' ; la base du C est traversée de trois lignes de couleur verte, jaune, rouge, la ligne jaune étant plus haute ;

- une facture n° 0034-15 datée du 2 septembre 2015 de la société NIS Mali d'un montant total de 2 060 Francs CFA pour une charte graphique comprenant la création du logo ;

- une convention de cession datée du 6 août 2019 conclue entre la société Nis Mali et le CSDM stipulant que la facture n° 0034-15 du 2 septembre 2015 emporte cession pour tous pays de l'intégralité des droits sur le logo au profit du CSDM ;

En outre, ce logo figure notamment, en entête ainsi qu'en cachet apposé sur la signature, sur le mandat du 19 août 2016 par lequel M. [Y] [F] [T] en qualité de président du Conseil supérieur de la diaspora malienne donne mandat à M. [P] [M] de mettre en place un démembrement du CSDM en France (pièce 11), ainsi qu'en entête du procès-verbal daté de décembre 2015 de la 'première conférence extraordinaire du Conseil supérieur de la diaspora malienne'(pièce 12).

Ces différents éléments établissent les droits du CSDM sur son logo à compter de septembre 2015.

Il est également justifié par la production de la photocopie de l'enregistrement que M. [P] [M] a déposé ledit logo du Conseil supérieur de la Diaspora Malienne, à son nom, à l'INPI en tant que dessin le 31 octobre 2018 sous le n°20184909.

Il est enfin justifié que M. [P] [M] s'est opposé en juin 2019 à l'apposition du logo sur une affiche relative à l'organisation d'un Forum de la diaspora africaine en France en invoquant le dépôt du logo effectué auprès de l'INPI.

Il résulte des éléments qui précèdent que c'est en fraude des droits du CSDM sur son logo que M. [P] [M] a procédé au dépôt dudit logo en son nom personnel à titre de dessin auprès de l'INPI.

En application de l'article L. 511-10 susvisé du code de la propriété intellectuelle, il y a lieu d'ordonner le transfert du dessin déposé le 31 octobre 2018, sous le n°20184909, au profit du CSDM.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant par défaut,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM) recevable à agir,

Déclare frauduleux le dépôt de dessin effectué à l'INPI par M. [P] [M] le 31 octobre 2018 sous le n°20184909,

Ordonne le transfert du dessin déposé le 31 octobre 2018, sous le n°20184909, au profit du Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM),

Condamne M. [P] [M] aux dépens de première instance et d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile le condamne à verser à ce titre au Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM) pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel une somme de 3 000 euros.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/08980
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;21.08980 ?
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