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09/11/2022 | FRANCE | N°20/03656

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 09 novembre 2022, 20/03656


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03656 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5EX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03427



APPELANT



Monsieur [P] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Repr

ésenté par Me Chanel DESSEIGNE de l'ASSOCIATION 7 BIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



E.P.I.C. AGENCE NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES - A...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03656 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5EX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03427

APPELANT

Monsieur [P] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Chanel DESSEIGNE de l'ASSOCIATION 7 BIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

E.P.I.C. AGENCE NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES - AFPA

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence GUARY, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Août 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er mars 2006, M. [P] [W] a été engagé par l'établissement public industriel et commercial Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) en qualité de formateur classe 9, moyennant une rémunération mensuelle de 2.072,24 euros. A compter du 17 juin 2006, les relations de travail se sont poursuivies suivant contrat de travail à durée indéterminée.

Courant 2011, M. [W] qui était précédemment formateur agent de sûreté aéroportuaire est devenu formateur accès à la qualification.

Le 17 décembre 2018, M. [W] a été promu formateur expert classe 10.

Le 3 précédent, sollicitant sa classification rétroactive au niveau formateur expert depuis le 1er janvier 2012, se prévalant de manquements à l'exécution loyale de son contrat de travail, du défaut de paiement d'une prime d'incitation au changement et d'une inégalité de traitement, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir son employeur condamné au paiement de rappel de salaire et de dommages-intérêts.

Par jugement du 27 février 2020, le conseil a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 19 juin 2020, M. [W] a fait appel de cette décision notifiée par le greffe le 18 mai précédent sans que la date de la notification à la personne de M. [W] soit certaine.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juin 2022, M. [W] demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- juger qu'il doit se voir attribuer le niveau de formateur expert et/ou formateur groupe 2 à compter du 1er janvier 2012 ;

- condamner l'AFPA à lui payer 10.923,87 euros de rappels de salaire, outre 1.092,38 euros de congés payés ;

- condamner l'AFPA à lui payer 10.000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, dont 3.200 euros de frais de transport et 3.689 euros de frais de repas ;

- condamner l'AFPA à lui payer 900 euros de prime d'incitation au changement ;

- condamner l'AFPA à lui payer 8.000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison de l'inégalité de traitement ;

- condamner l'AFPA à lui payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 2.500 euros en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 décembre 2020, l'AFPA demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [W] de ses demandes et, y ajoutant, de le condamner à lui payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur la classification

Sous réserve d'une attribution volontaire par l'employeur, la qualification, mais également la catégorie à laquelle appartient un salarié, se détermine, en principe, selon les fonctions réellement exercées par celui-ci, les juges n'étant pas liés par celle figurant dans le contrat de travail.

Au cas présent, dès lors, il ne saurait se déduire du fait que M. [W] a expressément accepté dans le cadre de son changement d'affectation, d'être positionné sur l'emploi de formateur et non de formateur expert qu'il ne relevait pas de cette classification.

Par ailleurs, si la classification d'un salarié peut être supérieure aux fonctions réellement exercées ce n'est que dans l'hypothèse où l'employeur l'accorde expressément par une volonté claire et non équivoque.

Il ne saurait donc résulter de la seule attribution par l'employeur le 17 décembre 2018 du statut de formateur expert que, depuis cette date, le salarié exerce réellement ces fonctions.

Par conséquent, contrairement à ce que soutient le salarié, sauf pour lui à prouver la volonté claire et non équivoque de l'employeur antérieure à l'attribution volontaire de la qualification de formateur expert, ce qu'il ne fait pas, on ne peut davantage déduire de l'absence de changement de ses attributions à la date de changement de classification qu'il relevait déjà antérieurement et dès le 1er janvier 2012, du niveau de formateur expert.

Dès lors, afin d'établir la classification, il convient d'examiner uniquement les fonctions réellement exercées par le salarié entre le 1er janvier 2012 et le 17 décembre 2018, étant rappelé que la charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur le salarié.

Or, aux termes du référentiel de l'AFPA, le formateur, exerce dans un cadre prédéfini alors que le formateur expert exerce également en réponse à des commandes variées passées au dispositif de formation en ajustant le cadre fourni au contexte d'exécution et aux besoins des stagiaires et commanditaires

En outre, alors que le formateur anime, met en oeuvre et/ou conduit des prestations de formation et de certification en utilisant et organisant les ressources pédagogiques qui lui sont fournies ou indiquées et qu'il peut adapter, en utilisant les stratégies pédagogiques et/ou les procédures qui lui sont indiquées, en mettant en oeuvre des scénarios pédagogiques diversifiés centrés sur l'apprenant et adaptés aux situations, pour sa part, le formateur expert anime, adapte, met en oeuvre et/ou conduit des prestations de formation et d'ingénierie pédagogique en ajustant le cadre fourni au contexte d'exécution et aux besoins des stagiaires et commanditaires, coordonne ses interventions au sein de dispositifs complexes en concevant et appliquant le SPG du ou des produits de son champ professionnel, en utilisant et organisant, les ressources pédagogiques qu'il se procure, adapte ou crée sur son champ professionnel, en mettant en oeuvre des stratégies pédagogiques diversifiées centrées sur l'apprenant et adaptées aux situations (publics, organisations...).

Au cas présent, alors que l'employeur ne démontre pas qu'il fournissait au salarié les supports de formation qu'il devait utiliser ou adapter dans le cadre de ses fonctions de formateur accès à la qualification, le salarié produit ses propres supports de formation. Il ressort en outre de son entretien annuel d'évaluation 2017 qu'il avait pour objectif la 'construction de scénarios pédagogiques'.

Or, la création de supports de formation est exclusive de la classification de formateur puisque, par principe, ce dernier, qui est un simple exécutant, se contente d'utiliser voir d'adapter les supports qui lui sont fournis sans jamais les inventer lui-même.

Le salarié, qui ne peut donc relever de la classification de formateur, relève donc nécessairement de celle de formateur expert, peu important qu'il ne démontre pas également qu'il coordonne ses interventions au sein de dispositifs complexes ou qu'il répond à des commandes variées passées au dispositif de formation.

Il ressort ainsi de ce qui précède que, dès le 1er janvier 2012, le salarié relevait de la classification de formateur expert.

Or, le salarié qui obtient son reclassement à un niveau hiérarchique supérieur a droit à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel de rémunération afférent à ce coefficient.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de rappel de salaires de M. [W] à ce titre.

Au regard des éléments de calcul produits, l'AFPA sera condamnée à payer à M. [W] la somme de 10.923,87 euros de rappels de salaire, outre 1.092,38 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande à ce titre.

2 : Sur la prime d'incitation au changement

La charge de la preuve du principe d'une prime comme de la réunion des conditions de sa mise en oeuvre repose sur le salarié.

Au cas présent, l'article 15 de l'accord GPEECC du 8 juin 2010 stipule que, pour accompagner et encourager l'eff ort individuel que nécessite une reconversion professionnelle, l'AFPA valorise cet engagement par la mise en place d'une prime d'incitation à la prise de poste de 900 euros. Cette prime concerne les salariés exerçant un emploi défini de catégories 5 et 6 et qui s'engage dans une démarche de reconversion.

Or, si M. [W] établit que, précédemment formateur agent de sûreté aéroportuaire, il est devenu formateur accès à la qualification, cette évolution dans l'emploi ne traduit pas une reconversion professionnelle qui implique un véritable changement d'emploi.

Dès lors, la prime d'incitation au changement n'est pas due et le salarié verra sa demande en ce sens rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

3 : Sur les dommages-intérêts en raison de l'exécution déloyale du contrat

L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Au soutien de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, le salarié fait d'abord valoir qu'il n'a pas bénéficié du dispositif de professionnalisation initial dans les conditions habituelles mais seulement quatre ans après son embauche à durée indéterminée et surtout pendant une période où sans aucun aménagement spécifique, il lui était impossible de le mener à bien tout en assurant les formations. Cependant, aucun préjudice n'est avéré de ce fait puisque M. [W] a bien perçu l'augmentation sanctionnant la validation de ce dispositif de professionnalisation.

Le salarié ajoute que son employeur a tardé à lui répondre concernant la prime d'incitation au changement et sa candidature pour une promotion. Cependant, il n'est pas démontré que le salarié aurait subi un préjudice en raison de ces réponses tardives et ce d'autant qu'il ressort de ce qui précède que la prime n'était pas due.

M. [W] fait également valoir qu'il n'a bénéficié que d'une unique visite médicale en 2015 et qu'il a eu un nombre insuffisant d'entretiens annuels. Cependant, là encore, aucun préjudice n'est démontré.

Le salarié indique enfin que la clause de mobilité figurant dans son contrat a été mise en oeuvre de façon déloyale compte tenu de l'absence de signature d'un avenant, d'une absence d'indemnisation des frais de transport, d'un flou sur l'indemnisation du déjeuner et d'un retour sur son lieu de travail initial par décision unilatérale de l'employeur.

Cependant la clause de mobilité n'a pas joué puisque le changement d'affectation de [Localité 4] à [Localité 6] est intervenu dans le même bassin d'emploi. En outre, aucun abus n'est démontré dans la mesure où le changement d'affectation correspond à une nécessité pour l'entreprise et où le salarié a bien été informé de la nouvelle localisation de son poste de travail plus de deux mois avant la prise d'effet de la décision. Enfin, alors que ce dernier a pu bénéficier de quatre tickets restaurants et que le vendredi après-midi n'était pas travaillé dans le centre, il ne peut pas invoquer une insuffisance de son employeur dans la prise en charge de ses frais de repas. Par ailleurs, alors que l'AFPA a systématiquement remboursé non seulement la moitié du coût du pass NAVIGO du salarié mais aussi la moitié de son abonnement SNCF mensuel et que les centres de [Localité 4] et de [Localité 6] sont distants de seulement six kilomètres, aucun préjudice financier tenant à l'absence de remboursement des frais de transport n'est démontré.

Au regard de ce qui précède, le salarié verra sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

4 : Sur l'inégalité de traitement

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Au cas présent, cependant le salarié ne démontre pas d'autre inégalité de traitement que celle concernant sa différence de classification et dès lors de salaire avec les formateurs experts, différence d'ores et déjà compensée par le rappel de salaire précédemment accordé.

Aucun préjudice moral supplémentaire n'est par ailleurs établi.

Le salarié verra sa demande à ce titre rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

5 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et du présent arrêt pour le surplus.

6 : Sur les autres demandes

Compte tenu du sens du présent arrêt, la décision de première instance sera infirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'AFPA, partie essentiellement perdante, supportera ainsi la charge des dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande par ailleurs de la commander au paiement de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 27 février 2020 sauf en ce qu'il rejette les demandes de prime d'incitation et de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'une inégalité de traitement et pour exécution déloyale du contrat ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne l'établissement public industriel et commercial Agence nationale pour la formation à payer à M. [P] [W] la somme de 10.923,87 euros de rappel de salaire au titre de sa reclassification comme formateur expert, outre 1.092,38 euros de congés payés afférents ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et du présent arrêt pour le surplus ;

- Condamne l'établissement public industriel et commercial Agence nationale pour la formation à payer à M. [P] [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l'établissement public industriel et commercial Agence nationale pour la formation aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03656
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;20.03656 ?
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