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09/11/2022 | FRANCE | N°20/01615

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 09 novembre 2022, 20/01615


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01615 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQDG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06946



APPELANTE



SARL SOPANES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représen

tée par Me Sandra CARNEREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1981



INTIME



Monsieur [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01615 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQDG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06946

APPELANTE

SARL SOPANES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandra CARNEREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1981

INTIME

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DECHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [I] [Z], né le 29 janvier 1986, a été engagé par la S.A.R.L. Sopanes, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 juin 2013 en qualité d'employé commercial, statut employé, niveau 1.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers. La société SOPANES occupait à titre habituel moins de 11 salariés

Par lettre du 13 juin 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalablefixé au 24 juin 2019 avec mise à pied conservatoire.

M. [Z] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 28 juin 2019 au motif qu'il aurait détourné de l'argent en n'enregistrant pas certains produits en caisse puis en récupérant pour son compte les espèces ainsi versées.

Le 26 juillet 2019, contestant son licenciement, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 7 février 2020, a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Sopanes à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2019 et exécution provisoire, 669,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 706,30 euros à titre de salaire afférent à la mise à pied, 70,63 euros au titre des congés payés incidents, 3.227,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 322,75 euros au titre des congés payés afférents et 2.511,03 euros d'indemnité légale de licenciement ainsi que, avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2020, 8.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et 1.100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [Z] voyait en revanche sa demande au titre d'un préjudice moral distinct rejetée.

Enfin, le conseil condamnait l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié à hauteur d'un mois.

Par déclaration du 21 février 2020, la société Sopanes a fait appel de cette décision, notifiée le 18 précédent.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juillet 2020, la société Sopanes demande à la cour de confirmer le jugement sur le rejet de la demande indemnitaire de 1.613,73 euros au titre d'un préjudice moral distinct, mais de l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- juger bien fondé le licenciement pour faute grave ;

- débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [Z] au paiement de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 avril 2020, M. [Z] demande à la cour de confirmer le jugement, sauf sur le quantum des dommages-intérêts pour rupture abusive et en ce qu'il rejette sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, et statuant à nouveau et y ajoutant :

- condamner la société Sopanes à lui payer 11.296,11 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

- condamner la société Sopanes à lui payer 1.613,73 euros de dommages- intérêts pour préjudice moral distinct ;

- condamner la société Sopanes à lui payer 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal ;

- condamner la société Sopanes aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 septembre 2022 à 9h00.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur la faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 28 juin 2019, qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié, lorsqu'un client se présente à sa caisse et indique qu'il paye en espèces, de réaliser une consultation de prix au lieu de scanner le produit de manière à procéder à son encaissement, laissant ainsi le client croire que son article est prêt à être payé puis d'encaisser le montant versé par le client, qui repart ensuite avec le ou les produits faussement encaissés, ce qui lui permet par la suite de récupérer l'argent de cette transaction sans créer aucun écart de caisse. Il lui est en outre fait grief au moment du comptage de caisse de mettre à plusieurs reprises l'argent dans son tablier et dans sa poche.

Le salarié conteste les faits qui lui sont reprochés.

L'employeur, sur qui repose la charge exclusive de la preuve de la faute grave, fait valoir qu'il ressort de la comparaison des images de vidéo surveillance et des tickets de caisse que, lors de plusieurs transactions en espèces, le salarié n'enregistre pas les produits mais se contente de faire une vérification de prix ce qui ne génère pas de ticket de caisse, la vérification de prix opérée apparaissant en revanche sur le ticket de caisse suivant sous l'intitulé 'MNG IN MNG OFF'. Ainsi, d'après l'employeur, le salarié éviterait tout décalage entre les sommes enregistrées en caisse et la recette réelle tout en pouvant conserver les espèces correspondant aux transactions non enregistrées. Il ajoute que les agissements fautifs sont confirmés par le fait que, lors du comptage de la caisse, la vidéo surveillance montre que le salarié se place dos à la caméra pour se dissimuler mais qu'on le voit néanmoins mettre une partie de l'argent dans son tablier et dans sa poche.

Au soutien de sa démonstration de la réalité des faits fautifs, outre les tickets de caisse et les enregistrements susmentionnés, l'employeur produit une attestation d'un salarié qui affirme avoir vu M. [Z] faire des vérifications de prix puis remettre les produits aux clients sans encaissement et récupérer ainsi des espèces ou un ticket restaurant.

Au regard des pièces communiquées et du visionnage des bandes de vidéo surveillance, il apparaît effectivement que certaines transactions visibles sur les images et payées en espèces n'apparaissent sur aucun des tickets de caisse communiqués, qu'aucun ticket n'est d'ailleurs donné aux clients concernés et que des lignes 'MNG IN MNG OFF' apparaissent sur les tickets de caisse correspondant à la transaction suivante.

Cependant, l'employeur ne produit pas la totalité des tickets de caisse de la soirée puisque les numéros figurant sur ceux-ci ne sont pas consécutifs.

Concernant plus précisément l'achat d'une bouteille de whisky que l'employeur reproche au salarié de n'avoir pas enregistrée en caisse, si les tickets de caisse correspondant à la transaction immédiatement antérieure telle que visible sur la vidéo surveillance (pommes, kinder, yaourts...) et immédiatement postérieure (perrier, hoummous, chips...) sont communiqués ( R1 006737 -02 23 et R1 006737 -02 25), le ticket intermédiaire et correspondant à la transaction litigieuse (R1 006737 -02 24) n'est en revanche pas produit. Pourtant il a nécessairement été généré sinon les numéros susmentionnés correspondant aux transactions immédiatement postérieure et antérieure se suivraient. Or, si un ticket a bien été imprimé pour cette transaction, ce qui découle de ce qui précède, cela contredit l'absence d'enregistrement par le salarié et la thèse soutenue selon laquelle il aurait uniquement scanné cette bouteille pour en vérifier le prix sans l'enregistrer.

En outre, rien ne permet d'affirmer que les lignes 'MNG IN MNG OFF' dissimulent une absence d'enregistrement du client précédent, cette mention qui traduit une vérification de prix du client précédent, figurant sur la quasi-totalité des tickets fournis alors que seules trois transactions problématiques sont invoquées.

Par ailleurs, le salarié ne donne pas systématiquement le ticket de caisse aux clients sans que cette omission soit aucunement spécifique aux transactions litigieuses.

Enfin, l'employeur n'explique pas comment le salarié aurait en amont de l'enregistrement des produits connaissance du fait que le client paierait ensuite en espèces.

Concernant le comptage de caisse, alors que le salarié ne conteste pas avoir mis de l'argent dans sa poche de tablier mais soutient qu'il a néanmoins remis la totalité de la recette dans le coffre, qu'il produit une attestation d'un ancien collègue qui indique que cette manière de faire était habituelle et qu'il a très vite réclamé les images de vidéo surveillance de la salle du coffre, l'employeur ne communique pas les bandes litigieuses sans explication satisfaisante sur ce point. Il ne démontre pas davantage que les procédures de comptage de caisse en vigueur au sein du magasin, qu'il ne verse pas aux débats, prohiberaient le comportement reproché.

Enfin, l'attestation produite par l'employeur est rédigée par un salarié qui est dans un lien subordination avec celui pour lequel il témoigne. Elle est par ailleurs très peu circonstanciée, en sorte qu'elle ne suffit pas à démontrer la réalité des agissements reprochés.

Dès lors, le doute profitant au salarié, la faute grave n'est pas suffisamment établie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il juge le licenciement dépouvu de cause réelle et sérieuse.

2 : Sur les conséquences financières de la rupture

En l'absence de faute grave, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne l'employeur au paiement d'un rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement.

Il sera en revanche infirmé en ce qu'il alloue une indemnité compensatrice de congés payés puisque le salarié indique désormais que cette somme n'est pas due.

Concernant l'indemnité pour rupture abusive, la société Sopanes employant habituellement moins de 11 salariés, compte tenu de l'ancienneté de M. [Z], en application de l'article L.1235-3 du code du travail qui prévoit un minimum de 1,5 mois de salaire et au regard du préjudice effectivement subi, le jugement sera confirmé en ce qu'il alloue au salarié la somme de 8.000 euros à ce titre.

Aucun préjudice moral distinct n'étant établi, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de ce chef.

Enfin, la condamnation de l'employeur à rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié ne peut être ordonnée que lorsque l'entreprise occupe habituellement plus de dix salariés et que le salarié licencié a plus de deux ans d'ancienneté. Dès lors, au cas présent, l'employeur employant habituellement moins de 11 salariés, le jugement sera infirmé en ce qu'il ordonne d'office ce remboursement.

3 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes le 29 août 2019, sur les créances indemnitaires confirmées à compter du jugement du 7 février 2020 et du présent arrêt pour le surplus.

4 : Sur les autres demandes

La décision sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante en cause d'appel, la société Sopanes supportera les éventuels dépens de cette instance, outre 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 7 février 2020 sauf en ce qu'il condamne la SARL Sopanes au paiement de 669,49 euros d'indemnité compensatrice de congés payés et qu'il ordonne d'office le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié à Pôle emploi à hauteur d'un mois ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Rejette la demande d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner d'office le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter du 29 août 2019, sur les créances indemnitaires confirmées à compter du 7 février 2020 et du présent arrêt pour le surplus ;

- Condamne la SARL Sopanes à payer à M. [I] [Z] la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel ;

- Condamne la SARL Sopanes aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01615
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;20.01615 ?
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