Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00678 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4Z2M
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/01466
APPELANT
Monsieur [S] [N]
Chez Madame [U] [N]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Leslie HARVEY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0872
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2017/045901 du 04/12/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
SELARL AXYME prise en la personne de Me [A] [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SOCIÉTÉ DJS DECORS
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Sophie LEYRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P159
PARTIE INTERVENANTE
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER de la SELARL SOCIETE DUPUY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 août 2009, M. [N] a été engagé en qualité de peintre-moquettiste par la société DJS DECORS, celle-ci employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.
Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 4 mai 2016, à un entretien préalable fixé au 12 mai 2016, M. [N] a été licencié pour motif économique suivant courrier recommandé du 19 mai 2016, l'intéressé ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle lui ayant été proposé.
Se prévalant d'une ancienneté dans l'entreprise remontant au 25 août 1988, contestant le bien-fondé de son licenciement et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [N] a saisi la juridiction prud'homale le 28 février 2017.
Par jugement du 21 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- fixé l'ancienneté de M. [N] à la date du 10 août 2009,
- fixé le salaire de M. [N] à la somme de 1 466,65 euros,
- condamné la société DJS DECORS à verser à M. [N] la somme de 10 266,55 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- ordonné la remise de l'attestation d'employeur destinée à Pôle Emploi conforme,
- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,
- rejeté la demande au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile,
- débouté la société DJS DECORS de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société DJS DECORS aux dépens.
Par déclaration du 18 décembre 2017, M. [N] a interjeté appel du jugement.
Suivant jugement du 12 juillet 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société DJS DECORS et désigné la société AXYME en la personne de Maître [P] en qualité de liquidateur.
Selon arrêt du 26 janvier 2022, la cour d'appel de Paris, statuant en déféré, a infirmé l'ordonnance rendue le 21 janvier 2021 par le conseiller de la mise en état ayant prononcé l'irrecevabilité de la déclaration d'appel et renvoyé le dossier au conseiller de la mise en état pour poursuite de l'instruction de l'affaire.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 juin 2022, M. [N] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé son ancienneté à la date du 10 août 2009 et limité le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive à la somme de 10 266,55 euros,
- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le salaire de référence à la somme de 1 466,65 euros bruts et, statuant à nouveau,
à titre liminaire,
- fixer son ancienneté au 25 août 1988, subsidiairement, à la date du 12 août 1991,
à titre principal,
- dire le licenciement pour motif économique abusif,
- fixer, en conséquence, au passif de la liquidation judiciaire de la société DJS DECORS les sommes suivantes :
- 41 066,20 euros, subsidiairement 17 599,80 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- 2 933,30 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 293,33 euros, au titre des congés payés y afférents, somme de laquelle il conviendra de déduire le montant de 1 901,19 euros nets déjà perçu,
- 11 692,44 euros, subsidiairement 10 235,16 euros, infiniment subsidiairement 2 060,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
à titre subsidiaire,
- dire que la société DJS DECORS a violé les critères d'ordre de licenciement,
- fixer, en conséquence, au passif de la liquidation judiciaire de la société DJS DECORS les sommes suivantes :
- 41 066,20 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre de licenciement,
- 2 933,30 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 293,33 euros au titre des congés payés y afférents, somme de laquelle il conviendra de déduire le montant de 1 901,19 euros nets déjà perçu,
- 11 692,44 euros, subsidiairement 10 235,16 euros, infiniment subsidiairement 2 060,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
en tout état de cause,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DJS DECORS la somme de 5 866,60 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,
- ordonner la remise des bulletins de paie, de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail, du reçu pour solde de tout compte conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
- assortir la décision des intérêts de droit à compter de l'introduction de la demande avec capitalisation des intérêts,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire les entiers dépens,
- condamner Maître [P], ès qualités, à régler à Maître [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 2°du code de procédure civile,
- rendre opposable l'arrêt à intervenir à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 septembre 2018, la société AXYME, ès qualités, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'ancienneté au 10 août 2009, fixé le salaire de référence à la somme de 1 466,65 euros, débouté M. [N] du surplus de ses demandes et rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société DJS DECORS à payer la somme de 10 266,55 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, ordonné la remise de l'attestation Pôle Emploi conforme, débouté la société DJS DECORS de sa demande d'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens,
- condamner, en tout état de cause, M. [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 février 2019, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- fixer l'ancienneté au 10 août 2009 et, subsidiairement, au 12 août 1991,
- constater que l'AGS s'en rapporte à la sagesse de la cour sur le bien-fondé du licenciement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive à la somme de 10 266,65 euros,
- débouter M. [N] du surplus de cette demande,
- fixer le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 2 060,54 euros,
- fixer le montant de l'indemnité de préavis à la somme de 600,79 euros, à titre subsidiaire à la somme de 2 933,30 euros,
- débouter M. [N] du surplus de ses demandes, fins et prétentions,
- dire que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale, qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie et que la garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.
La clôture de l'instruction est intervenue le 28 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 5 septembre 2022.
MOTIFS
Sur l'ancienneté de l'appelant
L'appelant soutient avoir effectué un stage au sein de l'entreprise CHARLES DÉCOR à compter du 25 août 1988, qu'il a été initialement engagé, compte tenu de sa situation irrégulière, sous l'alias de M. [B] [Y], en situation régulière, que le 12 août 1991, son contrat a été repris par la société DJS DECORS, entreprise de BTP, en qualité de peintre, que ses bulletins de paie à compter de janvier 1993 mentionnent expressément une ancienneté au 12 août 1991, qu'à compter de janvier 1995, la société n'a plus mentionné l'ancienneté sur les bulletins de paie mais que pourtant, toujours sous le même alias, il a travaillé de manière continue pour la société intimée jusqu'à son licenciement pour motif économique, la société, qui connaissait sa situation administrative, ayant régularisé un contrat de travail à durée indéterminée et des bulletins de paie comportant sa véritable identité, à compter du 10 août 2009, à la suite de la régularisation de sa situation administrative.
Le liquidateur réplique qu'aucun contrat de travail n'a été conclu avec l'appelant avant 2009, que l'intéressé tente vainement de se prévaloir de la présence dans l'entreprise de M. [B] [Y] en arguant qu'il serait cette même personne, et ce sans le moindre commencement de preuve.
L'AGS fait valoir que l'appelant n'apporte aucun élément permettant de démontrer que M. [B] [Y] et lui-même sont une seule et même personne et que s'il venait à être considéré que cela est effectivement le cas, il serait alors fait application de l'adage selon lequel la fraude corrompt tout, le salarié ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, l'appelant, qui reconnaît lui-même avoir utilisé le nom d'une personne tierce, et cela en toute connaissance de cause, ne pouvant solliciter une régularisation de son ancienneté alors qu'il a pleinement consenti et participé à cette fraude. Elle souligne que le relevé de carrière établi au nom de M. [B] [Y], dont l'identité a été usurpée, permet de constater que ce nom était manifestement utilisé par d'autres salariés au regard des multiples activités déclarées sur une même période.
Selon l'article L. 8251-1 du code du travail, nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, l'article L. 8252-1 prévoyant que le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations de l'employeur définies par le présent code :
1° Pour l'application des dispositions relatives aux périodes d'interdiction d'emploi prénatal et postnatal et à l'allaitement, prévues aux articles L. 1225-29 à L. 1225-33 ;
2° Pour l'application des dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés prévues au livre Ier de la troisième partie ;
3° Pour l'application des dispositions relatives à la santé et la sécurité au travail prévues à la quatrième partie ;
4° Pour la prise en compte de l'ancienneté dans l'entreprise.
Il en va de même pour les articles L. 713-1 et suivants du code rural pour les professions agricoles.
Si l'appelant soutient avoir été initialement engagé, compte tenu de sa situation irrégulière, sous l'alias de M. [B] [Y], en situation régulière, et que la société connaissait sa situation administrative réelle, outre le fait que les premiers juges ont justement retenu que les seuls éléments versés aux débats de ce chef ne permettent pas d'établir que les deux identités correspondent effectivement à la même personne (étant de surcroît observé à la lecture du relevé de carrière produit par l'AGS que l'identité précitée était manifestement utilisée et usurpée par un grand nombre de personnes compte tenu des multiples activités déclarées sur une même période), la cour ne peut en toute hypothèse que relever que l'appelant, qui affirme lui-même avoir utilisé et usurpé l'identité d'une tierce personne pendant de nombreuses années, de telle sorte qu'il apparaît comme étant l'auteur de la fraude initiale, ne justifie pas, mises à part ses propre affirmations et au vu des seuls éléments produits, que l'employeur avait effectivement connaissance de sa situation administrative réelle et qu'il l'aurait ainsi employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail.
Dès lors, compte tenu de ces éléments et au vu du seul contrat de travail effectivement conclu par les parties à compter du 10 août 2009, la cour confirme le jugement en ce qu'il a fixé l'ancienneté de l'appelant à cette même date du 10 août 2009.
Sur la rupture du contrat de travail
L'appelant soutient que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne précise aucun motif de licenciement tel que prévu par la loi et la jurisprudence, à savoir des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation définitive d'activité, la seule baisse d'activité n'étant pas un motif de licenciement, la lettre ne précisant pas davantage les incidences du motif économique invoqué sur son emploi ou son contrat de travail.
Le liquidateur réplique que l'employeur a adressé une lettre de licenciement régulière, laquelle énonçait un motif de licenciement économique réel et sérieux, à savoir les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise en raison de la baisse considérable d'activité, cette baisse d'activité ayant conduit la société à supprimer un emploi puis à être placée en liquidation judiciaire le 12 juillet 2018.
L'AGS indique s'en rapporter à la sagesse de la cour concernant le bien-fondé du licenciement économique.
La lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :
« Suite à notre entretien du 12 mai 2016, nous vous informons, à notre grand regret, que nous nous trouvons dans l'obligation de vous licencier pour motif économique en raison de la baisse considérable de notre activité. »
Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits du litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Par ailleurs, selon l'article L. 1233-16 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Elle mentionne également la priorité de réembauche prévue par l'article L. 1233-45 et ses conditions de mise en oeuvre.
En application de ces dispositions, étant rappelé que lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, l'employeur est tenu d'énoncer, dans la lettre de licenciement fixant les limites du litige et devant comporter des faits précis et matériellement vérifiables, les raisons économiques du licenciement et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié et, qu'à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, la cour relève en l'espèce qu'outre le fait que la lettre de licenciement, qui se limite à faire état de la « baisse considérable de notre activité », sans autre précision, ne satisfaisait dès lors pas aux exigences des dispositions précitées, ladite lettre de licenciement ne mentionne de surcroît pas l'incidence des raisons économiques sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, ce dont il résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement pour motif économique prononcé à l'encontre de l'appelant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, il sera rappelé qu'en cas d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, en l'absence de licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre au salarié en vertu dudit contrat, seules les sommes directement versées par l'employeur au salarié pouvant être déduites de la créance au titre de l'indemnité de préavis.
Dès lors, en application des dispositions du code du travail et de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment, la durée du préavis étant en l'espèce de 2 mois et l'appelant indiquant avoir perçu, à la suite de la rupture, trois chèques pour des montants respectifs de 633,73 euros, soit une somme totale de 1 901,19 euros (l'AGS, qui sollicite la prise en compte d'autres chèques apparaissant sur les comptes bancaires du salarié, ne justifiant pas que les sommes litigieuses correspondent effectivement au paiement des indemnités de rupture), il convient de lui accorder, sur la base d'une rémunération de référence justement fixée par les premiers juges à la somme de 1 466,65 euros, un complément d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 032,11 euros outre 103,21 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.
S'agissant de l'indemnité légale de licenciement, conformément aux dispositions de l'article R. 1234-2 du code du travail, dans leur version applicable aux faits du litige, et ce sur la base de l'ancienneté ainsi que de la rémunération de référence du salarié telles qu'elles ressortent des développements précédents, la cour accorde à l'appelant, par infirmation du jugement, une somme de 2 060,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans leur version applicable au litige, eu égard à l'ancienneté dans l'entreprise (près de 7 ans), à l'âge du salarié (49 ans) ainsi qu'au montant de la rémunération de référence (1 466,65 euros) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, l'intéressé ayant notamment perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'en février 2018 avant de retrouver un emploi en mars 2018, la cour confirme le jugement en ce qu'il lui a accordé la somme de 10 266,55 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à préciser que ladite somme est fixée au passif de la société en application de l'article L. 622-7 du code du commerce. Il sera enfin rappelé que, lorsque le licenciement d'un salarié prononcé pour un motif économique est dépourvu de cause économique, il ne peut être alloué au salarié, en plus de l'indemnité fixée à ce titre pour réparer l'intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche
L'appelant soutient qu'après avoir été licencié pour motif économique le 19 mai 2016, il a exercé, le 17 février 2017, sa priorité de réembauche et que la charge de la preuve du respect de ladite priorité de réembauchage incombe exclusivement à l'employeur.
Le liquidateur réplique que la lettre de licenciement contenait bien la mention relative à la priorité de réembauchage et qu'il ressort des éléments du dossier que l'employeur n'a jamais eu l'intention de méconnaître la priorité de réembauchage qu'il doit au salarié durant un an, le salarié évoquant le non-respect de cette priorité sans fournir aucun élément factuel démontrant cette violation.
L'AGS fait valoir que si l'appelant indique avoir fait valoir sa priorité de réembauchage au mois de février 2017, aucune embauche n'a été réalisée par la société sur cette période, ni même après, de sorte que la société n'a jamais été en mesure de lui proposer le moindre poste, aucun manquement ne pouvant être retenu à ce titre, le salarié ne justifiant en outre pas de son préjudice.
Aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.
Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.
En application de ces dispositions et de celles de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification. Il en résulte qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation soit en établissant qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes.
En l'espèce, outre le fait que la lettre de licenciement mentionne effectivement la priorité de réembauche prévue par l'article L. 1233-45 du code du travail, la cour ne peut par ailleurs que relever, au vu du registre unique du personnel de la société versé aux débats par le liquidateur, que celui-ci justifie que l'employeur a respecté son obligation en l'absence de tout poste disponible pouvant être proposé à l'appelant.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.
Sur les autres demandes
Il convient d'ordonner la remise à l'appelant d'un bulletin de paie récapitulatif, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte ainsi que d'une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.
Compte tenu de la date de la rupture du contrat de travail, les créances du salarié seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts au taux légal cessent de produire effet à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Dès lors, en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et, s'agissant des créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés, et ce jusqu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil jusqu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Compte tenu de l'équité et de la situation économique des parties, il n'y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Enfin, l'employeur succombant à l'instance, il convient de fixer les dépens d'appel au passif de la liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents ainsi que d'indemnité légale de licenciement et sauf à préciser que les sommes accordées sont fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société DJS DECORS ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe la créance de M. [N] au passif de la liquidation judiciaire de la société DJS DECORS aux sommes suivantes :
- 1 032,11 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis outre 103,21 euros au titre des congés payés y afférents,
- 2 060,54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective ;
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société DJS DECORS de la convocation devant le bureau de conciliation et, s'agissant des créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés, et ce jusqu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective ;
Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil jusqu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective ;
Dit que les créances de M. [N] seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;
Ordonne la remise à M. [N] d'un bulletin de paie récapitulatif, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte ainsi que d'une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision;
Rejette la demande d'astreinte ;
Déboute M. [N] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société AXYME, en sa qualité de liquidateur de la société DJS DECORS, et l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest du surplus de leurs demandes reconventionnelles ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Fixe les dépens d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société DJS DECORS.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT