Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07451 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTVD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/11264
APPELANTE
Madame [C] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laura DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : R273
INTIMEE
S.A. COMPAGNIE BERRI
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
1/ RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [C] [U], née en 1999, a été engagée verbalement à temps partiel par la SA Compagnie Berri, à compter du 04 novembre 2018 en qualité de barmaid.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels cafés restaurants.
En dernier lieu, Madame [U] était rémunérée à hauteur de 12,99 euros de l'heure.
Madame [U] a été licenciée verbalement le 30 décembre 2018, sans jamais avoir été déclarée.
A la date du licenciement, Madame [U] avait une ancienneté de moins de deux mois (57 jours).
Contestant son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [U] a saisi le 19 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 11 septembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- condamné la société Compagnie Berri établissement secondaire The Financier à payer à Mme [U] :
* A titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 3166,80 euros
* A titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 527,80 euros
* A titre d'indemnité de préavis : 131,95 euros
* A titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 527,80 euros
* Au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile : 900 euros
- ordonné à la société défenderesse de remettre à la demanderesse les documents sociaux conformes au présent jugement
- débouté Mme [U] du surplus de ses demandes
- condamné la société défenderesse au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 5 novembre 2020, Mme [U] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 6 octobre 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 juin 2022, Mme [U] demande à la cour de bien vouloir infirmer le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Paris, et en conséquence,
- condamner la société Compagnie Berri prise en son établissement secondaire The Financier à lui verser une indemnité forfaitaire de travail dissimulé de 8.539,99 €,
- constater le licenciement verbal ainsi que l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement qu'il induit et, en conséquence, condamner la société Compagnie Berri prise en son établissement secondaire The Financier à lui verser la somme de :
* 1.423,33 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse égale à un mois de salaire brut,
* 59,31 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 355,83 € au titre de l'indemnité de préavis,
- condamner la société Compagnie Berri prise en son établissement secondaire la The Financier à lui verser la somme de 1.423,33 € pour non-respect de la procédure de licenciement,
- condamner la société Compagnie Berri prise en son établissement secondaire The Financier à lui verser la somme de 1.423,33 € pour absence de contrat de travail écrit,
- condamner la société Compagnie Berri prise en son établissement secondaire The Financier à lui verser la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- enjoindre la société Compagnie Berri, prise en son établissement secondaire The Financier, de lui adresser instamment tous les documents de fin de contrat, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- débouter la société Compagnie Berri prise en son établissement secondaire The Financier de l'intégralité de ses prétentions,
- condamner la société Compagnie Berri prise en son établissement secondaire The Financier au versement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à la restitution des entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2021, la société Compagnie Berri demande à la cour de bien vouloir:
- débouter Madame [C] [U] de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement de conseil de prud'hommes de Paris rendu le 11 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Compagnie Berri au paiement des montants suivants :
* au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 3 166,80 €
* au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 527,80 €
* au titre de l'indemnité de préavis : 131,95 €
* au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 527,80 €,
- condamner reconventionnellement Madame [C] [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile au versement de la somme de 1 500 €.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 29 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIF DE LA DECISION:
Sur la demande de rejet des conclusions notifiées par Madame [U] le 14 juin 2022:
Madame [U] ayant notifié ses écritures par le réseau privé virtuel des avocats la veille de l'ordonne clôture, sans que la société Compagnie Berri n'ait sollicité ni le report de cette ordonnance ni son rabat, il n'y a pas lieu de les rejeter.
Sur le temps de travail effectué et les conséquences sur les indemnités de rupture:
Pour infirmation du jugement, Madame [U] soutient qu'elle a travaillé sur la période concernée, tous les vendredis et samedis de 23 heures à 6 ou 7 heures du matin et les dimanches de 23 heures à 2 heures du matin, outre deux extras en semaine de 20 heures à 23 heures, soit un total de 177 heures.
Elle affirme que si les vendredis et samedis, l'établissement fermait en théorie à 5 heures elle était tenue de rester après la fermeture afin de nettoyer les lieux, vider les stocks, et préparer le service du lendemain.
Pour confirmation du jugement, la société Compagnie Berri conteste le fait que la salariée ait travaillé le dimanche et qu'elle finissait son service à 7 heures du matin affirmant que les horaires de travail des salariés étaient de 23 heures à 5 heures du matin (et le dimanche de 23h à 02h du matin), l'établissement devant respecter les horaires de fermeture fixés dans les arrêtés préfectoraux.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, la salariée produit un tableau récapitulatif des heures accomplies mentionnant les jours travaillés et ses horaires de début et de fin.
Elle verse aux débats, des échanges de sms et des attestations d'amis ou de clients confirmant le fait qu'elle a effectivement travaillé les dimanches 4 novembre, 16 novembre et 23 décembre de 20 h à 2 heures du matin, qu'elle travaillait de façon générale les vendredis et samedis jusqu'à 6 heures du matin et qu'elle a été appelée pour un extra en semaine de 20 heures à 23 heures.
La salariée présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle dit avoir réalisées, permettant ainsi à l'employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
De son coté, l'employeur ne précise pas quels ont été les jours de travail de la salariée et ne produit par ailleurs aucun élément de nature à déterminer les jours et les horaires de travail accomplis par cette dernière, se limitant à verser aux débats des attestations de salariés indiquant en des termes trés généraux que 'Madame [U] n'avait travaillé que quelques soirées en extra le week-end et qu'elle n'était pas présente la semaine', qu'elle 'ne travaillait pas à temps complet mais faisait des extras', 'qu'elle était au bar de manière ponctuelle' ou encore ' qu'elle travaillait en extra les week-ends de 23 heures à 5 heures et qu'elle n'avait travaillé que 2 mois de novembre 2018 à fin décembre 2018".
La société Compagnie Berri n'a par ailleurs pas contesté avoir embauché verbalement la salarié à compter du 4 novembre 2018 qui était un dimanche et l'avoir licenciée verbalement le 30 décembre 2018 qui était également un dimanche, ce qui tend à confirmer que Madame [U] était bien sur son lieu de travail le dimanche.
Il y a lieu au regard de l'ensemble de ces éléments et sur la base du décompte établi par la salariée de retenir que sur la période considérée (sept semaines), Madame [U] a travaillé 177 heures et non pas 84 comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, et en conséquence de fixer sa rémunération brute mensuelle à la somme de 1.423,33 euros et non pas à la somme de 527,80 euros.
Le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé en ce qu'il a condamné la société Compagnie Berri à payer à Madame [U] des indemnités calculées sur la base d'un salaire de 527,80 euros.
La société Compagnie Berri sera, en conséquence, condamnée à payer à Madame [U] les sommes de :
- 8 539,99 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
- 1 423,33 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 59,31 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- 355,83 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
- 1 423,33 euros pour non respect de la procédure de licenciement
Sur les dommages et intérêts pour défaut de contrat écrit
Aux termes de l'article L 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
En l'espèce, s'il n'est pas contesté qu'aucun écrit n'a été établi, Madame [U] ne justifie néanmoins pas du préjudice qu'elle aurait subi.
Il y a, en conséquence lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
Si Madame [U] a été licenciée verbalement sans motif ni préavis, elle ne justifie pas de circonstances vexatoires lui ayant occasionné un préjudice spécifique, distinct de la rupture elle même.
Il y a, en conséquence lieu de confirmer le jugemnt en ce qu'il l'a débouté de la demande faite à ce titre.
Sur la remise des documents
Il y a lieu d'ordonner la remise des documents de fin de contrats et des fiches de paye conformes à la présente décision, et ce dans le délai de 2 mois suivant sa signification sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Pour faire valoir ses droits en cause d'appel Madame [U] a dû exposer des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
La société Compagnie Berri sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros, outre les dépens.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
DEBOUTE la SA Compagnie Berri de sa demande de rejet des conclusions notifiées par Madame [C] [U] par le réseau privé virtuel des avocats le 14 juin 2022 ;
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA Compagnie Berri à payer à Madame [C] [U] les sommes de :
* 3166,80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
* 527,80 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 131,95 euros à titre d'indemnité de préavis :
* 527,80 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SA Compagnie Berri à payer à Madame [C] [U] les sommes de :
* 8 539,99 € au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
* 1 423,33 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
* 59,31 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 355,83 € au titre de l'indemnité de préavis,
* 1 423,33 € pour non-respect de la procédure de licenciement,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE la remise des documents de fin de contrat conforme à la présente décision, dans un délai de 2 mois à compter de sa signification.
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
CONDAMNE la SA Compagnie Berri à payer à Madame [C] [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA Compagnie Berri aux dépens.
La greffière, La présidente.