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04/11/2022 | FRANCE | N°18/11757

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 04 novembre 2022, 18/11757


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 04 Novembre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11757 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6S5K



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 16-00778





APPELANTE

SAS [6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté

e par Me Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substitué par Me Alexandra NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503





INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adress...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 04 Novembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11757 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6S5K

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 16-00778

APPELANTE

SAS [6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substitué par Me Alexandra NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [6] (la société) d'un jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur [W] [D], salarié de la société [6], a été victime d'un accident du travail le 4 octobre 2013 et déclaré le même jour par son employeur qui a décrit les circonstances suivantes : 'selon ses dires, la victime aurait senti une douleur au niveau du dos en déplaçant un carton avec des livres dedans'.

Le certificat médical initial du 4 octobre 2013 constate une 'lombosciatique aiguë L5 ou S1 droite (face gauche de la cuisse droite)'et un arrêt de travail jusqu'au 13 octobre 2013 est prescrit.

Par décision du 14 octobre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a pris en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Le médecin conseil a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Monsieur [D] au 8 mars 2014 et reconnu un taux d'incapacité permanente de 5% à compter du 9 mars 2014.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry pour se voir déclarer inopposables les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne au titre de l'accident du travail de Monsieur [D] du 4 octobre 2013, sollicitant la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire.

Par jugement du 18 septembre 2018, ce tribunal a débouté la société de son recours et déclaré opposables à cette société les soins et arrêts de travail prescrits suite à l'accident du 4 octobre 2013 pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La société a interjeté appel le 18 octobre 2018 de l'ensemble des chefs de ce jugement.

Par ses conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

-déclarer son appel recevable et bien fondé,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry le 18 septembre 2018,

En conséquence :

-ordonner avant-dire droit, la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire afin de :

1/déterminer les lésions directement imputables à l'accident du travail dont a été victime Monsieur [W] [D] le 4 octobre 2013,

2/déterminer la nature et l'incidence des pathologies antérieures ou indépendantes,

3/déterminer la durée des arrêts de travail en relation directe avec l'accident initial, en dehors de la lésion nouvelle inopposable à l'employeur,

4/déterminer la date de consolidation des lésions en relation directe avec l'accident initial, en dehors de tout état antérieur ou indépendant,

-préciser que, dans l'hypothèse où la victime ne répondrait pas aux convocations de l'expert, l'expert désigné pourrait procéder, par le biais d'une expertise médicale sur pièces,

-faire injonction à la caisse primaire de communiquer à l'expert, ainsi qu'au docteur [J] [Y], médecin conseil de la société, demeurant [Adresse 1], l'ensemble des pièces médicales justifiant la prise en charge de l'intégralité des arrêts de travail conformément aux dispositions de l'article L.142-10 du code de la sécurité sociale et, de manière plus générale, tous les documents que l'expert estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission, conformément aux dispositions de l'article 275 du code de procédure civile.

La société expose en substance :

-qu'elle est fondée à contester la durée des arrêts de travail délivrés à Monsieur [D] à la suite de son accident du travail du 4 octobre 2013,

-qu'en effet, Monsieur [D] présente un important état antérieur arthrosique diffus évoluant pour son propre compte constitué par une discarthrose dégénérative étagée plus marquée au niveau de L4-L5 et un affaissement des disques intervertébraux provoquant des rétrécissements d'origine dégénérative au niveau foraminal bilatéral et au niveau du canal central,

-qu'une grande partie des arrêts de travail prescrits à Monsieur [D] est exclusivement imputable à cet état pathologique antérieur ainsi que l'a mis en évidence le docteur [Y], mandaté par la société, qui a eu accès au rapport d'évaluation des séquelles dans le cadre d'un recours parallèle introduit devant le tribunal du contentieux de l'incapacité,

-que la caisse n'a versé aux débats aucun élément de nature à contester l'analyse du docteur [Y], notamment sur l'existence d'un état pathologique antérieur évolutif pour son propre compte,

-que l'avis du docteur [Y] constitue un commencement de preuve justifiant la mise en oeuvre d'une expertise médicale aux fins de distinguer les arrêts de travail prescrits au titre des lésions causées par l'accident de ceux imputables exclusivement à cet état pathologique antérieur avéré,

-que la demande d'expertise est d'autant justifiée que la société, en sa qualité d'entreprise de travail temporaire, ne disposait que d'une information et d'une possibilité de contrôle limitées, ne pouvant bénéficier de la faculté ouverte aux autres employeurs de contrôler les arrêts de travail délivrés aux salariés par le biais d'une contre-expertise.

Aux termes de ses conclusions écrites déposées et soutenues oralement par son conseil, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne demande à la cour de :

-déclarer la société [6] mal fondée en son appel,

-confirmer le jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Essonne,

-condamner la société au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de 'la pénalité financière'.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne fait essentiellement valoir :

-que Monsieur [D] a bénéficié d'arrêts de travail et de soins continus du 4 octobre 2013 au 8 mars 2014, date de la consolidation fixée par le médecin conseil,

-que la présomption d'imputabilité trouvant application, il appartient à l'employeur de la renverser en apportant la preuve que les lésions survenues au temps et au lieu du travail ont une cause totalement étrangère au travail, le travail n'ayant joué aucun rôle dans l'apparition de ces lésions,

-que la preuve du paiement ininterrompu des indemnités journalières jusqu'à la date de consolidation permet le bénéfice de la présomption d'imputabilité jusqu'à ce terme,

-que la société ne rapporte pas la moindre preuve susceptible de combattre la présomption d'imputabilité, étant précisé que l'existence d'un état antérieur révélé ou aggravé par l'accident justifie une prise en charge des lésions imputables à l'accident au titre de la législation professionnelle,

-que la demande d'expertise judiciaire ne peut prospérer.

Il est fait référence aux écritures déposées par les parties lors de l'audience du 19 septembre 2022 pour plus ample exposé des moyens développés.

SUR CE :

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Les juges du fond doivent rechercher si la présomption d'imputabilité est utilement combattue par des éléments de preuve émanant de l'employeur de nature à justifier le prononcé d'une mesure d'expertise judiciaire.

En l'espèce, la matérialité de l'accident du travail n'est pas contestée et le certificat médical initial du 4 octobre 2013 fait état d'une 'lombosciatique aiguë L5 ou S1 droite (face gauche de la cuisse droite)', un arrêt de travail étant prescrit jusqu'au 13 octobre 2013. Sont communiqués par la caisse les certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail prescrit de façon ininterrompue des 12 octobre 2013, 23 octobre 2013, 14 novembre 2013, 6 décembre 2013 et 15 janvier 2014 faisant état d'une lombosciatique jusqu'au 8 mars 2014, date de consolidation fixée par la caisse.

La présomption d'imputabilité au travail des soins et arrêts de travail s'applique donc jusqu'à la date de la consolidation.

La société, au soutien de sa demande d'expertise, s'appuie sur une attestation du docteur [Y] consulté par ses soins du 22 mars 2016 pour soutenir qu'une partie des arrêts de travail ultérieurs à l'accident seraient purement imputables à un état antérieur qui aurait évolué pour son propre compte.

Aux termes de cette attestation, le docteur [Y] mentionne que la victime présentait un état antérieur vertébral évolutif pour son propre compte documenté par des radiographies du rachis réalisées le 4 octobre 2013, qui mettent en évidence une discarthrose dégénérative étagée plus marquée au niveau de L4-L5 avec rectitude dans le plan sagittal ainsi que par un examen tomodensitométrique du rachis réalisé le 15 octobre 2013 établissant une absence de hernie discale ainsi que l'affaissement des disques intervertébraux provoquant des rétrécissements d'origine dégénérative au niveau foraminal bilatéral et au niveau du canal central, cet état antérieur diffus expliquant le caractère plurifactoriel de la symptomatologie complexe résumée par le certificat médical initial délivré le jour de l'accident.

Le docteur [Y] soulève que l'activation traumatique de l'état antérieur résultant de l'accident a rendu nécessaire la mise en oeuvre d'un traitement associant des antalgiques à de la rééducation fonctionnelle qui a permis un retour à l'état antérieur à l'accident, ainsi que l'indique le médecin conseil de la caisse dans le paragraphe du rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente dédié à la discussion médico-légale : 'état antérieur qui évolue maintenant pour son propre compte' et soutient que l'examen séquellaire du 18 février 2014 n'a pas retenu de déficit fonctionnel objectif distinct de celui résultant du seul état antérieur.

Le docteur [Y] indique que, 'selon les différents référentiels relatifs à la durée des arrêts de travail en traumatologie', un lumbago aigu, sans pathologie discale associée, peut justifier sur un état antérieur arthrosique diffus évolutif sur son propre compte un arrêt de travail de l'ordre de quelques jours à un mois chez un travailleur de force et que rien ne permet de justifier les arrêts de travail délivrés au-delà du 4 novembre 2013, la consolidation des lésions accidentelles devant être fixée à cette date, tous éléments pris en compte.

Mais il est relevé que si le docteur [Y] reconnaît que l'accident a eu un rôle dans l'apparition de lésions en lien avec un état antérieur, il procède par généralités et ne justifie pas du moindre élément de nature à remettre en cause la pathologie mentionnée dans les certificats postérieurs au 4 novembre 2013 et à accréditer l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une expertise, la cour disposant des éléments nécessaires pour statuer, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré opposables à la société les soins et arrêts de travail prescrits à M. [D] à la suite de l'accident du travail du 4 octobre 2013.

L'employeur, qui succombe, sera condamné aux dépens.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement du 18 septembre 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry en toutes ses dispositions ;

Condamne la société [6] aux dépens ;

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/11757
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;18.11757 ?
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