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04/11/2022 | FRANCE | N°18/09989

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 04 novembre 2022, 18/09989


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 04 Novembre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09989 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JK3



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/02081



APPELANTE

CPAM 78 - YVELINES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité

2]

représentée par Me Corinne FRAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1704 substituée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, toque : R295



INTIMEE

S.A.S. [4]

[Adresse 1]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 04 Novembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09989 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JK3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/02081

APPELANTE

CPAM 78 - YVELINES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Corinne FRAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1704 substituée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

INTIMEE

S.A.S. [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Thomas HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambreM. Gilles REVELLES, Conseiller

M. Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

-CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines d'un jugement rendu le 3 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la S.A.S. [4].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [X] [R], salarié de la S.A.S. [4], a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 26 juillet 2017 ; qu'il indique alors qu'il soulevait des sacs de sel de 25 kg, il avait ressenti une douleur au dos ; que le certificat médical initial du 26 juillet 2017 établi par le service des urgences de l'hôpital de la [7] évoquait un lumbago ; que la société a émis des réserves le 27 juillet 2017 ; que la caisse a considéré par courrier du 7 août 2017 que les réserves n'étaient pas motivées et a déclaré prendre en charge l'accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels ; que le 7 septembre 2017, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contester cette prise en charge ; que le 1er décembre 2017, elle a saisi le tribunal d'un recours.

Par jugement en date du 3 avril 2018, le tribunal a :

- déclaré recevable le recours de la S.A.S. [4] ;

- constaté l'existence de réserves motivées au sens de l'article R 441-11 III du code de la sécurité sociale ;

- déclaré la décision du 7 août 2017 de prise en charge de l'accident par la caisse primaire d'assurance-maladie des Yvelines dont a été victime M. [X] [R] le 26 juillet 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels inopposables à la S.A.S. [4] ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a considéré que les réserves émises le 27 juillet 2017 par la société étaient suffisamment motivées en ce qu'elles attirées l'attention de la caisse sur le contexte particulier de la déclaration de sinistre permettant d'émettre des doutes sérieux quant à la véracité des faits ; que l'employeur avait ainsi expliqué que le sac de sel avait été déposé par le fournisseur au moyen du matériel portatif adapté à son emplacement et que le salarié n'avait aucune raison ni obligation de le soulever. L'employeur ajoutait en outre que cet accident intervenait la veille d'un entretien préalable à un licenciement auquel le salarié ne s'est donc pas présenté. Pour l'employeur, il s'agissait de nourrir artificiellement une stratégie afin de reporter la procédure. Le tribunal a considéré que la société avait émis ainsi une démonstration circonstanciée et motivée des motifs pour lesquels elle considérait qu'il était probable que l'accident déclaré soit fictif. Elle a donc constaté l'obligation pour la caisse de diligenter une enquête, ce que cette dernière n'avait pas fait.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 30 juillet 2018 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 17 août 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré du 3 avril 2018 en toutes ses dispositions qui déclare inopposable à la S.A.S. [4], la décision admettant la prise en charge, au titre de la législation professionnelle de l'accident dont M. [X] [R] a été victime le 26 juillet 2017 ;

- infirmer le jugement déféré rendu le 3 avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny en ce qu'il a déclaré qu'elle avait manqué à son obligation d'information lors de l'instruction du dossier ;

- débouter la S.A.S. [4] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dire bien fondée la décision de la Caisse admettant la prise en charge, au titre des risques professionnels l'accident du travail dont a été victime M. [X] [R] le 26 juillet 2017 et de la dire opposable à la S.A.S. [4].

Elle expose que la déclaration d'accident du travail établie le 27 juillet 2017 précise que l'employeur a eu connaissance des faits le jour de l'accident soit le 26 juillet 2017, et le certificat médical date du 26 juillet 2017 ; que ledit accident s 'est déroulé au temps de travail et lieu de travail ; que M. [X] [R] [X] s 'est fait mal au dos en soulevant un sac de sel ; que la déclaration fait état d'un témoin (Madame [N]) ; que des renseignements portés sur la déclaration d'accident du travail, il ressort que les faits se sont produits au temps et lieu de travail ; que la constatation médicale a été établie dans un temps proche des faits, à savoir le jour même ; que les réserves motivées doivent porter sur le caractère professionnel de l'accident par l'employeur ; qu'à ce titre, elles ne peuvent concerner que des éléments de faits se rapportant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que l'employeur doit donc faire état de fait suffisamment précis pour que la caisse puisse mener des investigations aux fins d'en vérifier la véracité, ce qui lui permettrait dans ce cas, de rejeter le caractère professionnel du sinistre ; que l'employeur ne fait qu'attirer l'attention sur le contexte particulier qui entourerait la rédaction de cette déclaration du travail ; que la présence d'un témoin lors de la réalisation des faits met un terme à tous les doutes concernant la véracité des faits ; que les réserves tendent à retenir la faute intentionnelle du salarié nécessitant un acte volontaire accompli avec l'intention de se causer des lésions corporelles ; que les réserves formulées par l'employeur ne portent ni sur les circonstances de temps ou de lieu ni sur une cause étrangère au travail et ne peuvent ainsi être considérées comme motivées ; qu'elle n 'était pas tenue d'effectuer une mesure d'instruction.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [4] demande à la cour de :

- débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines de son appel et de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions ;

- dire et juger son recours recevable et bien fondé ;

- constater l'absence d'enquête malgré l'émission de réserves expresses et motivées portant sur les circonstances de temps et de lieu du sinistre litigieux et sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ;

- constater en outre que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines n'a pas informé l'employeur de la clôture de l'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de présenter des observations avant décision ;

- constater que la Caisse Primaire ne démontre pas la survenance matérielle d'un accident survenu aux temps et lieu du travail le 26 juillet 2017 à M. [X] [R] ;

en conséquence,

- confirmer en toutes ces dispositions le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny le 3 avril 2018 en ce qu'il a déclaré inopposable à son égard la décision de prise en charge de la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines du 26 juillet 2017 de l'accident déclaré par M. [X] [R].

Elle expose que ses réserves mettaient en évidence des éléments objectifs et concrets pour motiver sa contestation et ses doutes quant à la survenance d'un véritable accident du travail à l'origine de la lésion alléguée dès lors que le salarié n'avait aucune raison de porter le sac en cause et qu'il venait de recevoir une convocation à un entretien préalable à un licenciement qui devait avoir lieu le lendemain ; qu'il s'en suivait l'obligation de diligenter une enquête qui n'a pas eu lieu ; que dès lors, la décision de prise en charge lui est inopposable.

SUR CE,

Il résulte des dispositions de l'article R 441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 applicable au litige, que : « En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».

Les réserves motivées visées par ce texte, s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.

Dès lors que l'employeur a formulé en temps utile de telles réserves, la caisse ne peut prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable. Dès lors que les réserves se conforment à leur objet, elles s'analysent comme des réserves motivées, peu important la pertinence ou la qualité de la motivation. Il est toutefois nécessaire que les éléments de fait allégués par l'employeur soient précis et circonstanciés.

Il sera rappelé qu'en application de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel. Il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail du 27 juillet 2017 mentionne le fait que le salarié a déclaré avoir soulevé un sac de celle faisant 25 kg et qu'il a ressenti une douleur au dos. Cet accident a été constaté le 26 juillet 2017 à 11h30 par les préposés de l'employeur et la victime a été transportée à l'hôpital de la [7] à [Localité 6].

L'employeur a joint le même jour une lettre indiquant qu'il émettait des doutes sérieux quant à la véracité des faits, indiquant que le salarié n'avait aucune raison de porter le sac de celle qui avait été déposée par le fournisseur à l'endroit souhaité à l'aide d'un matériel portatif adapté. Il ajoute que le salarié avait été convoqué quelque jours auparavant par courrier simple et par courrier recommandé à un entretien préalable à une éventuelle mesure pouvant aller jusqu'au licenciement, l'entretien devant avoir lieu le lendemain des faits.

L'employeur conclut qu'il est incontestable que la demande de reconnaissance de l'accident allégué a pour unique objet de nourrir artificiellement une stratégie dans le cadre du report de la procédure pouvant mener jusqu'à l'éventuelle rupture du contrat de travail.

En l'espèce, l'employeur conteste dans sa lettre la matérialité de l'accident. Cette contestation porte donc sur les circonstances générales de celui-ci. Il importe peu que l'employeur apporte les preuves de ses allégations.

La caisse avait donc pour obligation d'ouvrir une mesure d'instruction préalablement à la prise en charge de l'accident déclaré par M. [X] [R] à son employeur au titre de la législation sur les risques professionnels. En ne faisant pas, le tribunal a justement jugé de l'inopposabilité à l'employeur de la reconnaissance d'accident du travail dont a été victime M. [X] [R].

Le jugement déféré sera donc confirmé.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines ;

CONFIRME le jugement rendu le 3 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/09989
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;18.09989 ?
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