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04/11/2022 | FRANCE | N°18/09831

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 04 novembre 2022, 18/09831


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 04 Novembre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09831 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6IRJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16/01921





APPELANTE

CPAM 42 - LOIRE ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité

3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIMEE

SA [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Bertrand PATRIGEON, avocat au barreau de PARIS,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 04 Novembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09831 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6IRJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16/01921

APPELANTE

CPAM 42 - LOIRE ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

SA [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Bertrand PATRIGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : K0073

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

-CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire d'un jugement rendu le 29 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la S.A. [6].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [L] [C], salariée de la S.A. [6], a été détachée en qualité de réceptionniste au sein de l'entreprise [5] ; qu'elle a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 19 juillet 2012 ; que la caisse primaire d'assurance-maladie de la Loire a notifié la prise en charge de cet accident par courrier du 20 juillet 2012 ; que la salariée a été placée en arrêt de travail du 19 juillet 2012 au 10 décembre 2014 ; qu'elle se voyait attribuer un taux d'incapacité permanente partielle de 8 % ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Étienne le 13 janvier 2015 ; que par jugement du 25 juillet 2016, ce tribunal a constaté son incompétence territoriale au profit du tribunal de Bobigny.

Par jugement en date du 28 septembre 2017, le tribunal a déclaré recevable le recours formé par la société et ordonné la mise en 'uvre d'une mesure d'expertise judiciaire afin de déterminer si l'ensemble des arrêts de travail de la salariée était en relation directe et certaine avec son accident.

Par jugement du 29 mai 2018, le tribunal a :

- débouté la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire de sa demande de contre-expertise ;

- homologué dans ses limites le rapport d'expertise du Docteur [M] [X] rendu le 6 décembre 2017 ;

- déclaré mal fondée la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire ayant pris en charge l'ensemble des arrêts et soins prescrits au titre de l'accident du travail dont a été victime Mme [L] [C] le 19 juillet 2012 ;

- déclaré inopposable à la S.A. [6] tous les arrêts de travail et soins pris en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire postérieurement à la date du 30 octobre 2012 ;

- laissé les frais d'expertise à la charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire ;

- condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire à rembourser à la S.A. [6] la somme de 600 euros, au titre de la provision de l'expertise réalisée par le Docteur [M] [X] ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a justifié sa décision en indiquant que l'expert avait répondu point par point aux conclusions du médecin-conseil de la caisse et avait relevé les différentes contradictions dans les examens clinique du médecin-conseil. Il a considéré que les conclusions étaient claires, précises, étayées et dénuées d'ambiguïté.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 23 juillet 2018 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 14 août 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire demande à la cour de :

- confirmer la date de consolidation retenue par le médecin conseil et rejeter le recours de la société ;

- à titre subsidiaire, si la Cour l'estime nécessaire, ordonner une nouvelle expertise judiciaire.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire expose qu'il résulte des observations de son médecin conseil que le rapport de l'expert n'est pas contradictoire ; que les éléments communiqués sont repris de manière parcellaire et imprécise ; que les lésions décrites dans le certificat médical initial sont dénaturées par le médecin expert ; qu'il commente les lésions décrites sur la déclaration d'accident du travail ; qu'en ce sens, il remet en cause la matérialité de l'accident ; que ce n'est pas l'objet du présent litige ; qu'en outre, le médecin expert porte une appréciation sur le taux d'incapacité permanente attribué à l'assurée qui ne fait également pas l'objet de la présente procédure ; qu'il est de jurisprudence constante que la relation de causalité entre l'accident et la lésion à l'origine des arrêts de travail et entre l'accident et la totalité de l'incapacité de travail reste suffisante même lorsque l'accident a seulement précipité l'évolution ou l'aggravation d'un état pathologique antérieur. (Cass. Civ. 28 avril 2011, pourvoi n 0 10-15835) ; que dès lors, de telles conclusions ne permettent pas à la société de rapporter la preuve que les arrêts de travail et soins pris en charge jusqu'au 9 décembre 2014 n'ont aucun lien avec l'accident du 19 juillet 2012, et par conséquent, de renverser la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A. [6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 29 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny ;

- débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire de ses demandes ;

- condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire aux dépens.

La société expose qu'il appartient à la caisse de rapporter la preuve de la continuité des symptômes et des soins ; que la caisse n'apporte aucun élément nouveau par rapport aux pièces produites devant le premier juge ; que le médecin expert commis par le tribunal a justement apprécié les pièces en expliquant que l'analyse du mécanisme traumatique n'entraînait pas de traumatisme lombaire et qu'il était impossible de mettre en relation directe et certaine la pathologie lombaire non décrite dans le certificat médical initial et surtout apparaissant tardivement après le fait traumatique ; que les termes du rapport sont parfaitement clairs et établissent l'existence des lésions indépendantes ayant interféré et ayant été pris en charge à tort au titre de l'accident du travail du 19 juillet 2012 ; que l'expertise est contradictoire, dès lors que l'expert a convoqué l'ensemble des parties ; que l'expert n'a pas dénaturé les pièces ni remis en question la matérialité de l'accident.

SUR CE,

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime. Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17.626 et 2e Civ, 18 février 2021, pourvoi n° 19-21940).

Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.

En la présente espèce, la déclaration d'accident du travail du 23 juillet 2012 est accompagnée d'un certificat médical établi le 19 juillet 2012 faisant état d'un traumatisme cervical avec cervicalgie et contracture musculaire, d'une contusion de l'épaule droite et la traumatisme dorsal avec dorsalgie. Le certificat médical prescrit un arrêt de travail jusqu'au 24 juillet 2012. Les circonstances de l'accident sont la chute de sa carton d'une palette alors que la salariée alignait des colis sur celle-ci.

Il appartient donc à l'employeur d'apporter la preuve d'un état antérieur ayant évolué pour son propre compte ou d'une cause étrangère.

Contrairement aux assertions de la caisse, l'expert a convoqué les parties à l'expertise. En tout état de cause elle ne sollicite pas la nullité de l'expertise pour violation du contradictoire.

Le certificat médical de première prolongation cité par l'expert mentionne des lombalgies que les certificats médicaux postérieurs reprennent jusqu'au 29 août 2014, la date de consolidation étant fixée par le médecin-conseil au 9 décembre 2014. Selon les pièces médicales cités par l'expert, le médecin-conseil de la caisse n'a jamais discuté l'imputation à l'accident du travail des lombalgies indiquant une évolution vers une lombosciatique gauche invalidante qui a été acceptée comme relevant de l'accident du travail.

Le médecin expert explique que le scanner cervical du 7 septembre 2012 ne mentionnait pas de conflit disco ' radiculaire et que le 21 août 2012, une autre pathologie apparaissait, à savoir une sciatalgie gauche et une hernie discale. Le médecin indique qu'il est impossible de mettre en relation directe et certaine la pathologie lombaire non décrite dans le certificat médical initial et surtout apparaissant tardivement après le fait traumatique.

Pour autant, l'expert n'indique pas l'existence d'un état pathologique antérieur qui aurait évolué pour son propre compte, aucune pièce médicale ne faisant état des lombalgies traitées antérieurement à l'accident du travail.

S'il dénie tout lien de causalité entre le mécanisme traumatique initial et le traumatisme lombaire, il ne nomme pas la cause extérieure qui pourrait l'avoir provoqué.

Dès lors, l'expertise sur laquelle s'appuie la S.A. [6] ne rapporte pas la preuve permettant d'écarter la présomption d'imputabilité à l'accident du travail de l'ensemble des lésions prises en charge postérieurement à celui-ci dans le cadre des arrêts de travail et jusqu'à la date de consolidation fixée par le médecin-conseil de la caisse.

Le jugement déféré sera donc infirmé et les soins et arrêts postérieurs au 30 octobre 2012 et jusqu'au 9 octobre 2014 seront déclarés opposables à la S.A. [6].

La S.A. [6], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire ;

INFIRME le jugement rendu le 29 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny ;

Statuant à nouveau ;

DÉCLARE opposables à la S.A. [6] les soins et arrêts dont a bénéficié Mme [L] [C] du jour de l'accident jusqu'à la date de consolidation le 9 octobre 2014 ;

CONDAMNE la S.A. [6] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/09831
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;18.09831 ?
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