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04/11/2022 | FRANCE | N°18/08626

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 04 novembre 2022, 18/08626


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 04 Novembre 2022



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08626 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CP6



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE RG n° 11-02023



APPELANTE

SASU LILLY FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 3]


représentée par Me Bernard GENESTE, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

URSSAF ILE-DE-FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par M. [Z] [L] en vertu d'un pouvoir général



COMPOS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 04 Novembre 2022

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08626 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CP6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juillet 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE RG n° 11-02023

APPELANTE

SASU LILLY FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Bernard GENESTE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF ILE-DE-FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par M. [Z] [L] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles BUFFET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour,initialement prévu le 21 octobre 2022 et prorogé au 04 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur saisines de la société Lilly France (la société) et de l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf) dans un litige les opposant , après cassation de l'arrêt RG n° 14/04272 rendu le 05 octobre 2017 par la cour d'appel de Versailles, sur appel d'un jugement rendu le 15 juillet 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ; il suffit de rappeler que suite à un contrôle réalisé en application de l'article L 138-20 du code de la sécurité sociale portant sur les périodes 2005 à 2007 (soit les échéances du 1er décembre 2006 et 1er décembre 2008), l'Urssaf a notifié à la société ayant pour activité l'exploitation de spécialités pharmaceutiques une lettre d'observations du 14 septembre 2009 portant rappel de 8 650 901 euros de contributions sur les dépenses de promotion des médicaments, maintenu à l'issue de la période contradictoire ; qu'une mise en demeure a été décernée à la société le 30 novembre 2009 à l'effet d'obtenir le paiement de 8 650 901 euros en principal et de 1 611 560 euros de majorations de retard ; que la société s'est acquittée du principal le 30 novembre 2009 ; qu'après vaines saisines de la commission de recours amiable en contestation des réintégrations opérées et d'un rejet de remise de majorations, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre.

Par jugement du 15 juillet 2014, le tribunal a :

-ordonné la jonction des instances,

-débouté la société de ses demandes,

-confirmé la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2011 ayant validé le redressement,

-ordonné la réouverture des débats aux fins que les parties s'expliquent sur le montant des majorations de retard dues au titre des années 2005 à 2008 et renvoyé à l'audience du 20 octobre 2014.

Par arrêt du 05 octobre 2017, la cour d'appel de Versailles, sur appel de la société, a infirmé le jugement déféré, annulé la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2011, ordonné le remboursement par l'Urssaf à la société de la somme de 8 650 901 euros outre les majorations de retard y afférentes, et condamné l'Urssaf à une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Un pourvoi en cassation a été formé par l'Urssaf.

Par arrêt du 21 juin 2018, la Cour de cassation a « cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 05 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris ; »

Pour se déterminer ainsi, la Cour de cassation, a retenu, au visa des articles R 142-1 et R 142-18 du code de la sécurité sociale, 5 et 12 du code de procédure civile, qu'en annulant la décision de la commission de recours amiable et en ordonnant le remboursement à la société des sommes versées par celle-ci en exécution de la mise en demeure au motif que la composition de la commission était irrégulière, la cour d'appel a violé les articles susvisés dès lors qu'un rejet de la réclamation formée par la société devant la commission de recours amiable étant intervenu, la cour était saisie du fond du litige sur lequel elle devait se prononcer, le moyen tiré d'une irrégularité de la décision de la commission de recours amiable étant inopérant.

La société a, par déclaration du 03 août 2018 saisi la présente cour désignée comme juridiction de renvoi ; antérieurement, l'Urssaf avait par déclaration du 20 juillet 2018, reçue au greffe le 23 juillet 2018, saisi la présente cour désignée comme juridiction de renvoi.

La société fait déposer et soutenir par son avocat des conclusions écrites « n°4 comportant réponse aux observations en duplique de l'Urssaf » qu'elle a oralement développées à l'audience, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

« joindre les requêtes 18/08626 et 18/1 0238 ;

Donner acte au laboratoire lilly que la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge dans son jugement du 15 juillet 2014 est hors du champ de l'appel contre ce jugement formé par le laboratoire;

Donner acte au laboratoire lilly de ce qu'il renonce à la demande de renvoi préjudiciel initialement sollicitée ;

-dire et juger le laboratoire lilly france recevable en son action:

-annuler en toutes ses dispositions autres que celles relatives au renvoi de la cause concernant le montant des majorations de retard le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des hauts-de-seine le15 juillet 2014 dans les instances rg 1l-02023/n et 12-01488/n, lilly france/urssaf ile-de-france ;

Statuant dans le cadre de l'effet devolutif de l'appel:

-in limine litis, d'une part, rejeter pour irrecevabilite la demande reconventionnelle de l'urssaf en tant que celle-ci concerne la somme de 1 358 852 euros réclamée au titre des majorations de retard et, d'autre part, constater en tant que de besoin que la déclaration d'appel formée par l'urssaf et enregistrée à la cour de céans le 23 juillet 2018 est atteinte par la peremption d'instance;

-declarer nulles et non avenues les operations de controle imposees au laboratoire lilly france en 2009 pour défaut d'agrément et/ou d'assermentation de l'agent de contrôle en tant que ces opérations concernent la contribution visée à l'article l 245-1 du css;

-annuler la décision n° 1234 rendue par la commission de recours amiable de l'urssaf de paris et de la région parisienne le 12 septembre 2011 dans l'instance lilly france/urssaf ;

-dire qu'il n'y a lieu pour le laboratoire lilly france à restitution à l'urssaf ile-de-france de la somme de 8 650 901 euros, augmentée de la somme de 252 708 euros au titre des majorations de retard de l'année 2008 et de la somme de 3 000 euros au titre de 700 cpc :

-dire que la demande de l'urssaf tendant à l'allocation d'intérêts de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir est sans objet;

Rejeter la demande présentée par l'urssaf au titre de l'article 700 cpc;

Condamner l'urssaf ile-de-france au versement d'une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamner l'urssaf aux entiers dépens d'appel. »

La société fait valoir pour l'essentiel que:

-les opérations de contrôle survenues en 2009 sont nulles et non avenues soit à raison de l'illégalité de la décision de renouvellement de l'agrément de mme [U], intervenue en 2004 et devenue caduque le 31 décembre 2004, soit encore à raison du défaut d'assermentation de l'agent de contrôle ; la restitution des fonds ordonnée par la cour d'appel de versailles dans son arrêt du 5 octobre 2017 doit donc être confirmée par substitution de motifs.

-en effet, les dispositions de l'article l 243-7 du code de la sécurité sociale relatives à l'agrément des agents de contrôle et à leur assermentation renvoient à un arrêté ministériel ; il résulte de l'arrêté de 2008 applicable, et du contenu de la modification de l'article 1er de l'arrêté survenue entre 2003 et 2008 que les inspecteurs du recouvrement des urssaf chargés du contrôle des contributions pharmaceutiques ne sont plus titulaires, pour cette activité spécifique, de l'agrément pourtant prévu.

-initialement, les taxes pharmaceutiques étaient recouvrées et contrôlées directement par l'acoss, même si dans les faits, le contrôle et le recouvrement étaient assurés par des agents de l'urssaf, agissant pour le compte de l'acoss ; l'agrément requis résultait donc de la seconde phrase de l'article 1er de l'arrêté ministériel de 2003. Depuis 2005, les contributions en cause sont recouvrées non plus par les urssaf pour le compte de l'acoss, mais directement par deux urssaf désignées par le directeur général de l'acoss ; ce transfert ne peut avoir eu pour effet de modifier par lui-même le champ d'application de la première phrase de l'article 1er de l'arrêté qui ne concerne que le recouvrement et le contrôle du respect par les employeurs et les travailleurs indépendants en matière de cotisations de sécurité sociale.

-il en résulte que, depuis le 1er janvier 2005, les inspecteurs du recouvrement des urssaf chargés du contrôle des contributions pharmaceutiques ne sont plus titulaires, pour cette activité spécifique, de l'agrément pourtant expressément prévu par les dispositions impératives de l'article l 243-7 susvisé ; la circonstance qu'ils seraient titulaires de l'agrément prévu à la première phrase de l'article 1er de l'un des arrêtés de 2003 ou 2008 leur permettant de contrôler les obligations imposées aux assujettis en leur qualité d'employeur est à cet égard sans influence. Quant aux agréments délivrés antérieurement au 31 décembre 2004 sur le fondement de la seconde phrase de l'article 1 er de l'arrêté de 2003, ils sont devenus caducs au 31 décembre 2004 en tant qu'ils concernent les contributions pharmaceutiques, dès lors qu'à cette date l'ACOSS a cessé de percevoir les contributions pour lesquelles cet agrément avait été délivré. Il en résulte que, depuis le 1er janvier 2005, les agents de contrôle URSSAF chargés du contrôle des contributions pharmaceutiques méconnaissent les dispositions impératives de l'article L 243-7 en matière d'agrément.

-la loi prévoit, outre un agrément, une assermentation devant intervenir avant la prise de fonction ; Mme [U], n'est pas en possession de la pièce justifiant du serment, déclarée à tort « personnelle » par l'Urssaf ; celle-ci n'établit pas que Mme [U] était, au moment du contrôle assermentée. En effet, le renouvellement d'agrément consenti à Mme [U] le 12 mars 1992 a été établi sur la base de l'article 6 de l'arrêté du 14 mai 1991 ; conformément à ce même article, l'agrément initial accordé à Mme [U] en 1986 est devenu caduc au 12 mars 1992, cependant que, en application de l'article L 243-9 dans sa rédaction applicable, le renouvellement de l'agrément exigeait de la part de Mme [U] le renouvellement de son serment ; c'est donc cette prestation de serment, survenue - si elle existe - au cours de l'année 1992, qui est pertinente pour le présent litige, au lieu et place de la prestation alléguée qui serait advenue en 1986. Or, l'Urssaf ignore tout de cette dernière prestation, si elle existe.

-la cour, si elle fait droit à ses conclusions principales rejettera comme infondée la demande reconventionnelle de l'Urssaf en restitution du principal, des majorations de retard acquittées et des frais irrépétibles dont le paiement avait été ordonné par la cour d'appel de Versailles le 05 octobre 2017

-concernant la demande reconventionnelle de l'intimée en condamnation à payer le reliquat des majorations de retard, cette demande est triplement irrecevable : soumise aux premiers juges, elle est atteinte par la péremption d'instance au titre de l'article 386 du code de procédure civile. Elle est également atteinte par la prescription, n'ayant pas été renouvelée ou confirmée dans le délai de prescription, la saisine de la cour de renvoi par l'Urssaf n'intervenant que le 23 juillet 2018. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par la partie adverse, la demande reconventionnelle, sur laquelle le premier juge n'a pas intégralement statué à ce jour, ne peut être soumise à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif et ce d'autant plus que, en supposant que l'appel initial fût total comme le prétend l'Urssaf, l'appelant a déclaré expressément en cours d'instance exclure la mesure d'instruction du champ de la saisine de la cour de renvoi ; si la demande reconventionnelle est expressément possible en appel , il ne peut y avoir appel que pour autant qu'il y a chose jugée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant du montant des majorations de retard, et ce alors que la mesure d'instruction ordonnée par le jugement du 15 juillet 2014 doit être considérée comme hors du champ de l'appel formé par le laboratoire.

L'Urssaf fait déposer et soutenir par son représentant des conclusions écrites « d'intimé n°5» qu'elle a oralement développées à l'audience, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-déclarer la société recevable mais mal fondée en son appel,

-prononcer la jonction des recours 18/08626 et 18/10238,

-lui donner acte de ce que la société renonce à faire poser une question préjudicielle devant le Conseil d'Etat,

-juger que l'inspecteur du recouvrement avait bien pouvoir de contrôler les contributions pharmaceutiques acquittées par le Laboratoire,

-juger que Mme [D] [U] née [R] était dûment habilitée (agrément et assermentation) pour procéder au contrôle litigieux,

- juger régulière la procédure de contrôle,

-confirmer le jugement déféré,

-condamner la société à lui restituer la somme de 8 650 898 euros (contributions redressées) à laquelle s'ajoutent 252 708 euros (de majorations de retard),

-en application de l'article 369 du Code de procédure civile, condamner la société à lui restituer les 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile auxquels elle avait été condamnée par la Cour d'Appel de Versailles,

-juger recevable et bien fondée sa demande reconventionnelle en paiement,

-y faisant droit et par l'effet dévolutif de l'appel, condamner la société au paiement des majorations de retard selon la demande reconventionnelle en paiement déposée devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nanterre pour la somme « reliquataire » de 1 358 852 euros,

-assortir les condamnations à l'intérêt au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause:

-condamner la société à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter la société du surplus de ses demandes.

L'Urssaf fait valoir en substance que :

-Mme [D] [U] était bien agréée et assermentée lors des opérations de contrôle litigieuses.

-depuis le 1er janvier 2005, les contributions pharmaceutiques sont recouvrées et contrôlées directement par les Urssaf, et non plus par l'Acoss.

-le raisonnement de la société, fondé sur une absence de modification de la rédaction des différents arrêtés ministériels, se referme sur lui-même en l'absence de conséquences juridiques. En effet, il n'existe pas différentes sortes d'agréments, et aucun agrément spécifique n'est nécessaire aux contrôles des taxes pharmaceutiques.

-avant 2005, l'ACOSS pouvait faire appel aux inspecteurs des Urssaf pour se faire assister dans ces contrôles, d'où l'existence et la raison d'être de la « 2eme phrase de l'arrêté » ; dorénavant les Urssaf désignées par l'ACOSS ont en charge l'intégralité des missions de contrôle et de recouvrement de ces cotisations et contributions, et celles-ci sont recouvrées et contrôlées selon les règles et sanctions des cotisations du régime général. Le renvoi de l'article L.138-20 à l'article L.243-7 est amplement suffisant à fonder la capacité de l'ensemble du corps de contrôle de l'Urssaf à vérifier la législation relative aux contributions du secteur pharmaceutique ; les agents de l'Urssaf assermentés et agréés pour le contrôle des règles applicables aux cotisations du régime général assises sur les rémunérations sont assermentés et agréés pour le contrôle de l'application par les entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques des législations de sécurité sociale, sans qu'un nouveau serment ou agrément quelconque ne soit nécessaire.

-la première date d'assermentation de Mme [U] était du 23 avril 1986 devant le Tribunal d'instance de Montreuil; le dernier agrément donné à Mme [U] l'a été en date du 12 mars 1992 et la carte d'identité professionnelle de l'agent montre que sa dernière date d'assermentation est du 26 mars 2004.

-par virement en date du 20 novembre 2009, la société a réglé la somme de 8 650 901 € et s'est également acquittée, le 24 juillet 2012, d'une somme de 252 708 € de majorations de retard afférente à l'année 2008 ; en revanche, selon la décision des premiers juges, la société a protesté contre le calcul des majorations de retard pour les années 2006 et 2007 incluses dans le périmètre du contrôle pour respectivement 1 611 560 € et ne s'est pas acquittée de cette dernière somme. L'Urssaf s'est donc portée demanderesse reconventionnelle en paiement de ce montant.

-ayant succombé en ses prétentions devant la Cour d'Appel de Versailles (arrêt du 05 octobre 2017 précité), elle a dû, en application des articles L111-11 du Code des procédures civiles d'exécution et 1009-1 du Code de procédure civile, restituer à la société les 8 650898 € de contributions ainsi que les 252 708 € de majorations de retard acquittées, outre les intérêts de retard et l'indemnité de procédure de 3000 € ; suite à l'arrêt de cassation, elle est bien fondée à solliciter de la cour d'appel de renvoi, la restitution des sommes qu'elle a dû acquitter à titre conservatoire pour rendre son pourvoi recevable ; l'obligation de restituer est nécessairement comprise dans la cassation, sans qu'il soit nécessaire d'attendre la décision de la juridiction de renvoi.

-concernant les autres majorations de retard contestées et non réglées par la société, le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour que l'Urssaf explicite son calcul ; compte tenu de l'appel de la société, l'audience de réouverture des débats s'est trouvée sans objet.

-elle sollicite donc, au titre de l'effet dévolutif de l'appel le paiement du reliquat des majorations de retard non initialement acquittées, et justifie par ses écritures du montant de celui-ci (1 611 560 ' 252 708 = 1 358 852 euros), étant précisé que l'intégralité du jugement a été déféré à la censure de la cour d'appel de Versailles.

-la mise en demeure constitue le lien évident entre le reliquat de majorations de retard et la demande reconventionnelle en paiement ; la mise en demeure est toujours dans le présent débat et elle n'a pas renoncé au bénéfice de celle-ci; le sursis à statuer prononcé par le tribunal n'a concerné que le calcul des majorations de retard et non leur fondement juridique dont la cour reste saisie.

-aucune diligence n'a été mise à sa charge à l'audience du 20 octobre 2014.

-de plus, par l'effet des différentes procédures menées par la société et par l'Urssaf, la prescription a été suspendue.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 08 septembre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE, LA COUR

La cour a déjà procédé le 26 novembre 2020 à la jonction par mention au dossier de l'instance enrôlée en appel sous le n°RG 18/10238 à celle enrôlée en appel sous le n°RG 18/08626.

Pour s'opposer aux demandes de l'Urssaf, la société fait désormais valoir que :

-les opérations de contrôle opérées en 2009, ayant conduit au redressement notifié par lettre d'observations du 14 septembre 2009, sont nulles pour défaut d'agrément et/ou d'assermentation de l'agent de contrôle, nullité entraînant celle de toute la procédure ultérieure et privant de fondement toutes les demandes de l'Urssaf ;

-la demande reconventionnelle de l'Urssaf à hauteur de 1 358 852 euros réclamés au titre des majorations de retard est irrecevable.

Sur moyen tiré du défaut d'agrément et/ou d'assermentation de l'agent de contrôle et ses conséquences

L'article L 138-20 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 20 décembre 2005 au 01 janvier 2015, dispose : « Les contributions instituées aux articles L. 137-6, L. 138-1, L. 138-10, L. 245-1, L. 245-5-1 et L. 245-6 sont recouvrées et contrôlées, selon les règles et sous les sanctions et garanties applicables au recouvrement des cotisations du régime général assises sur les rémunérations, par des organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Les agents chargés du contrôle sont habilités à recueillir auprès des assujettis tous les renseignements de nature à permettre le contrôle de l'assiette et du champ d'application des contributions. »

L'article L 138-20 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur jusqu'au 20 décembre 2005 disposait que « La contribution instituée à l'article L. 137-6 est recouvrée et contrôlée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 225-1-1. L'agence peut recueillir l'assistance des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et des caisses générales de sécurité sociale des départements d'outre-mer, notamment par la mise à disposition d'agents de ces organismes, chargés du contrôle.

Les agents chargés du contrôle sont habilités à recueillir auprès des assujettis tous les renseignements de nature à permettre le contrôle de l'assiette et du champ d'application des contributions. »

Selon l'article R 138-21 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 10 avril 2005, « Les règles, sanctions et garanties prévues pour le recouvrement des cotisations du régime général assises sur les rémunérations sont applicables au recouvrement et au contrôle des contributions mentionnées à l'article L. 138-20, sous réserve des dispositions des articles R. 138-22 à R. 138-24. »

Il résulte de l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2006 au 22 décembre 2010, que :

« Le contrôle de l'application des dispositions du présent code par les employeurs, personnes privées ou publiques, et par les travailleurs indépendants est confié aux organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général. Les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Ces agents ont qualité pour dresser en cas d'infraction auxdites dispositions des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Les unions de recouvrement les transmettent, aux fins de poursuites, au procureur de la République s'il s'agit d'infractions pénalement sanctionnées. (...) »

L'arrêté du 19 décembre 2003 « fixant les conditions d'agrément des agents chargés, au sein des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et des caisses générales de sécurité sociale, du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail » dispose en son article 1 , que : « Le présent arrêté est applicable aux agents des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) visés à l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, chargés du contrôle de l'application par les employeurs et travailleurs indépendants des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail, notamment celles relatives à la recherche et la constatation des infractions de travail dissimulé mentionnées à son article L. 324-9. Il s'applique également à ces mêmes agents lorsqu'ils sont chargés du contrôle de l'application de la législation relative aux cotisations et contributions recouvrées directement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), en application des dispositions de l'article L. 138-20 et du 3° de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale. »

L'arrêté du 9 septembre 2008 « fixant les conditions d'agrément des agents chargés, au sein des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, des caisses générales de sécurité sociale et de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail » dispose en son article 1 : « Le présent arrêté est applicable aux agents des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) et de la caisse de sécurité sociale de Mayotte visés à l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, chargés du contrôle de l'application par les employeurs et travailleurs indépendants des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail, notamment celles relatives à la recherche et la constatation des infractions de travail dissimulé mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2. Il s'applique également à ces mêmes agents lorsqu'ils sont chargés du contrôle de l'application de la législation relative aux cotisations et contributions recouvrées directement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), en application des dispositions du 3° de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale.

Il s'applique également aux contrôleurs du recouvrement pour l'ensemble des missions susénoncées, dans le cadre du contrôle sur pièces, à l'exclusion des missions relatives à la recherche et à la constatation des infractions de travail dissimulé. »

En l'espèce le contrôle réalisé par l'Urssaf porte sur des contributions visées à l'article L 138-20 du code de la sécurité sociale. Ce contrôle est donc soumis aux règles, sanctions et garanties applicables au recouvrement des cotisations du régime général. Les agents chargés du contrôle doivent en conséquence être notamment assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, ledit arrêté fixant les conditions d'agrément des agents chargés, au sein des Urssaf du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale.

Contrairement a ce qu'avance la société, il ne résulte pas des dispositions de l'arrêté du 9 septembre 2008, et notamment de son article 1er, applicables lors du contrôle, qu'elles soient prises en elles-mêmes ou par comparaison avec celles du précédent arrêté traitant de la matière, à savoir l'arrêté du 19 décembre 2003, que les agents chargés du contrôle des contributions pharmaceutiques, et notamment les inspecteurs du recouvrement des Urssaf, devaient disposer d'un agrément spécifique pour ce type de contrôle, et ce que ce soit pour la période où ils intervenaient pour le compte de l'ACOSS, ou pour celle où ils agissaient directement pour le compte de leur Urssaf.

Ils devaient simplement être titulaire de l'agrément nécessaire au contrôle de l'application des législations de sécurité sociale.

Plus particulièrement, l'article 1er de chacun des arrêtés de 2003 et de 2008 fixant les conditions d'agrément (au singulier) des agents énumère ceux soumis à agrément, sans instituer pour autant différents types d'agréments.

L'agent ou l'inspecteur du recouvrement chargé du contrôle des contributions pharmaceutiques, devait simplement lors de celui-ci être titulaire de l'agrément, accordé (en application de l'article 4 de l'un et l'autre des arrêtés de 2003 et de 2008) par le directeur de l'ACOSS, que ce soit pour la période où il intervenait pour le compte de l'ACOSS, ou pour celle où il agissait directement pour le compte de son Urssaf.

L'Urssaf établit par ses pièces n° 4 (liste des inspecteurs du recouvrement ayant reçu l'agrément publié au BO n°2004-24 du 16 juin 2004, notamment page 28) et n° 9 (photocopie de la carte d'identité professionnelle d'inspecteur du recouvrement de Mme [R] épouse [U]) que Mme [R], épouse [U], inspecteur du recouvrement ayant procédé en 2009 au contrôle des contributions pharmaceutiques contesté a été agréée (renouvellement) à effet du 1er janvier 2004.

Cet agrément n'est nullement devenu caduque au 31 décembre 2004, à l'occasion du transfert du recouvrement et du contrôle des contributions pharmaceutiques de l'ACOSS à l' Urssaf.

Mme [R], épouse [U], inspecteur du recouvrement à l'Urssaf Paris-Région Parisienne, aux droits de laquelle vient l'Urssaf Ile de France, était donc titulaire lors du contrôle en cause de l'agrément visé à l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale « Avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission. Toute violation de serment est punie des peines fixées par l'article 226-13 du code pénal. »

Les conditions d'assermentation sont distinctes de celles qui régissent l'agrément des agents chargés du contrôle ( 2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.808 et pourvoi n° 19-12.572), en sorte que la seule décision prise par le directeur de l'ACOSS d'agréer un agent en qualité d'inspecteur de recouvrement ne peut suffire à retenir que nécessairement le même agent a prêté serment avant d'entrer en fonction.

En l'espèce, l'Urssaf justifie par la production de la photocopie de la carte d'identité professionnelle de Mme [R] épouse [U] (pièce n°9 des productions de l'Urssaf) qu'elle était également régulièrement assermentée lors du contrôle ; ladite carte mentionne en effet une date d'assermentation du 26 mars 2004.

L'Urssaf rapporte donc la preuve que l'inspecteur était régulièrement assermentée lors des opérations de contrôle, sans qu'il y ait lieu d'exiger la production au dossier du procès-verbal de prestation de serment.

Mme [R], épouse [U], inspecteur du recouvrement était donc régulièrement agréée et assermentée lors du contrôle en cause.

Aucune nullité des opérations de contrôle et des actes postérieurs qui en sont la conséquence n'est donc encourue de ce chef.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a :

-ordonné la jonction des instances,

-débouté la société de ses demandes,

-confirmé la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2011 ayant validé le redressement.

Sur la demande de l'Urssaf en restitution des sommes acquittées à titre conservatoire

Il est constant que suite à la mise en demeure du 30 novembre 2009, la société s'est acquittée du principal d'un montant de 8 650 901 euros, puis d'une somme de 252 708 euros au titre de majorations de retard afférentes à 2008 ; en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 05 octobre 2017, l'Urssaf a reversé ces sommes pour assurer la recevabilité de son pourvoi, et a en outre versé à la société la somme de 3 000 euros de frais irrépétibles.

L'Urssaf sollicite la condamnation de la société à lui restituer ces sommes suite à la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles.

Il convient de condamner la société à restituer à l'Urssaf l'intégralité des sommes payées par elle à la société en application de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, qui a fait l'objet de la cassation, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision.

Sur la demande reconventionnelle de l'Urssaf en paiement du reliquat des majorations de retard

L'Urssaf avait notamment sollicité du tribunal à titre reconventionnel la condamnation de la société à lui payer la somme de 1 611 560 euros au titre des majorations de retard de la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments pour les exigibilités 2006, 2007 et 2008.

Le tribunal, par le jugement déféré a ordonné la réouverture des débats aux fins que les parties s 'expliquent sur le montant des majorations de retard dues au titre des années 2005 à 2008 et renvoyé à l'audience du 20 octobre 2014.

La société a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Versailles ; aucune des productions n'établit que cet appel était limité. Au surplus, si la société avance « avoir déclaré expressément en cours d'instance exclure la mesure d'instruction du champ de la saisine de la cour de renvoi », aucune des pièces et productions ne l'établit, le champs de saisine de la présente cour résultant de l'acte d'appel qui seul opère dévolution et de l'arrêt de cassation, étant précisé que :

-dans sa déclaration de saisine de la présente cour du 20 juillet 2018, reçue au greffe le 23 juillet 2018, l'Urssaf sollicitait notamment le paiement des contributions et majorations de retard,

-dans sa déclaration de saisine de la présente cour du 03 août 2018, la société déclarait saisir celle-ci « du litige susvisé » sans plus de restriction.

Enfin, l'Urssaf avance que compte tenu de l'appel de la société, l'audience de réouverture des débats devant le tribunal du 20 octobre 2014 s'est trouvée sans objet. La société avance que l'affaire a été radiée du rôle du tribunal à cette date, sans toutefois en justifier par ses productions, une telle radiation ne résultant plus généralement d'aucune des productions.

En premier lieu la société avance que l'Urssaf ne peut se prévaloir utilement de la demande soumise aux premiers juges, laquelle est atteinte par la péremption d'instance.

Il résulte des dispositions de l'article R.142-22 du code de la sécurité sociale en vigueur jusqu'au 01er janvier 2019, que "l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction."

En l'espèce, il ne résulte pas des productions qu'une diligence ait expressément été demandée aux parties par la juridiction, et il ne peut donc pas y avoir eu péremption d'instance à cet égard.

Il résulte des dispositions du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l'article R.142-22 du Code de la sécurité sociale, que l'article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale à partir du 1er janvier 2019 tant aux instances d'appel initiées à partir de cette date qu'à celles en cours à cette date.

Lorsque la procédure est orale, les parties n'ont pas, au regard de l'article 386 du code de procédure civile, d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire (Civ. 2, 17 novembre 1993; n°92 -12807; 6 décembre 2018; n°17-26202).

La convocation de l'adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l'accélérer. (Civ. 2, 15 novembre 2012; n° 11- 25499)

Suite aux déclarations de saisine, les parties ont été convoquées par le greffe le 24 janvier 2019 pour l'audience du 02 avril 2020, puis le 19 septembre 2019 pour celle du 26 novembre 2020 ; l'Urssaf a déposé pour cette audience du 26 novembre 2020 des « conclusions en réplique n°1 », diligence de nature à faire progresser l'affaire manifestant la volonté de poursuivre l'instance . Dans ces conditions, l'affaire ayant été plaidée le 08 septembre 2022, le moyen tiré de la péremption d'instance ne saurait prospérer.

En second lieu, la société fait valoir que la demande reconventionnelle soumise à la cour de renvoi est atteinte par la prescription, acquise au 31 décembre 2017.

La demande reconventionnelle de l'Urssaf du 30 décembre 2011 en condamnation de la société à lui payer la somme de 1 611 560 euros au titre des majorations de retard (pièce n°5 de l'Urssaf) a , en application des articles 2241 et 2242 du code civil, interrompu la prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, cette dernière étant toujours en cours après l'appel total (comme étant non limité) de la société du jugement déféré , puis le renvoi de cassation devant la présente cour.

Le moyen tiré de la prescription de la demande reconventionnelle ne saurait prospérer.

En troisième lieu, la société fait valoir que la cour ne peut pas être saisie de la demande reconventionnelle dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le tribunal n'ayant pas statué sur l'entièreté de la demande reconventionnelle, à savoir sur le montant des majorations de retard qui est hors du champ de l'appel.

Selon l'article 561 du code de procédure civile applicable, "L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code. »

La demande reconventionnelle de l'Urssaf en paiement du reliquat des majorations de retard n'est pas nouvelle en appel puisqu'elle a été présentée le 30 décembre 2011 au tribunal, lequel par le jugement déféré a débouté la société de ses demandes ( en décharge des rappels de droits redressés, et en contestation du principe des majorations de retard); le tribunal a donc reconnu le bien fondé des majorations de retard dues au titre des années 2005 à 2008 en son principe, mais a ordonné la réouverture des débats sur leur montant.

La société a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Versailles ; aucune des productions n'établissant que cet appel, effectué dans le cadre d'une procédure orale, était limité, cet appel était donc général, portant donc tant sur ce qui a été tranché au fond par le tribunal que sur la mesure d'instruction par réouverture des débats portant sur la détermination du quantum des majorations de retard, étant précisé que seul l'acte d'appel opère dévolution et fixe l'étendue de celle-ci.

La présente cour est donc amenée à statuer sur l'appel général d'un jugement mixte ayant pour partie jugé au fond et pour partie ordonné une mesure d'instruction, en l'espèce par réouverture des débats sur le montant des majorations de retard. Elle est donc saisie de l'entier litige de telle sorte que la fin de non-recevoir tirée par la société de l'absence d'effet dévolutif de l'appel au regard du montant des majorations de retard ne peut prospérer.

L'Urssaf explicite devant la cour dans ses écritures le détail du calcul du montant des majorations dont elle demande le paiement. Il apparait cependant que la société, qui n'a développé que des moyens d'irrecevabilité au regard d'une telle demande, n'a pas été mise à même de faire valoir des observations sur un tel montant.

Il convient en conséquence, à l'effet de respecter le principe de la contradiction, d'ordonner dans les conditions fixées comme suit au dispositif la réouverture des débats sur ce point, pour permettre à la société de faire valoir ses observations sur le montant des majorations de retard sollicitées par l'Urssaf, et à cette dernière de préciser si elle entend ou non en conséquence de sa demande reconventionnelle en paiement des majorations de retard sollliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné une mesure d'instruction sur le montant de celles-ci et voir la cour statuer sur le fondement de l'article 568 du code de procédure civile.

Les dépens et frais irrépétibles seront dans l'attente réservés

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2018 ;

DECLARE la société Lilly France recevable en son appel ;

RAPPELLE que l'instance enrôlée sous le n°RG 18/10238 a été jointe le 26 novembre 2020 à celle enrôlée sous le n°RG 18/08626;

DONNE ACTE à la société Lilly France de ce qu'elle renonce à la demande de renvoi préjudiciel initialement sollicitée ;

JUGE que Mme [D] [U] née [R] était dûment agréée et assermentée pour procéder au contrôle des contributions pharmaceutiques litigieux ;

JUGE en conséquence régulière la procédure de contrôle ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la jonction des instances, débouté la société Lilly France de ses demandes, confirmé la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2011 ayant validé le redressement.

CONDAMNE la société Lilly France à restituer à l'Urssaf Ile de France la somme de 8 650 898 euros (contributions redressées) outre 252 708 euros de majorations de retard ;

CONDAMNE la société Lilly France à restituer à l'Urssaf Ile de France la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile auxquels elle avait été condamnée par la Cour d'Appel de Versailles;

REJETTE la fin de non recevoir opposée par la société Lilly France à la demande reconventionnelle de l'Urssaf Ile de France portant sur la somme de 1 358 852 euros de majorations de retard tirée de la péremption d'instance;

REJETTE la fin de non recevoir opposée par la société Lilly France à la demande reconventionnelle de l'Urssaf Ile de France portant sur la somme de 1 358 852 euros de majorations de retard tirée de la prescription;

REJETTE la fin de non recevoir opposée par la société Lilly France à la demande reconventionnelle de l'Urssaf Ile de France portant sur la somme de 1 358 852 euros de majorations de retard tirée de l'absence d'effet dévolutif;

DECLARE recevable la demande reconventionnelle de l'Urssaf Ile de France portant sur la somme de 1 358 852 euros de majorations de retard;

AVANT DIRE DROIT au fond sur le mérite de la demande reconventionnelle de l'Urssaf Ile de France portant sur la somme "reliquataire" de 1 358 852 euros de majorations de retard:

ORDONNE la réouverture des débats à l'effet de permettre à la société Lilly France de faire valoir ses observations sur le montant des majorations de retard sollicitées par l'Urssaf, et à cette dernière de préciser si elle entend ou non en conséquence de sa demande reconventionnelle en paiement des majorations de retard sollliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné une mesure d'instruction sur le montant de celles-ci et voir la cour statuer sur le fondement de l'article 568 du code de procédure civile;

DIT que la société Lilly France devra conclure avant le 15 février 2023 ;

DIT que l'Urssaf Ile de France devra conclure avant le 30 mai 2023 ;

RENVOIE à cet effet l'affaire à l'audience de la chambre 6-12 en date du :

Jeudi 29 juin 2023 à 13h30

en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage,

DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation d'avoir à comparaître ou s'y faire représenter.

RESERVE les dépens et les frais irrépétibles.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/08626
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;18.08626 ?
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