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04/11/2022 | FRANCE | N°18/02027

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 04 novembre 2022, 18/02027


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 04 Novembre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02027 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5AJO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny RG n° 15-02220





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SA INT DENIS


[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIME

Monsieur [R] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Ali...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 04 Novembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02027 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5AJO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny RG n° 15-02220

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SA INT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIME

Monsieur [R] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374 substituée par Me Anthony STEINITZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté le 29 janvier 2018 par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 28 novembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à M. [R] [K].

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que, le 27 mai 2011, M. [R] [K], salarié de la société [5] en tant que chef de quai, a déposé auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis une déclaration de maladie professionnelle à laquelle était joint un certificat médical initial du même jour mentionnant une 'surdité de perception bilatérale suite à l'exposition chronique intense aux bruits d'avion, devra être appareillé début juin' ; qu'un certificat était encore établi pour le patient certifiant que l'état de santé de M. [K] justifiait une reconnaissance comme maladie professionnelle du tableau n°42.

Le 30 avril 2012, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a notifié à M. [K] un refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle au motif que les conditions réglementaires du tableau n°42 n'étaient pas remplies, le délai de trois jours de non exposition n'étant pas respecté.

M [K] a formé un recours devant la commission de recours amiable de la caisse, laquelle a, le 5 septembre 2012, confirmé la décision de refus de prise en charge.

Le 27 septembre 2012, M. [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, contestant la décision de refus de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.

Par jugement du 30 mars 2017, ce tribunal, constatant que les conditions réglementaires pour la reconnaissance de la maladie professionnelle du tableau n°42 n'étaient pas réunies mais qu'il était possible que l'incapacité permanente de M. [K] était d'au moins 25% et que sa pathologie puisse être reconnue comme en lien direct avec son travail, a enjoint à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) aux fins qu'il puisse donner son avis motivé sur les caractéristiques de l'affection déclarée par M. [K] au regard des éléments constitutifs tels que prévus par le tableau n°42 des maladies professionnelles, le lien essentiel et direct qu'elle présente avec le travail habituel de M. [K] et le taux d'incapacité permanente de M. [K].

Le CRRMP d'Ile-de-France a refusé de donner son avis, considérant ne pas avoir été désigné dans les conditions prévues aux alinéas 3 et 4 de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale.

Par jugement du 28 novembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a :

- déclaré que la maladie dont est affecté M. [K], à savoir une hypoacousie bilatérale, déclarée le 27 mai 2011, est d'origine professionnelle et doit être prise en charge au titre du tableau n°42 conformément à la législation sur les maladies professionnelles,

- renvoyé le dossier de M. [K] à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis pour mise en oeuvre de cette prise en charge,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Ce jugement a été notifié le 28 décembre 2017 à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, laquelle a, par déclaration du 29 janvier 2018 (le 28 janvier 2018 étant un jour chômé), formé un appel total contre cette décision.

A l'audience du 19 septembre 2022, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, représentée par son conseil, sollicite oralement de voir déclarer M. [K] irrecevable en sa demande en reconnaissance de maladie professionnelle, au motif que, dès le 30 septembre 2008, il était informé du lien plobable entre sa pathologie et son travail, au regard d'un certificat médical antérieur du 30 septembre 2008, de sorte qu'il se devait de saisir la caisse avant le 30 septembre 2010, par application des articles L.431-2 et L.461-1 du code de la sécurité sociale et qu'en procédant à sa déclaration de maladie professionnelle le 27 mai 2011, M. [K] se trouvait prescrit en sa demande.

A titre subsidiaire, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis soutient oralement les conclusions écrites déposées à l'audience aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de débouter M. [K] de ses prétentions.

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis fait valoir, au soutien de ses demandes, que M. [K] ne remplissait pas les conditions du tableau n°42 à une date contemporaine de la déclaration de maladie professionnelle, de sorte qu'aucune prise en charge ne pouvait intervenir. Elle indique qu'en toute hypothèse, le tribunal aurait dû ordonner une nouvelle instruction du dossier.

Le conseil de M. [K] sollicite, en premier lieu, de voir rejeter la fin de non-recevoir opposée par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, au motif que le certificat médical du 30 septembre 2008 du médecin du travail au médecin traitant ne comportait aucune considération d'ordre médical de nature à faire le lien entre la pathologie et le travail de M. [K].

Sur le fond, aux termes des conclusions déposées et développées par son conseil, M. [K] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'hypoacousie dont il est atteint est une maladie professionnelle au sens du tableau n°42 et en ce qu'il a prononcé l'exécution provisoire. Il réclame la condamnation de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [K] fait essentiellement valoir qu'il remplit l'ensemble des conditions requises par le tableau n°42, que le seul point litigieux portant sur le respect du délai de trois jours pour effectuer un examen d'audiométrie, qui avait fondé le refus de prise en charge au titre de la maladie professionnelle, ne pose plus de difficulté, M. [K] ayant effectué une nouvelle audiométrie le 16 janvier 2017 dans des conditions conformes au tableau.

Il est fait référence aux écritures déposées par les parties lors de l'audience du 19 septembre 2022 pour plus ample exposé des moyens développés.

SUR CE :

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application combinée des articles L.431-2 et L.461-1 du code de la sécurité sociale, les droits de la victime aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent, concernant les maladies professionnelles, par deux ans à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Le point de départ de la prescription ne peut courir à compter de l'établissement d'un certificat médical faisant état des troubles ressentis et de la relation faite, par la victime elle-même, avec son activité professionnelle, mais à compter, notamment, de la date à laquelle la victime est informée du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle par un certificat portant un avis médical sur l'ensemble de ces éléments (civ. 2ème, 19 septembre 2013, n°12-21.907).

Or, en l'espèce, le courrier du médecin du travail au médecin traitant de M. [K] du 30 septembre 2008 évoqué par la caisse ne fait que reproduire le souhait de M. [K] d'effectuer une déclaration de maladie professionnelle, et ne comporte aucun avis médical de nature à établir un lien possible entre les lésions invoquées et une maladie professionnelle.

Par conséquent, la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ne faisant état d'aucun avis médical antérieur au 27 mai 2009 pouvant évoquer un tel lien, sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de M. [K] sera rejetée.

Sur la reconnaissance de la maladie professionnelle :

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Concernant le tableau n°42 des maladies professionnelles, dans sa partie 'Désignation des maladies', le tableau désigne une hypoacousie de perception par lésion cochléaire irreversible, accompagnée ou non d'acouphènes, caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.

Il prévoit que le diagnostic de cette hypoacousie est établi par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes et, en cas de non-concordance, par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel, ces examens devant être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.

Le tableau mentionne que cette audiométrie diagnostique doit être réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 300, 1.000, 2.000 et 4.000 Hertz.

En l'espèce, l'audiométrie diagnostique, transmise à la caisse pour l'instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, a été réalisée le 7 octobre 2011. Il ne saurait être tenu compte de l'audiométrie de 2017 qui n'est pas contemporaine de la de déclaration de maladie professionnelle.

Il n'est pas contesté que M. [K] a travaillé les 2,3,5 et 6 octobre 2011, de sorte que l'audiogramme servant de fondement à la demande n'a pas été réalisé après une cessation d'exposition au bruit lésionnel pendant au moins trois jours.

Il s'ensuit que c'est à bon droit, en raison de l'absence de respect des conditions tenant à l'établissement du diagnostic de la pathologie visée par le tableau n°42, que la caisse a opposé un refus de prise en charge au titre de la maladie professionnelle.

Par suite, le jugement sera infirmé de ce chef et il convient de débouter M. [K] de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

DECLARE M. [R] [K] recevable en sa demande ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE M. [R] [K] de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ;

CONDAMNE M. [R] [K] aux dépens d'appel.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/02027
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;18.02027 ?
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