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03/11/2022 | FRANCE | N°22/06167

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 03 novembre 2022, 22/06167


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06167 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQ7F



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Janvier 2022 -Juge des contentieux de la protection de Paris - RG n° 12-21-2997





APPELANTE



Mme [R] [H]



[Adresse 4]

[

Localité 5]



Représentée par Me Claire PERNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0036



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004964 du 11/03/2022 accordée par le b...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06167 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQ7F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Janvier 2022 -Juge des contentieux de la protection de Paris - RG n° 12-21-2997

APPELANTE

Mme [R] [H]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Claire PERNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0036

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004964 du 11/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Mme [G] [F]

[Adresse 3]

[Localité 6]

M. [M] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentés et assistés par Me Katia CHASSANG de la SELARL CHASSANG & STILINOVIC ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0255

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé à effet au 1er juillet 2009, Mme [F] a loué à Mme [R] [K] [H] un appartement situé [Adresse 4] dans le 16ème arrondissement.

M. [Z] bénéficie de la nue-propriété de ce bien depuis un acte de donation partage du 12 novembre 2010.

Par exploit du 14 décembre 2020, Mme [F] et M. [Z] ont fait délivrer à Mme [H] un congé pour reprise personnelle à effet au 30 juin 2021.

Par exploit du 8 novembre 2021 Mme [F] et M. [Z] ont fait assigner Mme [H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment que soit constatée la validité du congé délivré et que soit ordonnée son expulsion.

Par ordonnance contradictoire du 11 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :

- renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent et par provision ;

- rejeté les contestations formées par Mme [H] ;

- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes reconventionnelles de Mme [H] ;

- constaté que Mme [H] est déchue de tout titre d'occupation des lieux situés [Adresse 4] dans le 16ème arrondissement de Paris depuis le 1er juillet 2021 à minuit ;

- débouté Mme [H] de sa demande de délais pour quitter les lieux ;

- ordonné l'expulsion de Mme [H] ainsi que de tous occupants de son chef hors les lieux situés au [Adresse 4] dans le 16ème arrondissement avec si besoin le concours de la force publique et celui d'un serrurier, deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux ;

- rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L.433-l et suivants et R.433-l et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné Mme [H] à payer à Mme [F] et M. [Z] une indemnité d'occupation provisionnelle du montant du loyer antérieur, charges en sus, due à compter du 1er juillet 2021 jusqu'à la libération complète des lieux ;

- rejeté pour le surplus ;

- condamné Mme [H] à payer à Mme [F] et M. [Z] la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [H] au paiement des dépens qui comprendront le coût du congé ;

- rappelé que la présente décision bénéfice de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 mars 2022, Mme [R] [H] a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision, sauf en ce qu'elle a rappelé que la décision bénéficiait de l'exécution provisoire de plein droit.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 juin 2022 Mme [H] demande de :

- la recevoir en ses fins, dires et conclusions ;

- l'y déclarer bien fondée ;

En conséquence,

- débouter Mme [F] et M. [Z] de leur demande de voir déclarer irrecevable l'appel régularisé ;

- la déclarer recevable en son appel ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent et par provision ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté ses contestations ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des ses demandes reconventionnelles ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a constaté qu'elle est déchue de tout titre d'occupation des lieux situés [Adresse 4]), à [Localité 5] ème depuis le 1er juillet 2021 à minuit ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de délais pour quitter les lieux ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a ordonné son expulsion ainsi que de tous occupants de son chef hors les lieux situés au [Adresse 4] avec si besoin le concours de la force publique et celui d'un serrurier, deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a condamné à payer à Mme [F] et M. [Z] la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a condamné au paiement des dépens qui comprendront le coût du congé ;

Et statuant à nouveau,

- débouter Mme [F] et M. [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- dire et juger nul et de nul effet le congé délivré par Mme [F] et M. [Z] le 14 décembre 2020 ;

- constater que son bail est reconduit depuis le 1er juillet 2021 ;

- condamner in solidum Mme [F] et M. [Z] à lui verser à la somme de 8.680 euros au titre du manquement à leur obligation de délivrance d'un logement décent ;

- suspendre l'exigibilité des loyers à venir dans l'attente de la réalisation des travaux de remise en état de l'appartement ;

A titre subsidiaire,

- lui accorder un délai d'un an pour quitter les lieux ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [F] et M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Madame [H] soutient en substance que :

- l'ordonnance entreprise a été signifiée le 2 février 2022, la demande d'aide juridictionnelle a été déposée le 11 février, soit dans le délai de 15 jours,

- la décision du bureau d'aide juridictionnelle est en date du 11 mars 2022, avec désignation de son avocat le 15 mars 2022, l'appel ayant été interjeté le 23 mars 2022,

- l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 impose au bailleur de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise pour permettre au juge, en cas de contestation de vérifier la réalité de la situation,

- à compter de 2015 et notamment du sinistre survenu au mois de mai 2016, de nombreux désordres sont apparus dans l'appartement,

- en dépit des manquements du bailleur, elle s'est toujours acquittée du montant des loyers échus à l'exception d'une échéance au mois de mai 2021,

- depuis la survenance de ces désordres, les relations entre bailleurs et locataire se sont fragilisées et à compter de la délivrance du congé, M. [Z] n'a cessé de la relancer pour visiter l'appartement, par des mises en demeure, sms, appels, courriels incessants, au point qu'elle a déposé une main courante auprès du commissariat du 16ème,

- il n'est donc pas exclu que le congé de reprise soit une occasion de se défaire de tout lien contractuel avec elle et elle peut douter légitimement de la réalité du motif,

- dans ces conditions et à défaut pour le bailleur de justifier la réalité du congé donné, celui-ci sera déclaré nul et de nul effet,

- le congé, comme l'assignation ont été délivrés aux noms de Mme [F] mais aussi de M. [Z], qui n'est pas partie au contrat de bail du 1er juillet 2009,

-c'est à tort que le juge des contentieux de la protection l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles, à savoir, de la suspension de l'exigibilité des loyers dans l'attente de la réalisation de travaux de remise en état et d'autre part, la condamnation in solidum Mme [F] et M. [Z] à lui verser la somme de 8.680 euros au titre de leur manquement à leur obligation de délivrer un logement décent,

- l'appartement qui lui a été donné à bail ne répond pas au critère de décence posé par l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989,

- compte tenu du manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'un logement décent, il sera ordonné la réduction des loyers versés sur la période, évaluée à hauteur de 20% du montant des loyers versés, à savoir la somme mensuelle de 140 euros, soit 8.680 euros sur la période du 23 mai 2016 au 1er juillet 2021,

- à titre subsidiaire, c'est à tort que le juge des contentieux de la protection a rejeté sa demande de délais pour quitter les lieux car elle est locataire du bien depuis presque 13 ans,

- elle recherche activement un nouveau logement, mais ses démarches sont restées infructueuses, elle ne dispose pas d'amis ou de famille susceptibles de pouvoir l'héberger, même temporairement, et est donc bien fondée à solliciter un délai d'un an pour quitter les lieux.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 27 juin 2022, Mme [F] et M. [Z] demandent à la cour de :

- confirmer partiellement l'ordonnance rendue ;

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident ;

En conséquence,

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire n'avoir lieu à référé concernant ses demandes reconventionnelles au titre des loyers versés et des prétendus loyers à devoir ;

- constater que Mme [H] n'a pas quitté les lieux en dépit du congé pour reprise personnelle en date du 14 décembre 2020 ;

- constater que Mme [H] et tous occupants de son chef sont occupants sans droit ni titre des lieux loués situés au [Adresse 4] (bâtiment cour ' 3 ème étage gauche) ;

- ordonner l'expulsion de Mme [H] et tous occupants de son chef de l'appartement situé [Adresse 4] (bâtiment cour ' 3 ème étage), avec le recours éventuel à la force publique et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu'à la libération effective des lieux résultant de la remise des clés ;

- dire que la cour d'appel se réservera expressément le pouvoir de liquider l'astreinte conformément aux dispositions de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution ;

- les autoriser à séquestrer sur place ou en garde meubles, les biens mobiliers garnissant lesdits lieux et qui appartiennent à Mme [H] [Adresse 4] (bâtiment cour ' 3 ème étage gauche), à ses risques et frais exclusifs.

Mme [F] et M. [Z] soutiennent en substance que :

- compte tenu de la justification d'une décision d'aide juridictionnelle bénéficiant à Mme [H] et du respect des dispositions de l'article 43 de la loi du 28 décembre 2020, ils renoncent à soulever l'irrecevabilité de l'appel ;

- M. [Z] a qualité à agir dans la présente instance, contrairement à ce qu'affirme Mme [H] car en vertu de l'acte notarié du 12 novembre 2010, il dispose de la nue-propriété de l'appartement qu'elle occupe ;

- Mme [H] n'a pas contesté la validité du congé avant l'introduction de la présente instance, le 8 novembre 2021, alors que le congé avait été délivré le 14 décembre 2020 ;

- contrairement à ce qu'elle affirme, les demandeurs n'ont pas l'obligation de justifier de leurs intentions, alors qu'en tout état de cause, il est indiqué dans le congé qu'ils souhaitaient reprendre l'usage de leur bien immobilier pour y loger tous les deux ;

- contrairement à ce qu'affirme Mme [H], le congé n'a été nullement signifié en raison d'une mésentente préalable entre le bailleur et la locataire ;

- elle ne rapporte pas la preuve de ses allégations et procède par voie de simples affirmations ;

- depuis 2018 les échanges avec Mme [H] ont essentiellement eu pour objet des relances dues à l'absence de paiement à échéances des loyers et elles ont permis d'obtenir le règlement de ceux-ci ;

- cette absence de respect de ses obligations contractuelles a été actée par Mme [H] elle-même dans sa main courante déposée le 30 juin 2021, soit le jour où elle aurait dû quitter l'appartement ;

- à partir de janvier 2021 et à la demande de Mme [H], M. [Z] lui a transmis régulièrement par sms des annonces immobilières de location d'appartement similaires en termes de niveau de loyer et proches de son lieu de travail ;

- afin d'attester de sa bonne volonté et apporter son aide à Mme [H], M. [Z] lui a fourni une attestation au titre du bon règlement de ses loyers pour favoriser sa recherche d'une nouvelle location, quand bien même celle-ci n'avait pas toujours respecté ses engagements en termes de respect des échéances ;

- le congé ne pouvait donc pas être remis en cause par le juge, jugeant que Mme [H] était déchue de tout titre d'occupation des lieux et se sont donc bien fondés à solliciter la confirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point ;

- c'est à bon droit que le juge a ordonné l'expulsion de Mme [H] ;

- en raison du préjudice qu'ils ont subi du fait de l'absence de restitution des locaux en dépit du congé pour reprise personnelle et de l'occupation de leur bien sans droit ni titre par Mme [H], ils sont en droit de solliciter, à titre provisionnel, à compter du 30 juin 2021, une indemnité mensuelle d'occupation de 2.000 euros majorée des charges locatives et impôts et ce, jusqu'à restitution effective des lieux loués par Mme [H] ou par tous occupant de son chef ;

- c'est à tort que le juge a réduit l'indemnité d'occupation au montant du loyer antérieur, charges en sus, sans tenir compte du préjudice qu'ils ont subi ne pouvant récupérer leur bien pour l'occuper personnellement ;

- pour être fondée à solliciter des délais pour quitter les lieux, Mme [H], doit, d'une part, justifier de sa bonne foi et d'autre part, de l'absence de conditions normales pour le relogement ;

- l'origine des désordres relevant des parties communes, M. [Z] a été sollicité et a relancé le syndicat des copropriétaires, de sorte que Mme [H] ne saurait leur reprocher ses propres négligences dans le suivi du dossier auprès de son assureur et/ou du syndic ;

- les travaux de mise hors d'eau de la façade ont été réalisés par la copropriété depuis 2019 et les travaux de remise en état de l'appartement à la charge de l'assureur de Mme [H] ou de celui du syndic, n'ont toujours pas été réalisés par elle ;

- en tout état de cause, ces remises en état n'incombent pas au bailleur ;

- les demandes reconventionnelles de Mme [H] se heurtent à de nombreuses contestations sérieuses et ne relèvent nullement de la compétence du juge des référés, juge de l'évidence.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la qualité pour agir de M. [Z]

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Mme [H] soutient que M. [Z] qui n'a pas été partie au bail au moment de sa signature serait dépourvu de qualité à agir.

Cependant, il est constant que ce dernier a bénéficié d'une donation par acte notarié du 12 novembre 2010, lui conférant la qualité de nu-propriétaire de l'appartement qu'elle occupe.

M. [Z] dispose donc d'un intérêt légitime au succès de l'action introduite et de la qualité pour agir requise au sens de l'article 31 du code de procédure civile.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le fond du référé

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'alinéa 2 précise que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite ici visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ou, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. De telles mesures suspendent les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier.

Selon l'article 24-V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation à l'article 1343-5 alinéa 1er du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

En l'espèce, il y a lieu de relever que :

- par acte délivré le 14 décembre 2020, Mme [F] et M. [Z] ont fait délivrer un congé motivé sur une reprise à leur profit, à effet du 30 juin 2021 ;

- le juge des référés, juge du provisoire et de l'évidence, ne dispose pas du pouvoir de "valider" ou d' "annuler" un congé délivré par un bailleur, une telle décision, par son caractère définitif, relevant de l'appréciation des juges du fond ; que, si les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, modifiées par la loi du 24 mars 2014, disposent désormais qu'en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée, une telle prérogative relève nécessairement des juges saisis du fond du litige ;

- cependant, le juge des référés peut toujours examiner si, avec l'évidence requise en référé, un locataire est devenu occupant sans droit ni titre à la suite d'un congé du bailleur, à la condition que les contestations élevées sur le congé ne le conduisent pas à constater l'existence de contestations sérieuses ou d'un trouble qui ne serait pas "manifestement illicite" ;

- en l'espèce, l'appelante argue de ce que le congé délivré trouverait en réalité son origine dans sa mésentente avec les bailleurs et de ce que les lieux qu'elle occupe seraient indécents, ce qui l'amènerait à contester et demande la suspension des loyers, outre le paiement par les intimés du paiement de la somme de 8.680 euros, calculée en tenant compte d'une réfaction de 20% du montant versé depuis le 23 mai 2016 jusqu'au 1er juillet 2021 ;

- étant rappelé que la vérification de la réalité du motif du congé échappe au juge des référés, il sera observé que Mme [H] est devenue occupante sans droit ni titre des lieux loués depuis le 1er juillet 2021, l'ordonnance rendue ne pouvant qu'être confirmée sur ce point ;

- l'ordonnance rendue sera par conséquent confirmée également en ce qui concerne l'expulsion ordonnée de la locataire, sans qu'il n'y ait lieu de l'assortir d'une astreinte, la demande des intimés sur ce point étant rejetée ;

- s'agissant de l'indemnité d'occupation, les intimés demandent à ce qu'elle soit fixée à la somme de 2.000 euros majorée des charges locatives et impôts mais cependant, Mme [H] ne peut être tenue qu'au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle, qu'il convient de fixer au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, augmenté des charges et accessoires, sans la majoration, d'ailleurs non explicitée dans son quantum par les bailleurs ;

- par ailleurs, les photographies que Mme [H] produit, montrant des dommages affectant les fenêtres, murs et plafonds ne sont pas datés et ne peuvent sérieusement être rattachées aux lieux, alors que la société Swisslife dans sa lettre du 11 juillet 2016, relève des "dommages aux embellissements d'origine au droit de la chambre, séjour et couloir", l'origine du sinistre (infiltrations par façade) selon elle ne relevant pas de la convention CIDRE ;

- les intimés sur ce point justifient par la productions des courriels échangés, notamment avec le syndic de l'immeuble que des travaux de mise hors d'eau de la façade ont bien été réalisés en 2019 par la copropriété, de sorte que l'existence ou la persistance d'humidité alléguée par Mme [H] de même que l'indécence des lieux ne sont pas démontrés ;

- la demande de Mme [H] tendant à voir suspendre les loyers dus et à se voir allouer une provision de 8.680 euros, calculée dans les conditions ci-dessus rappelées ne relève donc pas du juge des référés et l'ordonnance rendue sera confirmée de ce chef ;

- enfin, sont sollicités en outre des délais de paiement pour quitter les lieux mais toutefois, Mme [H], qui est occupante sans droit ni titre depuis le 1er juillet 2021, ne produit aucun justificatif de ses recherches de logement, ni de sa situation personnelle et financière, de sorte qu'il n'est pas démontré que cette situation justifierait l'octroi de délais.

Dans ces conditions, l'ordonnance rendue sera confirmée en toutes ses dispositions.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, chaque partie conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Constate que M. [Z] dispose de la qualité pour agir ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/06167
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;22.06167 ?
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